15ème législature

Question N° 853
de Mme Valérie Rabault (Nouvelle Gauche - Tarn-et-Garonne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > politique extérieure

Titre > accord sur le nucléaire iranien

Question publiée au JO le : 10/05/2018
Réponse publiée au JO le : 10/05/2018 page : 3652

Texte de la question

Texte de la réponse

ACCORD SUR LE NUCLÉAIRE IRANIEN


M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe Nouvelle Gauche.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, nous avions un monument de diplomatie : l'accord sur le nucléaire iranien, obtenu grâce à la ténacité de François Hollande et de Laurent Fabius lors du précédent quinquennat. Nous avons l'impression que vous le regardez, impuissant, s'effondrer sous nos yeux. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Hier soir, nous avons entendu le Président de la République appeler à « travailler collectivement à un accord plus large », comme si la France voulait faire une concession à Donald Trump…

M. Patrick Hetzel. Vous avez raison, c'est un reniement !

Mme Valérie Rabault. …alors que l'enjeu est de réaffirmer la solidité de cet accord. Car ce dernier tient toujours.

Monsieur le Premier ministre, la diplomatie du sourire au président Trump a montré ses limites. Il serait temps de reconnaître que la solution n'est pas la mise en scène d'une connivence avec les uns et les autres – cela vaut tant pour la Syrie que pour l'Iran, car il y va de la sécurité mondiale. La diplomatie doit être celle des actes. Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de réaffirmer la solidité de cet accord et le soutien de la France à ce dernier.

Ce qui s'est passé hier soir jette aussi un doute sur votre stratégie européenne. Nous attendions que la France parle au diapason de l'Union européenne. Nous sommes fiers que la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ait dit clairement : « Ne laissez personne démanteler cet accord. C'est l'une des plus belles réussites jamais réalisées de la diplomatie, et nous l'avons construite ensemble. » Dans le même temps, le Président de la République tweetait vouloir élargir cet accord.

Monsieur le Premier ministre, nous vous le demandons solennellement : jouez collectif avec l'Europe ! Réaffirmez la solidité et la validité de cet accord ! Soutenez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Rabault, vous m'interrogez sur l'accord sur le nucléaire iranien. Vous avez raison, cet accord est le fruit de négociations très longues et très difficiles, dans lesquelles la diplomatie française s'est illustrée, avec d'autres, à une époque où notre allié américain était favorable à la conclusion d'un accord – il fallait le convaincre, l'encourager, mais le président des États-Unis d'Amérique de l'époque y était favorable.

Il n'a échappé à personne que la situation actuelle est différente. Le président des États-Unis a fait le choix – à notre grand regret à tous, je dois le dire – de sortir progressivement des accords multilatéraux.

M. Olivier Faure. Pas progressivement !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Si, progressivement ! Il est d'abord sorti de l'accord de Paris, et ainsi de suite.

Mme Christine Pires Beaune. Il l'avait annoncé lors de la campagne électorale !

M. Sébastien Jumel. Vous auriez dû dire : « méthodiquement »…

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Il n'est pas favorable à la conclusion d'accords multilatéraux et veut sortir des accords existants. Ce n'est pas la ligne de la France, et le Président de la République a eu l'occasion de le dire au président américain, en tête à tête et publiquement.

Le président des États-Unis a pris une décision. C'est une décision souveraine, que nous regrettons, nous l'avons dit publiquement, mais qui existe. Condamne-t-elle l'accord ? À l'évidence, ce n'est pas une bonne nouvelle, mais elle ne le condamne pas encore.

Mme Valérie Rabault. Il faut le dire !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Les autorités iraniennes ont d'ailleurs indiqué qu'elles attendaient une réponse des Européens pour savoir si elles restaient dans l'accord. Nous avons dit nous-mêmes que le retrait américain n'entraînait pas la mort de cet accord et qu'il fallait se battre pour qu'un cadre multilatéral négocié, discuté, puisse à la fois offrir des garanties de contreparties aux Iraniens et nous permettre de vérifier que ces derniers ne poursuivent pas le programme nucléaire dont vous conviendrez probablement, madame la présidente Rabault, qu'il serait dangereux pour l'ensemble de la région qu'il aille jusqu'à son terme.

Telle est la position de la France, qui n'est pas une position solitaire, madame la présidente : dès hier soir, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui sont tous les trois parties à l'accord, ont indiqué dans une position commune quelles étaient leurs ambitions. Je me réjouis de cette position commune, qui est indispensable : elle ne garantit pas le succès, madame la présidente, mais elle en est une condition. Avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sous l'autorité du Président de la République, nous voulons poursuivre nos discussions avec nos partenaires naturels que sont l'Allemagne et le Royaume-Uni pour faire en sorte de préserver le cadre multilatéral de nos relations avec l'Iran et de sécuriser l'avenir de notre présence économique en Iran – la présence économique française, mais aussi plus largement la présence économique européenne. Nous voyons bien qu'il s'agit là d'un enjeu absolument considérable.

Ce qui se joue, madame la présidente, dans cette affaire du retrait américain et de l'avenir de la négociation multilatérale avec l'Iran, n'est pas accessoire ou mineur : c'est même, à bien des égards, un élément absolument majeur pour le monde qui vient et que nous construisons. C'est la raison pour laquelle je réponds très sérieusement à votre question, madame la présidente Rabault. Évidemment, chacun est libre de ses propos, mais compte tenu de l'ampleur de la discussion, je ne crois pas utile d'en profiter pour essayer de tenir, çà et là, un discours qui aurait finalement pour objectif principal d'alimenter une polémique sur la scène intérieure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)