15ème législature

Question N° 942
de Mme Constance Le Grip (Les Républicains - Hauts-de-Seine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité des biens et des personnes

Titre > Prévention de la radicalisation - Situation de l'association IESH

Question publiée au JO le : 28/01/2020
Réponse publiée au JO le : 05/02/2020 page : 659

Texte de la question

Mme Constance Le Grip appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation de l'association « Institut européen des sciences humaines de Paris - Pédagogie » (IESH). Déclarée sous forme d'association en septembre 2010, cette structure se présente comme « un établissement d'enseignement supérieur privé spécialisé dans l'enseignement de la langue arabe, des sciences islamiques et l'apprentissage du Saint-Coran », ainsi qu'un « Institut français de l'imamat et de l'aumônerie », bénéficiant d'une reconnaissance académique délivrée par le rectorat de Créteil. Par ailleurs, certaines formations sont éligibles à la prise en charge par l'État au titre du compte personnel de formation (CPF). L'IESH Paris est l'un des six établissements de l' « union des Instituts européens des sciences humaines », dont le premier a été créé en 1992. Parmi les anciens étudiants de l'IESH Paris se trouve une jeune femme condamnée en octobre 2019 à 30 ans de réclusion, en première instance, pour avoir tenté de faire exploser une voiture près de Notre-Dame en septembre 2016, et qui a fait appel. Parmi les enseignants, au sein du département de théologie musulmane, l'on peut retrouver l'imam de la mosquée de Gonesse, interpellé par la sous-direction anti-terroriste (SDAT) et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dans la nuit de dimanche 13 octobre au lundi 14 octobre 2019, à la suite de l'attentat à la préfecture de Police de Paris au cours duquel 4 personnes ont été mortellement poignardées par un technicien en informatique qui fréquentait cette mosquée. En outre, la presse se fait régulièrement l'écho d'agissements de personnes liées à la fois à cette association IESH et aux réseaux des « Frères Musulmans », inscrits comme organisation terroriste par certains pays partenaires de la France, des personnes qui contribuent, notamment, au financement de l'IESH par des fonds étrangers, essentiellement des pays du Golfe persique. Depuis le 26 novembre 2019, l' « Institut européen des sciences humaines de Paris - Pédagogie » fait l'objet d'une fermeture administrative par arrêté préfectoral, à la suite d'une visite de contrôle des risques d'incendie réalisée par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, le laboratoire central de la préfecture de police, les services préfectoraux et la ville de Saint-Denis. Sur son site internet, cette association indique « chercher activement des locaux à louer » pour « assurer la continuité des activités d'enseignement ». Mme la députée souhaite donc savoir si le Gouvernement est au courant de l'existence et de la situation de ce réseau d'éducation européen de séminaires proche des « Frères Musulmans » et plus spécifiquement de l'établissement parisien situé à Saint-Denis, et si le Gouvernement est en mesure de donner des précisions sur le financement de celui-ci. Elle souhaite enfin connaître les mesures que le Gouvernement met en œuvre pour assurer le suivi du contenu pédagogique des enseignements qui y sont dispensés, afin de garantir que ces enseignements soient respectueux des valeurs, principes et droit de la République française.

Texte de la réponse

INSTITUT EUROPÉEN DES SCIENCES HUMAINES DE PARIS


Mme la présidente. La parole est à Mme Constance Le Grip, pour exposer sa question, n°  942, relative à l'Institut européen des sciences humaines de Paris.

Mme Constance Le Grip. Je souhaitais en effet appeler l'attention du ministre de l'intérieur sur la situation de l'IESH de Paris.

Déclarée sous forme d'association en septembre 2010, cette structure se présente comme « un établissement d'enseignement supérieur privé spécialisé dans l'enseignement de la langue arabe, des sciences islamiques et dans l'apprentissage du Saint Coran », ainsi que comme un « Institut français de l'imamat et de l'aumônerie », bénéficiant à ce titre d'une reconnaissance académique délivrée par le rectorat de Créteil. En outre, certaines de ses formations sont éligibles à une prise en charge par l'État, au titre du compte personnel de formation – CPF.

L'IESH de Paris est l'un des six établissements d'un réseau européen nommé Union des instituts européens des sciences humaines, qui serait proche des Frères musulmans. Le premier de ces établissements a été créé en 1992.

Parmi les anciens étudiants de l'IESH de Paris se trouve une jeune femme condamnée en octobre 2019, en première instance – elle a fait appel –, à trente ans de réclusion pour avoir tenté de faire exploser une voiture près de Notre-Dame de Paris en septembre 2016.

Parmi les enseignants, au sein du département de théologie musulmane, on peut retrouver l'imam de la mosquée de Gonesse, M. Hassan el-Houari, interpellé par la sous-direction antiterroriste de la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI –, dans la nuit du 13 au 14 octobre 2019, à la suite du terrible attentat terroriste commis à la préfecture de police de Paris par un technicien en informatique qui fréquentait cette mosquée et qui entendait les prêches de cet imam.

En outre, la presse se fait régulièrement l'écho d'agissements de personnes liées à la fois à l'IESH et aux réseaux des Frères musulmans et qui contribuent au financement de cette association par des fonds étrangers – essentiellement des pays du Golfe persique.

Depuis le 26 novembre 2019, 1'IESH fait l'objet d'une fermeture administrative par arrêté préfectoral à la suite d'une visite de contrôle des risques d'incendie réalisée par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, le laboratoire central de la préfecture de police, les services préfectoraux et la ville de Saint-Denis. Sur son site internet, cette association indique « chercher activement des locaux à louer » pour « assurer la continuité des activités d'enseignement ».

Le Gouvernement suit-il de près la situation de ce réseau d'éducation européen et de séminaires proche des Frères musulmans et plus spécifiquement celle de l'établissement situé dans la commune de Saint-Denis ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur le financement de celui-ci ?

Quelles sont les mesures adoptées par le Gouvernement pour assurer le suivi du contenu pédagogique des enseignements qui y sont dispensés, afin de garantir que ceux-ci respectent les valeurs, les principes et le droit de la République française ?

Comment le Gouvernement compte-t-il traiter les futurs développements activement souhaités par cet institut, et ce, dans le cadre d'une politique active de prévention de la radicalisation islamiste sur notre territoire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – Miviludes – a été interrogée deux fois sur l'IESH dont la maison mère a été créée en 1990 près de Château-Chinon, à Saint-Léger-de-Fougeret, dans la Nièvre. Depuis 1990, plusieurs associations ont été créées, l'une à Caluire-et-Cuire près de Lyon, et six autres en Île-de-France, à Paris et à Saint-Denis.

Les éléments transmis à la Miviludes ne permettaient pas de mettre en évidence une dérive de nature sectaire. Cependant, l'enseignement dispensé dans cet établissement et les changements observés chez certains des étudiants par leurs proches ont motivé un appel à la plus grande vigilance, et je vous confirme que c'est ce dont nous faisons preuve.

Le préfet de Seine-Saint-Denis porte ainsi une attention tout à fait particulière à l'IESH de Saint-Denis. Une visite inopinée, au titre de la réglementation concernant les établissements recevant du public – ERP – a été organisée le vendredi 11 octobre et a débouché sur un avis défavorable de la sous-commission départementale contre les risques d'incendie et de panique.

Le préfet a donc enjoint au gestionnaire de l'école de procéder à des travaux de mise en conformité pour lever les anomalies constatées. Celles-ci n'ayant pas été levées, le préfet de la Seine-Saint-Denis a notifié, par arrêté du 26 novembre 2019, la fermeture de l'institut.

Le contrôle des établissements d'enseignement hors contrat est une priorité, en particulier dans le cas d'établissements qui ont attiré l'attention des services de police de par les liens qu'ils entretiennent avec la mouvance radicale islamiste. Depuis février 2018, c'est le cas dans les quinze quartiers – situés dans des territoires où se sont développées des filières de combattants pour le djihad – où sont expérimentés des plans de lutte contre la radicalisation.

Les mesures prises dans ces quinze quartiers ont donné des résultats significatifs ; 152 débits de boissons y ont été fermés, de même que 15 lieux de culte, 12 établissements culturels et associatifs et 4 écoles hors contrat. Les comités opérationnels départementaux anti-fraude – CODAF – ont effectué plusieurs centaines de contrôles qui ont abouti à des redressements par la Caisse d'allocations familiales – à hauteur de 4 millions d'euros – et par l'URSSAF – de 15 millions d'euros.

Forts de ces résultats, nous avons donc décidé, à la demande du Président de la République, d'élargir cette stratégie à l'ensemble du territoire national. En novembre dernier, une circulaire a été adressée à tous des préfets pour leur demander d'entreprendre ce type d'action de contrôle chaque fois que des pratiques ou des propos laissent à penser que la loi de Dieu est considérée comme supérieure à la loi de la République. Si des propos suggèrent un lien avec le terrorisme, nous appliquerons la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – SILT.

En tout état de cause, madame la députée, comptez sur notre détermination pour surveiller ce type d'établissement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des paroles à la fois très précises et fortes que vous venez de prononcer. J'observe néanmoins qu'il a fallu attendre le constat, par la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique, du non-respect par l'IESH de Seine-Saint-Denis des règles de sécurité d'un établissement recevant du public pour que cet établissement soit fermé.

J'ai bien entendu, cependant, vos appels répétés à la vigilance. Soyez assuré que nous sommes très nombreux à l'Assemblée nationale à vouloir vous accompagner dans la lutte contre la radicalisation islamiste. Nous ne manquerons pas d'interpeller régulièrement le Gouvernement pour que la situation évolue dans le sens du respect plein et entier des valeurs, des principes et des lois de la République.