15ème législature

Question N° 9479
de M. Dominique Potier (Nouvelle Gauche - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Huile de palme

Question publiée au JO le : 19/06/2018 page : 5273
Réponse publiée au JO le : 31/07/2018 page : 6969

Texte de la question

M. Dominique Potier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'autorisation donnée par l'État le 16 mai 2018 permettant l'exploitation d'une bioraffinerie sur le site de Mède par la société Total. Tout a été écrit sur le bilan écologique catastrophique de la transformation de l'huile de palme en carburant, les conséquences sociales désastreuses pour les communautés locales, la concurrence déloyale avec des filières européennes moins impactantes sur le climat et concourant à une part de l'autonomie en protéine animale. Deux arguments en faveur lui semblent particulièrement pernicieux. Personne ne peut être insensible à la défense de l'emploi à la raffinerie de Mède. Pour autant, chacun sait que le bilan en termes d'activité est nettement en faveur d'une authentique transition écologique. Et Total dispose de nombreux leviers pour sa mise en œuvre tant dans la recherche d'économie d'énergie que dans la diversification de sa production. Le second argument est celui de la source « développement durable » de l'huile importée. Cette clause a pour seul mérite de donner bonne conscience mais elle n'empêchera dans les faits un effet domino sur l'ensemble de la production d'huile de palme dès lors que des limites ne sont pas posées à la déforestation. Plus globalement, l'affaire Total à Mède est un révélateur de trois désordres : premièrement, « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs...». Les accords de Paris sont le minimum pour éviter le pire. Chaque renoncement au nom des enjeux économiques à court terme sera payé au prix fort par la génération qui vient. Deuxièmement, l'agriculture est devenue la variable d'ajustement d'échanges commerciaux au bénéfice d'autres produits et services sont le commerce de l'armement. Nous savons notamment que cette situation génère de multiples dépendances qui sont autant de fragilités. Pour la paix et la sécurité à titre d'exemple, la question des sols et de la transition alimentaire justifie de nouvelles régulations et la mobilisation de toutes les agricultures de la planète. Troisièmement, plus que jamais la puissance publique doit s'affirmer face au pouvoir exorbitant des sociétés multinationales. Garante de l'intérêt général, l'Europe doit dans une nouvelle génération de traités multilatéraux promouvoir une économie loyale et une nouvelle voix dans la mondialisation. Il lui demande quelles sont les mesures d'impact ayant présidé à la décision pour la France, la planète et les générations à venir.

Texte de la réponse

La transformation de la raffinerie de Total située à La Mède en bioraffinerie, décidée en 2016 et autorisée le 16 mai dernier par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'inscrit dans le cadre de la réorganisation du secteur du raffinage. Elle permet, d'une part, de maintenir 250 emplois sur le site industriel de La Mède et, d'autre part, de produire des produits spécifiques, des huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui sont jusqu'à présent produites à l'étranger à partir d'huile de palme puis importées en France. L'usage des matières premières utilisées pour produire ces biocarburants, et notamment l'huile de palme, sera strictement encadré. À ce jour, les filières d'approvisionnement de cette installation ne sont pas entièrement arrêtées. Outre les huiles végétales brutes, trois autres types de ressources sont ciblées : les huiles de cuisson usagées, les graisses animales et les résidus acides issus du raffinage des huiles alimentaires. Le Gouvernement a imposé, à cet égard, qu'une part minimale de 25 % de l'approvisionnement provienne de cette économie circulaire. Il s'agit d'un effort considérable pour structurer les filières françaises. Le Gouvernement a également demandé à l'entreprise Total de faire en sorte de limiter, autant que possible, l'approvisionnement en huiles végétales brutes (palme, colza, soja) à des quantités inférieures aux 450 000 tonnes par an autorisées pour l'usine. Il a ainsi été obtenu de l'entreprise une limitation volontaire de sa consommation d'huile de palme à 300 000 tonnes, soit moins de 50 % des matières premières utilisées à la Mède. Concernant la part qui proviendra d'huiles végétales brutes, le Gouvernement a rappelé à Total le caractère obligatoire de la réglementation communautaire relative à la durabilité des biocarburants. Le respect de ces critères, qui sont très stricts, est scrupuleusement contrôlé par les autorités françaises compétentes en la matière, et sera publié chaque année. Ainsi, l'autorisation de la bioraffinerie de La Mède va permettre de remplacer des HVO importées, produites avec 100 % d'huile de palme, par des HVO produites en France avec 50 % d'huile de palme. En outre, le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour, d'une part, diminuer l'emploi de matières premières à usage énergétique entrant en concurrence avec l'usage alimentaire et, d'autre part, réviser les critères de durabilité concernant les matières premières à fort impact sur l'utilisation des sols à des fins alimentaires. Par ailleurs, et comme annoncé dans le Plan climat le 6 juillet 2017, le Gouvernement a rappelé sa volonté de ne voir que de l'huile de palme durable utilisée en France. Le Gouvernement a porté ces positions lors des négociations européennes sur la directive énergies renouvelables qui ont abouti à un plafonnement puis à une élimination progressive des matières premières à fort impact ILUC (impact du changement indirect de l'utilisation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre) d'ici 2030. Le Gouvernement a également demandé à la Commission européenne de lancer rapidement les travaux pour élaborer une stratégie sur la déforestation importée et, en parallèle, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a engagé une politique ambitieuse dans ce domaine. En effet, l'axe 15 du Plan climat prévoit de mettre fin à l'importation, en France, de produits contribuant à la déforestation, et de publier, en 2018, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette stratégie, soumise à la consultation publique du 3 au 24 juillet 2018, vise à lutter contre la perte nette de forêt, et en particulier de forêts tropicales. Plusieurs mesures seront prises, notamment pour le secteur privé qui devra intégrer des critères de durabilité dans ses plans de filière.