Question orale n°949 : Ouverture des grandes surfaces les dimanches et les soirs de la semaine

15ème Législature

Question de : Mme Marie-Noëlle Battistel (Auvergne-Rhône-Alpes - Socialistes et apparentés)

Mme Marie-Noëlle Battistel alerte Mme la ministre du travail sur la situation des grandes surfaces qui multiplient les dispositions pour ouvrir, sans personnel, les dimanches après-midi et les soirs de la semaine jusqu'à minuit. Cette démarche, notamment proposée par le groupe Casino sur les communes de Fontaine et Saint-Martin-d'Hères en Isère, représente de multiples risques et cause de sérieux désagréments tant pour les salariés que pour les clients. Les personnels de sécurité, trop peu nombreux, sont rapidement débordés : les vols se multiplient, le rayon alcool est devenu facilement accessible y compris aux mineurs, tandis que les autres rayons sont dégradés. Cela pose également un problème en termes de sécurité incendie et d'accessibilité de tous aux locaux techniques. Les salariés, quant à eux, voient leur charge de travail s'alourdir considérablement afin de remettre en ordre, chaque matin, les rayons dégradés de la nuit. Cela pose encore et surtout la question du choix de société que l'on validerait en permettant une consommation de chaque instant, sans que de réels besoins soient exprimés, en contournant la législation du droit du travail. À l'heure où l'on s'interroge collectivement sur les méfaits de la surconsommation et de l'impact sur l'environnement, ce type de démarche est un signal particulièrement négatif. Il interroge enfin sur la précarisation de l'emploi et la remise en cause de l'activité salariée qui est directement menacée par l'extension de ces processus d'automatisation peu réglementés. Aussi, elle lui demande de bien vouloir indiquer les moyens dont dispose le Gouvernement pour encadrer et interdire ce type de pratique qui pèse sur les salariés et les clients des grandes surfaces et traduit un modèle de société de la consommation à outrance sans même préserver l'emploi.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2020

OUVERTURE DES GRANDES SURFACES SANS PERSONNEL LES DIMANCHES ET LES SOIRS
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, n°  949, relative à l'ouverture des grandes surfaces sans personnel les dimanches et les soirs.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je voudrais évoquer l'une des maladies du capitalisme, qui inquiète et qui a une incidence directe sur notre vie économique et sociale : l'ouverture des grandes surfaces les soirs de la semaine et le dimanche, avec des caisses automatiques à la place du personnel, et ses répercussions sur les salariés et sur les clients. C'est un problème que je connais bien, pour avoir été sollicitée par les personnels dans la circonscription dont je suis élue ; cette démarche y a été engagée dans deux communes, Fontaine et Saint-Martin-d'Hères.

Les conséquences sont réelles. Le soir, les personnels de sécurité, bien trop peu nombreux pour de si grandes surfaces, sont rapidement débordés. Les vols sont donc fréquents et, au-delà de leur impact économique, ils mettent en péril la sécurité des lieux. Le lendemain matin, les salariés doivent passer leur temps à remettre les lieux en état après la mise à sac des rayons la veille. La loi n'est pas vraiment respectée, puisque les mineurs ont un accès quasi-libre au rayon des alcools, avec tous les risques que l'on connaît pour la santé et la sécurité publique – sans parler du risque d'incendie, car les salariés, censés encadrer les clients s'il faut évacuer le magasin, ne sont évidemment pas présents. En somme, la quiétude n'est plus.

C'est aussi un changement de modèle de société qui est imposé aux salariés et aux clients. L'humain disparaît au profit de caisses automatiques, sans autre motif que la recherche permanente de rentabilité – laquelle est toutefois bien relative compte tenu des phénomènes que je viens de vous décrire. Le groupe Casino affirme que cette démarche est une réponse au e-commerce et qu'elle permettra de faire revenir les clients. Au vu des conséquences et du retour d'expérience des salariés, permettez-moi d'en douter.

À l'heure où nous nous interrogeons collectivement sur les méfaits de la surconsommation et de son impact sur l'environnement, une telle démarche est un signal particulièrement négatif, qui pose en outre la question de la précarisation de l'emploi et de la remise en cause de l'activité salariée, laquelle est directement menacée par l'extension de ces processus d'automatisation peu réglementés. Il faut évidemment s'interroger : à quel besoin, en fait, cela peut-il répondre ? Faire ses courses à minuit est-il vraiment un progrès de société ?

Monsieur le secrétaire d'État, que pouvez-vous faire pour mettre fin à ces pratiques néfastes non seulement pour la vie des salariés, mais aussi pour celle des clients, et pour lutter contre les méfaits induits par cette logique de surconsommation ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame la députée, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la situation des grandes surfaces alimentaires qui ouvrent sans personnel le dimanche après-midi et les soirs de semaine jusqu'à minuit. Le Gouvernement a pleinement conscience de cette question qui, comme vous le soulignez, n'est pas sans susciter de difficultés, parfois nombreuses et hétéroclites, y compris au regard du respect de la législation et des réglementations en vigueur.

Si le code du travail interdit aux commerces alimentaires d'employer des salariés le dimanche après treize heures, il ne les empêche pas d'ouvrir l'après-midi avec des caisses automatiques, sous réserve toutefois qu'il n'existe pas d'arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire de ces commerces le dimanche.

Ces expérimentations d'ouverture avec des caisses automatiques le dimanche après-midi et la nuit se réalisent avec du personnel chargé d'assurer la sécurité, mais des difficultés telles que celles que vous avez évoquées peuvent exister.

Ces personnels de sécurité peuvent travailler le dimanche, car ils bénéficient d'une dérogation du droit au repos dominical au titre des activités de surveillance et de gardiennage. Il importe toutefois qu'ils soient exclusivement occupés à la sécurité et qu'ils ne réalisent pas, en pratique, des activités d'assistance auprès des clients en caisse. À défaut, cela constituerait une infraction au principe du repos dominical, pouvant donner lieu à sanction par les services de l'inspection du travail.

S'ils sont, par ailleurs, autorisés à travailler de nuit parce qu'ils exercent une activité de protection des biens et des personnes, il doit néanmoins exister un accord collectif encadrant le recours à ces travailleurs de nuit ; à défaut, ce recours doit avoir été autorisé par l'inspecteur du travail.

Cependant, la nuit comme le dimanche après-midi, ces personnels ne peuvent exercer d'autres fonctions que celles qui sont liées à la surveillance, toute activité d'assistance aux clients en caisse pouvant être considérée comme un moyen de détourner les règles d'ordre public relatives au travail de nuit – peu importe, dans ce cas, que ces personnels de sécurité soient couverts par un accord collectif. C'est la raison pour laquelle les services de l'inspection du travail assurent des contrôles dans les enseignes qui recourent à ces modalités d'ouverture. Ces contrôles, qui ont été menés dans plus de treize départements, font l'objet d'un suivi au niveau national et ont donné lieu à des assignations en référé afin de s'assurer du respect de la législation.

Pour les cas que vous avez cités, nous saisirons le préfet du département, afin que les services de l'État puissent aussi coordonner leur action et veiller à ce que l'ensemble des réglementations soient respectées dans les enseignes que vous avez citées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre réponse, mais la situation que je viens d'évoquer pose aussi un problème plus large : il peut aussi se passer des choses à la sortie de ces grandes surfaces et les maires sont inquiets de la responsabilité qui pourrait leur incomber. Ils doivent assurer une surveillance, à leur charge, pour garantir la sécurité ; une telle obligation ne devrait pas reposer sur la collectivité.

Pour ce qui est de la surveillance à l'intérieur des magasins, des agents de sécurité sont bien présents, mais ils sont très peu nombreux pour de si grandes surfaces. J'ai vu des photos montrant que le rayon des alcools, qui doit être isolé et non accessible, est simplement recouvert d'une bâche en plastique bleue, et donc, me semble-t-il, quasiment en accès libre, ce qui pose de vrais problèmes tant de respect de la réglementation que de sécurité.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel (Auvergne-Rhône-Alpes - Socialistes et apparentés)

Type de question : Question orale

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Travail

Ministère répondant : Travail

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2020

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