FINANCES DES COMMUNES DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Letchimy, pour exposer sa question, n° 850, relative aux finances des communes des collectivités d'outre-mer.
M. Serge Letchimy. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, les maires des communes d'outre-mer ne cessent de dénoncer la péréquation nationale qui leur est très défavorable, comme vous le savez. Le manque à gagner par rapport aux communes de l'Hexagone, dont le montant se situe entre 85 et 200 millions d'euros par an, explique les difficultés des collectivités d'outre-mer.
On estime ainsi que 84 % des communes de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane sont en difficulté financière. J'en prends trois exemples. La commune de Basse-Pointe perd 300 000 euros de recettes, celle de Sainte-Marie, environ 900 000 euros, celle de Fort-de-France autour de 2 millions d'euros, alors que le taux de chômage global dans ces départements s'élève à environ 20 %, et celui des jeunes à environ 52 %.
Par ailleurs, l'absence de compensation de la contribution au redressement des finances publiques prélevée depuis 2012 a des effets catastrophiques ; elle représente une perte de recettes globale de 284 millions d'euros pour l'outre-mer.
Dans le même temps, paradoxalement, les dotations dont bénéficient les communes de l'Hexagone ont augmenté, de 600 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine – DSU– et de 400 millions d'euros pour celle de solidarité rurale, accentuant l'écart avec les communes d'outre-mer.
Le Président de la République s'était engagé à prendre des mesures de rattrapage en faveur des outre-mer pour un montant de 85 millions d'euros d'ici à l'année 2020. Or le comité interministériel des outre-mer – CIOM – en a décidé autrement. Cet objectif ne sera donc finalement atteint qu'en cinq ans, et la somme affectée en 2020 ne sera que de 18 millions d'euros.
Monsieur le ministre, où est l'erreur ? Pourquoi ce traitement ? Les communes d'outre-mer et celles de l'Hexagone sont soumises aux mêmes règles comptables par les chambres régionales des comptes – ce que nous comprenons parfaitement –, pourtant, elles ne sont pas traitées de manière égale.
Je demande donc, premièrement, qu'un système de péréquation équitable soit rétabli, deuxièmement que le montant de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer – DACOM – soit augmenté, en y intégrant le réajustement du montant du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC.
Cela permettrait aux communes d'outre-mer de résoudre une double équation : celle du besoin de progrès et de développement, mais aussi celle de la lutte contre un sous-développement absolument insupportable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Monsieur Letchimy, vous posez deux questions bien précises. Permettez-moi d'abord de vous répondre sur les propos du Président de la République que vous avez évoqués. Comme vous l'avez indiqué – je vous en remercie –, il a imposé le constat suivant : la péréquation ne permet pas de lutter contre les injustices ou les inégalités territoriales, dans un contexte où les dotations ne sont pas réparties de la même manière dans les territoires ultramarins et dans le territoire métropolitain.
Le Président a par ailleurs fixé une feuille de route afin qu'un rattrapage puisse avoir lieu à hauteur de 85 millions d'euros. Il peut y avoir des désaccords sur le chemin à parcourir pour parvenir à ce résultat ; l'essentiel est que votre propos ait été pris en compte, et au plus haut niveau de l'État, puisque le Président de la République lui-même partage ce constat, et a indiqué le chemin à suivre.
Aujourd'hui, les péréquations dont bénéficient les communes d'outre-mer dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement – DGF – et du FPIC sont dérogatoires au droit commun, car elles sont calculées selon des critères très spécifiques. Je vous rappelle par exemple que les effets de la perception de la contribution au redressement des finances publiques n'ont pas été atténués de la même façon dans les communes de métropole et celles d'outre-mer.
Vous avez raison, en métropole, la péréquation est progressive, de manière à cibler les communes les plus fragiles, alors qu'en outre-mer, les règles de répartition, notamment de la DACOM ont conduit à attribuer les mêmes montants par habitant à toutes les communes. Cette différence, qui a ses justifications, explique que la péréquation ne s'applique pas de la même manière en métropole et en outre-mer, avec les conséquences que vous avez évoquées.
Quoi qu'il en soit, le Président de la République a pris un engagement : le niveau des dotations versées aux communes des départements d'outre-mer doit rattraper celui des autres communes. La démarche a été engagée dans le projet de loi de finances pour 2020, avec un objectif de versement de 85 millions d'euros sur cinq ans, fixé notamment à la suite des propositions du comité des finances locales.
En 2020, une première tranche d'un peu moins de 20 millions d'euros contribuera à ce rattrapage. Je souligne que les moyens nouveaux seront attribués dans leur intégralité à une dotation de péréquation ciblant prioritairement les communes les plus fragiles – car il faut qu'elles tirent en priorité les bénéfices du chemin que nous empruntons.
En outre, suite aux recommandations formulées par votre collègue Jean-René Cazeneuve et par le sénateur Georges Patient, dans le cadre de leur mission sur les finances des collectivités locales en outre-mer, cette dotation sera répartie en fonction d'indicateurs spécifiques de ressources, mais aussi de charges – tel que le nombre d'enfants par commune –, afin de prendre en compte au mieux les spécificités des besoins des communes d'outre-mer.
Le rapport que ces deux parlementaires remettront prochainement au Premier ministre contiendra d'autres propositions, nous permettant de poursuivre ce débat. Nous partageons les mêmes objectifs ; les divergences ne portent que sur le chemin pour y parvenir. Quoi qu'il en soit, nous voulons aller le plus vite possible.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge Letchimy. Merci, monsieur le ministre, pour votre sincérité et la franchise de vos propos. Je demande simplement d'envisager d'étaler le versement sur deux ans et non sur cinq ans. Cela permettrait aux communes concernées de disposer de 20 millions d'euros immédiatement, puis de 60 millions d'euros l'an prochain. Vous respecteriez l'important engagement pris par le Président de la République.