BILAN DE SOINS INFIRMIERS
M. le président. La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour exposer sa question, n° 978, relative au bilan de soins infirmiers.
Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je souhaite vous interpeller sur la mise en place du bilan de soins infirmiers, le BSI, qui remplacera la démarche de soins infirmiers, ou DSI. Le BSI concerne des soins infirmiers, classés en actes infirmiers de soins dans la nomenclature des actes infirmiers et communément appelés « soin de nursing », dont ont besoin beaucoup de personnes dépendantes, handicapées ou âgées.
Le 29 mars 2019, l’avenant n° 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux a été signé. Le BSI fait partie des mesures figurant dans cet avenant dont la mise en application, qui a débuté le 1er janvier dernier, sera généralisée progressivement jusqu’au 1er janvier 2023.
Plusieurs inquiétudes ont été exprimées par les associations des patients concernés, notamment par la délégation départementale de l'Isère de l'Association des paralysés de France, et par les professionnels de santé. Premièrement, alors que les usagers ont désormais accès à leur dossier médical, le patient n’est pas informé du contenu du bilan et ne dispose pas de voie de recours. Comment rétablir une possibilité d'accès au BSI ?
Deuxièmement, la synthèse des informations collectées et la classification de la prise en charge infirmière sont effectuées par un algorithme informatique et seul le médecin traitant peut décider de valider ou non le niveau de prise en charge – légère, intermédiaire ou lourde.
Troisièmement, la nouvelle classification entraîne une baisse de rémunération de 3,10 euros en moins pour une prise en charge lourde, contre une augmentation de 5,05 euros pour une prise en charge légère, ce qui cela pénalise financièrement les usagers ayant besoin d'une prise en charge lourde.
Les critères de majoration sont également insuffisants, puisqu'ils ne concernent que la tétraplégie. Se pose en outre la question de l'absence de soins de nuit entre vingt-trois heures et cinq heures. Y a-t-il la volonté d'abandonner les soins durant cette tranche horaire, alors que des patients sont actuellement pris en charge entre vingt-trois heures et cinq heures ? De plus, le forfait de ce bilan est entièrement versé à un seul infirmier : comment faire lorsque plusieurs infirmiers interviennent, comme c'est souvent le cas ?
Enfin, à l'exception des médecins, toutes les professions médicales répondent à des critères de zonage : or ces critères ne tiennent pas compte de la proportion des personnes en situation de handicap. Je n'ai même pas réussi à obtenir le nombre précis de personnes en situation de handicap dans mon département.
Madame la secrétaire d'État, quels éléments précis pouvez-vous nous donner pour répondre à la fois aux bénéficiaires de ces soins et aux professionnels de santé ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Le bilan de soins infirmiers est un dispositif innovant qui a pour objectif d'améliorer le maintien à domicile des patients dépendants et la prise en charge coordonnée. Sa conception a fait l'objet d'une longue concertation entre les représentants des infirmiers et l'assurance maladie, afin de répondre au mieux aux besoins tant des patients que des infirmiers. Comme vous le soulignez, il introduit une tarification novatrice par forfait. Ces forfaits permettent de valoriser le temps passé, la charge de soins de l'infirmier et le niveau de complexité des actes. Sa réalisation s'élève à 25 euros.
Ensuite, trois types de forfaits sont créés en fonction de la complexité de la prise en charge du patient, allant de 13 euros à 28,70 euros par jour. Ces forfaits prennent en charge l'ensemble des actions de soins. À ces forfaits pourront être ajoutés notamment des actes comme la réalisation de pansements, certaines injections, des séances de surveillance ou d'observation. L'infirmier pourra également facturer à l'assurance maladie certaines majorations prévues à la nomenclature des actes infirmiers, des indemnités spécifiques de déplacement ainsi que des indemnités kilométriques.
Ainsi, la mise en œuvre de ce bilan ne devrait entraîner ni une baisse de la rémunération des infirmiers ni une dégradation de la prise en charge. Toutefois, la convention prévoit une évaluation de la mesure dès novembre 2020 : si un déséquilibre financier était constaté, des négociations seraient ouvertes afin d'adopter des mesures correctrices.
Les patients nécessitant un passage d'un infirmier entre vingt-trois heures et cinq heures pourront bien évidemment bénéficier de soins ; des majorations tarifaires spécifiques sont prévues dans ce cas.
J'entends que vous regrettez que le bilan de soins infirmiers soit versé entièrement à un seul infirmier, mais cela n'empêche nullement le partage du bilan entre plusieurs infirmiers. Une disposition spécifique a été prise dans le cadre de la loi relative à l'organisation et la transformation de notre système de santé pour sécuriser ce partage.
Concernant, enfin, la question du zonage, celui-ci repose sur des critères objectifs, fixés nationalement, qui ne peuvent prendre en compte toutes les spécificités locales ; toutefois, les agences régionales de santé disposent d'une part de flexibilité dans le choix des zones sous-denses.
Il convient de laisser sa chance à ce dispositif qui fait l'objet d'un suivi rapproché par l'assurance maladie et les représentants des infirmiers qui l'ont conçu : regardons-le, évaluons-le et adaptons-le en cas de besoin.
M. le président. La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.
Mme Élodie Jacquier-Laforge. Il est en effet nécessaire d'évaluer ce dispositif innovant, puisque, même s'il vise réellement à améliorer la prise en charge des patients tout en facilitant le travail des infirmiers, les inquiétudes sont fortes. Ainsi, les garanties prévues pour sécuriser le partage du forfait ne sont pas suffisantes.