Question au Gouvernement n° 939 :
suivi des terroristes et des détenus radicalisés après leur libération

15e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 31 mai 2018


SUIVI DES TERRORISTES ET DES DÉTENUS RADICALISÉS APRÈS LEUR LIBÉRATION

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, François Molins, procureur de Paris, que tout le monde a malheureusement appris à connaître à cause des événements des trois dernières années, nous alertait, voilà quelques jours, en direct à la télévision. Il expliquait que, en 2018, 2019 et 2020, seraient respectivement remises en liberté, à l’issue de leur peine, vingt-cinq, dix-sept et vingt-deux personnes condamnées pour terrorisme, et que, dans les années suivantes, une cinquantaine de terroristes seraient à nouveau remis en liberté. Il déclarait clairement que, loin d’avoir expié, si j'ose dire, leur erreur, ceux-ci, en prison, s’étaient sans doute renforcés dans leur radicalisation.

Ils sont, en réalité, les précurseurs de 500 autres personnes condamnées pour terrorisme qui se trouvent en prison et y resteront dans les années à venir, et de 1 200 condamnés de droit commun qui se sont radicalisés en prison. Ce problème est évidemment très préoccupant et le procureur Molins explique qu’il sera nécessaire de s’adapter à une menace inédite et qui s’est sans doute renforcée malgré la prison.

Monsieur le Premier ministre, ne doutant pas que le Gouvernement ait voulu anticiper, je souhaiterais savoir quels sont les moyens mis en place pour que nous ayons la certitude de pouvoir suivre toutes celles et tous ceux qui, sortant de prison, deviennent sans doute un danger bien plus grand pour la société qu’ils ne l’étaient avant d’y entrer.

Deuxième question : une organisation spécifique a-t-elle été prévue ou imaginée pour que tous les services de police, de gendarmerie et de justice puissent, comme je le souhaiterais, travailler ensemble, ainsi qu’avec les maires et les collectivités locales, qui disposent souvent d’éléments d’alerte précurseurs, même à propos de personnes qui viennent de sortir de prison et se répartissent sur le territoire ?

Troisième question : existe-t-il de nouveaux moyens juridiques, nécessaires pour faire face à cette menace inédite ? En effet, la surveillance accrue demande parfois des droits accrus pour nos services. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, la France est confrontée à une menace durable, endogène, diffuse et élevée – nous le savons, et François Molins, qui exerce avec brio des responsabilités éminentes dans la lutte contre le terrorisme et la répression de celui-ci, le sait mieux que quiconque. À l’occasion d’un entretien télévisé, il a effectivement indiqué – ce qui est la réalité – qu’après exécution de leur peine, un certain nombre de détenus recouvreront la liberté, en application du droit et des termes de la condamnation dont ils ont fait l’objet. Vous en avez donné les ordres de grandeur : sur environ 70 000 détenus, 1 500 ou 1 600 font l’objet d’un suivi pour radicalisation ; 500 ont été condamnés ou sont poursuivis pour des faits liés au terrorisme ; une vingtaine d’individus environ seront libérés au cours de l’année 2018 et une vingtaine d’autres au cours de l’année 2019.

Premier élément de réponse à votre question : par deux lois, respectivement de juin et juillet 2016, les conditions d’exécution des peines et de libération conditionnelle ont été durcies et renforcées, adaptées à la spécificité terroriste.

Par ailleurs, des procédures, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, ont été mises en place pour que les services du renseignement pénitentiaire et l’ensemble des services intéressés – préfectures, gendarmerie et police nationale – puissent assurer un suivi particulier des individus qui entrent dans ces catégories et sont, le moment venu, remis en liberté.

Pour ce qui est des mineurs – car il existe des mineurs détenus ou, du moins, suivis pour des faits comparables –, un dispositif spécifique d’accompagnement permanent a été mis en place.

Avec le renforcement très net des moyens opérationnels mis à la disposition des services de police, de gendarmerie et de la DGSI – la direction générale de la sécurité intérieure –, dans le cadre de l’augmentation des effectifs que l’Assemblée nationale et le Sénat ont votée, ce dispositif nous permet de mettre en place un suivi effectif des personnes se trouvant dans la situation que vous indiquez. C’est un suivi extrêmement attentif, respectueux de la loi, bien entendu, mais dénué de naïveté, qu’il faut mettre en œuvre et pour lequel l’ensemble des services de l’État se sont organisés.

Vous appelez de vos vœux, monsieur le député, une meilleure coordination ou de meilleurs échanges d’informations entre les services de l’État et les maires. Vous savez comme moi, et pour les mêmes raisons que moi, que, lorsque l’État et une municipalité entretiennent de bonnes relations, lorsque leurs échanges sont fluides, cela peut apporter un plus très net en matière de sécurité. Le procureur Molins a lui-même indiqué qu’il jugeait nécessaire d'aller encore au-delà dans la qualité et l’intensité des relations entre les services de l’État et les maires.

Je crois qu’il a raison, mais vous savez comme moi, monsieur le député, que cet échange d’informations est très compliqué à mettre en œuvre. Il exige une confiance, qui ne se décrète pas, et une volonté telle que certains élus ont dit – et je le respecte – qu’ils ne souhaitaient pas s’inscrire dans cette logique, car ils ne sauraient pas forcément quoi faire des informations susceptibles d'être échangées.

Il faut donc « protocoliser » – pardon pour ce terme –, organiser de la meilleure façon possible la relation entre les maires, qui jouent un rôle éminent en matière de sécurité et ont accès à certaines informations, et les services de l’État. Nous y sommes prêts mais je sais – et je ne veux pas en cacher la difficulté – que cet exercice est redoutablement délicat et exigera des discussions longues avec chacun de maires concernés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Terrorisme

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mai 2018

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