Zéro artificialisation nette, besoin de logements et attractivité
Question de :
Mme Aude Luquet
Seine-et-Marne (1re circonscription) - Démocrate (MoDem et Indépendants)
Mme Aude Luquet appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la conciliation entre l'objectif de « zéro artificialisation nette » et les besoins de construction de logements, notamment pour satisfaire aux obligations de la loi SRU. Alors que cette dernière impose une part minimale de logements sociaux dans de nombreuses communes et que 12 à 15 millions de logements seront nécessaires pour faire face à la demande dans les trente ans qui viennent, les craintes des élus se multiplient face au risque d'être dans l'impossibilité de satisfaire à la demande sans contrevenir aux objectifs ambitieux de réduction d'artificialisation des sols que la France s'est fixés. En effet, d'ici à 2032, le rythme d'artificialisation des sols devra diminuer de moitié, avant d'atteindre le « zéro artificialisation nette » des sols en 2050. Si aucune commune ne conteste la nécessité de préserver au maximum les espaces naturels en optimisant l'usage du foncier disponible par de la densification des zones déjà urbanisées, les élus se retrouvent bien souvent confrontés à de vives oppositions et à des réalités de terrain qui les questionnent sur leur capacité à pouvoir satisfaire la trajectoire de « zéro artificialisation nette ». Face à un foncier disponible qui se réduit, à une demande croissante de logements, des retards de constructions qui s'accumulent quant à leurs obligations issues de la loi SRU et à leur volonté d'assurer l'attractivité de leur territoire, les élus sont nombreux à se retrouver démunis. Si la réduction de l'artificialisation doit être l'occasion, non de freiner les projets de développement urbain, mais de repenser l'aménagement des territoires en revoyant la manière de construire, d'habiter et de produire au sein des territoires, nombreuses sont les communes à craindre un frein préjudiciable à leur développement. Ainsi, elle lui demande quelles réponses et quel accompagnement le Gouvernement entend apporter aux élus locaux qui craignent de ne pouvoir concilier « zéro artificialisation nette », besoins de logements et attractivité de leur territoire.
Réponse en séance, et publiée le 7 décembre 2022
LOGEMENTS ET DISPOSITIF ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE
Mme la présidente. La parole est à Mme Aude Luquet, pour exposer sa question, n° 36, relative aux logements et au dispositif zéro artificialisation nette (ZAN).
Mme Aude Luquet. De nombreux élus se sont adressés à moi pour me faire part de leurs inquiétudes face aux difficultés qu'ils rencontrent pour remplir les obligations découlant de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Il s'agit souvent d'élus de petites communes périurbaines ou plutôt rurales. On sait que 12 à 15 millions de logements seront nécessaires pour faire face à la demande dans les trente ans qui viennent. Aussi les craintes des élus se multiplient-elles face au risque d’être dans l'impossibilité de satisfaire cette demande sans contrevenir à l'objectif ambitieux que la France s'est fixé du zéro artificialisation des sols.
Ces élus ne contestent pas la nécessité de préserver au maximum les espaces naturels en optimisant l'usage du foncier disponible par la densification des zones déjà urbanisées, mais ils se trouvent bien souvent confrontés sur le terrain à de vives oppositions et à des réalités qui les conduisent à s'interroger sur leur capacité à suivre la trajectoire zéro artificialisation nette.
Face à un foncier disponible qui se réduit, à une demande croissante de logements, face à l'accumulation des retards de construction par rapport aux obligations prévues par la loi SRU, et dans leur volonté d'assurer l'équilibre socio-économique de leur territoire, les élus sont nombreux à se retrouver démunis. Si la réduction de l'artificialisation doit être l'occasion non de freiner les projets de développement urbain mais de repenser l'aménagement des territoires en revoyant la manière de construire, d'habiter et de produire au sein des territoires, nombreuses sont les communes à y déceler un frein préjudiciable à leur attractivité.
Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous indiquer comment accompagner les élus locaux qui craignent de ne pouvoir concilier l'objectif zéro artificialisation nette avec les obligations de la loi SRU ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Vous interrogez Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ne pouvant être présent, il m'a chargé de vous répondre.
La France s'est fixé l'objectif zéro artificialisation nette des sols pour 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années. Cette trajectoire progressive est à décliner dans les documents de planification et d'urbanisme et doit être conciliée avec l'objectif de soutien de la construction durable, en particulier dans les territoires où l'offre de logements et de surfaces économiques est insuffisante au vu de la demande.
L'atteinte de l'objectif ZAN ne signifie pas l'arrêt des projets d'aménagement et de construction. D'une part, la réforme fixe un plafond de 120 000 hectares à consommer entre 2021 et 2030 ; d'autre part, la territorialisation de la trajectoire dans les documents de planification permet de moduler l'effort de réduction de l'artificialisation des sols en tenant compte des besoins et des enjeux locaux. Plusieurs critères ont été définis, notamment la prise en compte des dynamiques démographiques et la production de logement social. Vous pouvez être rassurée sur ce point.
Comme vous l'indiquez, de nouveaux modèles d'aménagement durable sont à réinventer. En particulier, la densité peut être optimisée pour faciliter l'accessibilité aux services et aux activités, tout en améliorant le cadre de vie de nos concitoyens. La priorité est de transformer la ville existante, notamment en revitalisant les cœurs des petites et moyennes villes et en recyclant les 150 000 hectares de friches.
Pour accompagner les collectivités, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi « climat et résilience ») et la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi « 3DS ») ont renforcé l'ingénierie locale en étendant les missions des établissements publics fonciers, des agences d'urbanisme et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en faveur de la sobriété foncière – plus 25 millions d'euros du fonds friches.
Le fonds friches a par ailleurs permis de mobiliser 750 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, pour accompagner 1 385 projets. Dès 2023, le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires permettra par ailleurs d'investir 300 millions d'euros dans la réhabilitation des friches et 100 millions d'euros dans la renaturation des villes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aude Luquet.
Mme Aude Luquet. J'ai bien pris note de toutes les actions menées par le Gouvernement afin qu'il y ait une adéquation entre l'objectif ZAN et la loi SRU. On en est pourtant loin sur le terrain. Dans ma circonscription, des maires vont construire sur des parcs urbains parce qu'ils n'ont pas de friches. Aussi la nécessité, dans le contexte du dérèglement climatique, de ne pas construire dans les espaces verts afin de donner de l'oxygène aux villes, inquiète-t-elle au plus haut point les élus. En effet, j'y insiste, il y a un déséquilibre socio-économique dans certaines communes obligées, pour satisfaire aux obligations de la loi SRU, de construire dans des parcs urbains. J'ai à l'esprit le cas d'une commune de 3 000 habitants où je puis vous assurer que cela ne satisfait ni les riverains ni la maire, qui se retrouve en grande difficulté.
Il faut certes construire tout en respectant l'objectif ZAN, mais il faut tenir compte des réalités et ne pas aller à marche forcée au détriment des habitants de nos territoires.
Auteur : Mme Aude Luquet
Type de question : Question orale
Rubrique : Urbanisme
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2022