15ème législature

Question N° 854
de M. Éric Ciotti (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > terrorisme

Titre > lutte contre le terrorisme

Question publiée au JO le : 16/05/2018
Réponse publiée au JO le : 16/05/2018 page : 3778

Texte de la question

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LE TERRORISME


M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains.

M. Éric Ciotti. Monsieur le Premier ministre, samedi soir, comme vient de le dire le président de l'Assemblée nationale, Ronan est tombé dans une rue de Paris, victime du terrorisme islamiste. Il est la 246e victime de cette barbarie depuis le 7 janvier 2015. Une nouvelle fois, ce soir-là, les policiers ont été exemplaires de maîtrise et de courage. Une nouvelle fois, nos services de renseignement avaient préalablement effectué avec efficacité leur travail. Je veux en cet instant leur rendre l’hommage qu’ils méritent et avoir une pensée pour les victimes. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Nous devons cependant, monsieur le Premier ministre, convenir ensemble qu’une nouvelle fois, nos institutions ont été impuissantes, défaillantes, pour empêcher cet individu de passer à l’acte. Il ne s’agit pas ici de porter à votre endroit une quelconque accusation – nous mesurons la difficulté de la tâche –, mais simplement de constater que les méthodes d’hier ont échoué et qu’il convient enfin d’en changer.

M. Thibault Bazin. Il a raison !

M. Éric Ciotti. Dans un esprit d’unité nationale, comme l’a d’ailleurs fait le président de notre formation politique, Laurent Wauquiez, auprès du Président de la République, nous vous demandons solennellement de nous écouter et de répondre enfin aux propositions que nous avons maintes fois formulées et répétées, mais que, jusqu’à présent, vous avez systématiquement rejetées.

Nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, de rétablir l’état d’urgence, d’expulser systématiquement les étrangers inscrits au FSPRT – le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste –, de placer en rétention les individus les plus dangereux et d’interdire le retour en France de ceux qui ont combattu contre la France.

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

M. Éric Ciotti. Nous vous demandons, tout simplement, des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, sur quelques bancs du groupe UDI-Agir et parmi les députés non inscrits.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Comme vous, monsieur Ciotti, je voudrais avoir une pensée pour la victime de l'attentat terroriste de samedi dernier, pour sa famille, pour ses proches, pour tous ceux qui découvrent, après de si nombreux exemples, ce qu’est la rupture brutale, insupportable, traumatisante avec l’un de leurs proches, à la suite d’un acte délibéré, terroriste, perpétré par un ressortissant français adhérant aux thèses mortifères du terrorisme islamiste.

Comme vous, monsieur le député, et peut-être, si vous le permettez, d’une façon encore plus appuyée – mais je sais que nous nous retrouvons sur ce point –, je voudrais rendre hommage aux forces de l'ordre, à toutes les forces de l’ordre.

Je rends hommage, bien sûr et avant tout, aux trois fonctionnaires de police de la patrouille envoyée après un appel au poste de police-secours à vingt heures quarante-six, qui, dans les neuf minutes qui ont suivi ce premier appel, se sont rendus sur place et sont intervenus avec une maîtrise notable. Ils ont commencé à vouloir neutraliser l’assaillant en utilisant un pistolet à impulsions électriques, dit « taser » et, après deux tentatives, alors que l’assaillant se dirigeait vers l’un des fonctionnaires de police en brandissant son couteau, l’ont neutralisé par un tir mortel.

Ces trois fonctionnaires de police sont jeunes - celui qui a tiré était titularisé depuis moins d’un an dans la police - et ils ont démontré une maîtrise de leur armement, un sang-froid et des qualités qui font honneur, à l’évidence, à tous ceux qui concourent à l’ordre dans notre pays et à tous ceux qui veulent protéger les Français, quelles que soient leurs fonctions. Ces trois fonctionnaires de police s’inscrivent dans la lignée des gendarmes qui sont intervenus à Trèbes, dans l’Aude, voilà quelques semaines. Ce sont les policiers de première ligne, et nous avons tous conscience ici, je l’espère, que nous leur devons beaucoup, en permanence et quelles que soient les circonstances. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Monsieur le député, nous pensons – et, de ce point de vue, nous différons dans l’analyse et les réponses que nous apportons à la question – que la meilleure façon de lutter contre le terrorisme islamiste, que vous dénoncez à juste titre et que je dénonce tout autant, ce sont le travail des femmes et des hommes, le travail de renseignement, dont vous avez dit à juste titre qu’il avait été bien effectué, la capacité d’intervention et l’équipement des policiers et des gendarmes qui interviennent, les effectifs et la formation. Et nous nous sommes engagés, avec le Parlement, dans le cadre d’un dispositif législatif qui va durer cinq ans, à augmenter le nombre de ceux qui servent dans les forces de police et de gendarmerie ainsi qu'à la DGSI – la direction générale de la sécurité intérieure –, car ce travail est essentiel.

Vous nous interrogez, monsieur le député, sur l’attention que nous prêtons à vos propos : elle est complète, totale, et je réponds bien volontiers à votre proposition. Vous nous dites que nous n’aurions pas dû sortir de l’état d’urgence et que nous devrions y revenir, mais vous connaissez ces sujets : qui, dans cet hémicycle, peut croire une seconde que l’état d’urgence aurait permis d’éviter en quoi que ce soit qu’un individu isolé utilise un couteau et passe à l’acte ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

M. Éric Ciotti. Vous n'en savez rien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous savez comme moi, monsieur le député, que, sous l’empire de l’état d’urgence, un grand nombre d’actes au bilan autrement plus lourd ont été commis et que le passage à l’état d’urgence produisait certes un effet mais n’a jamais interdit un acte isolé, ni même la commission d’attentats bien plus graves.

En sortant de l’état d’urgence, nous avons souhaité doter l’arsenal juridique français des instruments qui nous semblaient nécessaires pour garantir ce niveau de sécurité.

M. Christian Jacob. Vous l'avez réduit !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous savez parfaitement, comme moi, monsieur Ciotti, que, depuis la sortie de l’état d’urgence, nous sommes intervenus et avons empêché la commission d’attentat. Évidemment, quand on empêche la commission d'un attentat, c'est peu spectaculaire et même parfois tellement discret que personne ne le sait. Mais vous savez comme moi que cela arrive régulièrement et que c'est dû à l’excellent travail des services. Je ne crois pas, monsieur le député, que la réponse à un attentat passe nécessairement par une loi nouvelle ou un dispositif nouveau.

Vous nous dites d’enfermer les fichés S. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Vous savez parfaitement ce que sont les fichés S, ce qu’est une fiche S.

M. Christian Jacob. Écoutez nos propositions au moins une fois !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous les écoutons et je m'efforce d'y répondre.

L’internement sur la simple basse base d’un signalement n’a pas de cohérence, n’obtient pas l’effet recherché. Jusqu’à quand doit-il durer, dès lors qu’aucun acte n'est commis ? Indéfiniment ? Cette mesure ne convient pas. Nous voulons donc, monsieur le député – j'insiste sur ce point –, nous montrer extrêmement soucieux du respect du droit et des valeurs qui figurent dans notre Constitution, extrêmement soucieux de la sécurité de nos concitoyens,…

M. Fabien Di Filippo. C'est raté !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …en dotant toujours mieux en moyens humains, en formation, en matériel et en budget l’ensemble de la chaîne qui concourt à la sécurité.

Voilà notre réponse, monsieur le député. Elle est sérieuse, claire et ferme. Nous ne céderons rien à ceux qui veulent remettre en cause ce que nous sommes : une grande démocratie, une République. Nous sommes absolument déterminés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)