La prise en charge des « fausses couches »
Question de :
Mme Michèle Peyron
Seine-et-Marne (9e circonscription) - Renaissance
Mme Michèle Peyron appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur de la prise en charge de l'arrêt naturel d'une grossesse, ou plus communément appelé « fausse couche » et de l'accompagnement des femmes et des futurs co-parents, face à cette épreuve particulièrement douloureuse et traumatisante. Selon une étude publiée dans la revue médicale « The Lancet », on estime qu'une grossesse sur quatre conduits à une « fausse couche » et une femme sur dix y seraient confrontée au moins une fois au cours de sa vie. En effet, selon le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), 200 000 « fausses couches » seraient dénombrées pour environ 700 000 naissances par an en France. Dès lors, leur prise en charge apparaît comme un enjeu de santé publique majeur. Cependant, cette épreuve semble encore être un tabou pour la société. De nombreux témoignages de femmes font état d'une prise en charge qui serait défaillante et traumatisante (auscultation à côté des salles de naissance, attentes de plusieurs semaines entre l'arrêt de la grossesse et le curetage, absence d'explications de la part de certains médecins etc.) Certains parcours de soins vécus semblent également s'apparenter à des violences gynécologiques comme l'a montré le rapport du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) en 2018. Enfin, si les médecins prescrivent généralement un arrêt de travail aux femmes, il est possible de constater de fortes disparités dans cette prescription qui d'ailleurs ne concerne pas les co-parents. Aussi, partageant le désarroi de nombreuses femmes et futurs co-parents, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement a engagé des pistes de réflexion sur l'amélioration de la prise en charge médicale sur le plan physique et psychologique des femmes connaissant un arrêt naturel de leur grossesse et si la constitution d'un véritable parcours de soins spécifique semble envisageable notamment en vue de consacrer plus de moyens à la formation des personnels soignants. Par ailleurs, elle souhaiterait connaître les pistes envisagées par le Gouvernement pour améliorer l'information autour des « fausses couches » dans la société. Et enfin, à l'aune de l'exemple de la Nouvelle-Zélande qui en mars 2021 a mis en place un congé de trois jours pour les femmes et les hommes traversant cette épreuve, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement pourrait soutenir la proposition d'instaurer un congé de même nature en France.
Réponse publiée le 18 octobre 2022
La fausse couche correspond à un arrêt spontané de la grossesse avant la 22ème semaine d'aménorrhée (soit environ 5 mois), date de viabilité du fœtus. La fausse couche est précoce si elle survient avant la 14ème semaine d'aménorrhée (premier trimestre), ce qui est le cas le plus fréquent puisqu'elle touche environ 15 % des grossesses. On parle de fausse couche tardive si elle a lieu entre la 14ème et la 22ème semaine d'aménorrhée : cette situation concerne 1,5 % des femmes. En dehors des fausses couches unique ou répétées, précoces ou tardives en lien avec des comorbidités, des pathologies chroniques pour lesquelles il existe une prise en charge spécifique, Il s'agit d'agir sur les déterminants de santé dont on sait qu'ils peuvent favoriser les fausses couches précoces. Ainsi le plan national de lutte contre le tabagisme a inscrit dans ses actions prioritaires, la réduction du tabagisme chez les femmes enceintes avec notamment une information dispensée par les professionnels de santé ainsi que des actions d'accompagnement au sevrage tabagique. La survenue de maladies infectieuses est également un facteur favorisant les fausses couches. A cet égard, de nombreuses actions d'information sur la vaccination ont été produites et diffusées par Santé publique France et le ministère de la santé et de la prévention. La vaccination contre la grippe saisonnière a fait l'objet ces dernières années d'une attention toute particulière avec des actions également ciblées notamment via l'Assurance maladie (AM). La vaccination contre la Covid 19 des femmes enceintes a également fait l'objet d'une campagne médiatique spécifique large dans les grands médias nationaux. Le plan de lutte contre l'endométriose comprend un axe d'information des publics et de formation des professionnels dans l'objectif d'une meilleure sensibilisation à cette pathologie et à sa reconnaissance. Des actions de sensibilisation seront menées chaque année au mois de mars, au cours de la Semaine européenne de prévention et d'information sur l'endométriose. L'information et l'accompagnement ont été renforcés par la mise en place de l'entretien prénatal précoce (EPP) dès le premier trimestre. Créée par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, cette intervention de prévention peut être réalisée dès que la déclaration de grossesse a été effectuée et est obligatoire depuis le 1er mai 2020. Cette réforme prioritaire s'inscrit dans le cadre du chantier interministériel des 1 000 premiers jours de l'enfant, et plus particulièrement le renforcement du « parcours des 1 000 premiers jours », proposant aux femmes et parents un accompagnement personnalisé et sécurisant dès le début de la grossesse, et dont l'EPP constitue le premier moment clé. Ce temps d'écoute et d'échange privilégié, dont le contenu a fait l'objet de recommandations de la Haute autorité de santé, permet de mieux connaître les besoins des femmes et futurs co-parents en ouvrant le dialogue, de repérer des fragilités ou facteurs de vulnérabilité, notamment dans le champ de la santé mentale, afin, le cas échéant, d'adapter l'accompagnement en proposant des ressources de proximité. Pour les futurs parents, il s'agit de faire l'expérience qu'ils peuvent se confier, sans être jugés, que leur trajectoire personnelle est prise en compte par le professionnel pour ajuster les réponses, si besoin en lien avec d'autres acteurs. Cette première « alliance » doit leur permettre de consolider leur confiance en eux-mêmes et dans le système de soins, dès le début de la grossesse. Enfin, l'EPP peut être une opportunité pour anticiper les inquiétudes du 1er trimestre en expliquant, avec les précautions nécessaires, l'évolution naturelle des grossesses si cela s'avère nécessaire. Le déploiement de l'EPP est un enjeu d'information et de formation spécifique. Afin que cette mesure remplisse pleinement ses objectifs, il convient d'en accompagner la promotion sur l'ensemble du territoire national, en informant directement les futurs parents concernés et en sensibilisant les professionnels de santé. Plus spécifiquement, les médecins et sage-femmes doivent être en mesure à la fois d'informer les femmes et les couples de l'existence de l'EPP le plus précocement possible au cours de la grossesse et de réaliser cet EPP ou d'orienter vers un professionnel habilité à le réaliser. Différentes actions de communication ont été engagées par la caisse nationale d'assurance maladie depuis septembre 2020 en direction des femmes enceintes ainsi que des professionnels de santé (médecins, sage-femmes). Les réseaux de santé en périnatalité contribuent également à promouvoir en région l'EPP auprès des professionnels. Les conséquences psychologiques d'une fausse couche varient selon ce que la grossesse en question représentait pour la femme ou le couple. Pour la plupart des femmes, la fausse couche va provoquer un sentiment de déception rapidement surmonté. Une minorité de parents auront une réaction de deuil, avec souvent de l'anxiété et des éléments dépressifs, qui s'atténueront le plus souvent dans les 6 mois sans aide particulière. Dans le deuil, le soutien social est un facteur de protection très important. Il vient le plus souvent de l'entourage, mais le recours à des associations et/ou des professionnels peut être utile : c'est une question de gradation, l'accompagnement par des professionnels étant mobilisé pour les situations les plus complexes. Lorsque la fausse couche provoque chez les parents une forte réaction de deuil, avec des effets émotionnels qui perdurent, l'appui par des associations spécialisées dans le deuil anténatal, proposant une écoute et accompagnement par des hommes et des femmes ayant vécu cette expérience, peut représenter une aide très importante (Agapa, La voix d'Isis…). Concernant l'accompagnement par des psychologues, Mon Psy, un dispositif du ministère de la santé, permet depuis avril 2022, de bénéficier de 8 séances remboursées avec un psychologue conventionné avec l'AM. Il s'adresse à toute la population en souffrance psychique d'intensité légère à modérée. Une fois orientée, la personne peut contacter un psychologue partenaire dont les coordonnées sont disponibles sur le site https://monpsy.sante.gouv.fr/. La mise à disposition de livrets d'information pour les parents endeuillés. Une instruction aux agences régionales de santé du 11 juillet 2022, relative à la diffusion aux établissements de santé de documents d'information destinés aux parents endeuillés, recommande la remise de livrets d'information aux parents endeuillés : ces livrets incluent des informations sur les formalités mais aussi sur l'offre d'accompagnement des parents. Ils sont disponibles sur le site « mes droits sociaux » : guide-deuil-avant-naissance.pdf (mesdroitssociaux.gouv.fr). S'agissant de l'amélioration de la prise en charge médicale et de la création d'un parcours de soins spécifique, la prise en charge des fausses couches fait l'objet de recommandations, établies en 2014 par le collège national des gynécologues-obstétriciens (CNGOF), qui sont accessibles à l'ensemble des professionnels prenant en charge ces situations. Ces recommandations contribuent à assurer la sécurité et la qualité des parcours concernés, en particulier en détaillant les différentes étapes de la conduite à tenir face à une fausse couche. Elles soulignent par ailleurs l'importance de l'information à donner aux patientes et, plus largement aux couples, notamment concernant les avantages et les inconvénients des différentes techniques d'expulsion envisageables. Enfin, elles abordent la question de l'accompagnement psychologique des couples confrontés à ces situations, préconisant aux gynécologues-obstétriciens d'être disponibles pour ces patientes, de leur permettre d'exprimer leurs réactions par une écoute empathique, et de les informer sur les causes, la fréquence et les conséquences médicales et psychologiques. En cas d'interruption de la grossesse avant le seuil de viabilité fixé par l'organisation mondiale de la santé (naissance après 22 semaines d'aménorrhée ou un poids du fœtus de 500 grammes), il est possible pour le couple ou le futur parent isolé de solliciter un arrêt maladie dont le médecin pourra déterminer la durée opportune. Lorsque l'enfant n'est pas né vivant mais a atteint ce seuil de viabilité, depuis le 1er juillet 2020, un congé de deuil existe pour les parents. Il s'agit d'un congé ad-hoc indemnisé instauré par le Gouvernement via la loi n° 2020-692 du 8 juin 2020 visant à améliorer les droits des travailleurs et l'accompagnement des familles après le décès d'un enfant. Ce congé indemnisé par l'AM est d'une durée de : 8 jours maximum pour les salariés. Il s'ajoute au congé en cas de décès de 7 jours indemnisés par l'employeur ; 15 jours maximum pour les travailleurs indépendants, praticiens ou auxiliaires médicaux, assurés en situation de chômage indemnisé ou de maintien de droit aux prestations de l'AM. Ce congé peut être fractionné en deux périodes (trois pour les demandeurs d'emploi, les travailleurs indépendants et les non-salariés agricoles), d'au minimum une journée. Il peut être pris dans l'année qui suit le décès de l'enfant et bénéficie aux deux parents. Dans le cas d'une fausse couche après 22 semaines d'aménorrhée ou un poids du fœtus supérieur à 500 grammes, la mère est en revanche éligible au congé maternité, sans délai de carence et avec un taux de remplacement de 79 % du salaire brut (soit 93 % du net environ). Par ailleurs, un enfant né sans vie mais ayant atteint le seuil de viabilité ouvre droit à la majoration de la durée du congé de maternité prévue lorsque l'assurée elle-même ou le ménage assume déjà la charge de deux enfants au moins ou l'assurée a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables.
Auteur : Mme Michèle Peyron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Dates :
Question publiée le 2 août 2022
Réponse publiée le 18 octobre 2022