Politique de la ville
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Mme Danièle Obono attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur le déploiement des dispositifs de politique de la ville et les difficultés rencontrées dans de nombreux quartiers.
Réponse en séance, et publiée le 8 janvier 2020
POLITIQUE DE LA VILLE
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, n° 857, relative à la politique de la ville.
Mme Danièle Obono. Monsieur le ministre, en 2015, date du lancement du contrat de ville entre l'État et la collectivité parisienne, dans le quartier de la Goutte-d'or, dans le 18e arrondissement, plus d'un quart de la population vivait sous le seuil de pauvreté et 17 % des jeunes étaient en décrochage scolaire. À La Chapelle-Charles Hermite, autre quartier prioritaire du 18e, 30 % des habitants et habitantes avaient moins de 25 ans, 18 % étaient au chômage et 50 % sans diplôme.
En 2019, le bilan du contrat de ville dressé par l'Atelier parisien d’urbanisme est sans appel : à la Goutte-d'or comme à La Chapelle-Charles Hermite, on constate que la pauvreté et le chômage augmente, que la part de jeunes en difficulté d'insertion professionnelle reste particulièrement importante, et que les problèmes de mal-logement sont endémiques, pour ne prendre que quelques exemples. Il faut ajouter à cela les conséquences du mauvais accueil des personnes migrantes, et notamment des mineurs non accompagnés, abandonnés à la rue et à tous ses dangers, ainsi que l'insuffisance du traitement sanitaire et social de l'épidémie de consommation de crack qui sévit dans ces quartiers.
Malgré de nombreuses interpellations des pouvoirs publics depuis deux ans – les miennes et celles des associations et collectifs d’habitants –, ni les exécutifs locaux ni l'exécutif national n'apportent de réponse à la hauteur de la situation. La communication sécuritaire autour des évacuations de campements de migrants, qui se recréent aussitôt faute de solutions pérennes à la question de l'hébergement de ces personnes, ou la création à grand renfort de médiatisation de quartiers dits « de reconquête républicaine », qui s’ajoutent aux « zones prioritaires » existantes, ne traitent pas les causes structurelles des problématiques locales.
Par ailleurs, alors que l'État devrait l'augmenter, le budget de la politique de la ville pour 2020 a été diminué de 10,5 millions d'euros par rapport à 2019. Et, en matière de politique urbaine, vous favorisez, avec la Ville de Paris, ce que de nombreux chercheurs, associations et mouvements politiques considèrent comme un double mouvement de gentrification et de paupérisation, qui pousse les classes populaires hors de la capitale.
Une remise en cause profonde des politiques menées dans ces quartiers s'impose. Monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, êtes-vous prêt à soutenir auprès de votre majorité la demande de création d'une commission d'enquête sur le bilan des politiques de la ville en matière de logement, d'accompagnement social et de maintien de la tranquillité publique – commission réclamée par de nombreuses associations locales, parmi lesquelles l'association SOS La Chapelle – que je me propose de déposer auprès de cette assemblée ?
La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Madame la députée, le texte initial de votre question, transmis au Gouvernement, était très succinct. Je n'ai donc pas d'éléments chiffrés à vous communiquer sur les quartiers de votre circonscription. Si le texte avait été plus complet, j'aurais sans doute pu vous apporter des réponses précises ; cela n'étant pas le cas, permettez-moi d'être spontané.
Je partage en partie votre constat : il est dur et doit nous appeler à l'humilité collective, tant la situation s'est dégradée ces dernières années, et même depuis plusieurs décennies. De plus, pour avoir été maire d'une commune bénéficiant de la politique de la ville – sans connaître le même degré de difficulté que les quartiers de votre circonscription, j'en conviens –, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut s'attaquer aux causes structurelles de ces difficultés. Néanmoins, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement ne s'en prend pas à plusieurs d'entre elles.
La première est le logement. Rappelez-vous la situation de l'ANRU – Agence nationale pour la rénovation urbaine – en 2017, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, et comparez-la avec celle d'aujourd'hui, où près de 8 milliards d'euros ont été engagés sur plus de 300 projets. Rappelez-vous l'action déterminante de Jean-Louis Borloo sur la question. Il est indéniable que le logement est une question structurante sur laquelle nous devons avancer. Prenons le cas des copropriétés dégradées, problème sur lequel personne n'est jamais véritablement intervenu ces dernières années alors qu'on sait pertinemment que les victimes en sont les populations les plus fragiles : là encore, 3 milliards d'euros ont été débloqués sur dix ans pour 56 000 logements.
L'autre chantier structurant est celui de l'éducation. On ne peut passer sous silence le succès qu'a constitué le dédoublement des classes de CP et de CE1 des REP et REP+ – réseaux d'éducation prioritaire et réseaux d'éducation prioritaire renforcés. En 2017, dans ma commune, on regardait cette affaire avec beaucoup de circonspection ; aujourd'hui, ni la communauté éducative ni les parents d'élèves ne songent à revenir en arrière sur ce dédoublement inédit, sur lequel Jean-Michel Blanquer s'est beaucoup investi. Le dispositif des Cités éducatives progresse, lui aussi. Allons-nous suffisamment vite ? C'est un autre débat. Quoi qu'il en soit, la réalité, c'est que des propositions sont sur la table et qu'elles avancent.
Sans m'attarder sur un sujet gigantesque, je tiens évidemment à mentionner la sécurité, qui n'est pas qu'une affaire de renfort médiatique, ou encore la laïcité et la lutte contre le communautarisme. Vous avez, comme moi, entendu les vœux du Président de la République : des annonces importantes seront faites sur le sujet dans les prochaines semaines. Je pourrais également parler de la santé et des maisons de services au public dans ces quartiers, si je n'étais pas pressé par le temps.
Il ne m'appartient pas de vous répondre concernant la création d'une commission d'enquête, mais le Parlement peut contrôler la politique du Gouvernement sans passer par ce biais.
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 décembre 2019