Question au Gouvernement n° 1912 :
Difficultés d’Atos

16e Législature

Question de : M. Hervé de Lépinau
Vaucluse (3e circonscription) - Rassemblement National

Question posée en séance, et publiée le 30 mai 2024


DIFFICULTÉS D'ATOS

Mme la présidente . La parole est à M. Hervé de Lépinau.

M. Hervé de Lépinau . La France est passée maîtresse dans l’art du vaudeville : cela prêterait à sourire si cette singularité se limitait au théâtre. La gestion du dossier de sauvetage de notre géant informatique national Atos laisse entendre que ce style burlesque trouve à s’exprimer dans le monde des affaires : claquements de portes, revirements intempestifs, valse des acteurs et j’en passe.

Quelque 5 milliards de dette, démissions à répétition de ses dirigeants, rien ne va plus pour ce groupe, pourtant essentiel à notre souveraineté numérique et à notre stratégie de défense. L’activité infogérance gère une masse considérable de données sensibles de nos administrations et services publics – Trésor public, carte Vitale, caisses d’allocations familiales, SNCF, pour ne citer que les plus connus. La division supercalculateurs participe quant à elle à la mise à niveau opérationnelle de notre dissuasion nucléaire.

Ce groupe à portée stratégique est au bord de la faillite, sans que le Gouvernement et la présidence de la République n’aient manifesté une volonté affichée de le sauver coûte que coûte. Les perspectives de résolution qui se profilent laissent entrevoir l’arrivée de fonds de pensions étrangers et une vente à la découpe des divisions du groupe. Cette solution n’est pas admissible quand le régalien et notre souveraineté nationale sont en jeu.

Monsieur le Premier ministre, entendez-vous procéder à la recapitalisation rapide d’Atos, à concurrence d’un tiers de la dette, afin d’éviter sa liquidation à court terme et mettre fin au projet de démantèlement du groupe ? À quand la mobilisation d’un véritable fonds souverain national, susceptible de maintenir sous pavillon français ces entreprises de portée stratégique, qui subissent la prédation de fonds étrangers ?

La passivité de l’exécutif sur ce dossier pourrait donner lieu à une nouvelle affaire d’État, après Alstom et Technip ; il ne tient qu’à vous qu’il en soit autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente . La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre . J'ai déjà eu l'occasion de le dire ici : Atos est un fleuron français. Il traverse des difficultés, mais ses atouts lui permettront de les surmonter. Parmi ces atouts, il y a notamment le fait qu'il bénéficie de marchés publics dans de nombreux pays européens, en Allemagne, en Belgique, en Italie.

M. Olivier Marleix . En France !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Dans votre programme pour les élections européennes, vous proposez que chacun des pays européens réserve ses marchés publics aux entreprises de son pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Hervé de Lépinau . Ce n'est pas la question ! Atos est en train de mourir !

M. Charles Sitzenstuhl . Il a raison de le dire !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Quand vous vous faites les défenseurs d'Atos, dites-vous à ses représentants que vous proposez qu'ils n'aient plus accès aux marchés publics dans les pays où ils en bénéficient – en Allemagne, en Italie, en Belgique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

M. Hervé de Lépinau . Je ne suis pas Jordan Bardella !

M. Frédéric Cabrolier . Nous ne sommes pas là pour faire la campagne des européennes !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Si vous appliquiez votre programme, vous plongeriez Atos dans des difficultés plus grandes encore.

Pour le reste, vous le savez, nous sommes mobilisés depuis le premier jour ; nous travaillons avec la plus grande vigilance pour assurer l'avenir du groupe Atos. Depuis le premier jour, nous nous sommes pleinement engagés à protéger ses actifs stratégiques ;…

M. Jean-Philippe Tanguy . Tout est stratégique !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …nous nous y tenons et nous avons conclu un prêt important, qui était attendu par Atos. Nous avons obtenu des droits spécifiques sur la gestion des activités stratégiques du groupe et je vous le dis comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire en réponse à une autre question : les activités stratégiques, notamment celles qui concernent notre souveraineté et notre défense, resteront sous pavillon français,…

M. Jean-Philippe Tanguy . Et les autres ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …et leur développement sera assuré par des industriels français de premier plan. C'est en particulier le cas de nos supercalculateurs, des serveurs permettant le développement de l'intelligence artificielle et du quantique, des systèmes de communication critiques ou de protection cyber, et aussi des systèmes numériques de contrôle-commande de nos centrales nucléaires. Comme l'a indiqué Bruno Le Maire, nous souhaitons sécuriser les activités d'Atos WorldGrid, en garantissant leur acquisition par un acteur agréé par EDF.

Plusieurs entreprises ont déjà exprimé leur intérêt pour la reprise d'Atos.

M. Hervé de Lépinau . Des fonds étrangers !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . C'est une bonne nouvelle et la preuve qu'il existe des solutions pour préparer l'avenir de l'entreprise. Chacune des offres sera examinée…

M. Hervé de Lépinau . Nous avons deux jours, monsieur le Premier ministre ! Jusqu'au 31 mai !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …et je peux vous dire que l'État sera très attentif à leur sérieux, au projet industriel qui les sous-tend et à leur capacité à faire vivre l'entreprise. Nous serons particulièrement vigilants quant à leur impact social et, bien sûr, nous ne transigerons jamais s'agissant des activités sensibles et stratégiques pour l'État (Rires sur les bancs du groupe RN),…

M. Frédéric Cabrolier . Comme pour Alstom !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …qui doivent rester sous pavillon français. Mais contrairement à vous, nous ne proposons pas de couper les jambes de nos grands fleurons français en les empêchant de bénéficier de contrats, d'appels d'offres et de marchés publics dans d'autres pays européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Hervé de Lépinau . C'est nul !

Mme la présidente . La parole est à M. Hervé de Lépinau.

M. Hervé de Lépinau . On nous avait servi la même musique concernant Alstom, et on voit le résultat. L'État ne s'est pas du tout intéressé à ce dossier qui est bouillant depuis dix-huit mois ; les 112 000 collaborateurs d'Atos apprécieront. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente . La parole est à Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon . Augmentation du temps de cotisation sur une durée plus courte pour une indemnisation moins longue : ce n’est plus une réforme, c’est un coup de poignard dans le dos des Français ! (Mme Raquel Garrido applaudit.) Des décennies de lutte pour davantage de droits et pour une meilleure protection des travailleurs renversées en un simple claquement de doigts : qu’ont donc fait les personnes privées d’emploi pour mériter votre haine ? Les femmes et les hommes que vous ne cessez d’attaquer ont pourtant pour unique souhait de réintégrer le marché de l’emploi. Mais votre seule réponse est de faire croire qu’ils sont responsables de leur situation.

M. Alexis Corbière . Exactement !

Mme Karine Lebon . Comment pouvez-vous prétendre aider les personnes privées d’emploi alors que près de la moitié des inscrits ne sont déjà pas indemnisés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Comment pouvez-vous prétendre vouloir accompagner les seniors après avoir imposé un allongement de l’âge de départ à la retraite et vous être attaqués à leur régime spécifique d’indemnisation ?

Non, monsieur le Premier ministre, les difficultés de toutes ces personnes n’ont pas disparu. Puisqu’il n’y a que les chiffres qui vous intéressent, je vais vous en donner un qui devrait vous interpeller : 18 %, c’est le taux de chômage à La Réunion. Les habitants de nos circonscriptions ultramarines, soumises à un taux de chômage inégalé, craignent chaque jour l’application de vos réformes dans nos territoires. Si jusqu’à présent, les nouvelles règles ne s’appliquent pas aux résidents des outre-mer, nous ne sommes pas à l’abri d’un revirement de votre part, qui pourrait survenir à tout moment.

Vous avez réussi à faire naître un sentiment de rejet à l'égard des personnes privées d’emploi, désormais considérées comme responsables de tous les maux de la société. (« Quelle caricature ! » sur les bancs du groupe RE.)

M. Alexis Corbière . C'est la vérité !

Mme Karine Lebon . Rien ne vous fait peur. Faire des économies ne peut être une raison légitime pour mettre en jeu la survie de nos concitoyens. Les Français ne sont pas une ligne sur un tableau Excel : ce sont des femmes et des hommes (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES) qui font au mieux pour s’en sortir. Monsieur le Premier ministre, je n'ai en réalité qu'une seule question : où donc avez-vous enterré votre âme ? (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Cordier . Elle s'adresse à un ancien socialiste !

Mme la présidente . La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Vous avez donné un chiffre, celui du taux de chômage à La Réunion : il s'élève à 18 %. C'est trop, et nous devons nous battre pour faire baisser le chômage. Vous auriez pu donner un autre chiffre, celui du taux de chômage à La Réunion en 2017 : il était alors à 24 %, soit 6 points de plus.

M. André Chassaigne . Maintenant, ils sont au RSA !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Cela signifie – j'en suis absolument convaincu – que le chômage français, le chômage de masse, n'est pas une fatalité. On le voit au niveau national : le taux de chômage a atteint son niveau le plus bas depuis vingt-cinq ans, et celui des jeunes son niveau le plus bas depuis quarante ans ;…

Mme Elsa Faucillon . Ça n'a pas de rapport !

Mme Karine Lebon . C'est juste qu'ils ne sont plus indemnisés !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …quant au taux d'emploi, il est à son niveau le plus haut depuis qu'il est mesuré, grâce aux 2,5 millions d'emplois qui ont été créés ces six dernières années et aux réformes qui ont été menées. Si vous ne faites pas confiance au Gouvernement,…

Mme Sabrina Sebaihi . Non, on ne vous fait pas confiance !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …vous pouvez au moins faire confiance à la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), qui a publié en février dernier une étude montrant que nos réformes, notamment celle, conduite en 2019, de l'assurance chômage, ont amélioré le taux de retour à l'emploi. Voilà la réalité ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Alexis Corbière . C'est faux ! La Dares dit l'inverse !

Mme Sabrina Sebaihi . Ce n'est pas vrai !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Ce taux de chômage historiquement bas, qui est passé de 9,5 % en 2017 à 7,5 % aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Estelle Folest applaudit également), ne tombe pas du ciel ! C'est le fruit de réformes et j'assume de dire que nous devons poursuivre dans cette voie. Mais comment procéder ? D'abord, en promouvant un modèle social toujours tourné vers la reprise d'activité. C'est le sens de la réforme que nous avons annoncée, Catherine Vautrin et moi-même :…

Mme Sabrina Sebaihi . On tape toujours sur les plus faibles !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …alors qu'il fallait avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois pour bénéficier de l'assurance chômage, il faudra désormais avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers mois,…

M. André Chassaigne . Et les saisonniers ? On en fait quoi, des saisonniers ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …ce qui n'empêche pas notre système de rester l'un des plus généreux d'Europe.

Mme Sabrina Sebaihi . Ce n'est pas de la générosité ! Les Français ne sont pas des mendiants !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Notre deuxième objectif, c'est de tout faire pour améliorer le taux d'emploi des seniors grâce à l'instauration d'une nouvelle mesure, le bonus d'activité senior. Elle permettra à des seniors qui reprennent un emploi de conserver une part de leur allocation chômage, afin d'améliorer leur rémunération.

Le troisième objectif, c'est d'impliquer les entreprises dans le recrutement de seniors. Elles ont évidemment une responsabilité en la matière, mais aussi dans la lutte contre les contrats courts qui, quand ils sont subis, pénalisent en premier lieu les salariés.

Mme Elsa Faucillon . C'est de la soupe, ce que vous dites !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Nous avons instauré un bonus-malus sur les contrats courts, et lui aussi a produit des effets. Les études le montrent : le bonus-malus, dans les sept secteurs économiques où il a été déployé, a contribué à la réduction du nombre de contrats courts et à l'amélioration de la qualité d'emploi des salariés. Nous souhaitons le généraliser progressivement, en l'étendant à d'autres secteurs ; nous allons y travailler, Catherine Vautrin, Bruno Le Maire, l'ensemble du Gouvernement et moi-même, pour définir à quel rythme nous allons le faire.

Vous le voyez, notre seul objectif,…

Mme Sabrina Sebaihi . C'est de taper sur les pauvres ! C'est de faire des économies sur le dos des Français !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …c'est de sortir de la précarité les Français qui y sont plongés. Le meilleur moyen d'y parvenir – et je pense qu'au moins là-dessus, nous pouvons nous rejoindre –, c'est de leur permettre de trouver un emploi ! Nous devons donc tout faire pour que des emplois soient créés dans notre pays ; or 2,5 millions d'emplois ont été créés grâce à notre politique…

Mme Elsa Faucillon . Quand on est pauvre, on ne retrouve pas un emploi ! C'est ça, la précarité !

M. Erwan Balanant . Arrêtez de gueuler sans arrêt !

Mme la présidente . Madame Faucillon !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …et, depuis quatre ans, la France est le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Il faut s'en réjouir, des emplois continuent d'être créés : 50 000 au premier trimestre quand nos voisins, notamment l'Allemagne, sont en récession. Une fois que nous avons créé des emplois et que la dynamique est à l'œuvre, il importe de disposer d'un système d'assurance chômage, d'un modèle social qui accompagne davantage vers l'activité, qui tend la main, qui forme, qui aide, pour arriver à la reprise de l'emploi, ce qui devrait être l'objectif que nous partageons tous. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente . La parole est à Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon . Vous dites une chose mais vous faites exactement l'inverse. Comme le dit André Chassaigne, « Vous avez la queue du renard qui vous sort de la bouche, et vous dites encore que vous ne l'avez pas croqué. » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

Données clés

Auteur : M. Hervé de Lépinau

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mai 2024

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