Question orale n° 887 :
Difficultés des communes forestières

15e Législature

Question de : M. Antoine Herth
Bas-Rhin (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

M. Antoine Herth attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les difficultés de plus en plus criantes des communes forestières. À l'échelle du Grand Est, le constat est unanime et prend le double aspect d'une crise sanitaire et d'une crise économique. Sur le plan sanitaire, le scolyte de l'épicéa et la chalarose du frêne pour les communes concernées, ravagent en effet les forêts, ne laissant d'autre alternative que d'abattre au plus vite les arbres atteints. Si les communes effectuent tant bien que mal des plantations de nouvelles essences, celles-ci restent fragiles à l'égard des aléas climatiques et de la faune sauvage, nécessitent des mesures particulières de protection (clôtures, répulsifs) et, en tout état de cause, mettront des années pour grandir et remplacer les arbres abattus. Sur le plan économique, les bois scolytés se vendent mal, conséquence logique de l'engorgement des marchés. Les communes sont dès lors dans l'obligation de revoir l'état prévisionnel des coupes et travaux et ne peuvent simplement plus investir dans leur forêt ; pour les communes les plus impactées, c'est l'équilibre des finances communales qui est menacé. Face à cette situation d'urgence absolue, les communes attendent aujourd'hui non seulement des actes, mais plus encore des actes concrets : pour l'aide à la replantation, à la protection, à l'évacuation des bois scolytés, au soutien des filières. Il lui demande s'il peut répondre à cette attente et leur prouver que l'État ne les abandonne pas.

Réponse en séance, et publiée le 8 janvier 2020

DIFFICULTÉS DES COMMUNES FORESTIÈRES
M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour exposer sa question, n°  887, relative aux difficultés des communes forestières.

M. Antoine Herth. À mon tour, monsieur le président, je vous présente tous mes vœux pour la nouvelle année. À vous aussi, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, tous mes vœux de santé ! Surtout, nous souhaitons que nos concitoyens aient un bon appétit pour consommer les bons produits français. (Sourires.)

Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur les difficultés de plus en plus criantes du secteur forestier. À l'échelle de la région Grand-Est, le constat est unanime et prend le double aspect d'une crise sanitaire et d'une crise économique.

Sur le plan sanitaire, le scolyte de l'épicéa et la chalarose du frêne, pour les communes concernées, ravagent les forêts, ne laissant d'autre solution que d'abattre au plus vite les arbres atteints. Si les communes effectuent tant bien que mal des plantations de nouvelles essences, ces dernières restent fragiles face aux aléas climatiques et à la pression de la faune sauvage. Elles nécessitent par conséquent des mesures particulières de protection, comme l'installation de clôtures et l'usage de répulsifs. En tout état de cause, elles mettront des années à grandir et remplacer les arbres abattus.

Sur le plan économique, les bois scolytés se vendent mal – conséquence logique de l'engorgement des marchés. Dès lors, les communes se voient obligées de revoir l'état prévisionnel des coupes et travaux. Elles ne peuvent plus investir dans leurs forêts. Dans les communes les plus touchées, c'est l'équilibre des finances communales qui est menacé.

Face à cette situation d'urgence absolue, les communes attendent aujourd'hui non seulement des actes mais plus encore des actes concrets. Elles ont besoin d'aides à la replantation, à la protection et à l'évacuation des bois scolytés, au soutien des filières.

L'Office national des forêts – ONF – s'est doté d'un nouveau directeur général, que nous avons auditionné. Monsieur le ministre, comptez-vous lui donner des directives sur cette question des bois scolytés et de la chalarose du frêne ?

Une autre piste consisterait à réviser les cahiers des charges des forêts bénéficiant d'un statut de protection, dans la mesure où le choix des essences est relativement limité par ces documents. Peut-être faudrait-il rouvrir le champ des possibles pour la replantation.

En somme, monsieur le ministre, comment comptez-vous répondre à ces attentes et prouver aux communes que l'État est à leurs côtés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Cher Antoine Herth, vous avez posé une question importante, à laquelle j'ai déjà eu l'occasion de répondre à plusieurs reprises dans cet hémicycle. Ce sujet touche l'ensemble de notre pays, en particulier tous les élus des territoires ruraux qui aiment leurs forêts, comme tous les Français. Vous avez évoqué la situation spécifique des forêts dans votre grande région, mais elle rejoint les difficultés que rencontrent toutes les communes forestières concernées par les bois scolytés.

Dans les deux régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand-Est, les volumes d'épicéas scolytés martelés représentent, depuis l'été 2018 et jusqu'à octobre 2019, au moins 3,5 millions de mètres cubes. Je sais que ce chiffre fait débat, mais je vous cite les données remontées au ministère. Ce n'est pas rien ! Le cumul des surfaces concernées par les demandes de coupes d'urgence adressées par les propriétaires privés au CNPF – le Centre national de la propriété forestière – s'approchait de 7 500 hectares en octobre 2019. C'est dire si votre question est d'actualité. Ces chiffres montrent bien que nous faisons face à un problème d'envergure, d'autant que la situation a continué d'évoluer depuis l'automne – on estime aujourd'hui que plus de 11 000 hectares sont touchés. En ce qui concerne les autres essences, notamment les feuillus, nous n'avons pour l'instant qu'un aperçu de l'impact de la sécheresse, qu'il convient de confirmer.

Nous faisons face à une double crise : à côté de la crise causée par le scolyte, nous affrontons une crise liée au réchauffement climatique et aux grandes difficultés que connaît la forêt française.

Pour répondre concrètement à votre question, le Gouvernement a déjà beaucoup avancé. Il a travaillé avec l'ensemble du secteur, notamment lors de la dernière réunion du CSFB, le Conseil supérieur de la forêt et du bois. J'ai moi-même mesuré les inquiétudes de la filière, d'amont en aval, des propriétaires forestiers, privés ou publics, et des communes forestières que vous avez d'ailleurs mentionnées.

Le 8 octobre dernier, j'ai annoncé un plan d'action concernant l'ensemble des forêts, qu'elles soient gérées par l'ONF ou qu'elles soient privées, et des communes forestières. Ce plan comporte deux volets. À court terme, il prévoit une aide à l'exploitation et à la commercialisation des bois colonisés par les scolytes. Ce dispositif d'intervention est important et rejoint d'ailleurs l'une de vos demandes. Il incitera les propriétaires, notamment ceux de votre région, à s'inscrire dans un plan d'ensemble. Cette aide exceptionnelle s'élèvera à 6 millions d'euros. Le décret qui l'instaure ainsi que l'arrêté précisant les conditions d'application de ce dispositif ont été publiés au Journal officiel du 22 décembre dernier. Il faut sortir du bois scolyté ! Nous ferons, dans les semaines qui viennent, un point sur la situation. À moyen terme, surtout, ce plan prévoit une aide à la reconstitution des peuplements – c'est cela qui est vraiment important –, qui s'élèvera à 10 millions d'euros. Les communes forestières sont éligibles à ces deux volets : dès lors, elles pourront intervenir.

Je le disais, nous faisons face à un double problème : à côté du problème conjoncturel des scolytes, nous devons affronter les conséquences du réchauffement climatique. Il faut mener une réflexion globale sur la situation de la forêt française.

Vous avez évoqué le nouveau directeur général de l'ONF, récemment nommé. Son objectif est d'abord de remettre l'ONF sur pied – en la matière, il y a du travail – en le désendettant et en le réorganisant pour qu'il soit au plus près des territoires. L'ONF doit travailler davantage avec le CSFB, le CNPF et la FNCOFOR – la Fédération nationale des communes forestières – afin qu'ensemble, nous arrivions à sortir de cette situation dramatique que connaît la forêt française.

Données clés

Auteur : M. Antoine Herth

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 décembre 2019

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