15ème législature

Question N° 841
de M. Sébastien Huyghe (Les Républicains - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Ville et logement

Rubrique > gens du voyage

Titre > Accueil des gens du voyage dans le sud de la métropole lilloise

Question publiée au JO le : 03/12/2019
Réponse publiée au JO le : 11/12/2019 page : 11920
Date de changement d'attribution: 10/12/2019

Texte de la question

M. Sébastien Huyghe appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les obligations liées à la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (dite « loi Besson ») dans le sud de la Métropole européenne de Lille (MEL). Le territoire de certaines des communes concernées se trouve partiellement ou totalement sur des champs captants qui ont récemment été sanctuarisés par la MEL à la demande du préfet de région. Cette sanctuarisation se traduit par un gel de toute construction nouvelle. Certains projets d'aires d'accueil se trouvent par conséquent en voie d'abandon, ce qui laisse plusieurs communes sans solution alternative. Par ailleurs, le manque de coordination des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage du Nord et du Pas-de-Calais suscite des incohérences, plusieurs aires étant projetées à quelques kilomètres les unes des autres. Il lui demande donc de lui préciser la position du Gouvernement relativement aux communes soumises aux obligations de la « loi Besson », mais qui se trouvent dans la situation précitée. Il lui demande également si une coordination des schémas départementaux est réalisée dans les Hauts-de-France afin d'éviter qu'une même commune ne se trouve à proximité immédiate de deux aires d'accueil.

Texte de la réponse

ACCUEIL DES GENS DU VOYAGE DANS LE SUD DE LA MÉTROPOLE LILLOISE


Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour exposer sa question, n°  841, relative à l'accueil des gens du voyage dans le sud de la métropole lilloise.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, le sud-ouest de la métropole européenne de Lille est touché, depuis de nombreuses années, par des occupations illégales de terrains publics ou privés par des communautés de gens du voyage. Ces occupations s'accompagnent trop souvent de dégradations, de menaces, voire de violences à l'égard des riverains, des propriétaires de terrains ou, même, des élus. Le territoire en question, qui est limitrophe du Pas-de-Calais, se voit parallèlement dans l'obligation d'aménager 300 places en aires de grand passage et 55 places en aires d'accueil.

Or le territoire d'une bonne partie de ces communes se trouve partiellement ou totalement sur les champs captants qui alimentent la métropole en eau. Afin de préserver cette ressource particulièrement fragile, le préfet de région a demandé, au début de l'année, la sanctuarisation de ces terres. Les communes concernées ont donc été contraintes de renoncer à tout projet de développement. Elles ont ainsi dû faire une croix sur des aménagements nouveaux au service de leur population, sur des contournements routiers, voire sur l'arrivée de nouvelles entreprises.

Il semble évident que les projets d'aire d'accueil ou de grand passage sont eux aussi concernés. Le schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage pour les années 2019 à 2025 précise d'ailleurs : « L'État veillera, sur les secteurs concernés par la préservation des champs captants, à faire porter la prescription par défaut sur les communes les moins impactées ».

Les communes qui se trouvent dans cette situation ne peuvent se conformer aux obligations fixées par la loi dite Besson sans contrevenir à la prescription préfectorale. Dès lors, monsieur le ministre, devons-nous considérer qu'elles seront dispensées de ces obligations ? Si tel est le cas, pouvez-vous me confirmer qu'elles pourront bénéficier d'une procédure accélérée en cas de stationnement illicite de communautés de gens du voyage ?

Par ailleurs, l'absence de coordination entre les schémas départementaux du Nord et du Pas-de-Calais est source d'incohérences. La commune de La Bassée, située dans le Nord, qui est dans l'obligation de créer une aire de grand passage de 150 places, est de facto concernée par le projet d'aire d'accueil de la commune de Douvrin, située dans le Pas-de-Calais. En effet, cette aire d'accueil serait réalisée à proximité immédiate du centre-ville de La Bassée.

Le schéma départemental pour les années 2019 à 2025 rappelle que la coordination doit être assurée par les services de l'État. Pour indispensable qu'elle soit, cette coordination est inexistante à ce jour. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, quelles actions vous entendez engager afin de la favoriser ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Je réponds aux différentes questions que vous avez posées, monsieur Huyghe.

Premièrement, le processus de révision du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage – ces schémas ont été prévus par la loi dite Besson, que vous avez mentionnée – a été engagé, dans le Nord, en janvier 2018. Il a donné lieu à une large concertation, à l'occasion de conférences territoriales qui se sont tenues dans plusieurs arrondissements du département – j'imagine que vous y avez participé. Je peux en tout cas vous rassurer sur un point : la question de la préservation des champs captants imposée à la métropole européenne de Lille a évidemment été prise en considération par le préfet du Nord dans le cadre de l'élaboration du futur schéma départemental.

Deuxièmement, il existe une différence entre les aires d'accueil et les aires de grand passage. Les premières ayant une vocation de longue durée, leur aménagement peut impliquer une imperméabilisation importante du site ; il n'en va pas de même pour les secondes. Je m'engage à ce que le futur schéma départemental comporte des préconisations et des prescriptions concernant les aires de grand passage. Je souhaite rassurer les élus locaux : le schéma intégrera l'ensemble des problématiques et ne laissera aucun établissement public de coopération intercommunale dans une situation de non-conformité avec ses obligations.

Troisièmement, s'agissant de la coordination interdépartementale, je tiens à vous indiquer que les préfets du Nord et du Pas-de-Calais ont engagé un travail de mise en cohérence des schémas départementaux. Le futur schéma départemental du Nord tiendra compte des caractéristiques géographiques des communes situées à proximité immédiate de communes du Pas-de-Calais et précisera, après échange avec le préfet du Pas-de-Calais, qu'une double solution pourra être recherchée, consistant à privilégier, d'une part, la notion de secteur dont relève la commune considérée et, d'autre part, une logique interdépartementale avec le Pas-de-Calais. Nous essaierons de faire preuve du plus grand pragmatisme. Dans le cas que vous avez cité, cela supposera, outre l'engagement de la commune concernée, un consensus avec les autres communes des deux départements situées dans le même secteur.

Les deux préfets de département sont mobilisés. Ils sont à votre disposition pour approfondir la question et répondre à vos inquiétudes.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Puissiez-vous être entendu, monsieur le ministre ! Je me dois de vous signaler le grand émoi ressenti par les maires du secteur en raison du télescopage, si je puis dire, entre les différentes obligations qui incombent aux territoires, en particulier lorsque ceux-ci sont limitrophes d'un autre département.

Cette question m'offre l'occasion d'élargir le propos : votre majorité a malheureusement vidé de sa substance une proposition de loi sénatoriale portant sur les gens du voyage. Je voudrais que nous examinions de nouveau ce sujet. En effet, les occupations illégales ne cessent de prendre de l'ampleur, et on constate une montée des tensions qui risque d'aboutir à des violences.

J'ai déjà appelé l'attention du Gouvernement sur le paroxysme que ces tensions atteignent : il est tel que nous aurons un jour un mort à déplorer, dans la communauté des gens du voyage ou parmi les riverains. Il est nécessaire d'approfondir la législation pour résoudre ces difficultés.