Question orale n°88 : Optimisation fiscale des grands groupes étrangers en Europe

15ème Législature

Question de : M. Denis Masséglia (Pays de la Loire - La République en Marche)

M. Denis Masséglia interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur les disparités fiscales au sein de l'Union européenne pour les grandes entreprises. En effet, nous apprenons régulièrement que de grands groupes étrangers parviennent à échapper à des montants considérables d'impôts sur le territoire français, en implantant leur siège dans des pays membres de l'Union européenne pratiquant une fiscalité extrêmement attractive pour ces grandes sociétés. En conséquence, leur activité économique générant des revenus très importants sur le sol français n'engendrent que des sommes dérisoires recouvrées eu égard aux sommes en jeu. Il ne s'agit pas là de fraude ou d'évasion fiscale mais bien d'optimisation à laquelle se prêtent des sociétés étrangères, en se jouant des failles juridiques et des disparités béantes en matière de fiscalité. Comment peut-on laisser les entreprises et les commerces payer des impôts sur leurs bénéfices importants alors même que des sociétés étrangères leur livrant une concurrence directe s'y soustraient en très grande partie pour des montants allant parfois jusqu'à plusieurs milliards d'euros ? Cette situation n'est pas tolérable, nous devons harmoniser les politiques fiscales afin que partout sur le territoire européen les entreprises paient ce qu'elles doivent là où elles ont une activité et des revenus. Il l'interroge donc sur les mesures qu'il compte mettre en œuvre avec ses homologues européens pour rétablir une harmonie et une justice fiscale cohérentes au sein de l'Union européenne.

Réponse en séance, et publiée le 24 janvier 2018

FISCALITÉ DES ENTREPRISES AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE
M. le président. La parole est à M. Denis Masséglia, pour exposer sa question, n°  88, relative à la fiscalité des entreprises au sein de l'Union européenne.

M. Denis Masséglia. Ma question s'adresse à Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances.

Depuis de nombreuses années, nous ne comptons plus les sommes considérables qui sont soustraites à l'administration fiscale française par de grands groupes étrangers. Ces groupes implantent leur siège européen dans d'autres pays de l'Union qui pratiquent une fiscalité extrêmement attractive pour de grandes sociétés. En conséquence, leur activité économique, qui génère des revenus très élevés sur le sol français, ne permet de recouvrer que des sommes dérisoires eu égard aux montants en jeu. Il ne s'agit pas là de fraude ou d'évasion fiscale à proprement parler, mais bien d'une optimisation fiscale à laquelle se prêtent des sociétés étrangères en se jouant des failles juridiques et des disparités béantes en matière de fiscalité au sein même de l'Union européenne.

Comment pouvons-nous laisser nos entreprises et nos commerces payer d'importants impôts sur leurs bénéfices alors même que des sociétés étrangères qui leur livrent une concurrence directe s'y soustraient en très grande partie, pour des montants allant parfois jusqu'à plusieurs milliards d'euros ? Cette situation n'est pas tolérable. Nous devons harmoniser les politiques fiscales afin que, partout sur le territoire européen, les entreprises paient ce qu'elles doivent là où elles sont, là où elles ont une activité et des revenus. Il y va aussi du financement et de la pérennité de notre modèle social.

En voici plusieurs exemples. Airbnb a payé moins de 100 000 euros d'impôts en France en 2016, pour des revenus estimés à plus de 150 millions d'euros à l'échelle de l'Union. Le manque à gagner serait de 5,4 milliards d'euros entre 2013 et 2015 pour les seuls Google et Facebook. Quand le premier paie moins de 1 % de son chiffre d'affaires en impôts en Europe, contre 9 % dans le reste du monde, pour le second, les proportions seraient de moins de 0,1 % contre 28 à 34 %.

Quelles mesures M. le ministre compte-t-il mettre en œuvre, avec ses homologues européens, pour rétablir une harmonie et une justice fiscale cohérentes au sein de l'Union européenne ?

M. Christophe Blanchet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Je vous remercie de votre question, monsieur le député, car elle me donne l'occasion de faire le point sur l'action du Gouvernement en vue de garantir une imposition juste et équitable des grandes entreprises multinationales, en particulier des géants du numérique. Il s'agit en effet d'une priorité pour la France. Il n'est pas admissible que les entreprises disposant des plus grandes capacités contributives échappent à l'impôt dans les pays où elles exercent leurs activités.

En septembre dernier, dans la lignée des engagements du Président de la République, Bruno Le Maire a lancé avec neuf de ses homologues européens, notamment ses collègues allemand, italien et espagnol, une initiative européenne pour une juste imposition des géants du numérique. Une proposition de la Commission européenne est attendue pour le printemps ; sur son fondement, nous travaillerons très activement afin d'aboutir à une solution opérationnelle dès la fin de cette année.

De même, afin de mettre un terme aux pratiques d'optimisation et de concurrence fiscale au sein de l'Union européenne, nous prenons une part active aux travaux relatifs à l'assiette commune de l'impôt sur les sociétés. Nous avons engagé avec l'Allemagne des travaux visant à la convergence, afin de permettre aux travaux européens d'avancer plus vite.

Au-delà de ces éléments, nous soutenons la présidence bulgare de l'Union en vue de l'adoption, au cours du premier semestre 2018, d'une proposition de directive de la Commission visant à responsabiliser les conseillers fiscaux qui créent des montages d'optimisation fiscale agressive.

Vous le voyez, la fiscalité des entreprises demeure une priorité du Gouvernement, en particulier de l'action gouvernementale au niveau européen.

M. le président. La parole est à M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Je suis bien entendu à votre disposition si vous souhaitez échanger avec moi ou si vous avez besoin d'aide pour travailler sur ces dossiers.

Données clés

Auteur : M. Denis Masséglia (Pays de la Loire - La République en Marche)

Type de question : Question orale

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2018

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