Question au Gouvernement n° 1924 :
Aide juridictionnelle aux personnes en situation irrégulière

16e Législature

Question de : M. Éric Pauget
Alpes-Maritimes (7e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 5 juin 2024


AIDE JURIDICTIONNELLE AUX PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

Mme la présidente . La parole est à M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget . La semaine dernière, le Conseil constitutionnel a accordé l’aide juridictionnelle aux étrangers en situation irrégulière.

M. Pierre Cordier . On croit rêver !

M. Éric Pauget . Désormais, il revient donc à la solidarité nationale de financer la défense de ceux qui sont entrés illégalement sur notre territoire.

M. Arthur Delaporte . On paie aussi le bracelet électronique de Nicolas Sarkozy !

M. Éric Pauget . S’il n'appartient pas à l'exécutif de commenter la pertinence juridique des décisions du juge constitutionnel, il ne peut toutefois s’exempter d’en anticiper les conséquences politiques.

M. Maxime Minot . Bien sûr !

M. Éric Pauget . Monsieur le Premier ministre, alors que nos finances publiques sont au plus mal et que notre pays fait face à une pression migratoire que votre gouvernement n’arrive plus à juguler,…

M. Pierre Cordier . Bonjour, Darmanin !

M. Éric Pauget . …ma question sera simple : quelle est votre appréciation politique de cette décision qui aura des conséquences importantes, tant sur les flux migratoires que nous connaîtrons que sur nos finances publiques ?

Mme la présidente . La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . On se rattrape comme on peut, madame la présidente ! J'étais à peine assis que le Premier ministre, toujours vigilant, m'a rappelé que zéro multiplié par deux est égal à zéro. (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe RN.)

Mme Marine Le Pen . Bravo !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il n'y avait aucun brouilleur – zéro – à une époque ; depuis, nous en avons installé beaucoup et nous allons doubler leur nombre.

Pour être tout à fait sérieux, si vous me posiez cette question dans la rue, je vous répondrais que le garde des sceaux ne peut pas faire l'analyse politique d'une décision du Conseil constitutionnel,…

M. Patrick Hetzel . C'est exactement ce qu'a dit M. Pauget ! Pas de réponse dilatoire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …et que s'il le faisait, ce serait la fin des haricots. Ici, à l'Assemblée nationale, où il faut être sérieux en permanence,…

M. Benjamin Lucas-Lundy . Par exemple en ne faisant pas de bras d'honneur aux parlementaires !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …je vous réponds que ce serait la fin de l'État de droit. Pour le reste, je tiens quand même à apporter une précision essentielle,…

M. Sébastien Chenu . Houlà !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …puisque la décision a été commentée : l'aide juridictionnelle existe déjà pour les étrangers en situation irrégulière en matière de contentieux pénal,…

M. Maxime Minot . Ce n'est pas normal !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …et le Conseil constitutionnel l'a étendue au contentieux civil qui est, en ce qui concerne ces étrangers, tout à fait résiduel. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) La portée de cette décision est donc finalement minime,…

M. Olivier Marleix . Tout va très bien, madame la marquise !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …et c'est au nom, monsieur Marleix, du principe d'égalité devant la justice que le Conseil constitutionnel l'a prise. Je le répète : je suis respectueux, comme vous, des institutions,…

M. Pierre Cordier . Comme quand vous faites des bras d'honneur !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …et je ne peux pas la commenter. Voilà tout ce que je peux vous répondre.

M. Éric Ciotti . Ce n'est pas une réponse !

M. Xavier Breton . Vous êtes complice !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Vous pouvez ne pas être satisfait par ma réponse, mais le garde des sceaux ne va pas se mettre à commenter les décisions du Conseil constitutionnel ; ce serait lunaire.

M. Patrick Hetzel . Et donc vous ne faites rien !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Changez la Constitution !

M. Patrick Hetzel . On vous l'avait proposé et vous l'avez refusé !

Mme la présidente . La parole est à M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget . Les hommes sont égaux en droits mais pas devant la loi. D'ailleurs, si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen reconnaît que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », l'article 1er de la Constitution précise bien que seuls les citoyens sont égaux devant la loi.

Mme Marine Le Pen . Eh oui !

M. Éric Pauget . Ce qui les distingue, c'est la citoyenneté, seule garante de la solidarité nationale (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN), qui a permis d'octroyer l'aide juridictionnelle aux citoyens mais pas aux étrangers en situation irrégulière !

En abrogeant cette distinction, le Conseil constitutionnel a rendu une décision politique qui interpelle (Applaudissements sur les bancs du groupe LR)…

Mme Marine Le Pen . Oui !

M. Éric Pauget . …par son interprétation plus philosophique que juridique de nos textes fondamentaux, et par ses conséquences sur nos flux migratoires et sur nos finances publiques. (« C'est exact ! » sur les bancs du groupe LR.) Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, il n'y a dans mon propos aucune forme de jugement. Je ne fais que dresser des constats, témoins d'une réalité qui dure et qui coûte aux Français ; nous devons réagir !

Les sages ont-ils perdu leur boussole en se mettant à faire de la politique ? (Mme Emmanuelle Anthoine applaudit.) Est-ce vraiment aux Français de payer les frais d'avocat des irréguliers qui enfreignent nos lois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.)

Mme la présidente . La parole est à M. le garde des sceaux. Vous avez dix secondes !

M. Pierre Cordier . Et pas une de plus !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Je ne pense pas qu'un étranger traverse la Méditerranée pour bénéficier de l'aide juridictionnelle et, je l'ai dit, le contentieux civil est tout à fait résiduel. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Benjamin Lucas-Lundy . On se souvient de votre loi « immigration » !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Voilà ma réponse, mais si vous souhaitez changer la Constitution sur ce point, proposez-le ! En tout état de cause, respectons le Conseil constitutionnel.

Données clés

Auteur : M. Éric Pauget

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2024

partager