Communication dématérialisée aux assurés de l'assurance maladie
Question de :
M. Philippe Bolo
Maine-et-Loire (7e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Philippe Bolo appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les dysfonctionnements de communication numérique via le compte Améli entre assurés et l'assurance maladie ainsi que sur les préjudices importants qui peuvent en découler. Si la dématérialisation est une priorité et une nécessité - afin de permettre un accès au service public plus rapide et au plus grand nombre autant qu'elle est une source d'économies et de rationalisation de la gestion des dossiers - celle-ci doit s'adapter au citoyen, bénéficiaire in fine du service public. M. le député appelle ainsi l'attention de Mme la ministre sur de nombreux cas d'assurés sanctionnés par l'assurance maladie pour n'avoir pas pris connaissance de décisions ou de demandes transmises par seule voie dématérialisée sur le compte Améli, auquel ils n'accédaient pas. Les conséquences administratives (absence de prise en charge ou retenue sur indemnités journalières) peuvent avoir des effets financiers très importants pour ces assurés déjà fragilisés par la maladie. L'absence de prise de connaissance des décisions ou des demandes par l'intermédiaire des services numériques peut s'expliquer par différentes situations propres aux bénéficiaires des services de la sécurité sociale (fragilité due à l'état de santé physique ou psychologique, isolement, etc.) ou à la technologie employée (zone blanche numérique, dysfonctionnement du matériel ou du fournisseur, piratage de messagerie, faux messages Améli, etc.). Si ces incidents devaient se répéter et la Mission nationale de contrôle et d'audit de la sécurité sociale maintenir une position intransigeante de responsabilité de l'assuré dans ses relations numériques avec l'administration de la sécurité sociale, il est à craindre que nombre d'assurés reviendraient sur leur consentement à l'usage d'Améli pour y préférer un traitement non dématérialisé. En s'appuyant sur ces faits, rappelant la position du rapport du Défenseur des droits relatif à la dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics - selon lequel « il est nécessaire que les personnes soient accompagnées dans l'usage du numérique pour éviter que la transformation numérique des services publics n'aggrave encore leurs difficultés » - et dans l'esprit de l'amélioration des rapports de l'administration avec ses administrés dans le contexte renforcé du droit à l'erreur, il l'interpelle ainsi sur les dispositifs correctifs et d'accompagnement que ses services comptent mettre en place pour veiller à l'accessibilité de tous les assurés aux bénéfices de la solidarité nationale.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2020
FONCTIONNEMENT D'AMELI
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bolo, pour exposer sa question, n° 946, relative au fonctionnement d'Ameli.
M. Philippe Bolo. J'appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les dysfonctionnements du système Ameli, ainsi que sur les préjudices importants qui peuvent en découler. Si la dématérialisation est une priorité et une nécessité pour faciliter l'accès au service public, elle ne doit pas négliger de s'adapter aux citoyens, qui en sont les principaux bénéficiaires.
J'ai été interrogé au sujet d'un assuré sanctionné par l'assurance maladie pour ne pas avoir pris connaissance de demandes transmises par la seule voie dématérialisée de son compte Ameli, auquel il ne pouvait accéder en raison de son état de santé. Malheureusement, sa situation n'est pas un cas unique.
Deux sanctions administratives sont prévues dans ce cas, la rupture de la prise en charge des soins ou la retenue sur les indemnités journalières. Ces deux décisions peuvent avoir des effets financiers très importants pour des assurés déjà fragilisés par la maladie.
Plusieurs raisons expliquent le défaut de traitement des demandes formulées par l'intermédiaire des services numériques du compte Ameli. Dans certains cas, il s'agit de raisons propres aux assurés, telles que la fragilité induite par leur état de santé physique ou psychologique et leur isolement.
Dans d'autres cas, la technologie numérique en est la cause. Tel est par exemple le cas dans les zones blanches. Citons également le dysfonctionnement du matériel ou du fournisseur d'accès internet, le piratage des messageries électroniques, la création de faux comptes Ameli, voire le changement d'adresse électronique.
La mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale est ancrée dans une posture d'intransigeance sur ce point. Cette position défavorable aux assurés, conjuguée à l'éventuelle répétition des incidents, fait peser sur l'assurance maladie le risque que de nombreux assurés retirent leur consentement à l'usage d'Ameli, au profit d'un traitement non dématérialisé de leurs dossiers.
Je rappellerai également la position du Défenseur des droits en matière de dématérialisation des services publics : « Il est nécessaire que les personnes soient accompagnées dans l'usage du numérique pour éviter que la transformation numérique des services publics n'aggrave encore leurs difficultés. »
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur les dispositifs correctifs que le Gouvernement envisage de mettre en place pour corriger les situations précitées et éviter qu'elles ne surviennent, garantissant ainsi l'accessibilité de tous les assurés au bénéfice de la solidarité nationale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Le numérique constitue une opportunité majeure pour permettre l'accès de tous au service public, y compris en cas d'éloignement physique et hors des heures d'ouverture usuelles, sous réserve que le territoire bénéficie d'une couverture réseau et que les usagers accèdent facilement au numérique.
Le compte Ameli permet à ceux qui le souhaitent de bénéficier des atouts de la dématérialisation : accessibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mobilité, rapidité, immédiateté, autonomie, simplicité. Nous devons porter une attention particulière à l'accessibilité des services publics pour les personnes en situation de handicap.
Les téléservices déployés satisfont aux conditions prévues par le référentiel général d'accessibilité pour les administrations – RGAA. Toutefois, il est nécessaire d'élaborer un cadre pour l'inclusion numérique et la lutte contre les difficultés en matière d'accès au numérique.
Les caisses de sécurité sociale proposent un accompagnement des assurés dans l'usage des services numériques. Elles offrent aux assurés les plus éloignés du numérique une aide en agence, voire des formations dispensées par leurs travailleurs sociaux ou par des partenaires de la médiation numérique.
En tout état de cause, elles offrent systématiquement une solution alternative au numérique, déployant localement des points d'accueil physiques ainsi que la possibilité d'obtenir une réponse téléphonique ou par courrier. Ces canaux de contact sont complémentaires de l'offre numérique. Enfin, les usagers peuvent toujours trouver une assistance de proximité dans les maisons France Service, qui sont en cours de déploiement dans les territoires.
Monsieur Bolo, soyez assuré que nous prenons ce sujet très au sérieux. Au demeurant, Mme la ministre des solidarités et de la santé a fixé aux caisses de sécurité sociale des objectifs de résultat en matière d'accessibilité aux services publics, notamment en matière d'accessibilité numérique.
En la matière, ce n'est pas d'intransigeance dont il faut faire preuve, mais au contraire de compréhension, d'aptitude à l'accompagnement et de souplesse, car ceux qui ne peuvent pas accéder au numérique sont nombreux dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse précise. J'ai pris bonne note de vos observations relatives à l'accompagnement des usagers et aux canaux de contact offrant des solutions alternatives.
Toutefois, ne perdons pas de vue le fait que l'éloignement des services numériques résulte parfois de la maladie des assurés, et pas uniquement de leurs difficultés d'accès aux services numériques. Le bon accès aux services dématérialisés ainsi que leur bon fonctionnement et le bon niveau de service rendu sont très importants pour de nombreux Français.
Il faut faire en sorte qu'Ameli demeure un outil capable de s'adapter à des situations particulières, et veiller à ne pas en faire un vecteur de dépersonnalisation et de déshumanisation. Il ne faut pas faire d'un outil conçu pour accompagner le suivi médical des soins des Français un outil anxiogène.
Auteur : M. Philippe Bolo
Type de question : Question orale
Rubrique : Assurance maladie maternité
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2020