Question orale n° 899 :
Métier de garde champêtre

15e Législature

Question de : M. Raphaël Gérard
Charente-Maritime (4e circonscription) - La République en Marche

M. Raphaël Gérard interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'avenir du métier de garde champêtre. Une mission parlementaire conduite par Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue a donné lieu à un rapport préconisant la fusion des cadres d'emplois de police municipale et de gardes champêtres dans la continuité des études réalisées précédemment par le préfet Jean Ambroggiani en 2009 et les sénateurs François Pillet et René Vandierendonck en 2012. M. le député s'inquiète de la mise en œuvre d'une telle mesure en milieu rural. D'une part, la plupart des petites communes ne sont pas dotées de police municipale. Le décret législatif du 18 avril 1986 approuvant le texte refondu des dispositions législatives en vigueur en matière de régime local prévoit, dans sa disposition transitoire n° 4, que seules les communes comptant plus de 5 000 habitants peuvent décider la création d'une police municipale. Aussi, bien que leur nombre soit en diminution, les gardes champêtres continuent de jouer un rôle fondamental dans les petites communes rurales puisqu'ils concourrent à la police des campagnes en application de l'article L. 2213-17 du code des collectivités territoriales. Dans ce cadre, ils exercent des missions de police, mais participent surtout au maintien du lien social et des services publics de proximité dans des territoires marqués par une fracture sociale et territoriale. D'autre part, les missions des agents de police municipale et des gardes champêtres telles que définies par la loi ne sont pas identiques. La fusion de leurs cadres d'emploi fait courir le risque d'un appauvrissement du futur schéma d'emploi en ce qui concerne les tâches dévolues spécifiquement aux gardes champêtres en matière de préservation de la biodiversité, en particulier s'agissant de la chasse (article L. 428-20 du code de l'environnement) ou encore de la police de l'eau (article L. 216-3 du code de l'environnement). Dans ce contexte, il lui demande si d'autres pistes ne peuvent pas être envisagées à l'instar de la généralisation des conventions de partenariat entre l'État et les gardes champêtres visant à promouvoir une meilleure collaboration avec les forces de l'ordre et répondre aux enjeux de coordination, maillage territorial et sécurité globale.

Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2020

MÉTIER DE GARDE CHAMPÊTRE
M. le président. La parole est à M. Raphaël Gérard, pour exposer sa question, n°  899, relative au métier de garde champêtre.

M. Raphaël Gérard. En tant que député d’une circonscription rurale, je souhaite relayer les inquiétudes qu'a suscitées, sur le terrain, une recommandation de la mission parlementaire conduite par Mme Alice Thourot et M. Jean-Michel Fauvergue préconisant la fusion des cadres d'emploi de la police municipale et des gardes champêtres. Au vu des conséquences qu'aurait une telle fusion en matière de formation des agents, de conditions d'emploi et de rémunération pour les collectivités territoriales, votre ministère a indiqué, en octobre dernier, qu'une concertation serait nécessaire préalablement à toute modification législative.

Aussi, je formule le souhait que dans le cadre de la consultation citoyenne préalable à l’élaboration du livre blanc de la sécurité intérieure, une attention spécifique soit portée aux enjeux de la ruralité, notamment à la place des gardes champêtres. Bien que leur nombre soit en diminution, ces derniers jouent un rôle fondamental dans les petites communes rurales, puisqu’ils concourent à la police des campagnes en application de l’article L. 2213-17 du code général des collectivités territoriales. Dans l'hypothèse où une police municipale serait mutualisée à l’échelle de plusieurs communes de moins de 5 000 habitants, elle ne saurait se substituer au rôle de proximité et de maintien du lien social qu'assurent les gardes champêtres dans les zones marquées par une fracture territoriale et sociale.

Par ailleurs, la fusion des cadres d’emploi des gardes champêtres et de la police municipale ferait courir un risque d’appauvrissement du futur schéma d’emploi pour ce qui est des missions spécifiquement dévolues aux gardes champêtres en matière de préservation de la biodiversité – s’agissant en particulier de la chasse, en application de l'article L. 428-20 du code de l’environnement – ou encore de la police de l’eau, en application de l'article L. 216-3 du code de l'environnement.

Si je ne suis pas hostile à la création d’une police municipale et rurale, je souhaiterais que toutes les pistes soient envisagées pour conforter le rôle des gardes champêtres dans les territoires ruraux : je pense en particulier à la généralisation des conventions de partenariat entre l’État et les gardes champêtres, visant à promouvoir une meilleure collaboration avec les forces de gendarmerie et à répondre aux enjeux de coordination, de maillage territorial et de sécurité globale.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Les gardes champêtres remplissent des missions essentielles dans nos campagnes : ils peuvent notamment rechercher et constater les infractions liées à la dévastation de récoltes, à l'abattage d'arbres, à l'empoisonnement d'animaux, aux bris de clôtures ou aux incendies volontaires. Ils interviennent également dans des domaines touchant à la police de l'eau, à la protection de la faune et de la flore, à la chasse, à la pêche, aux réserves naturelles et aux parcs nationaux. Ils ont pour point commun avec leurs collègues policiers municipaux de remplir les missions que leur confie le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police et d'assumer des compétences de police judiciaire, puisqu'ils sont aussi agents de police judiciaire adjoints.

Le ministère a choisi de faire converger plusieurs missions des gardes champêtres avec celles des policiers municipaux. J'en citerai plusieurs exemples : en matière d'armement, la formation des deux professions est désormais alignée ; en matière de sécurité routière, un texte réglementaire de 2017 a élargi le champ des infractions que les gardes champêtres peuvent constater ; plus récemment, en matière de consultation de fichiers, le décret du 24 mai 2018 a accordé aux agents de police municipale, mais aussi aux gardes champêtres, un accès direct, sous condition, à des informations relatives aux permis de conduire et aux cartes grises ; enfin, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a ajouté les gardes champêtres à la liste des agents habilités à constater les infractions relatives à l'élimination des déchets.

La fusion des cadres d'emploi des gardes champêtres et des agents de police municipale a été proposée dans le rapport des députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Elle est notamment motivée par la démographie déclinante des gardes champêtres. Cette hypothèse est actuellement examinée dans le cadre des travaux du livre blanc de la sécurité intérieure, dont les conclusions pourront servir de base à l'élaboration d'une loi d'orientation et de programmation, afin de vérifier si une fusion peut être envisagée sans remettre en cause aucune des compétences actuellement dévolues aux gardes champêtres, et dans une logique de préservation de la présence d'agents municipaux disposant de pouvoirs de police en milieu rural – sachant que, bien évidemment, les partenariats entre les gardes champêtres et les services de l'État, notamment la gendarmerie nationale, sont recherchés et encouragés.

M. le président. La parole est à M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Nous sommes ici confrontés à un vrai sujet de ruralité, et la réflexion doit partir de la réalité des territoires. Dans la communauté de communes de la Haute Saintonge par exemple – soit 129 communes, une ville-centre de 3 400 habitants, Jonzac, et deux agents de police municipale –, certaines communes rurales sont éloignées de plus de 80 kilomètres de la ville-centre. La réorganisation de la gendarmerie, qui commence à porter ses fruits, a donné à certains élus locaux le sentiment que leur territoire était oublié. Dès lors qu'un travail de proximité est mené avec les élus, les citoyens et les forces de gendarmerie, le garde champêtre peut devenir un élément-clé des dispositifs de sécurité du quotidien dans les territoires les plus reculés – qui ont subi l'an dernier une recrudescence d'actes délictueux de tous ordres : cambriolages, agressions, etc.

De fait, on aurait besoin de corriger cette impression en apportant un soutien plus important à la ruralité. C'est une demande très forte de la part des maires.

Quant à la baisse des effectifs, elle s'explique à mon avis en partie par le manque d'attractivité d'une profession méconnue – les clichés sur le garde champêtre muni de son tambour et chargé des annonces municipales perdurent. Il s'agit pourtant d'une fonction clé, et il faudrait la revaloriser en revoyant réglementairement le déroulement de carrière des gardes champêtres, car ce serait un gage d'attractivité pour un métier qui a une vraie raison d'être dans les territoires ruraux aujourd'hui.

Données clés

Auteur : M. Raphaël Gérard

Type de question : Question orale

Rubrique : Fonction publique territoriale

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2020

partager