15ème législature

Question N° 975
de M. Laurent Furst (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > bois et forêts

Titre > Gouvernance ministérielle et action du Gouvernement pour la forêt française

Question publiée au JO le : 04/02/2020
Réponse publiée au JO le : 12/02/2020 page : 861
Date de changement d'attribution: 11/02/2020

Texte de la question

M. Laurent Furst interroge Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la gouvernance ministérielle de la forêt française et l'action du Gouvernement en ce domaine. La forêt française représente 17 millions d'hectares - auxquels il faut ajouter les 8 millions d'hectares des forêts des outre-mer - et la filière bois (amont et aval) 440 000 emplois. 31 % du territoire national est couvert par la forêt qui grandit de 0,5 % par an soit la surface de plus de 300 terrains de football par jour, principalement en raison de la déprise agricole en moyenne montagne. La forêt française est un poumon vert et un puit de carbone pour la Nation mais c'est aussi une chance pour l'économie. Cela dit, en Allemagne, la forêt couvre 11 millions d'hectares et génère 1 200 000 emplois, ce qui souligne le potentiel immense qui est celui de la France. Avec 135 essences d'arbres la forêt française est riche en biodiversité, pourtant on a le sentiment que la France n'est pas à la hauteur des enjeux actuels. La crise du scolyte, la sécheresse, la pression du gibier, l'adaptation au changement climatique, l'exportation des grumes de chêne, les pertes de parts de marché des industries de l'aval, la situation de l'Office national des forêts, tout cela interroge. Aujourd'hui la forêt au sens large du terme dépend factuellement de plusieurs ministères, de celui de la transition écologique, de l'agriculture, de l'industrie, de l'éducation et peut-être même de la cohésion des territoires. Cela donne le sentiment d'un pilotage très désordonné de ce vaste secteur qui pourtant concerne 6 000 communes de France. Il lui demande si le Gouvernement envisage de remédier à cette situation ancienne et au fond pénalisante pour le pays. Alors que l'on est à mi-mandat de la XVe législature, il lui demande également de faire un point d'étape de l'action gouvernementale en matière forestière et d'indiquer l'ambition que le Gouvernement nourrit pour la forêt française.

Texte de la réponse

GOUVERNANCE DE LA FORÊT FRANÇAISE


M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour exposer sa question, n°  975, relative à la gouvernance de la forêt française.

M. Laurent Furst. La forêt française occupe 17 millions d'hectares, auxquels il faut ajouter les surfaces de forêt particulièrement vastes des outre-mer ; la filière bois amont et aval représente 440 000 emplois. La forêt couvre 31 % du territoire national et augmente de 0,5 % par an environ, soit la surface de plus de 300 terrains de football par jour, principalement en raison de la déprise agricole, très forte en moyenne montagne. Notre forêt est donc un poumon vert et un puits de carbone pour la nation ; elle est aussi une chance pour notre économie. En Allemagne, cependant, la forêt couvre 11 millions d'hectares et procure 1,2 million d'emplois, ce qui suggère le potentiel immense qui est le nôtre.

Avec 135 essences d'arbres, notre forêt est riche en biodiversité ; pourtant nous avons le sentiment que la France n'est pas à la hauteur des enjeux actuels. La crise du scolyte, la sécheresse, la pression du gibier, l'adaptation au changement climatique, l'exportation des grumes de chêne, les pertes de parts de marché des industries de l'aval, la situation de l'Office national des forêts : tout cela suscite des interrogations.

La forêt, au sens large du terme, dépend factuellement de plusieurs ministères : ceux de la transition écologique et solidaire, de l'agriculture et de l'alimentation, de l'économie et des finances, de l'éducation nationale et de la jeunesse et peut-être même de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Cela donne le sentiment que ce vaste secteur, qui concerne pourtant 6 000 communes, fait l'objet d'un pilotage désordonné.

Le Gouvernement envisage-t-il de remédier à cette situation très ancienne – il n'y a en effet nulle arrière-pensée politique dans ma question –, pénalisante pour notre pays ? À mi-parcours de notre législature, pourriez-vous établir un point d'étape de l'action gouvernementale et expliciter l'ambition que vous nourrissez pour la forêt française ?

M. Fabrice Brun. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Les députés ont toujours raison de poser les questions de leur choix, mais la vôtre revêt une pertinence accrue car elle intervient au moment où la forêt française se situe à un tournant. Nous devons prendre en charge collectivement cette situation : les communes forestières, les propriétaires, les parlementaires et le Gouvernement, mais aussi tous ceux qui sont concernés en aval, puisque la filière industrielle est très importante.

Vous évoquez les scolytes : leurs attaques constituent la première cause du tournant auquel la forêt française est confrontée. Elle est malade, scolytée : la situation est gravissime. Nous avons adopté un plan d'urgence doté de 6 millions d'euros, afin d'enlever les bois scolytés. Vous connaissez mieux que quiconque la situation de la forêt : la tâche est rendue plus ardue encore par la multiplication de petites parcelles, dont certaines sont détenues par des personnes qui ignorent même en être propriétaires. L'enlèvement des bois scolytés, qui constitue la première partie du plan, doit absolument être mené à bien.

La seconde partie, dotée de 10 millions d'euros, vise à instaurer une réflexion de long terme sur l'avenir de la forêt. Lors du dernier comité stratégique de la filière bois, j'ai demandé que l'ensemble de la filière nous transmette ses propositions. Nous devons en effet concevoir une forêt plus résiliente au changement climatique. Il faudra probablement, en particulier, changer certaines essences résino-feuillues. Les récents rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – GIEC – indiquent d'ailleurs que la forêt constitue un puits de carbone sans fond, aux propriétés exceptionnelles, comme les sols lorsqu'ils sont couverts. À cet égard, la forêt française n'est pas exploitée à la hauteur de tout son potentiel.

En outre, les possibilités de développement sont considérables. Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en offrent une belle illustration : les bâtiments du village olympique, y compris les hauts immeubles, seront construits en bois, préfigurant les constructions de demain. La future réglementation environnementale sur les bâtiments neufs devrait nous aider en ce sens.

La stratégie bas carbone, qui fait l'objet d'une consultation, comportera aussi des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique.

Vous m'avez par ailleurs interrogé sur l'ONF, qui est effectivement en souffrance. Un nouveau directeur général a été nommé ; nous travaillons à combler l'énorme déficit pour que l'ONF redevienne ce qu'il doit être, c'est-à-dire un office public, capable de rayonner et de travailler avec l'ensemble des acteurs, notamment, j'y tiens beaucoup, le Centre national de la propriété forestière.

Enfin, le plan relatif à la forêt doit permettre de définir l'avenir que nous voulons, en ce domaine, pour ce qui concerne l'aval. Des grumes partent à l'étranger et reviennent sous forme de meubles que nous achetons : ce n'est pas admissible. Nous devons développer une véritable filière stratégique de scierie et d'ameublement : il n'y a aucune raison pour que le bois français ne soit pas scié, tranché et transformé en France, et ce faisant pour qu'il constitue un circuit court, au bénéfice des Français.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Soixante-dix années ne représentent rien à l'échelle de la pousse d'un arbre ou d'une forêt. Aussi nous gardons-nous, comme ici avec vous, de politiser le sujet. La forêt représente une chance extraordinaire, et elle doit faire l'objet d'un pilotage déterminé pour développer la filière bois.