Question orale n° 86 :
Situation des EHPAD

15e Législature

Question de : Mme Jacqueline Dubois
Dordogne (4e circonscription) - La République en Marche

Mme Jacqueline Dubois attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation des EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) sur l'ensemble du territoire national et dans le département de la Dordogne en particulier. Ces établissements souffrent d’un manque de personnel qui affecte leur bon fonctionnement et remet en question la qualité de l'accompagnement de la dépendance ou la garantie pour les aînés de bénéficier de soins médicaux adaptés. Malgré leur grand dévouement, les personnels ne sont souvent pas en mesure de mener à bien leur mission. Alors que la société est vieillissante, la prise en charge des aînés ne peut pas être défaillante. C'est un défi que nous devons relever dès maintenant, et cela nécessite de réétudier le problème : coût pour les résidents, augmentation du nombre de places d'accueil et surtout le taux effectif d'encadrement. Elle lui demande de lui préciser les leviers d'action envisagés pour permettre l'accompagnement que méritent les personnes âgées dépendantes en EHPAD.

Réponse en séance, et publiée le 24 janvier 2018

SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS D'HÉBERGEMENT POUR PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour exposer sa question, n°  86, relative à la situation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Mme Jacqueline Dubois. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, je souhaite partager avec vous ma très grande inquiétude concernant la situation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, sur l'ensemble du territoire national, et dans le département de la Dordogne en particulier.

Des familles de résidents, des personnels et des organisations syndicales m'ont alertée au sujet des difficultés importantes que connaissent plusieurs de ces établissements, difficultés que j'ai pu moi-même constater en visitant dernièrement quinze EHPAD publics et privés de ma circonscription.

C'est souvent un manque de personnel qui en affecte le fonctionnement. Cela remet en cause la qualité de l'accompagnement de la dépendance, ainsi que la garantie pour nos aînés de bénéficier de soins adaptés et prodigués au bon moment.

Le plan « Solidarité Grand âge » de juin 2006 et la loi de décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement fixent comme objectif un ratio de 0,65 soignant par résident, ratio qui doit être augmenté à 1 professionnel par résident pour les personnes âgées les plus malades et les plus dépendantes. Les données rassemblées ces dernières semaines par les syndicats, et plus particulièrement par Force ouvrière, font apparaître qu'actuellement en Dordogne, ce ratio n'est que de 0,2 soignant par résident, bien inférieur aux objectifs nationaux affichés.

Alors que notre société est vieillissante, la prise en charge de nos aînés ne peut être défaillante. C'est un défi que nous devons relever dès maintenant. Cela nécessite de réétudier le problème du reste à charge pour les résidents et d'augmenter le nombre de places d'accueil, permanent et temporaire.

Madame la ministre, nous sommes face à une crise, qui ne pourra qu'empirer si rien n'est fait pour changer la situation. Quels leviers d'action envisagez-vous d'actionner afin que nos parents et nos grands-parents démunis en raison de leur grande fragilité puissent bénéficier de l'accompagnement digne qu'ils méritent, et redonner ainsi un peu de sérénité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, vous avez raison, nous nous devons d'adapter nos EHPAD aux évolutions de la société, notamment aux évolutions démographiques : il y a 1,5 million de personnes âgées de plus de 85 ans aujourd'hui ; elles seront 5 millions d'ici à 2050 – ce qui signifie une prise en charge de plus en plus importante et complexe, notamment du fait de l'avancée en âge. Pour y répondre, il faut offrir des formations adaptées aux personnels. Vous vous en doutez, le vieillissement de la population et la situation des EHPAD sont des priorités pour mon ministère.

Je ne vais pas lister de nouveau l'ensemble des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui concernent les EHPAD – vous les connaissez : création de 4 500 places en EHPAD, ouverture de 1 500 lits temporaires, affectation de 100 millions d'euros au forfait de soins, création de plusieurs dizaines, voire centaines de postes d'infirmières de nuit. La réforme du financement des EHPAD engagée en 2017 sera en outre poursuivie ; elle prévoit plus de 430 millions d'euros d'investissements sur sept ans.

Je tiens à revenir sur les conditions de travail des personnels des EHPAD. Celles-ci sont souvent difficiles. C'est pourquoi j'ai lancé une mission portant sur la qualité de vie au travail et sur la formation afin que ces personnels puissent assurer dans les meilleures conditions leur mission au chevet de nos aînés.

Je souhaite aussi profiter de votre question, madame la députée, pour rassurer l'ensemble des personnels, des usagers et des familles. Je présenterai dans les prochains jours un plan d'actions, qui a été concerté avec l'ensemble des acteurs, afin de mieux accompagner les EHPAD. Ma volonté est de mettre en place un modèle d'organisation pérenne afin de garantir une offre de qualité sur l'ensemble du territoire, adaptée aux besoins des personnes.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Dubois.

Mme Jacqueline Dubois. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse encourageante. La qualité humaine de la direction joue aussi un rôle important dans le soutien des équipes et les relations avec les résidents et leurs familles. Je serais ravie de vous le démontrer si vous veniez nous rendre visite dans notre département.

En discutant avec les directeurs des EHPAD de ma circonscription, j'ai décelé une sorte d'anomalie. Les EHPAD du secteur privé disposent en effet d'une meilleure marge de manœuvre que ceux du secteur public : d'une part, leur tarif ajustable leur permet de compléter, si nécessaire, le taux d'encadrement ; d'autre part, en raison de leur statut relevant du régime général, le remplacement rapide des salariés n'entraîne pas de surcoût important pour l'établissement. Pour remplacer les personnels malades, les EHPAD publics sont quant à eux contraints d'avoir recours à une assurance privée d'un montant très élevé, qui ne couvre qu'une partie du coût pour l'employeur. J'ai découvert que certains EHPAD ne remplaçaient pas les personnels absents, avec des carences allant de huit à vingt-huit jours. Vingt-huit jours sans qu'un personnel soit remplacé ! La surcharge de travail pour les autres conduit à un plus grand nombre de blessures au travail et à l'épuisement.

Le taux d'absentéisme semble proportionnel au temps de non-remplacement. Lorsque le remplacement est rapide, il y a un faible taux d'absentéisme ; tel est le cas dans le secteur privé. Lorsque les remplacements se font difficilement, comme dans les EHPAD publics, on note une carence importante, avec un plus fort taux d'absentéisme.

Cette question de l'assurance que doivent contracter les EHPAD publics mériterait d'être sérieusement étudiée. On pourrait améliorer la couverture des établissements en engageant une réflexion sur la mutualisation des contrats ou une négociation sur le plan national.

Données clés

Auteur : Mme Jacqueline Dubois

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2018

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