Présence médicale et hospitalière en Ardèche
Question de :
M. Fabrice Brun
Ardèche (3e circonscription) - Les Républicains
M. Fabrice Brun attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la présence médicale et hospitalière en Ardèche. En Ardèche, 60 % des médecins ont plus de 55 ans. Ils n'exerceront plus dans dix ans. Déjà des vallées entières, comme celle de Burzet ou de Valorge sont dépourvues de médecins généralistes. La situation se pose également avec une acuité toute particulière sur la montagne ardéchoise, récemment classée en zone d'intervention prioritaire par les services de l'Agence régionale de santé. Une question est sur toutes les lèvres des habitants de ces territoires qui se sentent de plus en plus abandonnés par la République : combien de temps le système de santé français pourra-t-il tenir sans réguler l'installation des médecins ? L'enjeu c'est l'équité d'accès aux soins pour tous, en tous points du territoire. C'est aussi celui de l'attractivité du métier de médecin généraliste libéral, qui certes demande un exercice regroupé de la médecine, mais aussi une simplification administrative indispensable. Car un médecin doit passer plus de temps avec le corps de son patient que sur son ordinateur. Autre volet majeur pour renforcer la présence médicale et l'offre de soins dans un territoire comme l'Ardèche : conforter le rôle pivot dans l'organisation sanitaire du centre hospitalier d'Aubenas. Des investissements, décidés en 2018 avec le concours de l'ARS, sont en cours pour reconstruire les urgences, moderniser les services de néonatologie et d'oncologie. Une ligne secondaire du SMUR a été créé pendant la saison touristique. Le transfert en hélicoptère des patients les plus urgents a été amélioré. Mais, dans le prolongement de la loi Touraine de 2016, le bassin de santé - 100 000 habitants l'hiver, 300 000 l'été - souffre de la décision inique de confier la fonction d'hôpital support du GHT au centre hospitalier de Montélimar, dans le département voisin de la Drôme, avec des menaces avérées sur l'évolution du plateau technique de l'hôpital d'Aubenas et sur son attractivité à terme pour recruter des médecins. Il en résulte la nécessité de modifier le périmètre du GHT concerné et de confier la fonction support à l'hôpital d'Aubenas pour conforter l'offre de soins en Ardèche : 330 000 habitants et aucun hôpital support à ce jour dans le département, une situation unique en France que le Gouvernement doit prendre en considération, dans le prolongement des premières avancées obtenus ces 18 derniers mois. Il lui demande de préciser si le Gouvernement entend donner une suite favorable à ces suggestions.
Réponse en séance, et publiée le 12 février 2020
ORGANISATION MÉDICALE ET HOSPITALIÈRE EN ARDÈCHE
M. le président. La parole est à M. Fabrice Brun, pour exposer sa question, n° 970, relative à l'organisation médicale et hospitalière en Ardèche.
M. Fabrice Brun. Quand on est député, on a quelquefois la désagréable impression de prêcher dans le désert – un désert médical, en l'occurrence. Ce risque est d'une acuité toute particulière en Ardèche, qui, avec 330 000 habitants, est le se seul département de France de cette importance dépourvu d'hôpital support dans le cadre d'un groupement hospitalier de territoire, un GHT. Allez-vous y remédier, madame la secrétaire d'État, et corriger les erreurs du passé ? Par ma voix, les Ardéchois vous le demandent, pour renforcer le plateau technique et l'attractivité de l'hôpital d'Aubenas. J'ajoute que nous n'attendons pas tout de l'État et que nous ne restons pas les bras croisés : la reconstruction totale des urgences, qui est en cours, et la future maison des internes adossée à notre centre hospitalier sont là pour en témoigner, comme les nombreuses initiatives du collectif des médecins de l'Ardèche méridionale, à qui je rends hommage.
Une autre question est sur toutes les lèvres des habitants de Saint-Cirgues-en-Montagne, de Burzet, de Valgorge, de Saint-Étienne-de-Fontbellon et d'ailleurs : combien de temps notre système de santé pourra-t-il tenir sans réguler l'installation de médecins, généralistes comme spécialistes, au moins le temps d'attendre l'effet de la suppression du numerus clausus, soit dix ans – car, comme un bon vin, c'est ce qu'il faut pour faire un médecin ?
Vous me répondrez que tout est fait pour faciliter l'exercice regroupé de la médecine. À cet égard, il faut rendre hommage à l'action des maires et des élus locaux, mais aussi aux pompiers, aux infirmières et aux agents hospitaliers, qui tiennent parfois le système à bout de bras. Néanmoins, madame la secrétaire d'État, la logique incitative a ses limites et elle arrive à son terme dans nos territoires. Le Gouvernement et vous-même en avez-vous conscience ? Comment allez-vous nous aider à régler la question de la présence médicale et soutenir les hôpitaux d'Aubenas et de Privas, qui sont les pivots de notre organisation sanitaire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, je tiens tout d'abord à vous assurer que nous prenons en compte la spécificité de votre territoire. Comme la ministre des solidarités et de la santé a déjà eu l'occasion de le dire, nous ne croyons pas à la coercition : en médecine générale, la France entière est sous-dotée et seulement 5 % des jeunes médecins veulent s'installer. Avec un système coercitif, nous en aurions zéro. Nous défendons par conséquent des mesures incitatives. L'objectif du plan « ma santé 2022 » et des différentes mesures du plan d'accès aux soins est justement de conduire les jeunes médecins à s'installer en connaissant le territoire et la patientèle.
Votre question porte plus particulièrement sur le rôle du centre hospitalier d'Aubenas et sur les contours du groupement hospitalier de territoire. Sachez que des travaux sont en cours en vue de publier, d'ici à l'été, une ordonnance et un décret sur la gouvernance des hôpitaux et des GHT, qui contiendront en particulier des éléments relatifs aux conditions d'application de l’article 37 de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé créant les commissions médicales de groupement. Les textes doivent préciser la composition et les règles de fonctionnement de ces nouvelles instances ainsi que les matières sur lesquelles elles seront consultées. La mise en place des commissions médicales de groupement devrait être effective au plus tard le 1er janvier 2021.
À la suite de la publication de ces textes, il appartiendra à l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes de considérer quelles modifications ils entraîneront sur le fonctionnement des GHT et de procéder à une éventuelle révision des contours de ces groupements, y compris du GHT Sud-Drôme-Ardèche.
M. le président. La parole est à M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Je ne crois pas non plus aux mesures coercitives, mais nous sommes aujourd'hui arrivés à un tel niveau de désertification médicale que certaines formes de régulation, par exemple l'interdiction de s'installer dans les zones surdotées, méritent réflexion.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour cette réponse et vous invite à appréhender, avec l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, la réalité de notre bassin de santé. Vous n'aurez d'ailleurs pas de mal à faire mieux que vos prédécesseurs. Même si le secteur est très réglementé, nous n'attendons pas des études sur le dossier du groupement hospitalier de territoires, mais des actes en faveur de la création d'un hôpital support ardéchois. C'est là une question de justice et d'équité de l'accès aux soins.
Je profite de cet échange privilégié pour apporter un léger bémol à l'enthousiasme qui entoure la télémédecine : certes, elle représente un complément intéressant et important et apporte un plus technologique appréciable, mais elle ne saurait remplacer la dimension humaine et sociale de la médecine que vous défendez, je le sais, avec conviction. Rien ne remplacera jamais les médecins sur le terrain.
Auteur : M. Fabrice Brun
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2020