15ème législature

Question N° 924
de M. Loïc Prud'homme (La France insoumise - Gironde )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > produits dangereux

Titre > Mettre de l'ordre et de l'indépendance à l'ANSES

Question publiée au JO le : 28/01/2020
Réponse publiée au JO le : 05/02/2020 page : 666
Date de changement d'attribution: 04/02/2020

Texte de la question

M. Loïc Prud'homme alerte Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur l'ANSES, l'agence de l'État qui est censée protéger la santé. C'est elle qui autorise la commercialisation des produits phytosanitaires que l'on retrouve dans les champs et les assiettes. Peu connue du grand public, mais également peu efficace à remplir ses missions de protection. Et pour cause ! L'ANSES a autorisé le Round-Up 360 de Monsanto alors qu'elle n'a analysé qu'une seule des substances dans le produit ! Non seulement elle autorise cet herbicide contenant du glyphosate classé cancerogène probable mais n'examine pas les co-formulants, pourtant problématiques. En plus de délivrer des permis d'empoisonner la deuxième mission de l'ANSES est de contrôler a posteriori que le produit qu'elle a autorisé n'est pas en train de décimer la biodiversité ou la santé, voire les deux. Depuis des mois des scientifiques alertent l'ANSES sur la dangerosité des SDHI, des pesticides massivement épandus sur les cultures depuis dix ans et que l'on retrouve dans 60 % des aliments. Ces fongicides bloquent la respiration cellulaire des végétaux et animaux, et seraient à l'origine de cancers chez l'Homme. S'appuyant sur des études produites par les firmes et un rapport désavoué par les scientifiques, l'ANSES refuse d'interdire les SDHI par principe de précaution. Y a t-il un lien avec le fait qu'une des experte sollicitée par l'ANSES travaille pour le développement des SDHI et présente des conflits d'intérêts de longue date avec les firmes vendant ces SDHI, dont Syngenta ? Quand la déontologie est sacrifiée le scandale sanitaire est assuré. Car s'intéresser au fonctionnement de l'ANSES c'est aussi découvrir les conflits d'intérêt au service des multinationales. Alors que l'autorisation du Round Up 360 a été annulée par la justice en 2019 lors d'une décision historique, le directeur de l'ANSES a dit qu'il ferait appel de cette décision ! Sans doute pour ne pas compliquer les relations avec sa directrice de cabinet ancienne lobbyiste pro-pesticides ? Voilà une agence baignée de conflits d'intérêts qui délivre à la fois les permis d'empoisonner et se charge de les contrôler a posteriori. Il lui demande quand elle va scinder l'ANSES en deux entités indépendantes et comment elle va y mettre de l'ordre et de l'indépendance pour que l'ANSES ne soit plus l'agence nationale de sous-évaluation des scandales sanitaires.

Texte de la réponse

ANSES


Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour exposer sa question, n°  924, relative à l'ANSES.

M. Loïc Prud'homme. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail est censée protéger notre santé ; c'est elle qui autorise la commercialisation des produits phytosanitaires que nous retrouvons dans les champs et les assiettes. Peu connue du grand public, elle est peu efficace et peine à remplir ses missions de protection. Ainsi l'ANSES a-t-elle autorisé la mise sur le marché du Roundup Pro 360 de Monsanto alors qu'elle n'a analysé qu'une seule des composantes de ce produit – les coformulants non examinés posent problème –, et qu'il contient du glyphosate, substance classée comme cancérigène probable.

En plus de délivrer des permis d'empoisonner, la deuxième mission de l'agence est de contrôler a posteriori que le produit qu'elle a autorisé ne décime pas la biodiversité ou ne menace pas notre santé. Or, depuis des mois, des scientifiques alertent l'ANSES sur la dangerosité des pesticides de type SDHI, massivement épandus sur les cultures depuis dix ans, et présents dans 60 % des aliments. Ces fongicides bloquent la respiration cellulaire des végétaux et des animaux et seraient à l'origine de mécanismes cancérigènes.

S'appuyant sur des études produites par les firmes et sur un rapport désavoué par les scientifiques, l'ANSES refuse d'interdire les pesticides de type SDHI, au mépris du principe de précaution. Est-ce parce qu'une des expertes sollicitées travaille pour le développement de tels fongicides, et que ses liens de longue date avec les firmes agrochimiques, dont Syngenta, ont créé un conflit d'intérêts ? Quand la déontologie est sacrifiée, le scandale sanitaire est assuré.

Quand on s'intéresse au fonctionnement de l'ANSES, on découvre des conflits d'intérêts qui servent les multinationales. Après que l'autorisation de commercialisation du Roundup Pro 360 a été annulée par la justice en 2019, M. Genet, le directeur de l'Agence, a indiqué qu'il ferait appel de cette décision. Sans doute ne veut-il pas compliquer les relations avec sa directrice de cabinet, ancienne lobbyiste propesticides ? L'ANSES, qui baigne dans les conflits d'intérêts, est pourtant, je le répète, à la fois chargée de délivrer les permis d'empoisonner et d'en contrôler les effets a posteriori !

Quand allez-vous scinder l'ANSES en deux entités indépendantes ? Comment allez-vous mettre de l'ordre dans cette agence et restaurer son indépendance, pour que l'ANSES ne soit plus l'Agence nationale de sous-évaluation des scandales sanitaires ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le député, le ministère des solidarités et de la santé apporte la plus grande attention aux questions et aux éléments de débats qui concernent les substances phytopharmaceutiques et leur impact potentiel sur la santé humaine.

L'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, saisi au début de 2018 par les ministères chargés de la santé, de l'agriculture, de la recherche, de l'écologie et du travail pour mener un nouveau travail d'expertise collective sur les effets sur la santé des pesticides, rendra ses conclusions dans le courant du premier semestre 2020. Elles viendront éclairer les débats actuels, notamment sur le glyphosate et les pesticides de type SDHI.

Vous évoquez le débat actuel sur le traitement par l'ANSES du signalement effectué en avril 2018 par le collectif de scientifiques mené par Pierre Rustin au sujet des fongicides de type SDHI. Il convient de rappeler que l'ANSES s'est autosaisie dès mai 2018 afin de prendre en considération ce signalement concernant la toxicité des SDHI. En janvier 2019, l'ANSES a conclu à l'absence d'éléments en faveur d'une alerte sanitaire pour la santé humaine et l'environnement. Elle a néanmoins lancé des mesures afin de lever les incertitudes résiduelles : les recherches sur les effets toxiques de ces substances, notamment, sont renforcées, tandis que la connaissance de l'exposition de la population et la surveillance des effets sanitaires sont améliorées.

À la fin de l'année 2019, l'ANSES s'est à nouveau autosaisie. Cette nouvelle expertise intégrera les données les plus récentes de la littérature, notamment un article publié le 7 novembre 2019 dans la revue scientifique PLOS One, évoquant la toxicité de fongicides SDHI sur des cellules cultivées in vitro, et les résultats de l'expertise collective à venir de l'INSERM.

Les premiers résultats de ces travaux seront connus dès 2020. Le Gouvernement étudiera avec une vigilance particulière les différentes conclusions des organismes d'expertise de référence publiées au cours de l'année 2020, et les suites qu'il faut y donner si un risque pour la population était mis en évidence.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud'homme.

M. Loïc Prud'homme. Vous dites que l'ANSES s'est « autosaisie ». C'est une présentation quelque peu biaisée, puisque l'Agence ne faisait que répondre à l'alerte des scientifiques de l'INSERM.

Concernant le groupe d'expertise collective d'urgence – GECU – instauré par l'ANSES, il ne comprend aucun expert en cancérologie ni en maladie mitochondriale. Plutôt qu'un GECU, il aurait fallu créer, après un appel à candidature, un groupe de travail composé d'experts indépendants et libres de tout conflit d'intérêts – au contraire de la situation actuelle –, et aux connaissances pertinentes pour comprendre les effets particuliers de ces pesticides, qui agissent sur la respiration cellulaire. Ce groupe de travail aurait en outre dû travailler pendant une longue durée, un à deux ans, sur l'ensemble des pesticides affectant la mitochondrie.

Une fois de plus, l'agence d'évaluation organise la cécité sur les problèmes les plus graves qui affectent la santé publique – est-ce volontaire ?

Une fois de plus, le principe de précaution n'a pas été appliqué ; les orateurs précédents ont fait le même constat sur d'autres sujets. C'est particulièrement préoccupant dans le contexte actuel.