Question orale n° 859 :
Guichets dans les préfectures

15e Législature

Question de : Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise

Mme Clémentine Autain interroge M. le ministre de l'intérieur sur la dématérialisation des guichets en préfecture. Dans son rapport de 2019 sur la « dématérialisation des démarches administratives », le Défenseur des droits écrit que « si une seule personne devait être privée de ses droits du fait de la dématérialisation d'un service public, ce serait un échec pour notre démocratie et pour l'État de droit ». En Seine-Saint-Denis, la dématérialisation des guichets en préfecture a compliqué l'accès à leurs droits pour de très nombreuses personnes, et Mme la députée ne compte plus le nombre d'administrés qui sollicitent son aide pour obtenir ne serait-ce qu'un rendez-vous. L'administration se montre défaillante lorsqu'elle est inaccessible. Ici, l'impossibilité de prendre des rendez-vous auprès de la préfecture atteint des proportions telles que le Réseau éducation sans frontières (RESF) a estimé que l'attente pouvait s'étaler jusqu'à huit mois. Et les répercussions sont nombreuses : obstacle à l'obtention des papiers (avec toutes les conséquences que l'on imagine), recommandations parfois contradictoires, maintien en situation administrative précaire, développement de marchés parallèles pour la facturation de rendez-vous. La dématérialisation ne change finalement rien au problème de l'attente : elle ne fait que le dissimuler, ce qui revient à l'aggraver. Le rapport parlementaire de François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo a montré combien le département de la Seine-Saint-Denis était mis à mal par le retrait progressif de l'État et de ses services publics. Alors que des premières mesures ont été annoncées par le Gouvernement, elle lui demande si de nouveaux moyens seront affectés aux préfecture pour asseoir les principes d'égalité et de continuité du service public.

Réponse en séance, et publiée le 8 janvier 2020

GUICHETS DANS LES PRÉFECTURES
M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour exposer sa question, n°  859, relative aux guichets dans les préfectures.

Mme Clémentine Autain. Dans son rapport de 2019 sur la dématérialisation des démarches administratives, le Défenseur des droits écrit que « si une seule personne devait être privée de ses droits du fait de la dématérialisation d'un service public, ce serait un échec pour notre démocratie et pour l'État de droit ».

Ce constat, je le partage ; je le vis aussi pleinement, car en Seine-Saint-Denis, la dématérialisation des guichets en préfecture a compliqué l'accès aux droits de très nombreuses personnes. Je ne compte plus les administrés qui sollicitent mon aide afin d'obtenir un simple rendez-vous.

L'administration se révèle défaillante lorsqu'elle est inaccessible ou déshumanisée. Ici, la difficulté à prendre rendez-vous auprès de la préfecture atteint des proportions telles que le Réseau éducation sans frontière a estimé que l'attente pouvait durer jusqu'à huit mois. Les répercussions sont nombreuses : obstacles à l'obtention des papiers, avec toutes les conséquences que l'on imagine, recommandations contradictoires, maintiens en situation administrative précaire, développement d'un marché parallèle des créneaux de rendez-vous. La situation est également dramatique en matière d'égalité, puisque la dématérialisation peut profiter à des publics très inclus et, au contraire, accroître les difficultés sociales des personnes qui en rencontrent déjà par ailleurs.

La dématérialisation ne résout pas le problème de l'attente : elle ne fait que le dissimuler et l'aggraver. Le rapport parlementaire sur la Seine-Saint-Denis remis par François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo a montré combien ce département était mis à mal par le retrait progressif de l'État, des services publics. Des mesures ont été annoncées, mais je voudrais avoir une réponse à cette question simple : quand de nouveaux moyens seront-ils affectés aux préfectures afin d'asseoir les principes d'égalité et de continuité du service public, afin de ne pas faire défaut aux administrés, afin de permettre à ceux-ci d'accéder à leurs droits ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Madame la députée, vous voudrez bien excuser le ministre de l'intérieur et son secrétaire d'État, qui assistent aux commémorations de l'attentat contre Charlie Hebdo.

S'agissant de la délivrance des titres, permis de conduire, certificats d'immatriculation, le développement des téléprocédures dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » permet de mener à bien une procédure sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans déplacement en préfecture. Mais le ministère de l'intérieur a intégré le risque, que vous soulignez, que la dématérialisation des procédures mette en difficulté une partie des usagers, en particulier les publics isolés et vulnérables.

C'est pourquoi des points numériques équipés, aujourd'hui au nombre de 325, ont été mis en place au sein des préfectures et des sous-préfectures. L'usager peut y bénéficier de l'assistance d'un médiateur qui l'accompagne dans ses démarches en ligne. Des espaces numériques sont également accessibles dans les mairies, dans les maisons de services au public. Le dispositif d'accueil téléphonique créé par l'Agence nationale des titres sécurisés a été substantiellement renforcé, passant de 48 téléconseillers au début de l'année 2017 à l'équivalent de 261 téléconseillers au mois de décembre 2019.

Mme Clémentine Autain. À quelle échelle ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. S'agissant des titres étrangers, afin de faciliter les demandes des usagers et d'éviter les files d'attente, le ministère de l'intérieur a développé un outil de prise de rendez-vous qu'utilisent notamment les services préfectoraux de l'immigration et de l'intégration. Des pics exceptionnels de fréquentation ont pu compromettre ponctuellement l'accès à ce module, entre autres lors de la mise en ligne des calendriers de rendez-vous en préfecture. Pour y faire face, le débit d'accès des sites internet des préfectures a été accru de manière significative.

Ce module de rendez-vous fait en outre l'objet de développements complémentaires, permettant d'améliorer les conditions d'accueil grâce à une meilleure gestion des délais d'attente. Le ministère travaille également à son remplacement par un nouveau module, beaucoup plus performant.

Enfin, les services préfectoraux de l'immigration et de l'intégration font l'objet d'une attention particulière afin de pouvoir conserver, malgré la pression migratoire, des conditions satisfaisantes d'accueil et d'instruction des dossiers. Entre 2016 et 2019, 369 équivalents temps plein pérennes y ont été créés, alors que les préfectures en perdaient 1 500 durant la même période.

M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain. Je regrette que cette réponse ne prenne pas en considération le cas particulier de la Seine-Saint-Denis. Vous évoquiez les immigrés qui demandent des papiers ; je peux vous dire qu'à cet égard, la situation est dramatique. Il y a des personnes qui, le temps d'obtenir un rendez-vous, ont perdu la possibilité de faire valoir les droits qui auraient été les leurs si elles avaient eu ce rendez-vous plus tôt. Le même constat vaut pour d'autres sujets. J'aurais donc aimé une réponse spécifique à ce département, puisque nous y sommes dans une situation de rupture d'égalité.

De manière plus générale, votre réponse met l'accent sur le module de rendez-vous, c'est-à-dire sur l'amélioration d'un dispositif informatique. Nous avons au contraire besoin de réponses adaptées, personnalisées, et donc d'une présence humaine renforcée dans nos services publics.

Données clés

Auteur : Mme Clémentine Autain

Type de question : Question orale

Rubrique : Administration

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 décembre 2019

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