Question orale n° 143 :
Exclusion des ESAT du bouclier tarifaire

16e Législature

Question de : Mme Pascale Martin
Dordogne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Pascale Martin alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées, sur l'exclusion des ESAT du bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité. Le décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 sur le « bouclier énergie » a été modifié par le décret n° 2022-1430 du 14 novembre 2022. Ce dernier a étendu le périmètre d'application du décret du 9 avril 2022 aux structures d'hébergement du secteur personnes âgées et personnes handicapées. La direction générale de la cohésion sociale a annoncé fin octobre 2022, à l'occasion d'une réunion d'échanges sur l'actualité du secteur des personnes en situation de handicap, que certains établissements médico-sociaux du champ du handicap allaient bénéficier du bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité avec, en principe, un effet rétroactif au 1er juillet 2022. Le problème, c'est que seules les structures enfants et adultes proposant un hébergement seront concernées, excluant de ce fait les établissements et services d'aide par le travail. Or les ESAT accompagnent au quotidien près de 120 000 personnes en situation de handicap. Par un courrier qui a été transmis à Mme la ministre le 3 novembre 2022, l'Association nationale des directeurs et cadres d'ESAT (ANDICAT) et ses partenaires (UNAPEI, APAJH, APF France Handicap, GEPSo, le réseau GESAT) regrettent que les ESAT ne soient pas intégrés à cette mesure. Alors même que ces établissements voient leurs factures énergétiques bondir, menaçant ainsi leur fonctionnement. Les responsables de ces structures font part de graves difficultés pour maintenir leurs activités. Dans sa circonscription, l'APEI de Périgueux alerte Mme la députée sur l'impact financier que cela représente à l'échelle de six de leurs établissements. Après renégociation de contrat auprès des fournisseurs d'énergie, le coût prévisionnel annuel (selon la consommation moyenne relevée) est multiplié par 4, avec une évolution d'environ 78 351 à 310 232 euros. Trois de ces sites sont des ESAT et verront leur facture tripler, avec une évolution de 21 511 à 84 626 euros. Mme la députée rappelle que l'APEI de Périgueux apporte un accompagnement adapté à plus de 600 personnes en situation de handicap. Cette association comprend déjà 111 salariés et salariées, véritables oubliés et oubliées du Ségur, pourtant également en première ligne durant la crise sanitaire du covid. La structure se retrouve déjà amputée de plus de 600 000 euros de dotation financière et voit son personnel partir vers d'autres secteurs. Qui donc va compenser cette augmentation énorme des factures énergétique ? L'État et les collectivités locales ? Les établissements eux-mêmes ? Les personnes qu'elles accompagnent et leurs familles ? Mme la députée demande à Mme la ministre ce qu'elle compte faire pour permettre à ces établissements, essentiels à l'insertion sociale des personnes handicapées, d'être eux aussi protégés de l'explosion des prix de l'énergie. L'extension du bouclier tarifaire aux ESAT est indispensable au maintien d'un accompagnement social et professionnel de qualité ; il en va de leur pérennité, de leur survie. Elle souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 8 février 2023

EXCLUSION DES ESAT DU BOUCLIER TARIFAIRE
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Martin, pour exposer sa question, n°  143, relative à l'exclusion des Esat du bouclier tarifaire.

Mme Pascale Martin. Ma question porte sur l'exclusion des Esat – établissements et services d'aide par le travail – du bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité.

J'ai rencontré la direction des établissements gérés par l'APEI – Association de parents d'enfants inadaptés – de Dordogne, d'où je suis élue, et elle m'a indiqué que le décret de novembre 2022 relatif au bouclier énergie étendait ce dernier aux structures d'hébergement des personnes âgées ou handicapées. De plus, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a assuré que certains établissements médico-sociaux du champ du handicap pourraient eux aussi bénéficier du bouclier tarifaire. Or seules les structures proposant un hébergement d'enfants ou d'adultes seront concernées, ce qui exclut de fait les établissements et services d'aide par le travail.

L'Association nationale des directeurs et cadres d'Esat vous a transmis un courrier, madame la ministre déléguée, déplorant l'absence d'intégration de ces structures dans le champ du bouclier tarifaire alors même que leurs factures énergétiques flambent. C'est le cas de l'APEI de Périgueux, qui accompagne 600 personnes en situation de handicap. L'association m'a alertée sur l'impact financier des coûts de l'énergie sur six établissements : leur facture annuelle a été multipliée par quatre.

Qui donc compensera cette hausse ? L'État et les collectivités locales ? Les établissements eux-mêmes ? Nous ne le savons pas. Peut-être cette charge reviendra-t-elle aux patients et à leurs familles ?

Par ailleurs, confirmez-vous que les Esat sont bel et bien exclus du bouclier tarifaire ? Que comptez-vous faire pour que ces établissements, essentiels à l'insertion sociale des personnes en situation de handicap, soient eux aussi protégés de l'explosion des prix de l'énergie ? L'extension du bouclier tarifaire aux Esat est indispensable au maintien d'un accompagnement social et professionnel de qualité : il y va de leur pérennité et de leur survie.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Pour répondre directement à l'une de vos interrogations, ni les familles ni les personnes accueillies par les Esat ne compenseront la hausse des prix de l'énergie : soyez rassurée sur ce point.

Cela étant, vous soulignez à juste titre que la plupart de ces établissements sont exclus du bouclier énergie, puisque celui-ci ne concerne que les structures d'hébergement des personnes handicapées et des personnes âgées. Pour autant, le secteur protégé et adapté n'a pas été oublié. En effet, à l'instar du secteur de l'économie sociale et solidaire, les Esat, qui sont des lieux de travail et d'emploi et qui produisent et commercialisent des biens et des services, sont éligibles au dispositif d'amortisseur électricité, en vigueur depuis le 1er janvier. Concrètement, l'État prend en charge une partie de la facture d'électricité de ces établissements dès lors que le prix souscrit dépasse un certain niveau. Le site impots.gouv.fr recense les explications utiles, les critères et un simulateur.

J'appelle également votre attention sur les dispositifs financiers et de tarification propres aux Esat et prévus par le code de l'action sociale et des familles, dispositifs de nature à permettre au secteur de mieux faire face à la hausse des prix. Ainsi les Esat peuvent-ils, à titre exceptionnel, inscrire parmi les charges du budget prévisionnel de leur activité sociale certains frais relatifs à leur activité de production et de commercialisation impliquant un déséquilibre lié à « une modification importante et imprévisible de ses conditions économiques, et susceptible de mettre en cause le fonctionnement normal de l'établissement ». L'augmentation considérable des factures énergétiques entre dans ce cas de figure.

En définitive, les établissements pourront inscrire à titre exceptionnel les charges énergétiques dans le budget principal de leur activité sociale. Cette inscription nécessitant l'autorisation de l'ARS – agence régionale de santé –, j'invite tous les Esat à se rapprocher de leur autorité de tarification et je veillerai à ce que l'ensemble des ARS soient informées, si besoin était, de telles démarches de leur part.

Enfin, sur un plan plus politique, et même si le sujet ne fait pas encore l'unanimité au sein des Vingt-Sept, je tiens à rappeler que la France prône une réforme du marché européen de l'énergie, afin de décorréler les prix de l'électricité et du gaz. Au-delà des Esat, voilà quelle est notre ambition pour réguler les prix de l'énergie à l'échelle du pays.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Martin.

Mme Pascale Martin. La direction des établissements gérés par l'APEI de Dordogne sera, je le crois, satisfaite de votre réponse, et il se trouve que je rencontre vendredi l'ARS de Nouvelle-Aquitaine : je ne manquerai donc pas de leur faire part de cette problématique.

Toujours à propos des Esat, je me permets d'insister également sur la double peine que ces établissements subissent. L'APEI de Périgueux compte 111 salariés et ces derniers sont de véritables oubliés du Ségur de la santé, alors qu'ils ont eux aussi été en première ligne lors de la crise sanitaire du covid-19. Cette structure voit son personnel partir progressivement vers d'autres secteurs et estime à plus de 600 000 euros le manque à gagner pour une bonne partie de ses employés – que j'ai également rencontrés – en raison de l'absence de prime liée au Ségur de la santé.

Parlons désormais au passé : l'exclusion du bouclier tarifaire paraissant compensée, la double peine des Esat n'est plus une réalité. Mais je vous saurais gré, madame la ministre déléguée, d'être attentive aux oubliés du Ségur de la santé, notamment le personnel administratif, qui a été présent pendant la crise du covid-19.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Les oubliés du Ségur de la santé, qui accomplissent des tâches logistiques ou administratives, sont des personnels très importants dans les structures médico-sociales. Les autres types de salariés sont concernés par les dispositions qui en ont découlé.

Mme la présidente. Votre temps est écoulé, madame la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée . Nous demandons qu'une convention collective unique les concernant soit établie, ce à quoi s'emploient actuellement les gestionnaires.

Données clés

Auteur : Mme Pascale Martin

Type de question : Question orale

Rubrique : Institutions sociales et médico sociales

Ministère interrogé : Personnes handicapées

Ministère répondant : Personnes handicapées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2023

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