Question de : M. Benjamin Saint-Huile
Nord (3e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

M. Benjamin Saint-Huile attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire au sujet de la compensation environnementale et de ses conséquences parfois sur l'activité agricole. En France, 68 000 hectares de sols naturels ou agricoles sont artificialisés chaque année, représentant une des premières causes de la dégradation des milieux naturels et de la biodiversité. La loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages permet, à raison, de mettre en place des mesures de compensation par les aménageurs si l'évitement et la réduction des impacts sur la biodiversité n'ont pas été suffisants. Cet effort est nécessaire pour restaurer les milieux naturels qui sont dégradés par les projets d'artificialisation. Il arrive cependant régulièrement qu'un projet d'artificialisation vise des exploitations agricoles et que dans le même temps, la compensation environnementale prévue impose aux agriculteurs à proximité de nouvelles contraintes, voire une réduction de leur activité. Ces mesures de renaturation touchent presque exclusivement les agriculteurs, ce qui suscite colère et incompréhension dans un secteur déjà fragilisé par un nombre conséquent de normes. C'est pourquoi il souhaite l'interroger sur la possibilité d'adapter les projets de compensation environnementale pour une meilleure répartition des contraintes entre les différents acteurs du territoire.

Réponse publiée le 11 juin 2024

Lorsque des opérations d'aménagements ont des impacts environnementaux qui n'ont pas pu être évités ou suffisamment réduits, les maitres d'ouvrages doivent alors les compenser dans le cadre de la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC). L'ordre de cette séquence traduit une hiérarchie. L'évitement est à privilégier, car il garant l'absence complète d'atteinte à l'environnement. La réduction implique ensuite d'atténuer au maximum les impacts qui n'ont pu être évités. La compensation des atteintes à la biodiversité n'intervient enfin qu'en dernier recours, dans le cas où certains impacts n'ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits. La compensation apporte alors une contrepartie de manière à atteindre « un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité » conformément à l'article L110-1 du code de l'environnement. La compensation doit respecter plusieurs conditions : l'efficacité, la temporalité, la pérennité, la proximité fonctionnelle et l'équivalence écologique. Certains projets d'infrastructures ou d'aménagements peuvent consommer des terres à vocation agricole qui accueillent de la biodiversité. Dans ce cas, les atteintes à la biodiversité doivent être compensées au titre de la séquence ERC. D'après une étude INRAE/CNRS de décembre 2023, les mesures de compensation sont majoritairement réalisées sur des milieux semi-naturels et, moins d'une fois sur cinq, sur des terres agricoles, exploitées ou en déprise. Lorsqu'elles sont mises en œuvre sur des terres agricoles, les mesures compensatoires n'impliquent pas nécessairement que ces terres perdent leur vocation agricole. Le cas échéant, les agriculteurs bénéficient d'une rémunération pour compenser la perte de production, en échange de la mise en œuvre de mesures environnementales. Aussi, cette étude souligne que la participation du secteur agricole à la compensation écologique suit encore aujourd'hui principalement une logique d'opportunité. En effet, les mesures compensatoires sont préférentiellement mises en place sur du foncier peu productif, en déprise, isolé, ou bien par des exploitants proches de la retraite qui cherchent à alléger leur charge de travail. Conscient des enjeux liés à la compensation environnementale sur des terres agricoles, et à l'écoute des craintes exprimées par une partie de la profession agricole, le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, en lien avec le Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, mettra prochainement en place un groupe de travail avec les acteurs concernés, dont les agriculteurs. Ce groupe de travail permettra de poser un diagnostic partagé et de proposer des solutions, qui seront ensuite traduites dans une instruction visant la construction de stratégies locales de compensation, ambitieuses écologiquement et sobres foncièrement, afin de préserver au maximum les sols, y compris agricoles. Des outils sont par ailleurs en cours de déploiement par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires pour faciliter l'identification et la mise en œuvre de la compensation écologique, comme c'est le cas avec les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation. Ce dispositif, introduit par la récente loi industrie verte, permettra d'anticiper la réalisation d'actions de restauration de la biodiversité aux endroits pertinents écologiquement, et où se manifestent des besoins. Il assurera donc une meilleure visibilité aux propriétaires et gestionnaires de foncier support de la compensation, dont les agriculteurs.

Données clés

Auteur : M. Benjamin Saint-Huile

Type de question : Question écrite

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires

Dates :
Question publiée le 27 février 2024
Réponse publiée le 11 juin 2024

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