15ème législature

Question N° 976
de M. Christian Jacob (Les Républicains - Seine-et-Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > énergie et carburants

Titre > importation d'huile de palme pour la production de carburant

Question publiée au JO le : 13/06/2018
Réponse publiée au JO le : 13/06/2018 page : 5914

Texte de la question

Texte de la réponse

IMPORTATION D'HUILE DE PALME POUR LA PRODUCTION DE CARBURANT


M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, avons-nous besoin de handicaper gravement notre agriculture et de nuire à notre souveraineté alimentaire ? Évidemment non ! C'est pourtant ce que votre gouvernement s'apprête à faire en augmentant de 300 000 tonnes les autorisations d'importation d'huile de palme.

M. Marc Le Fur. Eh oui !

M. Christian Jacob. Vous allez imposer une concurrence totalement déloyale aux agriculteurs producteurs de colza. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)

M. Thibault Bazin. Il a raison !

M. Christian Jacob. Vous allez mettre en péril l'industrie française du biodiesel de colza, une filière dont dépendent, je vous le rappelle, 75 000 producteurs et environ 20 000 emplois, pour la plupart situés en zone rurale. Comble du comble, vous allez aussi réduire, de fait, la production de tourteaux de colza, utile à l'alimentation animale,…

M. Maxime Minot. Exactement !

M. Christian Jacob. …ce qui obligera les éleveurs français à importer davantage de tourteaux de soja brésiliens ou américains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)

Décidément, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement impose toujours plus de normes et de contraintes aux producteurs français, et moins pour les produits d'importation.

Sur le plan économique, votre décision sera catastrophique pour l'agriculture, l'agro-industrie et l'élevage. Sur le plan écologique, ce seront plus d'émissions de gaz à effet de serre, plus de CO2 et plus de déforestation en Asie et en Amérique du Sud. Votre choix est d'autant plus incompréhensible que le Parlement européen vient de se prononcer pour l'interdiction de l'huile de palme en 2021.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous dire en toute transparence, devant la représentation nationale, ce qui se cache réellement derrière ce scandale de l'huile de palme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, vous m'interrogez sur l'autorisation accordée par le Gouvernement à la société Total d'importer un certain quota d'huile de palme pour alimenter la transformation de l'outil industriel sur le site de La Mède.

Comme vous le savez, la décision d'adapter l'outil industriel de La Mède a été prise en 2015, par un gouvernement précédent. Il s'agissait à l'époque, je crois que vous vous en souvenez, de trouver une solution qui permettrait de sauver durablement des emplois à La Mède – 450 à l'époque – et de faire en sorte qu'un grand industriel français producteur de carburants puisse augmenter sa production de biocarburants ou plutôt, appelons-les ainsi, d'agrocarburants. Il s'agissait donc de garantir la production de ces carburants en France et de sauver des emplois.

La conséquence logique de cet engagement, pris en 2015, était qu'au moment où l'usine pourrait fonctionner, l'autorisation promise lui soit bien accordée ; tout le monde peut le comprendre, et je suis sûr que vous-même le comprenez parfaitement, monsieur le président Jacob. Si nous n'avions pas tenu cet engagement, vous auriez pu à juste titre dénoncer le mauvais coup porté à un industriel qui, après avoir accompli des efforts d'investissement pour adapter son outil de production, n'aurait pas été autorisé à approvisionner ce dernier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabrice Brun. Il y avait une autre solution : faire appel à nos agriculteurs !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je crois que vous pouvez reconnaître que nous nous inscrivons dans une démarche cohérente et rationnelle : nous tenons un engagement qui a été pris par d'autres. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Vous êtes vraiment dans la continuité de François Hollande !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Par ailleurs, monsieur le président Jacob, l'installation de La Mède nous permet de respecter un engagement qui a été pris par les autorités françaises et qui doit être tenu par les producteurs de carburant français : 7 % des carburants produits dans notre pays doivent être des biocarburants. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabrice Brun. Il faudrait utiliser du colza français !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . En l'occurrence, cette usine va produire des HVO, c'est-à-dire des huiles végétales hydrotraitées, et mon gouvernement a demandé que l'usine soit approvisionnée de 50 000 tonnes de colza produit en France.

M. Christian Jacob. Vous pouvez faire plus !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous sommes donc extrêmement sensibles tant aux arguments que vous avez exprimés qu'à la nécessité d'accompagner un engagement pris par le passé.

S'agissant de l'huile de palme, vous avez raison, nous le savons, le recours à ce produit est à bien des égards insatisfaisant sur le plan environnemental.

M. Christian Jacob. D'autant qu'il sera interdit en 2021 !

M. Fabrice Brun. Il faut arrêter la déforestation de la planète !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . D'ailleurs, vous savez aussi qui sont les plus grands importateurs d'huile de palme en France.

M. Jean-Baptiste Moreau. Eh oui !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous le savez, n'est-ce pas, monsieur le président Jacob ? (Exclamations.) Moi aussi, je le sais ; nous le savons tous.

L'objectif est d'adopter une législation européenne tendant, comme l'a clairement exprimé le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, à réduire progressivement ce que l'on appelle la « déforestation importée ».

Mme Valérie Beauvais. Faites-le donc !

M. Maxime Minot. C'est maintenant qu'il faut agir !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Mais il faut aussi tenir les engagements qui ont été pris. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous défendrons pied à pied les intérêts des filières agricoles françaises.

M. Fabien Di Filippo. C'est du mauvais bla-bla !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation rencontre cet après-midi la FNSEA – la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles – et les Jeunes Agriculteurs pour évoquer ce sujet, qui est largement documenté. Monsieur le président Jacob, nous ne dévierons pas de la voie que nous avons clairement tracée : nous défendons les intérêts des filières agricoles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. C'est faux ! Vous mentez !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous faisons en sorte que l'ouverture des marchés soit respectueuse des intérêts de l'ensemble des filières agricoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations persistantes sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabien Di Filippo. Il faut tout remettre à plat !