Cités éducatives
Question de :
M. Laurent Garcia
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Laurent Garcia interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Par décision du 5 septembre 2019, en prenant appui sur le rapport Borloo sur la politique de la ville et l'expérimentation menée à Grigny en 2017, 80 grands quartiers prioritaires ont intégré le nouveau dispositif national des cités éducatives. Le dispositif vise à renforcer et à coordonner plus globalement la prise en charge éducative des jeunes entre 3 et 25 ans, de l'enfance à leur insertion professionnelle dans des quartiers dépourvus jusqu'alors de mixité sociale. Le Plateau de Haye, situé dans la métropole du Grand Nancy, fait partie des territoires labellisés. Ce label vient s'ajouter aux autres qualificatifs ou dispositifs qui y ont été déclinés depuis plusieurs décennies : zone d'éducation prioritaire, zone franche urbaine, espace dynamique d'insertion, QPV, NPNRU... Pourtant, malgré le déploiement de moyens conséquents et durables, l'amélioration semble piétiner, les progrès et succès attendus n'y sont pas, ce qui génère le scepticisme des acteurs engagés sur le terrain, vis-à-vis de ce nouveau dispositif. En quoi les cités éducatives (CE) seront-elles en mesure d'apporter une meilleure efficience dans la politique éducative et sociale ? Alors que plusieurs enquêtes prouvent que l'école renforce malheureusement les disparités sociales, quels leviers nouveaux pourront être activés pour lutter contre ces déterminismes ? Une cité éducative comme celle du Plateau de Haye s'étend sur 3 communes, dont Laxou dont M. le député était le maire, au sein d'une métropole. Les collèges qu'elle abrite sont gérés par le conseil départemental. La cité éducative, elle, est pilotée par la préfecture et le rectorat, qui doivent travailler conjointement avec les représentants des ministères de la politique de la ville et de la cohésion sociale : dans ces conditions, comment mettre en œuvre une concertation et une coopération performantes ? Au sein de quelles instances ? À l'heure de la modernisation et de la simplification de l'action publique, comment apporter lisibilité et cohérence, pour les familles, les acteurs, les élus ? Là où le service public pourrait gagner en qualité et en valeur, comment incarner et fédérer les cités éducatives autour de ces pratiques ? La nouvelle gestion publique ayant placé l'évaluation au cœur des pratiques, il lui demande comment se dérouleront les travaux du Comité d'orientation mis en place le 26 novembre 2019 et s'articulera l'évaluation du dispositif. Enfin, puisque les labels ont été attribués aux territoires pour trois ans, il le remercie de préciser quels sont les objectifs et indicateurs de réussite attendus (à n+3) pour les nouvelles cités éducatives.
Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2020
CITÉS ÉDUCATIVES
M. le président. La parole est à M. Laurent Garcia, pour exposer sa question, n° 914, relative aux cités éducatives.
M. Laurent Garcia. En application d'une décision du 5 septembre 2019, appuyée sur le rapport Borloo relatif à la politique de la ville et sur l'expérimentation menée à Grigny en 2017, quatre-vingts grands quartiers prioritaires ont intégré le nouveau dispositif national des cités éducatives, lequel vise à renforcer et à mieux coordonner la prise en charge éducative des jeunes entre 3 et 25 ans, de l'enfance à l'insertion professionnelle, dans des quartiers à ce jour dépourvus de mixité sociale.
Le plateau de Haye, situé dans la métropole du Grand Nancy, fait partie des territoires labellisés. Ce label vient s'ajouter aux divers qualificatifs et dispositifs en acronyme qui y sont déclinés depuis plusieurs décennies : ZEP – zone d'éducation prioritaire –, SFU – zone franche urbaine –, EDI – espace dynamique d'insertion –, QPV – quartier prioritaire de la politique de la ville –, NPNRU – nouveau programme national de renouvellement urbain –, et j'en passe. Pourtant, malgré le déploiement de moyens importants et durables, l'amélioration semble piétiner : les progrès et succès attendus n'y sont pas, ce qui génère, chez les acteurs engagés sur le terrain, un certain scepticisme vis-à-vis de ce nouveau dispositif.
Monsieur le secrétaire d'État, en vertu de quoi les cités éducatives seront-elles en mesure d'améliorer l'efficience de la politique éducative et sociale ? Alors que plusieurs enquêtes prouvent que l'école renforce malheureusement les disparités sociales, quels leviers nouveaux comptez-vous activer pour lutter contre ces déterminismes ?
La cité éducative du plateau de Haye s'étend sur trois communes – dont Laxou, dont j'étais le maire – intégrées au sein d'une métropole. Les collèges qu'elle abrite sont gérés par le conseil départemental ; la cité éducative, elle, est pilotée par la préfecture et le rectorat, qui doivent travailler conjointement avec les représentants des ministères de la politique de la ville et de la cohésion sociale. Dans ces conditions, comment assurer une concertation et une coopération performantes ? Au sein de quelles instances ? À l'heure de la modernisation et de la simplification de l'action publique, comment apporter lisibilité et cohérence pour les familles, les acteurs, les élus ?
Là où le service public pourrait gagner en qualité et en valeur, comment incarner et fédérer les cités éducatives autour des pratiques adéquates ? La nouvelle gestion publique ayant placé l'évaluation au cœur des pratiques, comment se dérouleront les travaux du comité d'orientation créé le 26 novembre 2019 et comment le dispositif sera-t-il évalué ? Enfin, puisque les labels ont été attribués aux territoires pour trois ans, quels sont les objectifs et les indicateurs de réussite attendus, au terme de ce délai, pour les nouvelles cités éducatives ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur Garcia, je vous prie d'excuser l'absence de Jean-Michel Blanquer, qui m'a chargé de vous répondre. L’éducation est le premier terrain de bataille en faveur de la mobilité géographique et sociale. Le Président de la République a clairement fixé le cap à travers une ambition forte pour notre pays : redonner une espérance de progrès à chacun et faire revivre la méritocratie républicaine. L'école est plus que jamais le creuset de la République et le lieu de l'émancipation individuelle. Dès son installation, le Gouvernement a fait de l’éducation dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville un levier essentiel dans la lutte pour la justice sociale.
Cette ambition s’est traduite par des mesures fortes et concrètes, comme le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone REP et REP+ ou la création de postes d’enseignants supplémentaires, mesure qui bénéficie aujourd’hui à 300 000 élèves dans 10 800 classes. À la rentrée scolaire 2020, le dédoublement sera étendu à la grande section de maternelle ; il sera accompagné du plafonnement à 24 élèves par classe en grande section, en CP et en CE1. Citons également l'instruction obligatoire dès l’âge de 3 ans et l'interdiction des fermetures de classe en zone rurale sans accord préalable du maire, de la rentrée 2019 à la fin du quinquennat, conformément à la volonté du Président de la République.
Nous avons souhaité aller encore plus loin en créant les cités éducatives, objet de votre question. Cette grande ambition a été forgée à partir du terrain et des initiatives menées par les élus locaux, par les services de l'État et par les associations – à Grigny, comme vous l'avez souligné, mais aussi à Clichy-sous-Bois ou encore à Nîmes. L'État accompagnera les quatre-vingts territoires sélectionnés en engageant près de 100 millions d’euros jusqu’en 2022. Ce projet, né d’un véritable travail de coconstruction, concentre des moyens supplémentaires dans les territoires qui en ont le plus besoin.
L'annonce de la labellisation de quatre-vingts cités éducatives a été faite le 5 septembre dernier ; depuis, les acteurs locaux travaillent leur projet. Aujourd’hui, nous contractualisons sur le terrain : les maires, les DASEN – directeurs académiques des services de l'éducation nationale – et les préfets signent des conventions-cadres d’objectifs et lancent les actions.
Nous ne partageons par votre idée selon laquelle l'école serait responsable de l'augmentation des disparités sociales. Au contraire, les résultats des évaluations réalisées à la rentrée dernière indiquent que des progrès significatifs ont été réalisés, tout particulièrement sur les points clés de la réussite de l’enfant que sont la fluidité de lecture, préalable indispensable à la compréhension, et la capacité de calcul. De plus, l'écart entre les élèves en éducation prioritaire et les élèves scolarisés hors éducation prioritaire décroît entre le CP et le CE1 ; cette évolution positive concerne donc les élèves scolarisés dans tous les secteurs. Les résultats correspondent aux deux objectifs que nous poursuivons : la hausse du niveau général de tous les élèves de France et le progrès de la justice sociale à travers un meilleur accompagnement des élèves en difficulté.
Cette tendance positive, que nous allons approfondir, est le résultat de la mobilisation pédagogique de tous les professeurs, que nous remercions chaleureusement pour leur formidable travail. Nous renforcerons également les stages de réussite pendant les vacances d'été, notamment dans l’éducation prioritaire et dans les zones rurales : une semaine de soutien scolaire gratuit sera proposée à tout élève qui en a besoin.
Auteur : M. Laurent Garcia
Type de question : Question orale
Rubrique : Jeunes
Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse
Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2020