Mineurs non accompagnés (MNA)
Question de :
M. Philippe Gosselin
Manche (1re circonscription) - Les Républicains
M. Philippe Gosselin attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance, sur la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Le 21 septembre 2021, la renationalisation du revevu de solidarité active (RSA) en Seine-Saint-Denis a été validée à titre expérimental par le Premier ministre de l'époque, Jean Castex. Cette décision consacrant la possibilité de renationaliser une politique publique locale qui devient hors de contrôle par la défaillance de l'État, pourrait faire jurisprudence en matière de gestion des mineurs non accompagnés (MNA), car la saturation des capacités d'accueil des départements, résulte d'un problème national d'immigration sur lequel ils n'ont aucun contrôle. Ainsi, alors que le département du Territoire de Belfort vient de délibérer en faveur du retour de la compétence MNA à l'État, dans le département des Alpes-Maritimes, particulièrement exposé à l'explosion des arrivées de MNA qui ont été multipliées par 28 (!) en 8 ans, c'est le président du conseil départemental, Charles-Ange Ginesy qui tire la sonnette d'alarme. Dans le département de M. le député, la Manche, pourtant moins exposé, ce sont quand même 200 MNA, soit une augmentation de 26,58 % en un peu plus de 5 années ! De plus, l'explosion des flux migratoires qui ont saturé les dispositifs de protection de l'enfance des conseils départementaux, soulève un second sujet de préoccupation autour de la véritable minorité des MNA. En effet, d'après les informations révélées le week-end du 22 octobre 2023 par le Parisien, sur 92 MNA pris en charge par le Territoire de Belfort, 68 d'entre eux seraient majeurs ! Il lui demande donc si pour lutter contre les dérives inquiétantes de la politique nationale de protection des mineurs et éviter la prise en charge d'adultes au titre de l'accueil des MNA, l'État est-il prêt à prendre en charge l'évaluation de la minorité des MNA préalablement à leur admission au titre de protection des mineurs par les départements ? À défaut, il lui demane si le ministère est prêt à autoriser et à financer la réalisation de tests osseux par les départements préalablement à l'admission des MNA au titre de protection des mineurs.
Réponse publiée le 11 juin 2024
L'accueil des Mineurs non accompagnés (MNA) et les problématiques soulevées par les départements qui en assument la responsabilité sont au cœur des préoccupations du Gouvernement. La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, renforcée par les dispositions de la loi du 7 février 2022, consacre une protection spécifique permettant à toute personne se déclarant MNA d'être mise à l'abri dans le cadre d'un accueil provisoire d'urgence jusqu'à ce que sa situation soit évaluée. En application de l'article L. 221-2-4 du Code de l'action sociale et des familles (CASF), issue de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, l'évaluation de la minorité et de l'isolement ainsi que la mise à l'abri relèvent de la responsabilité du conseil départemental au regard de ses compétences en matière de protection de l'enfance. La loi du 7 février 2022, avec l'introduction de l'article L. 221-2-4 du CASF, fixe ainsi au niveau législatif le cadre de la mise à l'abri et de l'évaluation des personnes se présentant comme MNA en confiant cette compétence au président du conseil départemental, chef de file de la protection de l'enfance. En vue d'évaluer la situation de la personne et après lui avoir permis de bénéficier d'un temps de répit, le président du conseil départemental procède ainsi aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. Si le président du conseil départemental conclut à l'absence de minorité ou d'isolement, l'accueil provisoire d'urgence prend fin. Par ailleurs, face au nombre croissant de MNA et aux difficultés rencontrées par les départements ces dernières années pour les évaluer et les prendre en charge, l'État s'est engagé à soutenir davantage les départements. Un accord est ainsi intervenu entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France le 17 mai 2018. Il comportait un volet financier, avec une réforme des modalités de financement de la phase d'évaluation, et un volet opérationnel. Pour limiter au mieux la saturation des structures d'accueil et aider les départements dans leur mission, l'Etat a mis en place une coopération opérationnelle à l'évaluation de la minorité via un traitement automatisé de données à caractère personnel (nommé AEM pour « Aide à l'évaluation de la minorité ») qui permet de mieux identifier les personnes qui se déclarent MNA dans le cadre de l'évaluation de leur situation. Les départements bénéficient d'un appui financier de la part de l'Etat pour la réalisation de leurs actions de mise à l'abri et d'évaluation. Elle se décline d'une part, par une prise en charge de 500 € au titre de l'évaluation sociale et d'une première évaluation des besoins en santé, et d'autre part, au titre de la mise à l'abri, 90 € par personne et par jour dans la limite de 14 jours puis 20 € par personne et par jour dans la limite de 9 jours complémentaires. Le Gouvernement s'était engagé en 2018 auprès des départements à apporter une aide exceptionnelle à la prise en charge des MNA confiés à l'aide sociale à l'enfance par l'autorité judiciaire. Ce financement exceptionnel a été reconduit en 2019 et les années suivantes, à hauteur de 6 000 € par jeune pour 75 % des MNA supplémentaires pris en charge par l'aide sociale à l'enfance entre deux années de référence. Cette aide qui s'est élevée en 2019 à 33,6 M€, a été maintenue en 2023 et s‘est élevée à 17,56 M€. Soucieux de trouver des solutions collaboratives, le Gouvernement et l'association des départements de France ont acté une mobilisation générale en 2024 en faveur de l'enfance protégée autour de diagnostics, d'objectifs et d'engagements partagés, et la création d'une instance de dialogue renforcée avec les départements. Dans ce cadre, sept groupes de travail dont l'un portant sur la prise en charge des MNA ont été mis en place conjointement. Enfin, en l'état du droit, les examens radiologiques osseux permettant de déterminer la minorité d'un individu peuvent déjà être réalisés sur décision de l'autorité judiciaire mais uniquement et après recueil de l'accord de l'intéressé, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2019 qui impose en effet de maintenir des garanties à l'utilisation de ces examens osseux. Elle exige en particulier une décision de l'autorité judiciaire qui est gardienne des libertés individuelles, ainsi qu'un consentement libre et éclairé qui n'est pas compatible avec une présomption de majorité en cas de refus.
Auteur : M. Philippe Gosselin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Enfance
Ministère répondant : Enfance, jeunesse et familles
Dates :
Question publiée le 21 novembre 2023
Réponse publiée le 11 juin 2024