SITUATION DE L'ENTREPRISE FERROPEM
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n° 885, relative à la situation de l'entreprise FerroPem.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Je vous présente à tous mes vœux pour l'année 2020.
Une industrie de pointe, fierté de l'électrométallurgie française, est en grand danger. Il s'agit de FerroPem, filiale du groupe américano-espagnol FerroGlobe, productrice de silicium et de ferrosilicium, implantée dans sept sites en France. Le contexte international, marqué par des turbulences, a conduit à une baisse de 30 % du cours du silicium depuis 2018, tandis que la demande chutait, quant à elle, de 25 % au cours de la même période. La dette de la société mère s'est creusée de façon abyssale ces derniers mois.
Pour pallier ces difficultés, cette dernière s'endette auprès de sa filiale française FerroPem en ayant recours à la méthode comptable, et contestable, du cash-pooling – centralisation de trésorerie : si les flux de FerroPem remontent bien vers FerroGloble, le principe de réversibilité n'est en rien effectif. La maison mère fait supporter ses difficultés à sa filiale française au risque de détruire l'emploi industriel. FerroPem n'est en effet plus en mesure d'honorer ses commandes et de payer ses fournisseurs. Ses retards de paiement s'élèvent à environ 37 millions d'euros. C'est donc un joyau industriel français et ses 1 000 emplois qui risquent de disparaître. Plusieurs sites sont déjà fermés et des centaines de salariés sont au chômage.
Avec mes collègues savoyards et isérois, nous avons rencontré les salariés, l'intersyndicale et la direction française le 12 décembre, au siège de Chambéry. Tous nous ont fait part de leur profond désarroi et de leur vive inquiétude face à cette situation. Si le cours du silicium est attendu à la hausse en 2020, encore faut-il que l'activité puisse subsister cette année. Les fournisseurs n'ont plus confiance et refusent de livrer les sites, de peur de ne pas être payés.
Le 19 décembre, un accord d'entreprise a été conclu et FerroGlobe s'est engagé à affecter à sa filiale 17 millions d'euros de compensation CO2 que l'État accepte de régler par anticipation, 15 millions d'euros issus de l'affacturage FerroPem et 3 millions versés immédiatement par FerroGlobe : finalement peu de fonds propres, et c'est bien là le problème.
C'est néanmoins un signe d'espoir dont il faut se féliciter. Cela permettra d'apurer les dettes vis-à-vis des fournisseurs, dont la survie est menacée pour beaucoup d'entre eux, mais cela ne constitue en aucun cas un plan d'avenir. Je sais que le Gouvernement connaît la situation mais que peut-il décider à plus long terme pour sauver définitivement cette industrie et ses 1 000 emplois et, surtout, pour veiller à ce que le cash-pooling cesse pour que FerroPem, qui est tout à fait viable en France, retrouve un avenir ? Plus globalement, se pose la question du contrôle des groupes internationaux faisant peser un risque sur les fleurons industriels français et menaçant l'emploi en France.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je vous présente mes meilleurs vœux à tous. Je répondrai à la place d'Olivier Dussopt qui a dû rejoindre la réunion de négociation sur les retraites au ministère du travail. Il vous aurait dit, madame la députée, que vous avez bien fait d'alerter le ministère de l'économie et des finances sur la situation de l'entreprise FerroPem, filiale du groupe FerroGlobe, société qui produit du silicium pour différents procédés industriels, notamment la fabrication du silicone ou des panneaux solaires, ainsi que des ferrosiliciums pour la fonte et l'acier.
Confrontée à une baisse de 25 % de la demande et à un effondrement du cours du silicium, passé de 2 200 euros par tonne début 2018 à 1 500 euros par tonne aujourd'hui, l'entreprise rencontre d'évidentes difficultés financières. Le passif fournisseurs est en particulier très élevé. Les services de Bercy suivent de très près ce dossier : une délégation de représentants des salariés et certains parlementaires des circonscriptions concernées ont été reçus à Bercy et des échanges très fréquents ont lieu avec l'entreprise.
Six fours sur les seize que la société compte en France sont à l'arrêt dans le but de gérer les stocks et la production. L'État soutient financièrement FerroPem puisque le dispositif d'activité partielle est activé sur la plupart des sites. Les services de Bercy sont également mobilisés pour payer au plus tôt en 2020 les sommes dues au titre de la compensation carbone et pour faciliter les discussions avec le principal fournisseur d'électricité de l'entreprise. Cela répond, je crois, à votre interrogation.
FerroPem a contribué ces dernières années à la bonne santé économique du groupe FerroGlobe. Le Gouvernement appelle aujourd'hui chacun à prendre ses responsabilités, en particulier le groupe, qui doit aider sa filiale à surmonter cette période trouble.
Le ministre de l'économie et des finances note avec intérêt que le président-directeur général adjoint du groupe a signé le 20 décembre dernier, en présence des organisations syndicales représentatives, un engagement du groupe de soutenir financièrement FerroPem dans les prochaines semaines. Il veillera à ce que cela soit effectif. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour permettre à l'entreprise de retrouver une stabilité économique suffisante et aux plus de 1 000 salariés du groupe en France d'envisager sereinement l'avenir.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Je sais en effet que le Gouvernement est mobilisé sur ce dossier. Le groupe FerroGlobe s'est engagé auprès de nous à ne plus recourir au
cash-pooling cette année : tout euro gagné en France devra rester en France. Nous souhaitons que vous y veilliez même si c'est légalement un peu compliqué. C'est aussi la clé pour trouver une solution puisque, jusqu'à présent, la filiale française FerroPem ne rencontrait aucune difficulté financière et possédait suffisamment de réserves pour pallier le caractère cyclique de son activité de production. C'est bien la remontée de capitaux vers la maison mère qui l'a mise en difficulté.