Deuxième séance du mardi 17 juin 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Souhaits de bienvenue à deux délégations étrangères
- 2. Questions au gouvernement
- Fermeture du site du groupe Asteelflash
- Conclave sur les retraites
- Conflit entre Israël et l’Iran
- Réforme des retraites
- Conflit entre Israël et l’Iran
- Rénovation thermique des logements
- Politique pénitentiaire
- Réforme de la procédure pénale
- Ligne nouvelle Paris-Normandie
- Conflit entre Israël et l’Iran
- Taxe Zucman
- Hôpital de Castelnaudary
- Effets des écrans et des réseaux sociaux sur les mineurs
- Surveillante poignardée par un élève
- Conflit entre Israël et l’Iran
- Conséquences des OQTF
- Gestion de la population de loups
- 3. Simplification de la vie économique
- 4. Amendement du protocole de Londres à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
- 5. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 1er (suite)
- Amendement no 193
- M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques
- M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
- Amendements nos 66, 71, 39, 35 et 582
- Article 1er bis
- Amendement no 100
- Sous-amendement no 713
- Amendements nos 692 et 586
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- Article 2
- Amendements nos 477 rectifié et 500 rectifié
- Après l’article 1er (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 6. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Souhaits de bienvenue à deux délégations étrangères
Mme la présidente
Nous avons la chance de recevoir deux délégations. La première nous vient du Québec. Je voudrais que nous saluions Mme Nathalie Roy, présidente de l’Assemblée nationale du Québec. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
La deuxième délégation, qui nous vient du Sénégal, est conduite par M. le député Abdou Kadyr Sonko, président du groupe d’amitié parlementaire Sénégal-France. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
2. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Fermeture du site du groupe Asteelflash
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Monsieur le premier ministre, la semaine dernière, je vous alertais sur la situation du groupe Asteelflash, qui menace de fermer son site de Cleurie dans les Vosges.
Une semaine plus tard, deux constats s’imposent : premièrement, quatre-vingt-seize salariés, que j’ai rencontrés, sont abattus par une décision injuste. Ils ont manifesté leur incompréhension et leur légitime colère jeudi dernier mais, par fidélité à leurs clients, ont repris le travail dès le lendemain. Deuxièmement, le PDG du groupe, Nicolas Denis, ne prend même pas la peine de se déplacer ! En revanche, deux fossoyeurs sont bel et bien sur place, le directeur France et le DRH, qui ont fait preuve d’un comportement hautain et d’un irrespect frappant envers les élus et les salariés, devant lesquels ils se sont contentés de projeter quatre petites slides, résumant ainsi leur volonté de ruiner leur vie.
Monsieur le premier ministre, vous parlez quotidiennement de réindustrialisation. De plus, vous vous déplacez dans les Vosges ce vendredi, pour présider le comité interministériel aux ruralités. Dans le même temps, le groupe Asteelflash, propriété du chinois USI, fournisseur de notre industrie de défense et de sécurité, supprime sans réelle raison quatre-vingt-seize emplois, dans une commune de 650 habitants.
Je poserai deux questions. Vous engagez-vous à venir ou à envoyer un ministre sur place vendredi pour rencontrer les salariés ? Vous engagez-vous aussi à mobiliser l’ensemble de votre gouvernement afin de faire pression sur la maison mère USI, fournisseur de l’État, et sur le groupe Asteelflash afin de maintenir l’activité et les emplois à Cleurie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Permettez-moi d’abord de vous remercier pour votre engagement en faveur du tissu industriel vosgien.
Nous avons pris connaissance avec surprise, même avec stupéfaction, de l’annonce de la fermeture du site de Cleurie du groupe Asteelflash, qui produit des cartes électroniques pour le médical et des balises Arva. Cette annonce a été brutale et les salariés, ainsi que leurs familles, sont sous le choc.
Face à cette situation, nous allons demander des explications à l’actionnaire et à la direction sur les motifs de cette décision et sur les solutions industrielles susceptibles d’être trouvées pour ce site et pour l’entreprise.
Ensuite, si la décision de fermeture venait à être maintenue, je peux vous garantir que l’ensemble du gouvernement sera absolument mobilisé afin de s’assurer d’abord que la qualité du plan social est à la hauteur, de trouver ensuite des solutions de reclassement pour l’ensemble des salariés dans un périmètre qui corresponde au bassin d’emploi concerné – car il n’est pas acceptable de partir loin lorsqu’on a une famille – et de discuter enfin de la revitalisation du site. À ce sujet, si d’aventure la décision relative aux quatre-vingt-seize salariés et au périmètre en question était confirmée, la préfète des Vosges serait chargée de négocier la convention de revitalisation afférente.
Toutefois, je veux vous dire, monsieur le député, que nous allons d’abord chercher des solutions industrielles, comme nous le faisons systématiquement dans ce genre de dossier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Merci, monsieur le ministre. Deux points : d’abord, pourrez-vous – ou un membre du gouvernement pourra-t-il – venir se rendre, vendredi sur le site menacé, étant donné que vous serez alors dans les Vosges ? Ensuite, nous avons impérativement besoin de maintenir ces emplois à Cleurie, dans les Vosges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Conclave sur les retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Gaëtan Dussausaye
Monsieur le premier ministre, dans quelques heures, le conclave sur les retraites prendra fin. Si, au Rassemblement national, nous sommes attachés au dialogue social, force est de constater que ce conclave s’est transformé en un véritable dialogue de sourds. Où est le dialogue quand des organisations syndicales et patronales ont claqué la porte des discussions ? Où est le dialogue quand, dès les premiers jours du conclave, on contraint les partenaires engagés dans ces échanges à ne pas mettre en cause la retraite à 64 ans ?
90 % des Français sont insatisfaits de la réforme des retraites ? Ce n’est pas votre problème ! 55 % des députés de cette assemblée ont été élus sur la promesse de son abrogation ? Ce n’est toujours pas votre problème ! Ce n’est pas votre problème car l’augmentation de l’âge légal de départ en retraite a toujours été au c?ur du projet de la Macronie. Pour Édouard Philippe, c’est la retraite à 67 ans. Pour les députés macronistes, à 65 ans.
Je vous propose donc un petit exercice de mémoire : qui disait, le 25 avril 2019 : « Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal » ? Réponse : c’est Emmanuel Macron ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Parmi les pays de l’UE qui ont le taux de chômage le plus élevé, la France occupe la cinquième position. Dans notre pays, un jeune sur six est au chômage ! Ce à quoi les Français assistent n’est plus un débat entre macronistes mais un véritable bal d’hypocrites.
Alors vivement, vivement la réforme de Marine Le Pen et de Jordan Bardella ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Notre réforme abroge la retraite à 64 ans. Notre réforme met le paquet sur les carrières longues, sur toutes ces femmes, sur tous ces hommes qui ont commencé à travailler avant 20 ans et ont cotisé – croyez-moi ! – bien plus longtemps que n’importe quel parlementaire sur ces bancs, sur tous ces Français qui, de la scierie à l’usine, de la ferme au chantier, usent leurs mains, usent leur tête, usent leur corps pour produire et créer de la richesse !
Notre réforme est une réforme de justice ! Elle fait le choix d’une jeunesse au travail et la récompense comme elle le mérite. Elle rend enfin aux Français les deux années volées par la Macronie !
Ma question est simple : monsieur le premier ministre, cesserez-vous de chercher à gagner du temps ? Quand abrogerez-vous la retraite à 64 ans ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Vous rappelez qu’au mois de février dernier, le premier ministre a souhaité confier aux partenaires sociaux un travail sur notre système de retraite : une négociation très importante, dont un élément constitutif est la capacité à se fonder sur des données factuelles, contenues dans le rapport remis par le premier président de la Cour des comptes. Depuis lors, une mission d’accompagnement, dirigée par Jean-Jacques Marette, a mené à bien ce travail. Je voudrais souligner l’engagement des partenaires sociaux – le Medef, la CPME mais aussi la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC – qui, au fil de six réunions de travail, négocient depuis le 5 juin.
Au moment où nous nous parlons, rien n’est encore acté. C’est la raison pour laquelle je ne me prononcerai pas sur l’état des travaux. Je vous dirai néanmoins une chose : l’usure, que vous évoquez, est précisément le sujet sur lequel travaillent l’ensemble des partenaires sociaux, car il est logique de se pencher sur l’usure professionnelle, tout comme il est logique d’étudier la place des femmes dans le monde du travail.
Nous ne devons cependant pas oublier que, depuis 2019, d’autres éléments doivent être pris en considération : le retour au plein emploi dans notre pays et le besoin de main-d’œuvre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Philippe Vigier
C’est bien !
M. Julien Odoul
Le prix de l’humour politique pour Mme Vautrin !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui, mesdames et messieurs les députés, il s’agit d’un enjeu, tout comme la démographie de ce pays ! Nous avons besoin d’actifs ! Nous ne produisons pas sans les femmes et les hommes mobilisés pour l’activité. C’est aussi un enjeu majeur ! Voilà ce sur quoi il faut travailler : le respect de celles et ceux qui ont mené leur carrière et l’avenir de l’économie du pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Philippe Vigier
Très bien !
Conflit entre Israël et l’Iran
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan
Monsieur le ministre des affaires étrangères, il est des nuits où le courage cesse d’être une option pour devenir un devoir. Vendredi dernier, Israël a mené des frappes ciblées contre la république islamique d’Iran pour l’empêcher de franchir un point de non-retour vers l’arme nucléaire. Quelques heures plus tard, Téhéran ripostait, avec l’objectif assumé de faire un maximum de victimes civiles.
Par son action, Israël, en état de légitime de défense,…
Mme Julie Laernoes
C’est un peu inégal !
Mme Caroline Yadan
…cible un régime islamiste, théocratique, sanguinaire, qui arme le Hamas, finance le Hezbollah (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem), punit son peuple, torture ses opposants, opprime les femmes et détient toujours deux otages français, Cécile Kohler et Jacques Paris. (Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Alors que chacun devrait soutenir la seule démocratie de la région dans ce combat, ici même, une secte antisémite déguisée en parti politique, située à l’extrême gauche de cet hémicycle (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR et sur quelques bancs du groupe EPR. – Protestations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS),…
M. Maxime Laisney
L’histoire vous jugera !
Mme Caroline Yadan
…lèche les bottes des mollahs tandis que sa mascotte, porte-parole du Hamas, organise une croisière pseudo-humanitaire dont le seul but est d’afficher sa haine des Juifs et d’Israël.
Israël n’est pas le problème : il est le rempart ! Son combat est le nôtre : affronter un fascisme islamiste global, une idéologie de mort qui a aussi sévi à Toulouse et au Bataclan.
Ma question est double. Face aux tirs de missiles incessants à destination d’Israël et de nos concitoyens français, quels dispositifs comptez-vous déployer afin d’assurer le rapatriement immédiat de ceux-ci, comme la France le fait s’agissant de tous les pays en guerre…
M. Aymeric Caron
C’est une honte !
Mme Caroline Yadan
…et comme d’autres pays l’ont déjà fait ? Pouvez-vous réaffirmer par ailleurs que la France se tient indubitablement aux côtés d’Israël face à cette menace existentielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, dont plusieurs députés se lèvent, sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR, et sur quelques bancs des groupes DR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Face à l’escalade militaire au Proche-Orient, notre priorité est la sécurité de nos ressortissants et de nos agents. J’ai une pensée pour nos agents postés à Tel-Aviv, à Jérusalem, à Téhéran, qui exercent leurs missions aux côtés de nos compatriotes dans des conditions extrêmement difficiles et tendues. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Certains pays ont décidé d’évacuer leurs agents. À ce stade, nous n’avons pas fait ce choix. Nos agents sont à leurs postes – c’est leur honneur. Ils restent aux côtés des communautés françaises.
Cela dit, vendredi, nous avons pris contact avec nos ressortissants en Israël, pour leur transmettre les consignes de sécurité et nous avons appelé les Français de passage en Israël à s’inscrire sur le Fil d’Ariane pour être informés en temps réel de ces consignes. Nous avons ouvert une ligne téléphonique accessible sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ainsi qu’une cellule d’écoute psychologique au service de nos ressortissants. Nous avons réuni hier les chefs d’îlot, c’est-à-dire les Françaises et les Français responsables en Israël de la sécurité d’une partie du territoire.
Ce matin, j’ai réuni les représentants des ambassades des pays concernés ainsi que les services de l’État au centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et j’ai décidé de renforcer les effectifs de la ligne téléphonique d’urgence pour améliorer les conditions de prise en charge. J’ai aussi décidé qu’il fallait clarifier les voies de sortie terrestre d’Israël vers la Jordanie – au nord vers Amman ou au sud vers Aqaba – et vers l’Égypte – vers Charm el-Cheikh –, où les ressortissants qui le souhaitent pourront prendre des billets d’avion et regagner leur territoire national.
Nous avons malheureusement connu des situations similaires par le passé. Soyez assurée que nos agents sont pleinement mobilisés pour apporter une réponse adaptée à chacun. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et Dem.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Monsieur le premier ministre, en janvier dernier, par écrit et devant la représentation nationale, vous preniez l’engagement de « remettre en chantier » la réforme des retraites en autorisant des discussions « sans tabou, pas même sur l’âge de départ ». C’étaient vos mots. Le dialogue social a été convoqué : « nous faisons confiance au dialogue social », disiez-vous. Vous preniez aussi un autre engagement : celui d’un retour au Parlement par le dépôt d’un projet de loi qui permette, après le dialogue social, au débat parlementaire de s’exprimer, là aussi sans tabou, tant sur l’âge de départ que sur les conditions de l’équilibre financier, équilibre auquel nous sommes, nous aussi, attachés dès lors que ce ne sont pas toujours sur les mêmes que pèse la charge des équilibres de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Nous vous demandons de tenir l’engagement que vous aviez pris auprès des partenaires sociaux : qu’il y ait un accord global ou pas, le dernier mot reviendra au Parlement. (Mêmes mouvements. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.) Déposerez-vous avant la trêve estivale un projet de loi en ce sens, autorisant les parlementaires à faire leur travail de parlementaires et leur permettant de remplir la mission pour laquelle ils ont été élus ? Accepterez-vous que nous en parlions durant la session extraordinaire ? Nous sommes prêts d’ailleurs à ce que celle-ci soit prolongée pour avoir le débat que les Français attendent. Si vous ne le faisiez pas, vous vous exposeriez – vous vous en doutez – à la censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont de nombreux députés se lèvent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Erwan Balanant
Pas de chantage !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Monsieur le président du groupe Socialistes et apparentés, vous déformez légèrement mes propos (« Ah ! » sur les bancs du groupe SOC),…
M. Éric Coquerel
Facile !
M. François Bayrou, premier ministre
…mais je vais essayer de les rétablir de la manière la plus explicite.
Lorsque ce gouvernement a été constitué, j’ai fait l’observation devant l’Assemblée nationale que lors de l’adoption de la réforme des retraites, réforme controversée conduite par le gouvernement d’Élisabeth Borne et qui avait donné lieu à des manifestations, un très grand nombre des partenaires sociaux disaient que cette réforme était améliorable et qu’on aurait dû organiser sans doute (« Le vote ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Stéphane Peu
Le vote de l’Assemblée !
M. François Bayrou, premier ministre
…des négociations et des contacts pour qu’elle soit améliorée. Elle a été soumise au Parlement, je le rappelle (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP), et elle a été adoptée. (« Non aux censeurs ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Et à dater de cet instant, j’ai avancé l’idée et proposé que les partenaires sociaux, autour de la même table, se saisissent de cette réforme des retraites afin, s’ils se mettent d’accord, de l’améliorer. Je crois qu’il y a des marges d’entente. Je crois qu’il y a un chemin pour que représentants des entreprises et représentants des salariés trouvent un accord.
Mme Clémence Guetté
Bla bla bla !
M. François Bayrou, premier ministre
Cette négociation est en cours à l’heure où nous parlons.
M. Alexis Corbière
Non !
M. François Bayrou, premier ministre
Est-ce qu’il y aura un accord (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP) ou est-ce qu’il n’y en aura pas ? C’est ce que nous découvrirons à la sortie.
Et j’ai dit que s’il y avait un accord, il serait soumis au Parlement. (Plusieurs députés des groupes SOC et EcoS font un signe de dénégation.)
Plusieurs députés des groupes SOC et EcoS
Non, vous avez dit qu’il le serait dans tous les cas !
M. François Bayrou, premier ministre
Inutile d’agiter les doigts en vain : j’ai bien précisé que s’il n’y avait pas d’accord, c’est la réforme telle qu’elle a été adoptée qui s’appliquera. Voilà ce que j’ai dit ici et même et je vous le redis. (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Un peu de silence !
M. François Bayrou, premier ministre
Mon souhait, et je comprends bien que ce ne soit pas le vôtre, est qu’il y ait un accord, que les partenaires sociaux s’entendent autour d’un certain nombre de règles et de principes, le principal étant le retour à l’équilibre de notre régime de retraite. À cet égard, le Conseil d’orientation des retraites, après la Cour des comptes, a indiqué la dimension des efforts à accomplir.
Je respecterai intégralement les déclarations que j’ai faites et l’engagement que j’ai pris. S’il y a un accord, il y aura débat au Parlement ; mais je ne remettrai pas en chantier la réforme des retraites s’il n’y a pas d’accord. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Erwan Balanant
On est pour le dialogue social, nous !
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Nous souhaitons que le premier ministre tienne son engagement pris devant la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur de nombreux bancs du groupe EcoS. – M. Stéphane Peu applaudit également) d’un retour au Parlement, qu’il y ait un accord global ou pas. (Mêmes mouvements.) Ce sont les mots que vous avez posés sur le papier. Vous devez accorder au débat parlementaire la même confiance qu’au dialogue social : nous sommes la souveraineté nationale ! (Mêmes mouvements.) Respectez vos engagements ou les conséquences seront, malheureusement pour vous et votre gouvernement, ce qu’elles doivent être. (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EcoS et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, premier ministre
Monsieur le président Vallaud, est-ce que je puis vous rappeler un certain nombre de règles parlementaires ? Notre droit comporte des dispositions qui empêchent de dégrader l’équilibre budgétaire du système de retraite si un nouveau texte est soumis au Parlement : c’est l’article 40 de la Constitution. Et j’affirme que le gouvernement ne laissera pas se dégrader le système de retraite. Quant à moi, je souhaite qu’aujourd’hui, ou un peu plus tard, il y ait accord des partenaires sociaux. Cela ferait franchir un pas décisif à la société française. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Laurent Baumel
Au revoir !
Conflit entre Israël et l’Iran
Mme la présidente
La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour
Un an et demi que Macron promet la reconnaissance de l’État palestinien sans agir (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN, EPR et Dem)… Mais il ne lui aura pas fallu un jour pour proposer de soutenir militairement Israël, car chassez le soutien inconditionnel, il revient au galop. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pourtant, quoi qu’on pense du régime de Khamenei, que l’on a toujours condamné, le droit international est clair : l’Iran est l’agressé et Israël l’agresseur, comme le rappelle l’ancien ambassadeur de France en Israël et aux États-Unis. (Mêmes mouvements.)
Monsieur Barrot, c’est la première fois que la diplomatie française confond guerre préventive et droit de se défendre ! À ce stade, il est urgent que vous changiez de métier !
M. Nicolas Forissier
C’est honteux de dire ça !
Mme Alma Dufour
Netanyahou a tué 408 personnes en Iran. Il est aussi responsable, je le dis et je l’assume, de la mort de 13 citoyens israéliens, car c’est sa responsabilité ! Ni Netanyahou, ni Khamenei sourd à l’appel du mouvement Femme, Vie, Liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau et M. Nicolas Sansu applaudissent également.) Quand des jeunes sont pendus à l’aube, le régime des mollahs est le seul responsable, mais quand des hôpitaux sont bombardés et que des enfants meurent sous les décombres, c’est Netanyahou qui les a tués ! Depuis quatre jours, un ballet de négationnistes envahit les plateaux pour dire qu’il faudrait remercier le gouvernement israélien qui affame deux millions de personnes enfermées, qui s’acharne tant sur les Gazaouis (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également) que leurs restes tiennent dans des sacs plastiques ! Plutôt mourir ! Quel esprit malade peut encore croire que la démocratie se cache dans ce gouvernement ?
Il y a vingt ans, des propagandistes de votre genre squattaient déjà les plateaux télé et vociféraient qu’il fallait soutenir l’invasion de l’Irak par les États-Unis,…
M. Kévin Pfeffer, M. Hervé de Lépinau et M. Philippe Ballard
On n’y comprend rien !
Mme Alma Dufour
…au nom des armes de destruction massive qui n’existaient pas plus alors que la bombe atomique iranienne n’existe aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et ce sont les services américains qui le disent eux-mêmes. (Mêmes mouvements.) C’est l’honneur de la France d’avoir refusé de tacher ses mains du sang de millions de morts irakiens qui se sont ensuivies. Mais aujourd’hui, vous voulez précipiter des centaines de millions de personnes dans l’abîme. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe RN.) Vous nous faites honte ! Votre gouvernement est transitoire, alors que le siège de la France au Conseil des Nations unies est, lui, permanent ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – M. Benjamin Lucas-Lundy et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également. – Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Plusieurs députés du groupe RN
Zéro !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
La première des choses, c’est que nous n’avons ni soutenu ni participé à ces opérations israéliennes.
Mme Mathilde Panot
Vous ne les avez pas condamnées !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Depuis les premières heures, nous appelons à la retenue, à la désescalade, à la préservation des civils et à l’arrêt des frappes d’où qu’elles viennent. Car nous considérons qu’il n’y a pas de solution militaire au problème du nucléaire iranien.
M. Arnaud Le Gall
Ce n’est pas ce que vous avez dit vendredi !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Cette déclaration ne date pas d’hier ou d’avant-hier, nous le disons depuis des mois et des années avec constance et régularité.
Vous vous faites l’avocate du régime iranien. (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Stéphane Peu proteste également.)
Plusieurs députés des groupes RN et UDR
Oui !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Faut-il rappeler que le régime iranien dispose de capacités nucléaires et balistiques susceptibles de toucher le territoire européen ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, Dem et UDR ainsi que sur de nombreux bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Faut-il rappeler que le régime iranien a soutenu tous les groupes terroristes de la région et qu’il s’est félicité de l’attentat du 7 octobre, à la suite duquel cinquante de nos compatriotes ont perdu la vie ? (Mêmes mouvements. – De nombreux députés du groupe LIOT applaudissent également.) Faut-il rappeler que le régime iranien a livré des centaines de missiles et des milliers de drones à la Russie, qui encore hier soir a agressé l’Ukraine avec une violence et une cruauté sans limites ? Faut-il rappeler que le régime iranien retient otages nos deux compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, dans des conditions indignes, assimilables à de la torture ? (Les députés des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que Mme Justine Gruet et M. Nicolas Forrissier se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes DR et UDR ainsi que sur de nombreux bancs du groupe RN.)
On peut très bien rappeler tout cela sans détourner pour autant le regard de ce qui se passe à Gaza ! Cinquante et un Palestiniens affamés cherchant à venir s’approvisionner en aide alimentaire ont été tués aujourd’hui par les tirs des forces israéliennes C’est inadmissible. C’est inqualifiable. Et nous continuerons de le dénoncer. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RN, EPR, Dem, HOR et UDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR. – Exclamations sur divers bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sophia Chikirou
Menteur ! Manipulateur !
Mme la présidente
Madame Chikirou, s’il vous plaît. Je vais donner la parole à l’orateur suivant et si votre groupe parvenait à se taire, j’en serais ravie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rénovation thermique des logements
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des finances.
onsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, cet hiver, le froid frappait nos concitoyens vivant dans les 5,2 millions de passoires énergétiques de notre pays. Cet été, ce sont les canicules qui frapperont des familles, des enfants et des personnes âgées enfermées dans des fours thermiques. Il n’y a pourtant pas de fatalité à cela. Il existe la rénovation des logements, un pilier de la justice climatique énergétique et sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Sabrina Sabaihi applaudit également), un moteur de notre activité économique locale et une solution éprouvée. La rénovation énergétique, c’est 700 euros et 2 à 4 tonnes de CO2 économisés par an et par logement.
Cette politique publique a besoin de constance et d’engagement dans le temps pour celles et ceux qui souhaitent engager des travaux, pour faire des économies et pour sortir des fossiles. Nous l’avons dit et répété dans plusieurs rapports parlementaires. Pourtant, c’est à l’inverse que nous assistons. L’annonce de la suspension brutale de MaPrimeRénov’ a plongé tout le monde dans l’incertitude. Finalement, face à l’absurdité de cette décision, vous reculez. Ce matin, votre collègue Valérie Létard nous a réunis et nous la remercions pour cette volonté de dialogue mais, à ce stade, nous ne sommes pas rassurés. Et pour cause : vous limitez le maintien du dispositif aux seuls monogestes et vous voulez réviser le diagnostic de performance énergétique (DPE) pour faire disparaître artificiellement les passoires thermiques chauffées à l’électricité. On ne rénove pas, on reclasse, on triche avec des rustines de court terme et l’opacité budgétaire demeure. Aucune trajectoire pluriannuelle claire. La boucle est bouclée ! L’impréparation explique en partie la situation actuelle : vous vous êtes laissé dépasser par la réussite du dispositif pour les rénovations globales.
Monsieur le ministre, on ne combat pas les passoires thermiques ou l’emballement climatique avec des feuilles Excel et des logiques d’ajustement de courte vue. Maîtriser nos consommations d’énergie, c’est maîtriser nos dépenses publiques. Quand allez-vous enfin aligner les moyens financiers aux objectifs climatiques et sociaux fixés dans la loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et GDR ainsi que sur de nombreux bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Je suis d’accord avec une bonne partie de ce que vous avez dit et je vais préciser ce qu’il en est.
Oui, la rénovation thermique des logements est un impératif écologique et aussi un impératif en termes de confort pour nos concitoyens, qu’il s’agisse de l’hiver ou de l’été. C’est par ailleurs une activité importante pour nos artisans et les entreprises de bâtiment et de travaux publics.
Toutefois, le retard pris en début d’année en raison de l’absence de vote sur le budget, l’afflux des demandes et l’augmentation des fraudes nous ont contraints à revoir nos façons de faire afin de limiter ces fraudes. C’est pour cette raison qu’avec la ministre du logement, Valérie Létard, nous avons décidé de suspendre le traitement des dossiers, peut-être plus tôt que prévu, mais en tout cas avant la fin du mois de juillet, pour pouvoir remettre de l’ordre dans le dispositif et que l’examen des dossiers reprenne le plus vite possible à la rentrée.
Après avoir échangé avec les différents partenaires, nous avons décidé, dans un souci d’apaisement, que cette suspension ne frapperait ni les copropriétés ni les monogestes. Cela permettra à nos compatriotes qui souhaitent changer leur chaudière ou installer une pompe à chaleur de le faire, y compris cet été. Nous mettrons à profit cette période pour remettre de l’ordre dans le dispositif, afin que l’examen de l’ensemble des dossiers puisse reprendre à la rentrée.
Ce n’est pas une mesure budgétaire : les 3,6 milliards d’euros engagés dans le budget approuvé et mis en œuvre par le gouvernement ne sont pas remis en cause. J’espère vivement qu’ils seront utilisés puisque ces dépenses sont utiles.
Enfin, s’agissant de la pluriannualité de la dépense, vous savez que nos procédures connaissent quelques limites. Nous nous engageons cependant dans la durée en faveur de ces dispositifs qui améliorent la transition écologique.
Un député du groupe RN
C’était très mauvais !
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Le stop and go et le moratoire sur les rénovations globales, qui sont pourtant les plus performantes, empêchent les personnes en situation de précarité énergétique de rénover leur logement. C’est une aberration, à laquelle il faudra remédier. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe EcoS, quelques députés du groupe SOC et M. Stéphane Peu applaudissent cette dernière.)
Politique pénitentiaire
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Il y a quelques semaines, deux surveillants de la maison d’arrêt de Grasse ont été violemment agressés lors d’un simple changement de cellule. Ces deux agents ont été blessés alors qu’ils faisaient simplement leur travail !
Pendant ce temps, vos annonces s’enchaînent : expulsions des détenus étrangers, retour de l’autorité, fermeté. Mais la réalité est bien différente. Sur le terrain, c’est l’abandon.
Je me suis rendu à trois reprises à la maison d’arrêt de Grasse. Chaque fois, les agents m’ont tenu le même discours : ils souffrent du manque de moyens et de reconnaissance, et subissent surtout une ultraviolence qui devient chaque jour plus forte.
La maison d’arrêt de Grasse compte 721 détenus pour 574 places. Alors que les effectifs sont à bout, les détenus profitent d’activités dignes d’un centre de vacances – funambulisme, cyclisme, football sur un terrain dédié, ateliers type Top chef organisés dans une cuisine professionnelle.
Le contraste entre vos propos et la réalité est saisissant. Pendant que les détenus cuisinent ou jouent au foot, les surveillants, eux, disposent d’une salle de repos avec une serviette en guise de rideau et un micro-ondes qui ne fonctionne pas.
Le comble, c’est que cinq détenus ont récemment bénéficié d’une sortie dans le parc national du Mercantour, avec une nuit dans un gîte, encadrés par seulement trois surveillants – trois agents mobilisés à l’extérieur ont surveillé cinq détenus ultraviolents, tout cela pendant que des millions de Français n’ont même pas les moyens de s’offrir une telle escapade.
La suite est, hélas, déjà écrite. Vingt-sept surveillants vont partir en juillet, sans qu’aucun remplacement soit prévu. À Grasse comme ailleurs, la situation devient ingérable.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit que la prison, « ce n’est pas le Club Med ». Mais aujourd’hui, elle y ressemble, pendant que ceux qui la font tenir sont épuisés, méprisés et oubliés.
Quand vos annonces seront-elles enfin suivies d’effets ? Quand rétablirez-vous du bon sens et de l’autorité dans nos prisons ? Et, surtout, quand respecterez-vous et protégerez-vous nos surveillants pénitentiaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Je peux vous rejoindre sur le fait qu’il faut faire preuve de fermeté et de bon sens dans les centres de détention de la République française. C’est si vrai que, sous l’autorité de M. le premier ministre, en tant que garde des sceaux, j’ai proposé en collaboration avec le ministre de l’intérieur une loi pour lutter contre le narcotrafic, validée par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Cette loi qui prévoit un régime carcéral spécifique extrêmement important a été votée…
M. Yoann Gillet et M. Sébastien Chenu
Grâce au RN ! Merci le RN !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…par de nombreux groupes, du vôtre au groupe socialiste, ce qui montre que nous n’avons pas eu besoin du soutien du Rassemblement national pour faire adopter ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Plusieurs députés du groupe RN
Si !
M. Philippe Vigier
C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est un fait !
Par ailleurs, j’ai moi-même signé une instruction appelant à l’arrêt de certaines pratiques dans les prisons.
Mme Émilie Bonnivard
Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Mais cela ne donne pas le droit de mentir à la représentation nationale, monsieur le député ! (Protestations sur les bancs du groupe RN. – M. Yoann Gillet fait mine de jouer du pipeau.) Vous évoquez en effet, notamment sur les réseaux sociaux, une sortie dans le Mercantour assortie d’une nuitée, pour des détenus qui seraient particulièrement dangereux. Il s’agit en réalité de personnes en fin de peine.
Plusieurs députés du groupe RN
Tout va bien alors ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ces détenus ont fait des centaines de mètres de dénivelé pour travailler dans le cadre du projet de restauration du lac Scluos : ils ont monté les engins de chantier. On est loin d’une sortie ludique au Mercantour ! Cela s’appelle du travail. À moins d’être des ennemis du travail, à l’image de votre programme économique, vous devriez vous réjouir que les détenus travaillent pour s’insérer, tout en contribuant à l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Merci d’avoir appelé mon attention sur cette brochure, que je vous propose d’aller afficher dans la salle de repos des surveillants pénitentiaires, à côté de ce qui leur sert de rideau ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Le document que je tiens en main n’est pas une brochure : il provient de l’administration pénitentiaire. Devinez où je l’ai trouvé : à la maison d’arrêt de Grasse !
Vous choisissez les gens que vous soutenez selon des critères bien changeants. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je vous propose de soutenir tout le ministère de la justice, y compris les magistrats, que vous attaquez souvent nommément, pour toutes les décisions que vous estimez honteuses. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, EcoS, Dem et LIOT.) Quand on soutient les agents du ministère de la justice, on les soutient jusqu’au bout !
M. Philippe Ballard
Vous ne les soutenez pas !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous êtes plus volubile quand vous vous exprimez sur les réseaux sociaux que lorsque vous vous exprimez devant la représentation nationale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Réforme de la procédure pénale
Mme la présidente
La parole est à Mme Christelle D’Intorni.
Mme Christelle D’Intorni
Vingt ans, cela fait maintenant vingt ans que notre procédure pénale complexifie et ralentit les enquêtes, en réduisant l’efficacité. La multiplication des vices de procédure qui en découle profite toujours aux délinquants et décourage les enquêteurs. Plus de la moitié d’une garde à vue est consacrée à remplir des formulaires, plutôt qu’à faire avancer des enquêtes.
Il y a dix ans déjà, des milliers de policiers manifestaient place Vendôme pour réclamer une simplification. Dix ans plus tard, vous leur offrez un relooking administratif : pas une ligne en moins, pas une formalité simplifiée – rien. Au nom des quelque 60 000 OPJ de la police et de la gendarmerie, qui sont ignorés, je vous remercie pour cette future réédition du code de procédure pénale. Je suis sûre qu’ils trépignent déjà d’impatience à l’idée de procéder à la refonte de tous leurs logiciels et de multiplier les formations pour une réforme pénale cosmétique.
M. Erwan Balanant
Mais non !
Mme Christelle D’Intorni
Pendant que votre gouvernement déplace des virgules, les voyous, eux, continuent de s’armer, de recruter et d’imposer leur loi. Vous nous promettez un État qui tape fort ; l’État tape peut-être fort, mais dans le vide.
Monsieur le garde des sceaux, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour que les enquêteurs ne passent plus leurs 45 heures de travail hebdomadaires à cocher des cases, mais bien à protéger les Français ? La procédure pénale a besoin non d’un toilettage à droit constant, mais d’une simplification réelle pour que la justice soit réactive, lisible et surtout efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Nous pouvons nous accorder sur la nécessité de simplifier la procédure pénale, mais en tant que garde des sceaux, j’applique le texte que vous avez voté, madame la députée ! Vous avez en effet adopté le texte proposé par M. Éric Dupond-Moretti, qui prévoit à droit constant la simplification du code de procédure pénale. Cette dernière a nécessité trois ans de travail avec des policiers, des gendarmes et des magistrats, avant que vous la votiez, Mme D’Intorni !
M. Vincent Descoeur
Elle a changé de club, il y a eu le mercato entre-temps !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Simplifier la procédure, c’est l’objectif des propositions que j’évoque avec M. le premier ministre pour la rentrée : suppression du sursis, fin de l’aménagement automatique des peines, simplification des procédures pour les juges des libertés et de la détention et les OPJ, simplification de l’ensemble de la chaîne pénale. J’espère que, demain, vous soutiendrez cette réforme mais pour l’instant, j’applique le texte que vous et M. Ciotti avez voté. (Mme Stéphanie Rist applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christelle D’Intorni.
Mme Christelle D’Intorni
Vous ne semblez pas avoir très bien compris ma question. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Je suis quand même très étonnée par votre réponse, puisque vous teniez le même discours que moi il y a quelques mois, quand vous étiez ministre de l’intérieur.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je suis au contraire en complet accord avec moi-même : je vous propose un nouveau texte de simplification de la procédure pénale. Quand M. Dupond-Moretti a présenté le sien, je n’étais pas député ! Vous ne me contredirez pas sur ce point : vous, M. Ciotti et beaucoup de députés dans cet hémicycle…
M. Fabrice Brun
Certains plus que d’autres !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…avez voté pour la révision du code de procédure pénale à droit constant.
Mme la présidente de l’Assemblée et M. le président du Sénat ont envoyé des parlementaires de toutes les couleurs politiques pour participer à ces travaux. J’ai donc du mal à comprendre ce que vous me reprochez : j’applique la loi de la République, tout en proposant des mesures de simplification que, j’en suis certain, vous soutiendrez. Avouez qu’il est un peu bizarre de reprocher à un ministre d’appliquer un texte que vous avez vous-même soutenu ! (« Zéro ! » sur plusieurs bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Ligne nouvelle Paris-Normandie
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Monsieur le ministre des transports, le 12 juin, un arrêté du Conseil d’État validant le schéma environnemental directeur de la région Île-de-France a suscité l’inquiétude et les interrogations des élus normands et des acteurs économiques du monde maritime.
Ce schéma ne fait aucune allusion à la ligne nouvelle Paris-Normandie, voulue par Nicolas Sarkozy en 2009, validée par toutes les majorités qui se sont succédé ensuite, notamment dans la loi d’orientation des mobilités que nous avons votée, pour la majeure partie d’entre nous, en 2019.
M. Jean-Luc Fugit
Une excellente loi !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Le silence du schéma à ce sujet nous inquiète.
M. Philippe Brun
Oui !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Il s’agit d’un projet d’envergure nationale, qui s’insère parfaitement dans la transition écologique de notre pays.
M. Philippe Brun
Elle a raison !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Il permettra d’améliorer le transport à la fois des Franciliens et des Normands qui se rendent au Havre ou à Cherbourg et d’évacuer par fret ferroviaire les conteneurs qui embarquent ou arrivent au Havre. Actuellement, 85 % de ces conteneurs sont évacués par la route, ce qui n’est pas acceptable à l’heure où nous défendons la décarbonation du secteur maritime, comme vous l’avez fait à Nice. Les conteneurs arrivent par des moyens décarbonés et on les évacue par camion !
J’ai trois questions simples : pourriez-vous dissiper l’idée que ce projet ait été abandonné ? Confirmez-vous l’engagement de l’État aux côtés de la SNCF et des élus pour développer ce projet de LNPN, qui est nécessaire ? Présiderez-vous le 1er juillet le conseil de pilotage, auprès du préfet Castel, pour nous assurer que l’État s’engage vraiment aux côtés de tous les acteurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Philippe Brun applaudit également.)
M. Hervé Berville
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
La ligne nouvelle Paris-Normandie demeure un projet d’intérêt national majeur – je le réaffirme. Elle répondra au besoin croissant de mobilité entre Paris et l’Île-de-France d’un côté, la Normandie de l’autre, le long de la vallée de la Seine. Elle améliorera significativement la régularité, la capacité et la rapidité des liaisons ferroviaires.
Après les difficultés rencontrées lors de la concertation du printemps dernier, avec le premier ministre, nous avons souhaité renouveler la méthode et repenser la gouvernance de ce projet. La nomination du préfet Castel au poste de délégué interministériel est le premier jalon de cette nouvelle approche. Il s’est pleinement attelé à sa tâche et a déjà rencontré l’ensemble des élus concernés.
Le 1er juillet prochain, aux confins des deux régions, à Giverny,…
M. Jean-Paul Lecoq
L’impressionniste, c’est vous !
M. Philippe Tabarot, ministre
…je présiderai un comité de pilotage élargi qui rassemblera l’ensemble des parties prenantes – les élus de Normandie et d’Île-de-France ainsi que les représentants des intercommunalités et des instances économiques des deux régions. Notre collègue Sophie Primas, Édouard Philippe, Valérie Pécresse et Hervé Morin y participeront également. (Bruits de conversation sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Silence !
M. Philippe Tabarot, ministre
Ce comité de pilotage constituera un deuxième jalon de ce nouveau départ pour la ligne Paris-Normandie. À cette occasion, les pistes envisagées en matière de gouvernance et de méthode seront présentées. Il s’agit de donner au projet un sens commun, un sens partagé. (MM. Hervé Berville et Stéphane Travert s’exclament.) Il doit répondre aux besoins actualisés des territoires.
M. Jean-Paul Lecoq
Pour l’Arlésienne, ce n’est pas la bonne direction !
M. Philippe Tabarot, ministre
Notre objectif est clair : rechercher ensemble les tracés à moindre impact, à travers un dialogue renouvelé, dans le respect de chaque territoire. Ils ne doivent pas être opposés les uns aux autres, mais agir tous ensemble, dans une démarche collaborative. Vous le voyez : l’État est pleinement mobilisé aux côtés des élus pour que ce projet aboutisse enfin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je vous remercie de présider le comité le 1er juillet. Je ne doute pas qu’il prendra des décisions importantes. Il est urgent d’agir : ce projet a été lancé par Nicolas Sarkozy en 2009… (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et EPR.)
Conflit entre Israël et l’Iran
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich
Monsieur le premier ministre, à la veille du 18 juin, quelle est la voix de la France ? Il y a quelques jours, 200 avions de chasse israéliens ont frappé en Iran des sites impliqués dans le programme d’enrichissement nucléaire de ce pays. Il est clair pour nous que la poursuite de ce programme par l’Iran représente une menace existentielle pour Israël et sa population. Acteur de déstabilisation de la région, l’Iran triche en continuant d’augmenter sa production d’uranium enrichi, comme l’a démontré le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Pendant le quinquennat de François Hollande, de longues négociations avaient été lancées par Laurent Fabius afin que l’Iran ne puisse accéder à l’arme nucléaire. Donald Trump a déchiré et brisé cet accord, permettant à l’Iran de poursuivre tranquillement son programme nucléaire. De nouvelles négociations, si imparfaites soient-elles, étaient en cours ces dernières semaines.
Dans ce contexte, nous ne pouvons légitimer ni l’usage de la force ni la fuite en avant de Benyamin Netanyahou, que ce soit en Iran, en Syrie, au Liban ou à Gaza. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Stéphane Peu applaudit également.) Pour l’équilibre d’une région déjà instable et d’un monde en ébullition, la communauté internationale, si elle existe encore, doit se ressaisir pour exiger une désescalade et un cessez-le-feu, afin d’éviter toute attaque contre les populations civiles, tant en Iran qu’en Israël. Nous demandons de manière urgente un retour à la table des négociations.
Comment le gouvernement et les partenaires de notre pays, au sein de l’Union européenne ou du G7, peuvent-ils faire pression pour revenir à un règlement du conflit dans le cadre diplomatique et pour créer les conditions d’un cessez-le-feu ainsi que d’un nouvel accord sur le nucléaire iranien ? Je réitère ma question : quelle est la voix de la France à la veille du 18 juin ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
La voix de la France est claire et forte. (Murmures de protestation sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Elle réclame la paix et la sécurité pour tous. Cette position repose sur un double refus. D’abord celui de voir Gaza être occupée, la Cisjordanie être colonisée, le Hamas continuer à détenir des otages dans des tunnels et l’aide humanitaire être bloquée à l’entrée de la bande de Gaza alors que la population y est affamée.
M. Jean-Paul Lecoq
Reconnaissez l’État palestinien !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
C’est pourquoi, même si nous avons dû la reporter, pour des raisons logistiques et sécuritaires, nous restons déterminés à tenir la conférence pour la solution à deux États. Une dynamique désormais impossible à arrêter va nous conduire à reconnaître l’État de Palestine. (Mme Alma Dufour s’exclame.)
Le second refus est celui d’un Iran puissance nucléaire qui, comme vous l’avez dit, ferait peser un danger existentiel sur Israël, sur la région et sur l’Europe. Ce problème ne peut être réglé que par la négociation, ce à quoi la France a œuvré il y a dix ans, sous l’autorité du président Hollande, en se montrant plus exigeante que ses partenaires américains et en obtenant de l’Iran des concessions significatives. Cet accord a été fragilisé quelques années plus tard lorsque les États-Unis s’en sont retirés, mais la négociation reste la seule manière d’aboutir à un arrêt du programme nucléaire et balistique iranien.
C’est pourquoi nous appelons à la retenue, à la désescalade, à l’arrêt des frappes des deux côtés…
Mme Dominique Voynet
Qui a commencé ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre
…et au retour à la négociation. Je l’ai dit à mes homologues iranien, israélien et américain. Je leur ai également dit que, de la même manière que les Français, les Allemands et les Britanniques avaient trouvé la solution il y a dix ans, nous nous tenons prêts à apporter notre compétence, notre expérience et notre constance pour mener des discussions avec les parties prenantes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem. – M. Jérôme Guedj applaudit également.)
Taxe Zucman
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
En février, l’Assemblée votait, grâce aux seules voix de la gauche, une proposition de loi instaurant une taxe de 2 % sur le patrimoine des plus riches, communément appelée « taxe Zucman ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.) La semaine dernière, lors de l’examen du texte au Sénat, le camp présidentiel et la droite ont uni leurs voix pour le rejeter.
De quoi s’agit-il ? De s’assurer que les personnes dont le patrimoine est supérieur à 100 millions d’euros s’acquittent d’un impôt représentant au moins 2 % de leur fortune. La taxe concernerait les 4 000 contribuables les plus riches de notre pays, soit 0,01 % de la population, et rapporterait 15 à 20 milliards d’euros à l’État. Pourtant, le gouvernement, bien qu’il recherche désespérément 40 milliards, s’est férocement battu contre cette mesure, préférant une taxe à 0,5 % excluant les biens professionnels estimée quarante fois moins rentable.
Monsieur le ministre de l’économie, je vous mets en garde : en défendant ainsi coûte que coûte les ultrariches, vous fragilisez la République. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.) Le consentement à la progressivité de l’impôt en est un des fondements puisque ce principe permet de mieux répartir les richesses. Vous préférez récupérer 40 milliards d’euros en supprimant des moyens à la santé, à l’éducation, à la justice, à la police ou aux collectivités locales au lieu de mettre à contribution les plus grosses fortunes françaises, dont le patrimoine a pourtant bondi de 200 à 1 200 milliards d’euros au cours des dix dernières années grâce à votre politique fiscale. Et comment pouvez-vous invoquer le risque d’exil des grandes fortunes alors que toutes les études démontrent qu’il n’existe pas ?
M. Stéphane Vojetta
C’est faux !
M. Yannick Monnet
Pourquoi refuser ainsi de verser la plus petite goutte de justice sociale dans un océan d’austérité, quitte à fracturer durablement le pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Dominique Potier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Une proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des plus riches a effectivement été rejetée par le Sénat. Elle ne répondait pas aux objectifs du gouvernement, qui cherche à garantir l’attractivité de la France en matière d’investissement afin de développer l’économie nationale. Je n’ai pas exactement les mêmes chiffres que vous sur le nouvel impôt qui était proposé et dont nous considérons qu’il aurait pu concerner 2 000 personnes pour un rendement cinq fois supérieur à celui de l’ISF, payé par 350 000 contribuables. Il est par ailleurs probable que cet impôt aurait été considéré comme inconstitutionnel.
Avec intérêt, j’écoute les commentaires et je lis les tribunes affirmant que des études établissent qu’un tel impôt n’aurait pas d’effet sur l’expatriation. Mais comme aucune taxe de ce type n’a jamais été mise en place dans aucun pays, je ne sais pas bien sur quoi se fondent ces études. En revanche, nous avons vu, les deux fois où un impôt sur la fortune a été instauré en France, que les gros patrimoines étaient mobiles. De plus, cette mobilité est encore plus facile à organiser dans le monde actuel.
M. Loïc Prud’homme
Vous êtes juge et partie !
M. Éric Lombard, ministre
Par ailleurs, une imposition à hauteur de 2 % du patrimoine obligerait les entreprises qui se développent soit à verser des dividendes importants soit à céder des parts, deux options qui ne nous paraissent pas souhaitables.
Je partage toutefois vos préoccupations et, au sein de l’OCDE, nous travaillons sur un impôt minimum sur le patrimoine dans le cadre de ce qu’on appelle le pilier 2. L’OCDE a approuvé une première étape, qui porte sur un impôt minimal pour les entreprises, et nous continuons à soutenir des réflexions au sein de cette organisation. En effet, ce n’est que partagées par les pays de l’OCDE que des taxations du patrimoine pourront avoir un avenir. En revanche, dans l’environnement actuel, il nous semble préférable de maintenir les impôts au niveau que nous connaissons pour faire revenir les investissements dans notre pays. C’est ce que nous faisons avec la flat tax et avec la fin de l’ISF. (M. Paul Midy applaudit.)
Hôpital de Castelnaudary
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Rancoule.
M. Julien Rancoule
Comme bien des hôpitaux de proximité, le centre hospitalier de Castelnaudary est proche de la rupture. Avec 30 % de postes vacants, l’été s’annonce particulièrement tendu. La direction est contrainte d’envisager la fermeture temporaire de soixante lits en médecine, en rééducation et dans l’unité de soins de longue durée. Les urgences pourraient aussi être touchées, avec une régulation des admissions. Il y a quelques jours, les soignants de cet hôpital se sont mobilisés pour tirer la sonnette d’alarme. Je salue leur dévouement car, malgré des conditions souvent difficiles, ils font tout leur possible pour apporter des soins de qualité aux patients.
La principale raison de cette pénurie de personnel est connue : au cours des dernières décennies, les gouvernements successifs n’ont pas anticipé et n’ont pas formé suffisamment de médecins. La suppression du numerus apertus, que le Rassemblement national demandait depuis des années, est une bonne nouvelle pour l’avenir, mais elle ne règle pas les problèmes à court et moyen termes.
Par manque de titulaires, le centre hospitalier de Castelnaudary est dépendant de l’intérim, qui offre peu de visibilité sur les plannings. La loi Rist plafonne le coût du recours à l’intérim pour les seules structures publiques, créant un exode des soignants vers le privé. Pour des raisons administratives, l’hôpital ne peut accueillir des internes qu’en gériatrie, alors qu’envoyer des étudiants dans des petites structures serait formateur pour eux et utile pour la population. Preuve de l’esprit de résilience de ce petit établissement mais aussi du manque criant de moyens alloués par l’État, une association a été créée pour collecter des dons afin de financer l’installation d’un scanner.
Quatre ans après la création du label Hôpital de proximité, rien n’a changé. Un Français sur trois renonce à se soigner et les fermetures de lit continuent, et la ruralité paie le prix fort. Allez-vous intervenir pour maintenir les services de l’hôpital de Castelnaudary cet été et, plus globalement, allez-vous agir concrètement pour lutter contre la désertification médicale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Monsieur le député, permettez-moi d’abord de vous remercier car je sais que vous vous êtes rendu dans l’hôpital de proximité sur lequel porte votre question. En dehors de toute considération politique, le rôle du Parlement et de ses élus est d’être au chevet des établissements de ce type. Dans celui dont vous avez parlé, il existe des mouvements de grève. À ma demande, l’agence régionale de santé d’Occitanie y fera une visite d’inspection dans les jours prochains et je n’hésiterai pas à saisir le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière si le rapport qui me sera transmis relève des difficultés de gouvernance.
L’accès aux soins est une des priorités du gouvernement. En avril, le premier ministre a annoncé un plan contre les déserts médicaux qui se base sur l’engagement des élus locaux et vise tant à sécuriser qu’à consolider les hôpitaux de proximité comme celui de Castelnaudary. Dans cet établissement, un scanner a été très récemment inauguré, ce qui est un point positif, et je souhaite que nous puissions participer à une meilleure dotation en soignants. Notre projet de former plus de soignants, de les former mieux pour en avoir partout, correspond aux besoins de l’hôpital de Castelnaudary. Je souhaite pouvoir prochainement renforcer ses effectifs pour satisfaire une demande qu’on retrouve partout en France.
J’espère que nous allons pouvoir bien passer tous ensemble la période de canicule qui s’annonce. Le ministère a organisé une première réunion avec l’ensemble des acteurs – médecins de ville, hôpitaux publics et privés, Smur, sécurité civile, Samu, etc. – pour y préparer chaque territoire. Les hôpitaux de proximité, dont celui de Castelnaudary, doivent avoir pendant l’été une offre de soins permettant aux soignants de prendre les congés qu’ils méritent et aux patients de bénéficier de la sécurité dont ils ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Effets des écrans et des réseaux sociaux sur les mineurs
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Vojetta.
M. Stéphane Vojetta
Il y a un an, la dissolution empêchait le gouvernement de Gabriel Attal d’appliquer les recommandations de la commission Écrans coprésidée par Servane Mouton et Amine Benyamina. Depuis, malgré certaines annonces bienvenues, notre jeunesse reste dangereusement exposée aux dérives des réseaux sociaux et à l’usage excessif des écrans.
M. François Cormier-Bouligeon
Il a raison !
M. Stéphane Vojetta
Les adolescentes y trouvent des promotions de la maigreur extrême, des appels à la scarification, des modes d’emploi du suicide et une hypersexualisation constante. Elles sont approchées sur Instagram par des rabatteurs qui leur promettent des fortunes si elles vendent des images pornographiques sur OnlyFans mais qui leur prennent 80 % de leurs revenus. Ils se qualifient d’agents mais sont des proxénètes 2.0. Une étude récente établit logiquement un lien de causalité entre l’usage des réseaux sociaux et la dégradation de la santé mentale des jeunes filles.
Les garçons, pour leur part, y découvrent sans filtre un monde où la violence est glorifiée, où tout le monde devient riche et musclé sans efforts. Ils apprennent aussi l’amour et le respect de l’autre grâce aux vertus éducatives du porno H24. Pour les plus jeunes, le temps d’écran excessif prépare le terrain en nuisant à leur développement psychique, linguistique et affectif.
Suicides, troubles alimentaires, violence décomplexée : les drames successifs qui frappent notre nation témoignent de ce délabrement sociétal. En réaction, la ministre Élisabeth Borne a annoncé la généralisation de la pause numérique dans les collèges à la rentrée 2025. De leur côté, les sites pornos refusent nos règles de vérification d’âge et préfèrent s’autocensurer. Tant pis pour eux ! La ministre Catherine Vautrin vient pour sa part d’annoncer l’interdiction de l’usage des écrans pour les enfants de moins de 3 ans.
M. François Cormier-Bouligeon
Très bien !
M. Stéphane Vojetta
C’est bienvenu, même si la commission Écrans recommandait plutôt de les interdire aux moins de 6 ans.
Quelle est la ligne directrice du gouvernement pour protéger notre jeunesse et responsabiliser les parents ? Devrions-nous réfléchir collectivement à une interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans ? (Mme Émilie Bonnivard et M. Antoine Vermorel-Marques applaudissent.) Le président de la République la suggérait mercredi dernier. Avançons sans attendre l’Union européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Un député du groupe RN
Qui est cette personne ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question.
Oui, le gouvernement est prêt et déterminé à agir pour protéger nos enfants. Si le numérique est un outil formidable, cela ne doit pas nous empêcher de regarder en face ses dérives, surtout quand il s’agit de protéger les enfants.
Oui, le gouvernement salue le travail de la commission Écrans constituée à la demande du président de la République. Elle a montré de façon très claire l’existence des phénomènes que vous avez vous-même exposés : troubles du comportement, anxiété, promotion de l’extrême maigreur, troubles de l’attention. Cela doit cesser, pour protéger nos enfants.
Oui, le gouvernement agit, sous l’impulsion du premier ministre et du président de la République, pour protéger les enfants contre les dérives du numérique. La ministre Élisabeth Borne envisage d’interdire les téléphones au collège ; la ministre Catherine Vautrin, d’interdire les écrans avant 3 ans ; quant à moi, je le dis avec force, je veux interdire les réseaux sociaux avant 15 ans, dans la continuité des travaux de Laurent Marcangeli. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
M. Fabien Di Filippo
Dommage qu’on n’ait pas écouté nos propositions il y a quelques années !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée
Oui, la France porte cette voix au niveau européen et je peux vous dire que nous ne lâcherons rien. Treize pays européens nous ont déjà rejoints ; ce matin même, l’Irlande, qui entretient pourtant des relations économiques avec les grandes entreprises du numérique, a dit clairement : « Les réseaux sociaux avant 15 ans, c’est non. »
Monsieur le député, je sais que vous êtes, ainsi qu’un certain nombre de vos collègues, très engagé sur cette question. Je tiens à saluer le travail effectué par la représentation nationale. C’est un combat que nous menons collectivement. Je suis heureuse de vous confier, ainsi qu’à votre collègue Arthur Delaporte, une mission (« Ah ! » sur divers bancs) qui s’inscrira dans la continuité du très important travail transpartisan que vous avez effectué dans le cadre de la loi « influenceurs » de 2023…
M. Louis Boyard
Ne faites pas ça !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée
…parce qu’un travail partisan est nécessaire pour protéger nos enfants. Pour ma part, je ne lâcherai rien. Le numérique, c’est formidable, je le répète, mais pas au détriment de nos enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Surveillante poignardée par un élève
Mme la présidente
La parole est à M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas
Ma question s’adresse à M. le premier ministre, ancien ministre de l’éducation nationale, soutien fidèle de ces écoles privées…
M. Hervé de Lépinau
Ah ! La guerre scolaire !
M. Rodrigo Arenas
…où, à l’abri du silence des notables, on brutalise les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Julien Odoul
Et le lycée Averroès ?
M. Rodrigo Arenas
Après l’odieux assassinat d’une surveillante de collège en Haute-Marne, je m’étonne que, devant la détresse des équipes éducatives et des familles ainsi que devant la souffrance de nos enfants, vous n’ayez trouvé que des parades aussi grotesques qu’inutiles, comme l’utilisation de portiques ou l’interdiction de la vente de couteaux. (Mêmes mouvements.)
Vous avez déjà démontré à maintes reprises vos conceptions étroites de l’éducation. Contrairement à ce que vous fantasmez, ce dont nos enfants ont besoin, c’est de soins et d’attention, pas de gifles ni de reconnaissance faciale (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS) ; ce dont nos écoles ont besoin, c’est de moyens pour la médecine et la psychiatrie scolaires, pas de portiques ni de fouilles au corps (Mêmes mouvements) ; ce dont notre République a besoin, c’est d’une réponse à la hauteur de la crise existentielle profonde qui bouleverse notre jeunesse dans l’esprit et dans la chair.
Avec vous, au gouvernement, c’est la baisse des investissements concrets dans l’éducation populaire.
Vous, au gouvernement, c’est la disparition de la médiation de rue.
Vous, au gouvernement, ce sont 500 millions d’euros de moins pour la justice.
Vous, au gouvernement, c’est une baisse de 40 % des subventions aux associations. (Mêmes mouvements.)
Vous, au gouvernement, c’est la baisse des moyens alloués à la santé mentale.
Vous, au gouvernement, c’est l’anéantissement de l’accompagnement social et de la lutte contre les discriminations.
M. Alexandre Portier
Quel mauvais remake !
M. Rodrigo Arenas
Ma question est simple : pourquoi persistez-vous dans une approche fondée sur la peur, quand ce sont la justice, la dignité et l’émancipation qui sont les vrais remparts contre la violence ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Avant de répondre à votre question, monsieur le député, je voudrais adresser de nouveau toutes mes condoléances à la famille et aux proches de la jeune femme assistante d’éducation qui a perdu la vie devant son collège et dont les obsèques se déroulent aujourd’hui même. (Applaudissements sur divers bancs.) Je crois que cela doit nous inciter à beaucoup de retenue quand on évoque le sujet de la violence à l’encontre de notre jeunesse et de nos personnels éducatifs. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sophia Chikirou
Gardez vos leçons !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
Ce drame nous le rappelle avec force : la sécurité de nos élèves et de nos personnels est une priorité absolue. C’est pourquoi il nous faut agir sur tous les plans.
Il nous faut empêcher l’introduction d’armes blanches dans nos établissements ; c’est ce que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, et moi-même faisons, en organisant des fouilles inopinées des sacs aux abords des établissements. Vous connaissez les chiffres : plus de 6 000 opérations effectuées en moins de trois mois et près de 200 armes blanches saisies.
Pour protéger nos élèves, le premier ministre a également évoqué l’interdiction de la vente des couteaux pour les mineurs de moins de 15 ans. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous travaillons aussi avec les collectivités territoriales en vue de sécuriser les enceintes scolaires.
Nous agissons également face aux problèmes de santé mentale. Peut-être l’avez-vous entendu, monsieur le député : à la suite des assises de la santé scolaire, j’ai annoncé que nous allions instituer un référent santé mentale par département et deux personnels repères en santé mentale au sein de chaque établissement. (Mêmes mouvements.) J’ai demandé en outre à chaque établissement de préparer d’ici à la fin de l’année un protocole de repérage et de prise en charge des élèves en souffrance psychique.
Vous voyez : nous agissons, monsieur le député ; nous agissons sur tous les plans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Anne Stambach-Terrenoir
N’importe quoi !
Mme la présidente
La parole est à M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas
Madame la ministre de la censure des contes illustrés, votre réponse est à la petite hauteur de ce que vous défendez : vous venez d’avouer devant la représentation nationale que vous et votre gouvernement ne serviez finalement à rien et que vous n’étiez une solution ni pour nos enfants, ni pour l’école, ni pour les enseignants, ni pour les parents d’élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Nicolas Forissier
Tout en nuances !
Conflit entre Israël et l’Iran
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Monsieur le premier ministre, l’Iran constitue une menace existentielle pour Israël. Rappelons que le régime iranien et son guide suprême ont fait de la destruction d’Israël un objectif maintes fois répété. Ali Khamenei a ainsi déclaré que l’éternel sujet de l’Iran devait être l’élimination d’Israël. Qu’adviendra-t-il d’Israël si l’Iran détient des capacités nucléaires militaires ?
De toute évidence, le développement du programme nucléaire iranien constitue une menace non seulement pour la sécurité d’Israël mais aussi pour le monde entier. Personne n’a intérêt à ce que la théocratie islamiste de Téhéran, soutien extrêmement actif de nombreux groupes terroristes, ait la capacité de produire et d’utiliser l’arme atomique.
Comme viennent de le rappeler tous les chefs d’État du G7, la communauté internationale et la France doivent œuvrer à la désescalade dans la région tout en apportant des garanties strictes quant à l’impossibilité pour l’Iran de se doter un jour de l’arme nucléaire. D’autre part, l’urgence est de protéger et de rapatrier nos ressortissants sur place aussi bien en Iran qu’en Israël.
Nous appelons également à considérer la situation des minorités chrétiennes d’Orient, victimes systématiques des guerres et conflits dans la région.
M. Xavier Breton
Très juste !
M. Patrick Hetzel
Depuis des siècles, l’honneur de la France a été de venir en aide à ces minorités persécutées et souvent oubliées. Plus que jamais, c’est notre devoir. Quel horizon pour les Arméniens, dont les bourreaux, au premier rang desquels l’Azerbaïdjan, pourraient profiter de ce conflit et de la faiblesse de l’Iran ? Ne laissons pas se reproduire ce qui s’est passé lorsque la Russie, enlisée en Ukraine, a abandonné à son sort l’Arménie alors qu’elle était la principale garante de sa sécurité.
Monsieur le premier ministre, merci d’éclairer la représentation nationale sur vos intentions pour protéger nos ressortissants et faire en sorte que le droit international prévale. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Jean Terlier applaudit également.)
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est quand même d’un autre niveau !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Je vous remercie, monsieur le député, d’appeler l’attention de la représentation nationale et du gouvernement sur le sort des minorités et des communautés avec lesquelles nous avons une histoire commune et envers lesquelles nous avons une responsabilité particulière. Il en est ainsi des communautés chrétiennes, partout dans le Moyen-Orient : nous les soutenons traditionnellement, non pour des raisons religieuses, mais parce que nous considérons que la paix et la stabilité dans cette région passent par le respect du pluralisme. C’est pourquoi, lorsque la guerre s’est déchaînée au Liban, nous avons soutenu le réseau des écoles chrétiennes ; c’est pourquoi nous avons contribué à rénover et à rebâtir le patrimoine chrétien irakien dévasté par Daech ; c’est pourquoi, chaque fois que je me déplace, je veille à rencontrer les chefs religieux des communautés chrétiennes, comme récemment en Syrie, où nous nous faisons leur porte-voix pour qu’ils soient pleinement intégrés dans l’avenir du pays.
Face à l’escalade de violence, à l’escalade militaire dans la région, nous sommes très attentifs au sort de ces communautés, en particulier en Israël et dans les territoires palestiniens, où nous veillons sur elles, mais également en Arménie, au nord de l’Iran – comme vous le savez, la zone frontalière entre l’Arménie et l’Iran sépare les deux territoires de l’Azerbaïdjan : il y a là une ligne de fracture particulièrement sensible.
Il est vrai que la Russie, enlisée, comme vous l’avez dit, dans sa guerre contre l’Ukraine, a quelque peu abandonné l’Arménie – mais la France est venue à son secours et depuis des mois nous nous tenons à ses côtés, en renforçant nos coopérations, notamment dans le domaine de la défense, en matière militaire, coopérations qui n’ont pas d’équivalent dans l’histoire récente des relations entre l’Arménie et les pays européens. Dans la période qui s’ouvre, nous allons continuer à nous tenir aux côtés de l’Arménie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – M. Olivier Becht applaudit également.)
M. Thibault Bazin
Très bien !
Conséquences des OQTF
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Selon le ministre de l’intérieur, l’État de droit n’est ni sacré ni intangible. C’est ainsi que, chaque jour, dans notre pays, des millions de travailleurs, de parents, d’enfants vivent sous la menace bureaucratique des obligations de quitter le territoire français (OQTF) : 140 000 ont été distribuées rien que l’an dernier. Ce sont autant de droits à la retraite coupés ou de licenciements brutaux.
À Nanterre, dans ma circonscription, Amine, machiniste à la RATP, ne peut plus travailler parce que le renouvellement de son titre de séjour est bloqué en préfecture – ces mêmes préfectures qui sont débordées et qui pondent des OQTF cyniques à la pelle, que ce soit à l’encontre de femmes déposant plainte contre des violences conjugales ou à l’encontre de Palestiniens qu’on a voulu renvoyer sous les bombes à Gaza.
Tout est bon pour satisfaire les exigences irraisonnables du ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Son obsession n’a plus de limites ; il va jusqu’à inventer une nouvelle forme de déchéance de nationalité ! Ainsi, à Orly, des enfants français dorment derrière les barreaux du centre de rétention, comme cette petite fille de 11 ans qui y a passé quatre nuits en octobre dernier.
Mme Marie Pochon
Une honte !
Mme Sabrina Sebaihi
À Roissy, Ismaël, 18 ans, Français lui aussi, risquait l’expulsion à Mayotte – comme si Mayotte ne faisait plus partie du territoire national. Dernièrement, une Française recevait une OQTF de la part de la police aux frontières (PAF).
Vos alliés, quant à eux, rivalisent de surenchère. Pour Laurent Wauquiez, la solution serait d’envoyer les étrangers sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon ; en d’autres termes, il faudrait exiler des gens à l’autre bout du monde pour satisfaire quelques chroniqueurs racistes et enragés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Fabien Di Filippo
On parle d’individus dangereux. Vous défendez les criminels contre les droits des Français. Cela vous disqualifie de toute responsabilité !
Mme Sabrina Sebaihi
Pendant qu’est alimenté le concours Lépine de la brutalité en classant les Français en catégories qui seraient ou non expulsables, des vies sont broyées sans état d’âme. Votre bilan, c’est une politique sans efficacité, sans humanité ; surtout, c’est une politique sans honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Karim Ben Cheikh et M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Sabrina Sebaihi
Votre zèle répressif n’est qu’un écran de fumée. Vous organisez le chaos, vous fabriquez la peur et vous piétinez la dignité simplement pour gonfler vos courbes et flatter vos flancs. Vous êtes l’incarnation du trumpisme à la française. (Mêmes mouvements.)
Je n’ai qu’une question à vous poser : combien de temps allez-vous encore fracasser des vies pour faire le lit de votre survie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Permettez-moi de mettre un peu de modération dans tout ça.
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est votre genre !
M. François-Noël Buffet, ministre
Vous savez pertinemment quelle est la volonté politique du ministère de l’intérieur et du gouvernement en ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national. L’idée principale est le retour dans le pays d’origine.
Mme Julie Laernoes
Nous parlons de Français ayant la double nationalité !
M. François-Noël Buffet, ministre
C’est la règle ; il faut la faire respecter avec fermeté et détermination. À cette fin, nous discutons des accords de réadmission ; cela fonctionne et les résultats sont plutôt positifs comparativement aux précédents. (« Nous parlons de Français ! » sur les bancs du groupe EcoS.)
S’agissant des préfectures, vous n’avez pas tort car il est vrai que pour les personnes qui sont en situation régulière et qui demandent un titre de renouvellement, il y a du retard ; mais il convient de dire la vérité, à savoir que la personne qui fait une demande de renouvellement est protégée et ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Julie Laernoes
Actualisez vos dossiers, monsieur le ministre !
Mme Sabrina Sebaihi
Ce n’est pas vrai ! Vous mentez !
M. François-Noël Buffet, ministre
Enfin, pour ce qui concerne le cas particulier que vous soulevez,…
Mme Sabrina Sebaihi
Il n’y en a pas qu’un, il y en a plusieurs !
Mme Marie-Charlotte Garin
On vous a donné cinq exemples !
M. François-Noël Buffet, ministre
…selon mes informations, la police de l’air aux frontières de Roissy a fait un contrôle et la personne en question n’a pas été capable de donner les éléments juridiques permettant de justifier de sa situation. Le tribunal appréciera, puisque je crois qu’une procédure a été engagée. Quoi qu’il en soit, il faut saluer le travail de la PAF (Mme Marina Ferrari applaudit), qui fait son travail tous les jours, toutes les heures, pour que les personnes en situation irrégulière retournent dans leur pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Julie Laernoes
Honte à vous !
Gestion de la population de loups
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Ma question s’adresse à la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et je souhaite y associer mes collègues issus d’un des nombreux départements où la prédation du loup est en augmentation.
Dans la Nièvre, la colère le dispute à la détresse chez les agriculteurs confrontés à l’augmentation du nombre d’animaux tués par le loup. Alors que notre territoire est classé en front de colonisation, nous constatons une forte augmentation de la prédation depuis deux ans : onze attaques ont été recensées en 2023 et quarante-huit en 2024. Depuis le 1er janvier 2025, quatre-vingts attaques ont formellement été attribuées au loup. Le 15 juin 2025, on comptait déjà 127 animaux blessés et 190 tués, soit le niveau de prédation d’octobre 2024 en nombre de bêtes tuées.
Tout comme l’élevage, la présence du loup est un facteur de biodiversité, avec lequel il faut apprendre à vivre. Néanmoins, ce « vivre avec » ne doit jamais devenir un « laisser mourir » pour nos agriculteurs, d’autant que la conservation de cette espèce est désormais assurée. (Mme Marie Pochon proteste.) En effet, être indemnisé pour une bête tuée n’est viable, ni financièrement, ni moralement.
Il y a quelques jours, le niveau de protection du loup a évolué au niveau européen : l’espèce est passée de « strictement protégée » à « protégée ». C’est le fruit d’une longue mobilisation et du combat européen engagé par Marc Fesneau, que vous avez prolongé. (Mme Marina Ferrari applaudit.)
Cette évolution offrira plus de flexibilité aux États en ce qui concerne la gestion des populations, par exemple en prenant un arrêté sur le protocole de tirs conforme à ce que prévoit le plan national d’action 2024-2029. Comment et à quelle échéance comptez-vous vous saisir de cette directive européenne à l’échelle nationale, afin de conjuguer la préservation de la biodiversité et la protection de nos éleveurs ?
Pouvez-vous, en outre, préciser devant la représentation nationale s’il sera procédé à un nouveau comptage permettant de fixer de nouvelles cibles de prélèvements, qui correspondent à la réalité de nos territoires ? Allez-vous réévaluer le statut des territoires comme la Nièvre – dont la situation est à l’image de celle de beaucoup d’autres –, pour les faire passer de front de colonisation à zone de présence permanente, afin de leur accorder des moyens en rapport avec la réalité vécue sur le terrain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement
Je voudrais excuser Mme Annie Genevard : elle est à Varsovie, où elle défend la position de la France sur l’accord UE-Mercosur avec beaucoup de détermination.
M. Vincent Descoeur
Très bien !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Comme vous le savez, c’est avec la même détermination que Mme la ministre s’est saisie du dossier du loup, enjeu majeur pour le maintien de nos activités d’élevage, sur lequel votre président de groupe, Marc Fesneau, n’a pas manqué de s’engager lorsqu’il était ministre de l’agriculture – ce pour quoi je tiens à le saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
On comptait l’an dernier quelque 4 000 attaques et 11 000 bêtes tuées en France, infligeant aux éleveurs des dégâts moraux autant qu’économiques. L’État a engagé 52 millions d’euros par an pour lutter contre la prédation du loup.
M. Pierre Cordier
Les grillages, ça ne sert à rien ; il faut tirer !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Nous réitérons notre plein soutien aux éleveurs et réaffirmons notre détermination à accélérer les travaux engagés depuis trois ans pour protéger les troupeaux.
Pour cela, il fallait que la démarche de déclassement du loup aboutisse. Vous l’avez dit, c’est aujourd’hui chose faite, puisque le 8 mai, le Parlement européen a voté en faveur de ce déclassement et le Conseil s’est prononcé dans le même sens le 5 juin. Une telle avancée, voulue par votre groupe et son président, Marc Fesneau, offrira plus de flexibilité dans la lutte. (Mme Marie Pochon s’exclame.)
Je ne dispose pas de toutes les informations que vous m’avez demandées. En attendant que Mme la ministre de l’agriculture revienne vers vous pour répondre précisément, je voulais vous signaler que l’article 47 de la loi d’orientation agricole permettra la délivrance d’autorisations de tirs. Très attendu, l’arrêté en définissant les conditions était sous consultation jusqu’au 10 juin dernier – nous étudions les 5 000 contributions dont il a fait l’objet –, mais il sera pris très prochainement. (Mme Marie Pochon s’exclame.)
Nous faisons aussi bien et aussi vite que possible pour venir au secours des éleveurs, car il y va presque de leur survie, de celle de leurs troupeaux et du pastoralisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Vincent Descoeur
Très bien !
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Simplification de la vie économique
Vote solennel
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de simplification de la vie économique (nos 481 rectifié, 1191).
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel (GDR)
Madame la présidente, monsieur le ministre de la fonction publique et de la simplification, madame la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, chers collègues, je commencerai par remercier le président de la commission spéciale…
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Merci !
M. Emmanuel Maurel
…et les rapporteurs du texte qui ne sauraient tarder. En dépit de nos désaccords, le climat de travail, tout au long de ce parcours très chaotique, a été courtois et respectueux ; je m’en réjouis car ce n’est pas toujours le cas. Merci à vous.
Le processus d’élaboration de cette loi restera comme un cas d’école. Présentée comme une des grandes œuvres législatives de la nouvelle législature, elle finit en objet politique non identifié dont plus personne n’assume la paternité et auquel plus personne ne semble vraiment croire. Censé illustrer la cohérence du projet, le débat accouche d’un texte confus, fourre-tout, sans queue ni tête, qui ne simplifie pas grand-chose et qui aura surtout complexifié nos agendas, puisque la discussion, maintes fois interrompue et repoussée, s’est étalée sur plusieurs mois avant de se clore dans un hémicycle clairsemé, un triste vendredi soir.
Aujourd’hui, nous apprenons que ceux qui évoquaient jadis cette loi comme la mère de toutes les batailles s’apprêtent à la rejeter. C’est difficilement compréhensible mais je n’ignore rien des arrière-pensées de certains collègues, qui ont déjà fait le coup : l’idée, puisque le texte a été largement amendé, c’est de s’en remettre à la commission mixte paritaire (CMP) qui discutera sur la base de la version du Sénat.
Je mets cependant en garde les collègues : à force de laisser penser que seul le Sénat, tout de même dominé par une force politique qui a obtenu 5 % des voix aux dernières législatives – excusez-moi, madame Louwagie, mais c’est vrai –, aurait la sagesse nécessaire pour légiférer, nous dévalorisons notre propre travail de député (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC), en donnant le sentiment que les institutions doivent fonctionner différemment. Ce n’est pas le cas ! Respectons le travail de l’Assemblée nationale et soyons fiers de nos débats.
Ce texte, c’est l’échec d’une méthode et c’est surtout une erreur de diagnostic. Vous confondez systématiquement simplification et dérégulation ; or la simplification entendue au sens de dérégulation n’a pas d’effet tangible sur l’économie. On aurait pu s’en douter puisqu’à mesure que s’empilaient, depuis 2017, les lois de simplification, la croissance ne s’est pas redressée. Au contraire, elle n’en finit plus de se ratatiner, au point que vous avez vous-mêmes été obligés de réviser vos prévisions à la baisse, par trois fois depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 2025.
Certes, il est normal que le législateur corrige les imperfections de la loi ou traque certaines redondances de l’appareil administratif, afin d’éviter que les entreprises, et particulièrement les PME, perdent du temps. Mais si votre montagne accouche d’une souris, c’est que vous avez démarré sur les chapeaux de roue à partir d’un présupposé qui n’était en réalité pas vraiment étayé.
Vous avez cru qu’en France, le temps consacré par les entreprises aux tâches administratives était globalement disproportionné par rapport aux économies comparables. Or ce n’est pas le cas ! On dit de l’Italie que c’est l’enfer de la paperasserie : son économie se porte mieux que la nôtre. L’Allemagne, quant à elle, est vue comme un modèle d’efficacité administrative ; pourtant, elle est en récession depuis deux ans.
Votre démarche était donc biaisée dès le départ parce que vous avec cru dur comme fer, obstinément, à une sorte de légende urbaine diffusée et relayée par le Medef, selon laquelle la dérégulation allait nous faire gagner 3 points de PIB, c’est-à-dire pas loin de 90 milliards d’euros. Tout cela n’était pas sérieux au départ ; ce n’est donc pas sérieux à l’arrivée !
Ce qui n’était pas sérieux non plus, c’est une bonne partie de nos travaux, vampirisés par des discussions qui n’avaient strictement rien à voir avec la simplification de la vie économique. Je pense à cette pseudo-bataille homérique durant laquelle certains de nos collègues ont voulu supprimer qui l’Office français de la biodiversité (OFB), qui le Centre national du cinéma (CNC), qui le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Tout cela n’avait rien à voir avec la simplification de la vie économique ; il s’agissait seulement pour certains collègues, le temps d’une soirée, de se prendre pour Elon Musk ou pour Javier Milei en se faisant les champions du comité de la hache ou du maniement de la tronçonneuse. Ce n’était pas à la hauteur de l’enjeu et vous avez totalement raté votre cible.
En réalité, ce n’est pas en dérégulant, comme vous le proposez, que nous allons retrouver le chemin de la croissance et du dynamisme économique.
Certains reviendraient à la raison, paraît-il, à propos de la législation environnementale : tant mieux ! Il aurait été préférable que cette prise de conscience ait lieu pendant nos débats et que vous alliez jusqu’à reconnaître, tant qu’à faire, que la législation sociale, la lutte contre l’ubérisation, la protection des sols ainsi que la concertation avec les habitants et les élus locaux participent, au même titre que les lois environnementales, à notre dynamisme économique. Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Gérard Leseul applaudit également.)
M. Yannick Monnet
Bravo !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Le début du discours était meilleur que la fin !
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux (UDR)
Quelque 400 000 normes, 5 600 pages de code du travail, 3 500 articles du code de l’environnement. Contraintes administratives. Surtransposition des normes en train de faire mourir notre agriculture et nos entreprises. Contrôles administratifs. DPE, ZAN, PLU, SRU, Dalo, Scot, ZFE. Vous pourrissez la vie des Français ! Vous découragez les entrepreneurs, vous angoissez les jeunes générations et vous vous apprêtez à rançonner les retraités. La France est au bord du gouffre, au point de non-retour face à une dictature verte, face aux gourous du wokisme.
M. Emmanuel Maurel
Oh là là !
M. Éric Michoux
La multiplication des normes environnementales est absurde et contreproductive. À titre d’exemple, les boulangers et les bouchers doivent peser et déclarer les feuilles de papier d’emballage qu’ils utilisent – et bien entendu, cette déclaration fait ensuite l’objet d’une taxation. Les Français n’ont plus confiance dans leurs dirigeants ! Vous avez instauré le monde de la défiance, or la défiance engendre la défiance : elle est la mère de tous les déclins. Comment avoir confiance dans un gouvernement qui, par exemple, dit tout et son contraire sur le dispositif MaPrimeRénov’ ?
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Aucun rapport !
M. Éric Michoux
En moins de deux semaines, le dispositif a été aboli puis suspendu, avant d’être restauré partiellement et finalement rétabli. Comment avoir confiance dans un gouvernement qui taxe les poulaillers, les puits et les abris de jardin ? Vraiment, vous êtes tombés sur la tête. Comment avoir confiance dans ces députés bobos, écolos, d’extrême gauche (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN), ces ayatollahs de la dictature verte…
M. Emmanuel Maurel
N’en jetez plus !
M. Éric Michoux
…qui n’ont qu’une seule idée en tête : taxer, taxer et taxer encore ! Peu importe le montant, pourvu qu’il y ait l’ivresse de la taxe. (Mêmes mouvements.)
Enfin, comment avoir confiance dans les macronistes qui, après avoir voté contre la fin des ZFE – zones à faibles émissions –, s’apprêtent à voter contre leur propre texte ?
Mme Olivia Grégoire
Défiguré par l’extrême droite !
M. Éric Michoux
Vous vous trahissez vous-mêmes. Vous trahissez la France. Vous trahissez les Français, vous les abandonnez ! L’union des droites – UDR et RN – est la seule force qui refuse le déclin (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN),…
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
M. Éric Michoux
…qui refuse le délitement et le déclassement de notre pays. Grâce à notre mobilisation en commission – je tiens d’ailleurs à remercier M. Ian Boucard pour son travail, déjà souligné par le collègue qui m’a précédé à la tribune : bravo, monsieur ! (Mêmes mouvements) – puis dans l’hémicycle, nous avons supprimé les ZFE. Je tiens cette fois à remercier notre collègue Pierre Meurin (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) pour son dynamisme et son enthousiasme : c’est le chevalier des ZFE !
Nous offrons ainsi un sursis à des millions de Français : ils n’auront pas à changer leur véhicule pour un véhicule électrique, un véhicule électrique chinois, doté d’une batterie chinoise elle-même alimentée par des panneaux photovoltaïques chinois et des éoliennes chinoises !
Mme Olivia Grégoire
C’est vrai que c’était vraiment le cœur du texte !
M. Éric Michoux
Nous sommes en plein grand remplacement industriel et vous en êtes les complices. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Puisque nous parlons des éoliennes chinoises, futur scandale de notre transition énergétique, j’ajoute qu’elles sont une merveilleuse synthèse de l’absurdité des dogmes écolos ! Elles se composent d’un triste mélange de terres rares et de PFAS – substances per- ou polyfluoroalkylées – importées par cargo depuis l’autre bout du monde. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Meurin
Bravo !
M. Éric Michoux
Sources de pollution visuelle pour notre nature, elles sont aussi des machines à éradiquer la biodiversité. Enfin, je me réjouis de notre victoire pour les entreprises sur le principe du test PME. Soutenu par le gouvernement, il a été réintroduit sans créer un énième comité Théodule.
Le pays vit dans la défiance. Pourtant, seule la confiance peut restaurer l’envie d’investir des industriels et des entrepreneurs, l’envie des Français de vivre et de consommer, l’envie des jeunes générations de se projeter dans l’avenir,…
M. Jean-François Coulomme
Merci Johnny !
M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale
L’envie d’avoir envie !
M. Éric Michoux
…l’envie d’une France belle, digne et éternelle, la France que nous aimons ! (Mêmes mouvements.)
Pour l’ensemble de ces raisons et pour les Français, le groupe UDR votera pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault (RN)
La bureaucratie française nous coûte cher, très cher. Elle coûte à notre économie : l’excès de normes – on en compte 400 000 ! – coûterait 3 % du PIB de la France, soit 80 milliards d’euros. Elle coûte à nos entrepreneurs et à nos industriels, qui ne peuvent pas créer une entreprise, implanter un nouveau site de production ou étendre leur activité sans être assommés de normes, d’études, de contrôles, sans être soumis à l’arbitraire d’une administration tatillonne, celle de la République des Cerfa.
L’idée de ce texte de simplification vient de Bruno Le Maire,…
Mme Olivia Grégoire
Tout à fait ! Et d’Olivia Grégoire, ici présente.
M. Matthias Renault
…qui avait lancé une prétendue grande consultation des chefs d’entreprise pour faire remonter des idées.
M. Thierry Tesson
C’est vrai !
M. Matthias Renault
À l’arrivée, un texte a été présenté devant le Sénat – un texte assez modeste, technique, mais qui avait le mérite d’exister.
Et puis tout a changé à l’Assemblée. Le groupe Rassemblement national a eu une stratégie offensive sur ce texte. Nous avons multiplié les propositions. Nous avons mis la barre de la simplification toujours plus haut. Nous avons donné des coups de boutoir à la bureaucratie et remis en cause l’écologie punitive, partout là où nous le pouvions.
Nous avons obtenu des victoires, des résultats. Nous avons supprimé plusieurs comités Théodule. Nous avons vidé la loi ZAN – zéro artificialisation nette – de sa substance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Nous avons instauré le test PME, très attendu des milieux économiques.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Le test PME est mort !
M. Matthias Renault
Nous avons instauré, dans les marchés publics, la préférence locale pour les PME et artisans. Nous avons facilité l’implantation de data centers. Nous avons introduit beaucoup d’autres mesures, très attendues par les milieux économiques…
Mme Olivia Grégoire
Non, ils ne se réjouissent pas de ce texte !
M. Matthias Renault
…pour relancer l’activité économique de notre pays.
En bout de course, la Macronie a décidé de saboter son texte initial. Les députés macronistes vont voter contre ce texte, dont la Macronie avait elle-même pris l’initiative !
Chers collègues, vous allez devoir expliquer aux milieux économiques, aux chefs d’entreprise, aux industriels, aux maires ruraux, qu’au bout de huit ans, vous avez renoncé à simplifier, à débureaucratiser, et qu’ils devront attendre l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir ! (« Oui ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Jean-François Coulomme
Jamais !
M. Matthias Renault
Vous vous apprêtez à balayer d’un revers de la main ce chantier de la simplification à cause d’une seule mesure : la suppression des ZFE. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Zones à forte exclusion : voilà une mesure autoritaire, ségrégationniste, liberticide et, pour tout dire, stupide. (M. Pierre Meurin applaudit.) Vous êtes en train de renoncer à la simplification de la vie économique, de suicider votre propre texte, pour une mesure qui est rejetée par 80 % des Français (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe RN), et même par une majorité de vos électeurs.
M. Pierre Meurin
Marie Lebec va devoir s’expliquer, car elle a voté pour la suppression des ZFE !
M. Matthias Renault
Vous n’arriverez pas à les mettre en place, car il n’y a aucune acceptabilité sociale, et vous allez devoir les justifier au moment des élections municipales. Vous arriverez peut-être à sauver les ZFE, mais vous allez fabriquer une usine à révoltés.
Pourquoi foncez-vous ainsi dans le mur ? La réponse est simple : Emmanuel Macron a fait des ZFE une affaire personnelle.
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
M. Matthias Renault
Supprimer les ZFE, détricoter la loi ZAN, c’est remettre en cause l’œuvre d’Emmanuel Macron. Le président a d’ailleurs perdu ses nerfs sur cette question lors d’un déplacement à Douai,…
M. Thierry Tesson
Oui, chez moi !
M. Matthias Renault
…puis s’est plaint dans la presse. Crime de lèse-majesté !
Pire, le détricotage de son œuvre s’opère à l’Assemblée, institution qu’il méprise. Les représentants du peuple pourraient donc avoir l’audace de représenter le peuple face à son président ! Pire encore, le détricotage de son œuvre se fait sous la pression de la France d’en bas, au bénéfice de la France d’en bas. Et ça, pour le président de la République, c’est hors de question ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Remettre en cause les ZFE, c’était en plus remettre en cause le dogme de l’écologie punitive ; un dogme qui, comme la Macronie, est en train de s’effondrer, en France comme partout dans le monde occidental ; un dogme qui permet à des bureaucrates, sous couvert de vertu, et pour bien faire sentir leur pouvoir, de traiter les braves gens comme des pions – des pions à qui on impose des règles absurdes, des interdictions de produire, des interdictions de consommer, des interdictions de circuler, l’interdiction de vivre. (Mêmes mouvements.)
Tel est en effet le sens de la bureaucratie. Comme le disait Honoré de Balzac, la bureaucratie est un « pouvoir gigantesque mis en mouvement par des nains ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Emmanuel Maurel
De grâce, laissez Balzac tranquille !
M. Matthias Renault
En Macronie, entre la simplification et la bureaucratie, vous avez choisi. Au Rassemblement national, nous choisissons la liberté.
Mme Olivia Grégoire
Non, la démagogie !
M. Matthias Renault
Nous voterons donc pour la simplification de la vie économique, et contre les ZFE. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR, dont la plupart des députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Lebec.
M. Emeric Salmon
Elle a voté pour la suppression des ZFE !
Mme Marie Lebec (EPR)
Au terme d’un examen long, chaotique et morcelé, nous nous apprêtons à voter, en première lecture, un texte qui devait simplifier la vie économique. Ce projet de loi s’inscrivait dans la droite ligne de ce que nous défendons depuis 2017 : rendre plus lisibles les règles, faciliter la création d’entreprises, alléger les démarches, fluidifier les relations entre l’administration et les acteurs économiques.
Aucune majorité n’a autant agi en matière de simplification. En 2018, nous avons introduit le droit à l’erreur, avec la loi Essoc, pour un État au service d’une société de confiance.
M. Jean-François Rousset
Eh oui !
Mme Marie Lebec
En 2019, avec la loi Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises, nous avons facilité la création d’entreprise en créant le registre unique et simplifié les seuils d’effectif. En 2020, nous avons allégé les démarches pour les entreprises, avec la loi Asap, d’accélération et de simplification de l’action publique. En 2023, avec la loi relative à l’industrie verte, nous avons articulé compétitivité et transition écologique.
Ce projet de loi de simplification de la vie économique, présenté par le gouvernement de Gabriel Attal en avril 2024 et défendu par Bruno Le Maire, Olivia Grégoire et Guillaume Kasbarian, vise trois objectifs que nous partageons pleinement : mettre le droit et l’administration au service de l’économie ; accompagner les TPE et les PME, les très petites, petites et moyennes entreprises, souvent submergées par la complexité normative ; accompagner les transitions numérique et écologique.
Mais le texte dont nous discutons n’est plus ce texte de simplification. C’est devenu un fourre-tout, un projet disloqué et vidé de sa cohérence par les conséquences d’alliances contraires. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
M. Jean-Paul Lecoq
Vous étiez absents !
Mme Marie Lebec
Les discours des partis extrêmes que nous entendons depuis le début de cette discussion, qui confondent la démagogie et les enjeux du texte, en sont la preuve.
Ce texte fragilise ce que nous avons construit depuis huit ans. Des thématiques sans lien entre elles ont été ajoutées au fil de l’eau, notamment les ZFE et le ZAN,…
M. Emeric Salmon
Vous avez voté pour la suppression des ZFE !
Mme Marie Lebec
…alors même que ces sujets mériteraient un débat séparé et réel, permettant de trouver des solutions politiques qui concilieraient ambition écologique et pragmatisme. Des amendements qui n’auraient jamais dû être soumis au débat si l’article 45 de la Constitution avait été scrupuleusement appliqué…
Mme Olivia Grégoire
Eh oui !
Mme Marie Lebec
…ont été maintenus et votés, alors que des amendements bien plus pertinents ont été écartés pour irrecevabilité. Chacun sait ici que ces dispositions ont toutes les chances d’être censurées par le Conseil constitutionnel,…
M. Thierry Tesson
Qu’en savez-vous ?
Mme Marie Lebec
…mais peu importe, semble-t-il, aux promoteurs de cette mesure : l’objectif n’était pas législatif ; il était politique.
Nous ne sommes pas dupes. Ce vote finira par nourrir un discours anti-écologie, antieuropéen et anti-juges cher au Rassemblement national (M. Vincent Caure et Mme Olivia Grégoire applaudissent)…
M. Hervé de Lépinau
Quel parjure !
Mme Marie Lebec
…et auquel le groupe Ensemble pour la République continuera de s’opposer fermement.
Des articles ont été détournés de leur objectif :…
Un député du groupe RN
Mon Dieu !
Mme Marie Lebec
…je pense ici aux procédures accélérées pour l’implantation de data centers, indispensables à l’attractivité de notre pays,…
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Mais vous allez voter contre !
Mme Anne-Laure Blin
Oui !
Mme Marie Lebec
…ou encore à l’introduction en séance de l’article 25 bis A. Issu d’un amendement de La France insoumise, il va à rebours de l’objectif même de simplification : alors que nous devons supprimer des seuils et réduire la paperasse, nous avons ajouté de nouvelles réglementations pour les petits commerces et les commerces de proximité. Cet article complexifie considérablement l’installation de nouveaux commerces, en multipliant les contraintes procédurales. Une telle surenchère bureaucratique va à l’encontre de l’ambition d’un cadre plus lisible pour les entrepreneurs.
Mme Olivia Grégoire
Oui, regardez bien ce que prévoit cet article 25 bis A !
Mme Marie Lebec
Malgré les déboires rencontrés pendant l’étude du texte, des mesures utiles ont été adoptées (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN) : la facilitation des transferts de données de santé entre logiciels médicaux, à l’article 22 bis A ; la clarification concernant la facturation électronique ; le renforcement et la clarification, à l’article 3 bis, du principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation. En outre, les riches débats que nous avons menés à l’article 1er ont abouti à la suppression de divers comités obsolètes.
Nous continuerons de nous battre en faveur des avancées et des compromis que nous avons défendus, tels que l’amendement présenté par la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher, qui proposait un compromis raisonnable sur les ZFE, respectant la qualité de l’air et prenant en considération les villes où elle s’est améliorée,…
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Il a été rejeté !
Mme Anne-Laure Blin
Les Français ne veulent pas des ZFE !
Mme Marie Lebec
…ou tels que les améliorations que nous proposons pour le test PME, à l’article 27 – l’adoption de l’amendement UDR en a fait tomber d’autres pourtant mieux rédigés, y compris celui du gouvernement.
Mme Anne-Laure Blin
Il fallait voter le mien !
Mme Marie Lebec
Est-ce vraiment en confiant au Comité interministériel de la transformation publique (CITP) l’évaluation des normes applicables aux TPE-PME que nous aiderons nos entrepreneurs au quotidien ? (Mme Olivia Grégoire applaudit.)
Nous déplorons aussi que l’article 10, qui permettait de substituer des amendes aux peines de prison en cas d’erreur déclarative, ait été supprimé en séance vendredi dernier.
Notre vote contre ce texte n’est ni un reniement, ni un refus de la simplification. (« Si ! » et autres exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est au contraire un acte de cohérence ; c’est un non opposé à un texte vidé de sens, un non de clarification. Nous préférons repartir de la version du Sénat,…
M. Jean-Paul Lecoq
C’est la conséquence de vos absences ! Commencez par travailler !
Mme Marie Lebec
…certes imparfaite, mais plus cohérente et susceptible de servir de base à un vrai compromis en commission mixte paritaire.
M. Emeric Salmon
Les Français s’en souviendront ! Ils nous donneront le pouvoir en 2027 ! Merci à vous !
Mme Marie Lebec
Notre responsabilité est de garantir que la simplification reste ce qu’elle doit être : un levier d’investissement, un atout pour la compétitivité, un outil de la transition. C’est à ces conditions que nous pourrons soutenir, avec rigueur et exigence, les mesures qui feront la réussite de notre économie. (M. Vincent Caure et Mme Olivia Grégoire applaudissent.)
M. Thierry Tesson
Pitoyable !
M. Jean-Paul Lecoq
Ils ne soutiennent même pas leur gouvernement !
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
M. Pierre Meurin
Il va être question de la dix-septième extinction des espèces…
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP)
Un projet de loi pour la simplification de la vie économique… La Macronie se mettrait-elle enfin au service de nos commerçants et artisans, des TPE-PME qu’elle prétend protéger ? Bien sûr que non. Dans ce texte fourre-tout et honteux, étudié deux jours par-ci deux jours par-là pendant trois mois, et suivi par trois ministres, on a parlé autoroutes, suppression d’instances de délibération démocratique et même transfert des données personnelles de santé aux entreprises privées, mais bizarrement, on n’a jamais parlé des artisans taxis que vous laissez dans la galère,…
Mme Olivia Grégoire
Vous n’allez pas nous refaire le sketch ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…ni des boulangers étouffés par les prix de l’énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
En revanche, quand il s’agit d’expulser plus vite artisans et commerçants de proximité qui ont des difficultés à payer leur loyer – c’est l’article 24 bis –, quand il s’agit d’entraver la reprise d’entreprise par les salariés – à l’article 6 –, là, oui, il y a du monde ! Et encore : nous avons empêché, à l’article 27, la création d’un véritable droit de veto du Medef sur les lois que nous élaborons dans cet hémicycle.
Mme Olivia Grégoire
Mensonge ! C’est consultatif !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
En réalité, c’est toujours aux mêmes que vous voulez simplifier la vie : à vos amis les grands patrons, les riches, les puissants, les grands bétonneurs en chef. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et là, vous avez mis les moyens : ce texte est fait de grands coups de tronçonneuse à la Milei dans notre État de droit, dans la justice environnementale – donc dans la protection du seul écosystème qui nous permette de vivre –, dans tous les espaces démocratiques de participation à la décision publique ou dans l’accès à la justice. Bref, haro sur tous ceux qui prétendent empêcher de bétonner en rond !
Cela fait des années que nous vous voyons faire : de projet de loi d’accélération en projet de loi « industrie verte », petit à petit, vous faites sauter toutes les digues, toutes les protections de la nature et du vivant.
Et là, en plus, cataclysme le 27 février : le tribunal administratif de Toulouse a déclaré illégale l’anachronique et écocidaire autoroute A69. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme Olivia Grégoire
Quel est le rapport entre l’A69 et la simplification ? Vous mélangez tout !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Fureur de toute la droite de l’hémicycle ! Quoi ? Dans ce pays, on ne pourrait plus bétonner impunément, détruire sans état d’âme des espèces protégées, des écosystèmes précieux, des zones humides, des terres agricoles ?
Ce fut alors une pluie d’amendements, de la Macronie à l’extrême droite, pour que tout devienne « projet d’intérêt national majeur » – enfin tout, non, pas les services publics, mais les grands projets industriels, les routes et infrastructures de toute sorte, y compris les giga data centers, qui menacent notre ressource en eau. Tous ces projets auraient désormais droit à une dérogation d’office à l’interdiction de destruction des espèces protégées ! Et avec ça, toujours moins de débat public et de possibilités de recours pour les citoyens. Comme d’habitude, vous placez les profits de quelques-uns au-dessus de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Tout cela, à l’heure où l’Organisation météorologique mondiale annonce que la température aura augmenté de 1,5 degré avant 2030, où les limites planétaires sont presque toutes dépassées, où nos espaces sont tellement artificialisés que les inondations meurtrières se multiplient, où l’effondrement des espèces est 1 000 fois plus rapide que lors des précédentes extinctions. Bref, au moment où c’est l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants que nous sommes en train de condamner, vous persistez dans la politique de l’autruche, en écrasant notre droit fondamental à vivre dans un environnement sain. « Après nous le déluge », hélas au sens littéral, c’est le nouvel adage de la Macronie !
D’autant qu’avec ce texte, le gouvernement a réussi à se faire déborder en matière de climatoscepticisme par la droite et l’extrême droite, tout à leur rage de détruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Résultat : le dispositif zéro artificialisation nette est maintenant complètement ratiboisé,…
Mme Anne-Laure Blin
C’est une bonne nouvelle !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…au mépris de la préservation de nos terres agricoles. Il faut dire que vos bancs étaient bien vides pour défendre le pathétique bilan écologique de Macron (« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Jean-François Coulomme
Où étiez-vous ? C’est votre propre loi !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…lui qui prétend qu’il n’a pas de leçon à recevoir en la matière, malgré deux condamnations pour inaction climatique.
Mme Olivia Grégoire
Deuxième mensonge !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Du coup, vous voilà maintenant en mission, collègues macronistes, pour rejeter votre texte.
Votre premier objectif : renvoyer en commission mixte paritaire la version du Sénat. C’est la troisième fois que vous le faites en trois semaines. Dès lors, une question se pose : le rôle du Sénat est-il désormais de permettre aux macronistes de ne pas siéger, puis de rouler tranquillement sur l’Assemblée, qui, elle, est élue directement par le peuple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.)
Votre deuxième objectif : sauver ainsi les ZFE. La voilà, votre ligne rouge ! L’écologie comme prétexte à l’injustice sociale, ça, ça vous parle !
Les ZFE sont le symbole de l’absurdité de votre politique dite écologique. Depuis 2019, mon groupe vous dit qu’il est inacceptable d’interdire l’accès des centres-villes aux plus fragiles (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Thierry Tesson
Quelle prise de conscience !
Mme Olivia Grégoire
Vous faites bisou-bisou avec le RN !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…et à tous ceux, de plus en plus nombreux du fait de votre politique austéritaire, qui ne peuvent pas s’acheter une voiture neuve.
Depuis des années, nous vous disons que, si l’on veut préserver la qualité de l’air, l’urgence est d’investir massivement pour les transports en commun (Mêmes mouvements), mais vous, vous balayez les budgets supplémentaires par 49.3 ; l’urgence est d’investir pour le train du quotidien – tiens, où en est donc le financement des RER métropolitains, annoncés en grande pompe ? Nulle part, comme d’habitude. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Il faut agir en faveur de solutions alternatives à la voiture, non pas ne rien faire, comme le propose en toute irresponsabilité le Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), condamnant de fait tous ceux qui vivent dans nos ruralités à la dépendance à la voiture, véritable gouffre financier pour huit Français sur dix.
Mme Anne-Laure Blin
Quand il n’y a ni tram ni métro, ils ne peuvent pas s’en séparer !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous, nous continuerons à mener cette bataille, dès aujourd’hui avec le dépôt d’une nouvelle proposition de loi et à l’automne pour des budgets proposant une alternative au tout-voiture. De même, nous nous sommes battus pendant des heures, sur ces bancs, pour sauver de vos griffes trumpistes l’archéologie préventive, le droit au recours des associations (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), l’Initiative française pour les récifs coralliens, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), l’OFB ou encore la Commission nationale du débat public (CNDP).
Vous êtes aujourd’hui défaits. Le gouvernement aurait dû retirer ce texte ; nous allons le renvoyer aux oubliettes. Au lieu de simplifier la vie et les profits de quelques-uns, protégeons l’intérêt général humain et l’État de droit, et simplifions nos chances de survie collective sur cette planète ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – MM. Charles Fournier et Emmanuel Maurel applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul (SOC)
Par où commencer ?
M. Thierry Tesson
Par le début ! (Sourires.)
M. Gérard Leseul
L’examen en première lecture de ce projet de loi qui aura traversé deux législatures et trois gouvernements et dont les débats se sont étendus sur une durée record – dépassant celle de la loi du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration des entreprises de presse – va déboucher sur un échec !
Comment en sommes-nous arrivés à ce que le seul projet de loi présenté dans cette législature – en dehors des textes financiers et de la loi d’urgence pour Mayotte – soit rejeté par la majorité elle-même ? Comment sommes-nous parvenus à un tel naufrage sur un sujet qui est au c?ur de l’identité politique revendiquée par le macronisme : l’entreprise. C’est à la fois l’histoire d’un drame en plusieurs actes et le symptôme du mal structurel dont souffre ce gouvernement : l’indécision ou, plutôt, le refus de décider et, ainsi, de gouverner.
Monsieur le président Boucard, vous avez vaillamment défendu les travaux de la commission en séance publique, jouant ainsi pleinement votre rôle.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Merci !
M. Gérard Leseul
Vous avez cependant créé les conditions du chaos en ouvrant le champ de recevabilité des amendements en commission d’une manière peut-être inédite dans cette assemblée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Je préférais le début !
M. Gérard Leseul
En réalité, nous n’avons jamais débattu d’un texte simplifiant la vie économique des entreprises mais plutôt d’un texte portant diverses dispositions de libéralisation et de dérégulation du droit, en particulier, du droit de l’environnement.
S’il ne reste rien des principales mesures favorables aux entreprises, notamment celles que mon groupe soutenait – telle l’instauration d’un test PME que nous proposions d’étendre, madame la ministre, aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises acquiesce) –, à l’inverse, ce texte est devenu le vaisseau de la vision dérégulatrice et climatosceptique de la droite et de l’extrême droite, abrogeant toutes les avancées, même modestes et imparfaites…
M. Emeric Salmon
Très imparfaites !
M. Gérard Leseul
…réalisées depuis 2017, nous ramenant à une époque où un Grenelle de l’écologie était considéré comme une grande évolution. Quelle tristesse !
C’est l’extension de la raison impérative majeure à quasiment tout projet d’intérêt public, sans distinction, c’est-à-dire le droit de détruire des espaces protégés lorsque la bonne réalisation du projet l’impose.
C’est l’abrogation de facto des objectifs de zéro artificialisation nette alors que nous avions réaménagé ce dispositif il y a moins de dix-huit mois à la demande, déjà, des sénateurs LR.
C’est la fin des zones à faibles émissions sans alternative pour traiter de l’enjeu majeur de la pollution aux particules fines dans nos métropoles. Sur ce point, je redis ma colère froide face au refus des gouvernements successifs de se saisir depuis deux ans de toutes les propositions d’amélioration, d’accompagnement et de pédagogie, dont celles que nous avions faites avec Bruno Millienne.
M. Charles Fournier
C’est vrai !
M. Stéphane Delautrette
Exactement !
M. Gérard Leseul
C’est un catalogue de dérogations aux règles d’urbanisme, aux obligations de compensation des atteintes à l’environnement ou encore à la loi Littoral pour les antennes relais.
Ce sont aussi des mesures qui n’ont, sans conteste, aucun lien avec ce texte, telle la facilitation de la création d’une buvette avec alcool pendant une fête de village ou encore la fixation d’objectifs du mix énergétique.
Ce naufrage est aussi celui de ce gouvernement qui s’enferre dans des pactes faustiens avec la droite et l’extrême droite jusqu’à s’y brûler les doigts tout en refusant d’engager en amont des discussions sincères avec la gauche pour rechercher des compromis.
Car si les socialistes sont aussi pro-entreprises (Protestations sur quelques bancs du groupe RN) – nos votes sur plusieurs dispositions centrales de ce texte le démontrent –, nous ne confondons pas la débureaucratisation, qui simplifie la vie des entreprises, et la dérégulation, qui dessert d’abord l’écologie et les droits sociaux.
L’absence de régulation interne à cette majorité, aux bancs largement dégarnis pendant tout le débat, pèse lourdement dans le résultat de celui-ci, tout comme le refus du premier ministre de jouer son rôle de chef de sa majorité, refus largement mis en lumière hier par la dérive absurde de la proposition de loi Gremillet qui écarte désormais les principales énergies renouvelables et nous sort de l’Europe de l’électricité.
De renoncement en renfoncement, gouvernement et rapporteurs sont devenus des passagers du simplisme et du climatoscepticisme du RN permettant à ce dernier de malheureuses victoires dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – M. Jean-François Coulomme applaudit également.)
Convoquer une CMP pour se mettre d’accord sur une ou deux mesures, un ou deux articles est légitime pour construire la loi mais la convoquer sur tout un texte est une faillite : c’est la faillite de votre gouvernement et de votre bloc central, encore bien absent aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Emmanuel Maurel
La voix de la raison !
M. Gérard Leseul
Vous l’aurez compris, nous voterons…
M. Louis Boyard
La censure !
M. Gérard Leseul
…résolument contre ce texte et, puisque vous n’avez pas eu la sagesse de le retirer, nous vous invitons dès à présent à mettre fin à la navette car rien de ce qui sortira de la CMP ne servira réellement nos entreprises et notre vie économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin (DR)
Incroyable ! Annoncé il y a plus d’un an, le débat sur ce texte dédié à la simplification devrait presque s’achever ce soir au terme d’un parcours dont le moins que l’on puisse dire est qu’il fut chaotique.
Pourtant, la simplification des démarches, des projets et des procédures est un véritable impératif tant pour nos entrepreneurs que pour l’ensemble des Français, qui, tous, souhaitent voir nos gouvernants s’y atteler.
Alors que les entrepreneurs attendent un réel allégement des complexités normatives car le poids de la technocratie représente – vous le savez – jusqu’à 3 % de notre PIB, vous avez montré peu d’empressement à aborder les vrais sujets qui entravent le fonctionnement de notre économie, de nos TPE et PME.
Notre groupe, la Droite Républicaine, a pris très largement sa part dans ce débat car plus que tout, nous voulons accompagner la France qui travaille et se lève tôt, celle qui n’en peut plus d’une administration devenue totalement kafkaïenne et infantilisante, qui bride et qui humilie.
La suradministration, la technocratie, c’est non ! Les doublons administratifs, c’est non ! Les démarches inutiles, c’est non ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Nous devons simplifier les procédures et libérer les énergies.
Si – les débats l’ont montré – notre combat n’est pas partagé sur tous les bancs (« C’est non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), nous savons que les Français – les « gueux » qui nous demandent d’arrêter cette machine infernale – sont derrière nous. (« Non plus ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Ce sont eux qui comptent par-dessus tout. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Avec leur soutien, nous avons obtenu dans ce texte la suppression des ZFE et des aménagements pour les ZAN,
M. Jean-François Coulomme
C’est une loi pour les ZAN ! (Sourires.)
Mme Anne-Laure Blin
…qui sont tous deux préjudiciables pour nos territoires ruraux.
Parce que le politique doit reprendre la main, nous avons aussi obtenu la suppression de plusieurs comités inutiles qui, bien loin d’être efficaces, sont des fabriques à normes dont le fonctionnement est coûteux pour nos finances publiques.
M. Gérard Leseul
Absurde !
Mme Anne-Laure Blin
Je vois ici ou là se manifester la pudeur de certains pour préserver les prés carrés de ceux qui sont confortablement assis à leurs postes et qui viennent nous donner des leçons. (Mme Marie Pochon sourit.)
M. Gérard Leseul
C’est précisément ce que vous faites !
Mme Anne-Laure Blin
Pour notre part, notre choix est clair et simple. Parler simplification, c’est faire des choix et faire preuve de courage. Les députés de la Droite républicaine voteront pour ce texte à une très large majorité, conscients qu’il faut faire confiance et mettre fin à la suspicion constante qui règne dans notre pays à l’égard de ceux qui s’engagent et qui entreprennent. Les Français comptent sur nous ; ils nous regardent, envoyons-leur enfin un signal de confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier (EcoS)
Nous arrivons au terme de l’histoire rocambolesque d’un texte qui a traîné de gouvernement en gouvernement, présent dans leurs cartons, où il aurait bien fait de rester, depuis avril 2024 !
Mme Sandrine Nosbé
Eh oui !
M. Charles Fournier
Ce texte qui se voulait un symbole de modernité administrative aura été le marchepied de toutes les obsessions de liquidation de nos protections écologiques, sociales et démocratiques. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.)
Nous avons vécu un véritable voyage en absurdie : le texte est un fourre-tout de dispositions qui n’ont pas grand-chose à voir avec la simplification.
Mme Marie Pochon
On marche sur la tête !
M. Charles Fournier
Il manifeste une volonté d’attaquer des autorités indépendantes, des conseils consultatifs ou encore des agences à la tronçonneuse. Il constitue aussi une attaque en règle contre nos protections environnementales démocratiques et nos normes sociales.
Pour vous, simplifier c’est tenter de diminuer les sanctions pénales applicables aux chefs d’entreprise en cas d’entrave aux règles communes, c’est réduire les études d’impact et autres évaluations environnementales, c’est s’attaquer en permanence à la biodiversité. Certains ont même essayé de supprimer l’association ESS France – Chambre française de l’économie sociale et solidaire – par voie d’amendement !
Ce texte marche à rebours de ce que nous dit la science, à rebours de l’urgence d’agir face aux grands défis sociaux et écologiques et à rebours des exigences des Français.
Ce projet de loi aura démontré que le socle commun n’a ni socle ni commun. Main dans la main, la droite et l’extrême droite ont tenté de détricoter le droit de l’environnement, à côté d’une Macronie absente, et, quand elle était là, écartelée entre complicité et timide défense, comme ce fut le cas lors de la suppression des ZFE. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.) Ce fut même le fait d’anciens ministres – madame Lebec, vous avez voté pour la suppression des ZFE que vous défendez ce soir dans cet hémicycle –,…
M. Thierry Tesson
C’est vrai !
M. Charles Fournier
…chacun semblant s’en remettre à la commission mixte paritaire pour finir le travail !
Chers collègues, cette façon de faire la loi ridiculise notre assemblée. Le comble a été atteint avec l’obligation inscrite dans ce texte de supprimer deux organismes pour en créer un.
Mme Anne-Laure Blin
C’était une bonne décision !
M. Charles Fournier
Je vois d’ici la simplification en marche quand il faudra créer un organisme pour tenir la comptabilité des organismes !
La Droite républicaine et le RN se sont surpassés pour imaginer tout ce que l’on pouvait faire tomber au champ anti-écologiste et antisocial. Nous avons entendu si souvent dans ce débat les phrases suivantes : « je ne connais pas, donc ça ne sert à rien »,…
Mme Anne-Laure Blin
Les Français ne connaissent pas ces organismes non plus !
M. Charles Fournier
…« ils ne se sont pas réunis, donc cela ne sert à rien », « j’aime pas le sujet, donc c’est inutile ». Rappelons-nous de ce petit moment croquignolesque : une députée LR voulait supprimer le Conseil de la montagne…
Mme Anne-Laure Blin
Ça n’était pas moi !
M. Charles Fournier
…mais un député LR, présidant l’association des élus de montagne, s’en est offusqué contraignant le rapporteur, qui avait donné un avis favorable à cette suppression, à des contorsions pour le rétablir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – Mme Alma Dufour applaudit également)
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Il ne s’agissait pas d’Anne-Laure Blin, ni de moi !
M. Charles Fournier
Le destin réservé aux ZFE constitue l’archétype de cette situation politique. Nous les avons défendues ; non qu’elles seraient parfaites, tant s’en faut – nous déposons ce jour une proposition de loi pour les améliorer, ce qui n’a pas été fait et qui aurait peut-être évité le présent état des choses –, mais parce que supprimer les ZFE sans alternative, c’est faire fi de la question de la qualité de l’air au détriment des plus vulnérables. (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. Stéphane Travert, rapporteur
Nous avions proposé des alternatives !
M. Charles Fournier
Pourtant nous aurions pu être d’accord pour simplifier à condition d’adopter une ligne et une méthode. Nous avons été force de proposition : nous avons suggéré de confier un travail de fond à une délégation parlementaire et de mobiliser la Cour des comptes pour étudier les suppressions d’organismes mais nous n’avons pas été entendus.
Vous ne nous ayez pas écoutés quand nous vous avons alerté sur la direction que prenait le texte ; alors que vous auriez pu le retirer, vous ne l’avez pas fait. Aujourd’hui, c’est la débandade : les députés EPR voteront contre le texte présenté par leur propre gouvernement !
M. Stéphane Travert, rapporteur
Pas tous !
M. Charles Fournier
Vous auriez pu essayer de saisir la balle au bond quand, dans nos rangs, nombreux étaient celles et ceux prêts à travailler pour trouver des solutions destinées à faciliter la vie économique des chefs d’entreprise, des salariés et de nos concitoyens.
M. Vincent Descoeur
Si vous cherchiez à faciliter la vie des entreprises, ça se saurait !
M. Charles Fournier
Mesdames et messieurs les ministres, vous vous êtes pris les pieds dans le tapis de la simplification ! Tout cela aurait mérité un travail sérieux mais de travail sérieux, il n’y en a pas eu !
À défaut d’avoir atteint aucun de ses objectifs affichés, ce texte aboutit en l’état à d’autres objectifs, non dits, tels que le détricotage d’autres lois, par exemple la loi « climat et résilience ».
Ce texte est devenu le porte-voix idiot des combats régressifs contre le climat, la biodiversité, la santé publique et les droits des salariés, comme s’il s’agissait d’autant de complications à annihiler. La simplification a bon dos !
Nous restons cohérents et nous voterons contre ce texte. En effet, nous avons davantage assisté à une simplification de la pensée qu’à une simplification de la vie économique. Simone Veil disait : « Il est toujours tentant de simplifier ; on désigne des responsables, des coupables, en faisant bon marché de réalités complexes. » Malheureusement, tout le monde s’en est donné à cœur joie en ce sens !
Feignant la simplification, on a fait fi de la science, du bon sens, de notre santé et de celle de nos écosystèmes. (Mme Marie Pochon et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent.)
Nous avons finalement assisté à quelques démonstrations de force dans un hémicycle la plupart du temps vide où se réunit une assemblée dont vous voulez chaque jour affaiblir le rôle. Le groupe Écologiste et social votera résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – MM. Édouard Bénard et Gérard Leseul applaudissent également.)
Mme la présidente
Je fais annoncer le scrutin sur le texte dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Trois orateurs doivent encore s’exprimer.
La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo (Dem)
Le projet de loi de simplification que nous nous apprêtons à voter a peiné à voir le jour. Lancé en 2023 à Bercy sous le gouvernement Attal en présence de très nombreux acteurs économiques, il a connu un parcours chaotique. D’abord mis à mal par la dissolution de l’Assemblée nationale puis par la censure du gouvernement Barnier, il a été repris par le gouvernement Bayrou. Le saucissonnage des débats n’a pas aidé à la clarté de l’examen du texte, pourtant attendu de longue date et à raison par les entreprises.
Bien que le travail réalisé en amont du texte ait été important et que nous lui ayons consacré de longues heures de débats en commission puis en séance, le texte est en partie décevant, laissant de côté une grande part des attentes légitimes du monde économique.
Nous en sommes conscients et appelons à prendre cette démarche de simplification pour ce qu’elle est : une étape d’un travail à effectuer de manière régulière, à renouveler chaque année, ce pour quoi nous plaidons depuis longtemps au groupe Démocrate.
M. Jean-Paul Lecoq
Chaque année, il ne faut pas pousser !
M. Philippe Bolo
Les attentes en matière de simplification sont fortes et constantes car celle-ci est une condition nécessaire de la compétitivité de notre économie. Toutes les entreprises la réclament, des plus grandes aux artisans en passant par les PME qui maillent nos territoires et leur confèrent dynamisme et attractivité. Ce qui était demandé était sans doute trop important pour un seul texte.
Malgré ces critiques, des acquis méritent d’être signalés et défendus. Je veux en souligner deux qui me paraissent notables. Je pense tout d’abord au rétablissement sans complexification inutile du test PME, une demande clairement exprimée sur le terrain, dès le lancement du projet de loi en 2023 à Bercy. Je citerai ensuite la prolongation de l’affichage de l’écocontribution pour les produits de la filière ameublement au-delà du 1er janvier 2026, dispositif essentiel pour garantir une concurrence loyale et protéger les entreprises françaises de cette filière face aux passagers clandestins de l’écocontribution.
Si le projet de loi a déçu, c’est sans doute aussi parce qu’il apparaît comme un champ de mines du point de vue des cavaliers législatifs. Mon groupe le déplore. Certains articles du texte que nous allons voter n’ont absolument rien à voir avec l’ambition de départ – simplifier la vie des entreprises.
Ces cavaliers dessinent un autre récit : celui d’un texte dénaturé. C’est le cas avec la suppression des ZFE comme avec les mesures prises en matière de ZAN. La qualité de l’air est une question de santé publique. Par conséquent, supprimer les ZFE pour des raisons strictement populistes constitue un grave recul sanitaire.
Autre exemple : la suppression tous azimuts des offices, conseils et autres commissions. Cet exercice extravagant relève davantage de la rationalisation administrative que de la simplification économique. Les tentatives de suppression, souvent décidées sans étude d’impact approfondie, semblaient davantage viser des structures ou des politiques qui dérangent que témoigner d’un réel souci d’efficacité.
Malgré tout, le groupe Les Démocrates votera pour ce texte, d’abord parce que nous croyons profondément en la nécessité de simplifier la vie des entreprises, ensuite parce qu’il est attendu.
Toutefois, nous restons vigilants, notamment s’agissant des reculs qu’il contient. Nous le répétons, la suppression des ZFE, au-delà d’un simple cavalier législatif, est une erreur sanitaire. Nous voulons un déploiement de ces zones qui soit accompagné, compris, ciblé et utile à la santé publique. Rappelons également que la France risque une amende de 6 milliards pour non-application du dispositif. Ce point, absent lors des débats, ne saurait être balayé.
Voter contre ce projet de loi serait une erreur. Tout d’abord, cela signifierait que nous refusons la simplification. Ensuite, ce serait incompréhensible pour nos concitoyens puisque, dans le cadre de majorités précédentes, nous avions soutenu le texte. Enfin, il serait incohérent de rejeter les mesures utiles adoptées par notre assemblée et dont nous entendons qu’elles soient soutenues lors de la CMP à venir.
La simplification est une démarche populaire, essentielle et attendue. Il n’y aura sans doute jamais de grand soir en la matière mais certains changements restent nécessaires.
Notre groupe le martèle : nous voulons d’autres rendez-vous pour simplifier. Ils doivent être utiles, concrets et efficaces. Ce que nous attendons, ce ne sont pas des reculs ni des suppressions arbitraires mais des mesures de bon sens au service des entreprises, des Français, des collectivités, des associations, de toutes celles et de tous ceux qui nous demandent, tout simplement, de leur faciliter la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari (HOR)
Mercredi 24 avril 2024, le projet de loi de simplification de la vie économique était déposé sur le bureau du Sénat. Plus d’un an après, nous voici enfin appelés à nous prononcer sur ce texte, attendu par tous ceux qui affrontent au quotidien l’épaisseur croissante des normes. Douze mois pour un texte de simplification ; un an pour permettre à l’État de mieux fonctionner. Ce seul constat devrait nous pousser à nous interroger. Car si ce projet de loi porte sur la simplification, il dit aussi, en creux, beaucoup de la complexité du processus législatif lui-même – nos lenteurs, nos blocages et notre incapacité collective, parfois, à faire aboutir un texte sur lequel nous sommes, en vérité, assez largement d’accord.
Tel est peut-être le paradoxe le plus frustrant de la période que nous traversons. Dans une démocratie plus informée, plus exigeante, plus critique aussi, nous nous enfermons trop souvent dans des impasses que nous savons évitables. Soyons lucides : nous ne pourrons pas, à chaque fois, passer autant de temps avant d’adopter une loi utile. Nous ne pourrons pas, à chaque texte, rejouer la même pièce, dans laquelle les postures brouillent les intentions. Nous ne pourrons pas continuer à nous satisfaire d’un fonctionnement institutionnel qui finit par nourrir le doute plus que la décision. Surtout, nous n’aurons pas éternellement, quelle que soit notre place dans l’hémicycle, la confiance de nos concitoyens.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
C’est vrai !
M. Henri Alfandari
Ils nous regardent, nous écoutent…
Mme Marie Pochon
Oui, et ils ont honte !
M. Henri Alfandari
…et nous jugent, non sur nos discours, mais sur notre capacité à produire des résultats. C’est notre devoir mais aussi, désormais, une urgence.
À cet égard, nous saluons l’engagement des ministres Laurent Marcangeli, Véronique Louwagie et Marc Ferracci, dont la détermination et l’écoute nous ont permis de travailler efficacement et de préserver l’ambition initiale du texte.
Mme la présidente
Mesdames et messieurs, un peu de silence, s’il vous plaît. Après M. Alfandari, un dernier député s’exprimera puis nous passerons au vote. D’ici là, je vous demande de faire preuve de respect et d’écouter les orateurs qui s’adressent à vous.
M. Henri Alfandari
Dans ce contexte, la portée de notre vote dépasse largement le contenu du texte. Il y va de notre crédibilité à tous mais aussi de notre cohérence car, pendant des mois, nous avons travaillé, proposé, amendé, critiqué et soutenu. Et maintenant, que faisons-nous de ce travail ?
Bien sûr, nous ne disons pas que tout est parfait. Certaines dispositions du texte initial n’ont pas été votées dans des termes que nous jugeons pleinement satisfaisants. De même, certaines dispositions introduites en séance publique ne nous conviennent pas. Elles s’éloignent de l’esprit de simplification que nous défendons.
Cependant, cela ne remet pas en cause l’équilibre général du texte mais appelle des ajustements. Car ce vote n’est ni un point final ni un blanc-seing. Corriger, affiner, compléter : tel est précisément l’objet de la navette parlementaire. Nous attendons des discussions à venir qu’elles permettent de redonner de la cohérence au texte et de préciser certaines intentions. Nous souhaitons également que notre assemblée fasse pleinement entendre sa voix dans la suite de la discussion en commission mixte paritaire, en défendant un texte qui lui ressemble, enrichi de ses propres apports et respectueux de ses propres équilibres.
Faut-il donc aujourd’hui rejeter l’ensemble du texte…
Mme Marie Pochon
Oui !
M. Henri Alfandari
…au nom de quelques désaccords ?
Mme Marie Pochon
Quelques désaccords seulement ?
M. Henri Alfandari
Faut-il sacrifier plus de cent mesures utiles, attendues, concrètes, au nom d’un désaccord sur une seule d’entre elles ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – M. le président de la commission spéciale applaudit également.) Ce n’est pas notre conception du travail parlementaire. Ce n’est pas non plus ce qu’attendent les Français.
Mme Émilie Bonnivard
Bravo !
M. Henri Alfandari
Ils veulent des solutions, non des postures ; des résultats, non des signaux. Ils attendent que l’Assemblée prenne ses responsabilités, surtout lorsque l’enjeu n’est pas idéologique mais opérationnel.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. Henri Alfandari
Ils attendent avant tout que nous répondions, dès que nous en avons la possibilité, à leurs attentes.
M. Xavier Breton
Très juste !
M. Henri Alfandari
Cependant, au-delà du fond, le texte pose une question politique centrale : sommes-nous capables, en tant que législateur, de faire confiance ?
Mme Anne-Laure Blin
Il a raison !
M. Henri Alfandari
Sommes-nous capables de dire à celles et ceux qui entreprennent, innovent et embauchent que nous voulons leur faciliter la tâche ? (Mme Émilie Bonnivard applaudit.) Notre réponse est : oui.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quel rapport avec le texte ?
M. Henri Alfandari
Car l’enjeu est bien de ne pas rester immobiles, de ne pas transformer notre exigence légitime en blocage stérile, de ne pas donner le spectacle d’une assemblée qui, même lorsque nous sommes d’accord sur l’essentiel, finit par échouer à décider.
Le texte ne résoudra pas tous les problèmes, mais au moins quelques-uns – et dans la période que nous traversons, c’est déjà beaucoup. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et UDR.) C’est une première marche. Elle n’est pas très haute mais elle est nécessaire, alors franchissons-la ! (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen (LIOT)
Il est temps de regarder la vérité en face : notre bureaucratie est devenue trop complexe et souvent incompréhensible pour celles et ceux qui y sont confrontés au quotidien. Les petites entreprises sont asphyxiées par la paperasse ; les citoyens, perdus face à une administration qui ne répond pas – ou trop tardivement ; les initiatives privées, freinées par un cadre juridique ou tout simplement parce qu’elles ne sont pas comprises. Ce n’est plus tenable. La simplification n’est pas un luxe mais une urgence.
Nous ne voulons pas tout déréguler mais rendre les règles lisibles, les démarches fluides et les circuits plus courts. Simplifier, c’est libérer l’énergie des acteurs économiques, restaurer la confiance et donner à chacun les moyens d’agir.
Telles sont les promesses qui étaient contenues dans le projet de loi, notamment dans son titre. À l’heure de voter sur la version issue des débats à l’Assemblée nationale, nous sommes nécessairement déçus. Certaines mesures seront utiles aux acteurs économiques mais nous sommes loin du grand choc de simplification espéré.
Les débats ont été erratiques et décousus. Il faut reconnaître que, sous cette législature, il existe un vrai problème de méthode s’agissant de l’examen des textes. Ce projet de loi en est l’exemple le plus marquant. Le temps consacré aux débats était, dès le départ, bien trop court au vu de la longueur des articles et de la densité des sujets abordés. Il était évident que nous ne pourrions aller au bout de la discussion en une poignée de jours. Nous avons donc dû séquencer l’examen du texte, laissant passer plusieurs semaines entre les débats, lesquels se sont tenus dans des créneaux contraignants pour tous les parlementaires. Ajoutez à cela des articles appelés en priorité dans un ordre anarchique et vous aboutirez à des majorités fluctuantes et à un texte sans grande cohérence.
Cela étant dit, certaines mesures apporteront une simplification bienvenue. Le projet de loi facilitera par exemple l’accès des PME aux marchés publics grâce au relèvement des seuils de mise en concurrence et de publicité, et au mécanisme de part réservée. Autres avancées notables : la mensualisation des loyers commerciaux et le plafonnement des dépôts de garantie, deux mesures importantes à destination des commerces. Retenons également les facilités apportées par le texte en matière d’accès des TPE et des PME aux marchés bancaire et assurantiel. Deux exemples parlants : la gratuité de toute clôture de compte bancaire détenu par un professionnel et la faculté, pour les petites entreprises, de résilier certains contrats sans frais ni pénalités. Les collectivités ne sont pas en reste puisque, grâce aux débats au Sénat et à l’Assemblée, leur recours au Médiateur de l’assurance a été sécurisé.
Certaines mesures phares et symboliques, comme bien sûr la suppression des zones à faibles émissions, ont eu le retentissement le plus grand (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN) alors même qu’elles ne figuraient pas à l’origine dans le texte. Le dispositif des ZFE fait l’objet d’une forte contestation sociale : les habitants de la ruralité et des zones périphériques expriment leur crainte, légitime, de ne pas pouvoir accéder aux centres-villes, d’autant plus que, lors du dernier projet de loi de finances, le soutien à l’électrification des véhicules a été divisé par deux. Il en va de même de la mesure relative à l’objectif zéro artificialisation nette.
Le titre du projet de loi était très ambitieux mais il est loin de refléter, aujourd’hui, la réalité de son contenu. Si certaines mesures vont dans le bon sens – il faut le dire –, elles sont occultées par des débats chaotiques. S’agissant de ce texte, il faudra donc distinguer le fond et la forme.
Pour toutes ces raisons, une majorité du groupe LIOT votera pour ce projet de loi. Cependant nous regrettons, pour nos acteurs économiques, qu’il reste en deçà des enjeux. Simplifier, ce n’est pas effleurer mais transformer. Or, sur ce point, c’est un rendez-vous manqué. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 548
Nombre de suffrages exprimés 527
Majorité absolue 264
Pour l’adoption 275
Contre 252
(Le projet de loi est adopté.)
(Les députés des groupes RN et UDR ainsi que de nombreux députés des groupes DR et HOR se lèvent et applaudissent. – Les autres députés des groupes DR et HOR ainsi que quelques députés du groupe EPR applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
M. Marc Ferracci, M. Laurent Marcangeli et moi-même prenons acte de ce vote. Je tiens à rappeler à quel point ce projet de loi, coconstruit avec les corps intermédiaires – des organisations professionnelles telles que le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) –, était attendu par le monde économique.
Ce texte comporte une série d’avancées, sous la forme de mesures transversales à destination de l’ensemble des entreprises ou sous la forme de mesures ciblées à destination des artisans, des commerçants, des industriels, des TPE-PME, de l’économie sociale et solidaire ou des coopératives.
Mme Alma Dufour
Ce n’est pas cette loi qui va les aider !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Parmi les exemples, citons la simplification de l’accès à la commande publique, la réduction de certains délais d’instruction ou de procédures d’autorisation, le test PME ou la simplification des baux commerciaux grâce à un accord de place obtenu par Mme Olivia Grégoire.
Je remercie MM. Stéphane Travert et Christophe Naegelen, rapporteurs, M. Ian Boucard, président de la commission spéciale (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR),…
M. Laurent Wauquiez
Bravo !
M. Alexandre Portier
Quel excellent président !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…et l’ensemble des députés qui se sont engagés pour ce projet de loi.
Les mesures adoptées affecteront les entreprises ; aussi sommes-nous obligés de poursuivre le travail législatif. Il s’agit d’un texte de simplification : à nous de le recentrer autour des dispositions attendues par les entreprises et de revenir à son essence. Je veillerai à ce qu’il produise tous ses effets sur le monde économique. Retrouvons-nous autour de cet objectif ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR et sur les bancs des commissions. – Mme Marina Ferrari applaudit également.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
4. Amendement du protocole de Londres à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
Commission mixte paritaire
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières (no 1428).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé Berville, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Hervé Berville, rapporteur de la commission mixte paritaire
Après avoir été initialement adopté par la commission des affaires étrangères, ce texte a été rejeté à une très courte majorité en séance publique. La commission mixte paritaire (CMP), qui s’est réunie il y a un mois, s’est cependant révélée conclusive, à une large majorité, ce qui témoigne d’une véritable convergence transpartisane sur un sujet certes technique mais essentiel pour le climat, pour l’industrie et pour notre souveraineté. Autre preuve, le texte issu de la CMP a déjà été adopté à une large majorité par le Sénat.
La résolution LP.3(4) a été adoptée en 2009 afin de permettre le transfert transfrontalier de CO2 préalablement capté, en vue de sa séquestration géologique sous-marine, conformément à une résolution votée en 2006. Je ne reviendrai pas dans le détail sur l’ensemble des dimensions techniques, environnementales, économiques et sociales que revêtent les technologies de captage et stockage de carbone (CSC) – M. Xavier Lacombe l’a déjà fait dans son rapport.
Nos débats ont été vifs, mais toujours sincères et approfondis. Ils ont permis d’éclairer les différents enjeux que soulève ce texte. Sous son apparence austère, il suscite des interrogations légitimes auxquelles nous avons su répondre.
M. Sylvain Maillard
Bien sûr !
M. Hervé Berville, rapporteur
La réussite de la CMP a souligné notre capacité à surmonter nos désaccords, dans le respect de toutes les sensibilités.
Quand bien même le CSC contribuera au développement de plusieurs projets industriels d’envergure en Europe au cours des prochaines années, je rappelle une évidence : il n’est ni une solution miracle pour réduire le volume des émissions atmosphériques de CO2, ni une alternative à la sobriété, ni un substitut à l’électrification. En revanche, il est un outil indispensable à certains secteurs industriels – sidérurgie, production de ciment ou de chaux, certaines branches de la chimie lourde – qui, qu’on le veuille ou non, produisent des émissions incompressibles de CO2 et pour lesquels il n’existe à ce jour aucune solution de rechange.
Le CSC est un moyen de lutter efficacement contre ces émissions afin de garantir le respect de nos engagements environnementaux. Il serait contre-productif de nous priver du CSC alors que nous intensifions nos efforts pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Ce projet de loi ne préjuge pas de l’avenir du CSC en France, il en permet le démarrage ; il ne fait pas le choix du stockage offshore contre les autres voies de décarbonation, il complète celles-ci ; il ne multiplie pas les émissions, il les encadre et les sécurise ; il stimule nos capacités de coopération avec nos partenaires européens. Il représente une décision de cohérence climatique, dans le respect de notre souveraineté industrielle.
Mme Danielle Brulebois
Excellent !
M. Hervé Berville, rapporteur
Contrairement à certains de ses voisins européens, la France ne dispose pas, à ce jour, de sites de stockage géologique opérationnels.
Mme Danielle Brulebois
Eh oui !
M. Hervé Berville, rapporteur
Refuser l’exportation du CO2 reviendrait à condamner nos industriels à l’inaction ou à la délocalisation, puisque des solutions sûres existent en Norvège, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni.
Le protocole de Londres a déjà fait l’objet de trois amendements depuis son entrée en vigueur. Le texte issu de la CMP permet de ratifier l’un d’entre eux, conformément aux recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Je rappelle que ce protocole ne peut pas être amendé s’il n’est pas garanti scientifiquement que les modifications apportées n’affecteront pas la protection de la biodiversité marine et qu’elles ne comporteront pas de risques de pollution.
Ce protocole s’inscrit dans le respect des objectifs de décarbonation du secteur maritime et de protection des océans et des grands fonds marins, ce qui est d’autant plus d’actualité que l’Unoc 3 – la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, organisée à Nice la semaine dernière – a rencontré un vif succès.
Je comprends les doutes quant aux risques qu’emporte ce texte. Mais tant les scientifiques experts du Giec que les différentes études qui ont permis d’aboutir à l’amendement du protocole de Londres ont démontré que cette démarche était indispensable pour assurer notre souveraineté industrielle et respecter nos engagements internationaux. Elle nous permettra de lutter contre le dérèglement climatique. C’est pourquoi je forme le vœu que le texte issu de la CMP soit adopté par notre assemblée et définitivement approuvé par la représentation nationale.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Je vous le dis sans détour : nous ne pourrons pas atteindre la neutralité carbone sans recourir au stockage de CO2. Ce texte n’est donc pas un détail technique, il est une clé stratégique pour l’avenir de notre pays et de notre industrie.
Nos débats nous mettent face à une vérité exigeante : nos ambitions de long terme ne doivent pas devenir des alibis à l’inaction immédiate. À force de fixer l’horizon, on oublierait parfois de faire le premier pas.
Je souhaite dissiper tout malentendu : la capture du carbone ne se substituera pas à l’effort de décarbonation, ni maintenant ni plus tard. Elle constitue en revanche un outil indispensable à l’atteinte de nos objectifs et devrait représenter 8 % à 13 % de l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050. En France comme en Europe, les différents scénarios envisagés pour réduire les émissions de GES comprennent la capture du carbone. Celle-ci est complémentaire, et non concurrente, à l’ensemble des moyens que nous consacrons déjà à réduire nos émissions.
Nous souhaitons conserver et développer l’industrie en France. La réduction des émissions ne peut reposer sur la désindustrialisation : il nous faut bâtir l’industrie de demain sans laisser tomber celle d’aujourd’hui ; nous engager pour la décarbonation tout en apportant visibilité et solutions à court, moyen et long terme.
Le texte en discussion devrait emporter l’adhésion de toutes les sensibilités représentées au sein de cette assemblée. Ce que nous voulons, c’est donner à notre industrie lourde la possibilité de produire en France sans relâcher dans l’atmosphère le carbone qu’elle produit inévitablement. Ce combat, fédérateur, a trait à l’essentiel : notre climat, notre compétitivité, nos emplois et notre souveraineté.
Nous avons fixé un cap clair et nous le tiendrons. D’ici à 2035, nos émissions industrielles seront réduites de moitié. Cette exigence est climatique, mais également sociale : c’est celle des territoires qui veulent encore produire et embaucher. Cet impératif n’appelle qu’une réponse, celle de l’action concrète, technologique et réaliste. Vous le savez, nos concurrents avancent vite et, souvent, ils ne jouent pas en suivant les mêmes règles que nous : ils subventionnent, ils contournent, ils ferment les yeux. Nous, nous avons choisi une voie exigeante : celle du multilatéralisme, du droit et de la concurrence équitable. Cette exigence néanmoins ne doit pas devenir une pénitence : nos choix ne doivent pas peser le plus lourdement sur ceux qui font la vitalité de notre nation. Décarbonation ne doit pas rimer avec désindustrialisation. Il y va de la survie de nos sites industriels et donc de l’emploi dans nos territoires. Des milliers de salariés comptent sur nous pour agir.
Regardons la réalité en face : même s’ils n’ont pas recours aux énergies fossiles, certains procédés industriels émettront toujours du CO2 – le CO2 fatal, celui qu’on ne peut pas éviter mais qu’on peut capturer. Oui, il faut électrifier. Oui, il faut recycler. Oui, il faut être sobre. Voilà ce que mon ministère prône au quotidien et qui est au cœur des décisions d’investissement de l’État, au cœur du programme France 2030 qui a déjà permis de réduire de 11 mégatonnes les émissions annuelles de dioxyde de carbone de l’industrie.
M. Pierre-Yves Cadalen
Non, c’est le fait que vous avez détruit l’industrie de ce pays !
M. Marc Ferracci, ministre
Il faut aussi capturer le carbone résiduel, le stocker. Pour cela, il faut l’exporter – c’est même nécessaire à court terme.
Voilà le cœur du projet de loi, voilà la vérité industrielle – lucide, concrète et responsable. Derrière cette vérité industrielle, il y a une réalité humaine, celle de nos territoires, de nos usines, de nos salariés. Je pense à la cimenterie de Montalieu-Vercieu, à l’usine à chaux de Rety dans le Pas-de-Calais, au site de production d’engrais de Gonfreville-l’Orcher ou encore à la sucrerie de Bazancourt : tous ces sites ont un point commun, ils émettent du CO2 fatal et tous ont besoin de solutions pour continuer à produire en France. La capture du CO2 est, pour eux, un dernier recours.
Soyons lucides : si nous n’autorisons pas l’exportation du carbone, ces usines ne resteront pas, elles partiront.
M. Michel Herbillon
Absolument !
M. Marc Ferracci, ministre
Avec elles, des milliers d’emplois et des décennies de savoir-faire abandonneront les bassins de vie. Nous ne voulons pas d’un avenir dans lequel le béton serait chinois, les engrais russes et le sucre brésilien. Nous voulons un avenir dans lequel l’industrie française est souveraine, décarbonée et forte, où elle choisit la transition et ne se voit pas imposer l’exil. Pour cela, il faut agir vite, à l’horizon 2030, et non 2035.
Aujourd’hui, il n’y a pas de solution opérationnelle de stockage du carbone en France, que ce soit sur terre ou en mer. Demain, ce sera le cas, mais demain, ce n’est pas assez tôt : nos industriels n’ont pas le luxe d’attendre.
Les pays d’Europe du Nord, eux, n’ont pas attendu. La Norvège, le Danemark et les Pays-Bas disposent déjà de leurs sites de stockage et sont prêts à stocker notre CO2. Ils attendent notre feu vert, mais ils ne l’attendront pas éternellement. Je l’ai d’ailleurs moi-même vérifié, lors du forum franco-norvégien et de la visite d’État danoise au mois de mars : les alliances sont là, seule manque une décision. Le feu vert tant attendu, c’est ce projet de loi qui le donne. En ratifiant le protocole de Londres, il permettra aux industriels français de signer leurs contrats, d’engager leurs investissements et de ne pas perdre les 439 millions d’euros de financements européens qui sont en jeu. En effet, la décision n’est pas seulement industrielle, elle est aussi budgétaire et stratégique. Saint-Nazaire, Le Havre, Dunkerque : nos hubs industriels ont besoin de cette loi pour lancer le projet. Plusieurs de ces entreprises ont déjà signé des contrats de stockage de CO2 en Europe du Nord et ont obtenu un soutien public, européen ou national. Elles n’attendent donc que la ratification de cette convention diplomatique pour lancer leur projet de décarbonation.
Ne les faisons pas patienter plus, car chaque mois de perdu est un contrat en moins. Demain, ce sont nos usines qui pourraient fermer, nos entreprises qui iraient s’installer à Anvers, à Rotterdam ou ailleurs. La course est lancée, partout en Europe, partout dans le monde. Si nous n’accélérons pas, nous serons distancés. Pour rester dans cette course, il faut donner à nos industriels la possibilité d’investir, ici et maintenant, dans les technologies de capture et de stockage du carbone.
Ne nous laissons pas piéger par de faux débats : les technologies sont là, elles sont connues, maîtrisées, éprouvées. On transporte du gaz et du pétrole, on stocke même du carbone depuis des décennies ! Ce que nous proposons n’a rien de hasardeux. Nos standards environnementaux sont parmi les plus exigeants au monde et nous n’enverrons notre carbone qu’à des pays qui les partagent.
Nous ne transigerons pas sur la sécurité, mais nous ne pouvons plus transiger sur le temps. La France ne peut plus retarder son départ dans la course que l’Europe a déjà lancée. Je comprends que la technologie du stockage de carbone soulève des questions : c’est sain, c’est légitime et le débat parlementaire est là pour ça. Toutefois, ne pas décider, c’est déjà renoncer. Ne pas agir, c’est accepter de fermer des usines.
Vous connaissez mon combat : ne pas céder à la résignation, ne rien lâcher. Avec mes équipes, nous obtenons chaque jour des solutions, site par site, usine par usine, emploi par emploi. Pour réussir la transition, il nous faut tout l’éventail des solutions. La capture et le stockage ne sont pas des coquetteries technologiques, mais les outils d’un pays engagé dans la transition énergétique, un pays qui veut encore produire et le faire proprement.
Produire, c’est aussi protéger nos bassins de vie, nos savoir-faire et nos emplois. L’écologie qui devrait nous rassembler est celle qui conjugue environnement et emploi.
C’est avec gravité que j’affirme que si nous n’autorisons pas l’exportation du carbone, d’autres le feront à notre place.
M. Pierre-Yves Cadalen
Avec cette logique, on va aller loin !
M. Marc Ferracci, ministre
Nos industries iront là où on les autorise à respirer, mais voulons-nous vraiment d’une France qui consomme ici ce qui est fabriqué ailleurs ? D’une France qui se drape dans la vertu pendant que d’autres fabriquent des champions avec pragmatisme et volontarisme ?
Mme Clémence Guetté
Quel cynisme !
M. Marc Ferracci, ministre
Je laisse au débat parlementaire le soin de répondre à ces questions. Pour ma part, je refuse la résignation.
Nous partageons une ambition forte, celle de faire de la France un champion de la transition écologique et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. À cette fin, nous allons commencer à stocker du carbone dès 2030, mais à court terme, il est essentiel d’autoriser l’exportation des fûts de carbone. Ce projet de loi est un texte de cohérence, un texte pour celles et ceux qui, chaque jour, produisent ; celles et ceux qui croient que la transition ne consiste pas à renoncer mais à transformer. Il s’intègre dans le combat pour la décarbonation de nos industries, pour l’emploi et l’avenir de nos territoires. Je vous appelle donc, au nom du gouvernement, à voter en faveur de ce projet de loi – pour le climat, pour l’industrie, pour l’emploi et pour notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Fuchs, président de la commission mixte paritaire.
M. Bruno Fuchs, président de la commission mixte paritaire
La convention que nous examinons aujourd’hui a suscité, à raison, des débats importants ; nous en mesurons toutes et tous les conséquences à long terme. Différentes visions de l’environnement, de l’économie, de l’industrie et de la diplomatie ont été exposées à chaque étape du processus de ratification. Il est rare, voire inédit, que notre assemblée se prononce sur les conclusions d’une CMP relative à un projet de loi autorisant la ratification d’un texte international ; conséquence positive de ce parcours législatif original, chacun et chacune d’entre nous a pu développer et faire entendre ses arguments, et je m’en réjouis.
La résolution portant amendement à l’article 6 du protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers renvoie à un enjeu important. Adoptée en 2009 afin de permettre le transfert de CO2 préalablement capté et sa séquestration géologique sous-marine, cette résolution tend à créer une exception au principe d’interdiction de tout enfouissement dans la mer, posé par le protocole de Londres à ladite convention.
Si le Sénat a unanimement soutenu la ratification de la résolution, le recours aux technologies de captage et de stockage de carbone a donné lieu à des débats plus animés au sein de notre assemblée. Le débat, dans nos rangs, a pourtant été de haut niveau et chaque argument avancé mérite d’être considéré. En effet, nous sommes unanimes à vouloir éviter que nos océans deviennent des poubelles.
Alors que la France vient d’accueillir à Nice la troisième conférence des Nations unies sur l’océan – une réussite diplomatique saluée à l’échelle internationale –, nous devons faire preuve de cohérence et rester fidèles à l’ambition que nous y avons défendue.
M. Gabriel Amard
C’était pour faire de la com’ ! Nous, ce qu’on veut, ce sont des actes !
M. Bruno Fuchs, président de la commission mixte paritaire
Quels que soient les critiques et les doutes, nous devons nous rendre à l’évidence : au regard des connaissances et des technologies disponibles, mais aussi des enjeux du réchauffement climatique, les techniques de captage et de stockage du carbone constituent un levier indispensable, un levier à notre disposition, un levier qu’il est de notre responsabilité d’actionner. Personne ne peut penser ou dire qu’il s’agit d’une solution miracle ou d’une option alternative à la sobriété. C’est donc avec responsabilité que la CMP est convenue que certains secteurs industriels – sidérurgie, production de ciment ou de chaux, certaines branches de la chimie lourde et autres activités dont le ministre a fait état – ne disposent d’aucune autre solution pour réduire fortement leurs émissions de CO2. De fait, la majorité de la CMP a considéré qu’adopter le texte dans sa version issue du Sénat était nécessaire pour atteindre nos objectifs de lutte contre le changement climatique à l’horizon 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Le projet de loi est d’autant plus essentiel que les conséquences de son rejet seraient dramatiques. Économiquement, des centaines de millions d’euros d’investissements disparaîtraient. Socialement, des centaines ou des milliers d’emplois. Technologiquement, rejeter ce texte reviendrait à renoncer à l’innovation dans un domaine clé qu’est la décarbonation.
Économiquement, socialement, environnementalement ou diplomatiquement, nous ne pouvons pas rejeter cette convention. La CMP s’est assez largement accordée sur le projet de loi initial du gouvernement et je remercie nos collègues qui ont fait évoluer leur position après avoir pris le temps d’écouter les arguments des promoteurs de cette version.
Il nous revient maintenant de confirmer par notre vote le choix raisonnable, raisonné et largement majoritaire de la CMP. Je vous invite donc, chers collègues, à voter en faveur de l’adoption du texte issu de ses travaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Monsieur le ministre, vous êtes perdu.
M. Gabriel Amard
Eh oui !
M. Pierre-Yves Cadalen
Votre politique est un désastre complet. Partout, vous laissez des ruines, mais persistez à les voir comme d’élégants et gracieux monuments.
Quelle n’a pas été ma surprise, la semaine dernière, en écoutant lors de la conférence des Nations unies sur l’océan le discours de notre ministre des affaires étrangères – bravache, hardi, plein d’allant ! Je lui ai presque trouvé des accents révolutionnaires. Écoutons-le : « Au moment où le multilatéralisme est contesté, au moment où les institutions qui en sont les gardiennes sont fragilisées, entrons en résistance ! Résistance aux sirènes du cynisme. Résistance aux tentations mercantiles. Résistance à l’obscurantisme ! » Jean-Noël Barrot, l’espace d’un instant, avait laissé la place à Jean-Noël Che Guebarrot ! « Hasta la victoria siempre ! » – « Jusqu’à la victoire, toujours ! » (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Si j’en crois ce que vous nous proposez aujourd’hui, le gouvernement semble avoir retrouvé ses esprits. Les revoilà, les fameuses tentations mercantiles que vous conspuiez il y a sept jours ! Votre révolution intérieure n’aura donc pas duré longtemps. Vous n’êtes pas de gauche, après tout : vous avez essayé, mais c’est ainsi !
Après avoir claironné tout en lyrisme la nécessité absolue de préserver l’océan, vous proposez de capturer du dioxyde de carbone, puis de le transporter pour ensuite l’injecter dans des fosses sous-marines. Du dioxyde de carbone produit industriellement, transporté par bateau puis par pipelines pour être injecté dans des fosses dont nous ignorons si elles sont véritablement étanches : ce projet a tout d’une fumisterie inefficace, absurde et dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
En réalité, vous êtes perdus dans l’océan de vos propres contradictions – le seul que vous soyez véritablement capable de protéger. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.) De quoi souffre l’océan aujourd’hui, cette « branche sur laquelle nous sommes assis », pour reprendre la curieuse métaphore du ministre ? L’une des principales forces de destruction qui affecte l’océan est le changement climatique, dû à l’expansion mondiale et continue des émissions de gaz à effet de serre. Or il n’y a aucun mystère à leur explosion ces dernières décennies : la cause en est la généralisation du mode de production capitaliste à l’ensemble de la planète. Sous cette pression continue, l’océan s’acidifie, avec des effets en chaîne sur la vie qui s’y trouve – comme sur celle qui ne s’y trouve pas, d’ailleurs.
Vous aurez beau retourner le problème dans tous les sens, vous ne pourrez échapper à cette réalité matérielle et scientifiquement établie. Or vous ne jurez que par le capitalisme et pensez toujours que les problèmes causés par ce système seront solubles en son sein. C’est évidemment faux. Tel est le labyrinthe dont, comme de votre téléphone en ce moment, vous ne sortirez jamais. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous êtes perdus, disais-je. En première lecture, vous vous abritiez derrière la science et les rapports du Giec en sachant pourtant parfaitement que tous n’envisagent pas l’adoption d’une telle technologie. Ce débat est donc d’une nature profondément politique : il porte sur le modèle de bifurcation écologique que nous souhaitons. Votre défense absolue de cette technologie montre bien que vous considérez qu’il est possible d’opérer cette bifurcation sans rien changer par ailleurs. Tout ce qui compte pour vous est de ne pas déranger un ordre des choses que vous continuez à penser immuable, alors qu’il s’effondre de toute part. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Ce n’est pas sérieux : pour bifurquer, il faut désinvestir massivement des énergies fossiles et réorienter nos modes de production. Au lieu de nous soumettre ce texte dépassé, vous auriez pu proposer que la France rejoigne la coalition qui unit les États insulaires du Pacifique à la Colombie en soutien d’un traité de non-prolifération des énergies fossiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Vous êtes perdus. Vous ne vous rendez même pas compte que les dispositifs que vous défendez ne fonctionnent pas. Depuis les années 1970, l’industrie pétrogazière, au sein de laquelle ces techniques de capture et de stockage de carbone sont nées, n’a jamais atteint les objectifs de capture affichés, jamais ! Il n’y a donc aucune raison que ce soit désormais le cas. En 2017, la société Climeworks, en Suisse, promettait d’aspirer 1 % du dioxyde de carbone mondial d’ici à 2025 ; son usine pilote, en Islande, devait en absorber 36 000 tonnes par an. Elle en a aspiré 800.
Ces chiffres sont cohérents avec l’histoire générale de cette technologie, qui a accompagné le développement des énergies fossiles. Des entreprises qui envisageaient le changement climatique avant tout comme une occasion de dégager des profits ont poussé comme des champignons, attirant des investissements colossaux. Le bilan est tout autre à cette heure, entre suppressions massives de postes chez Climeworks et absence de perspectives pour le secteur. Vos solutions d’avenir sont mort-nées.
Vous êtes perdus. Et, dans votre errance, vous pouvez toujours compter sur le soutien du Rassemblement national pour faire passer vos textes de loi les plus moisis ! (« Eh oui ! sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) En ce cas comme en d’autres, vous ne semblez pas gênés de compter sur l’extrême droite. Il est vrai que cette dernière, quoiqu’elle soit toujours pétrie de racisme islamophobe, antisémite et j’en passe, présente l’avantage de se ranger avec discipline derrière les intérêts de l’argent. Qu’a-t-elle fait d’autre, au cours de son histoire, sinon rassurer les banquiers et les industriels pour parvenir au pouvoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Lottiaux
Eh, le mec du Hamas, on se calme !
M. Pierre-Yves Cadalen
Qu’il lui serait facile de prendre votre place aux côtés des milliardaires qui ne regardent que leur portefeuille et se moquent bien de la planète, de l’océan, comme des générations futures !
M. Michel Herbillon
Mais qu’est-ce que tout ça a à voir avec le texte ?
M. Pierre-Yves Cadalen
Le Rassemblement national s’était abstenu en première lecture, mais il s’est prononcé en faveur de la ratification en commission mixte paritaire. Nous avions entre-temps reçu de doux messages des groupes d’intérêts, qui voient midi à leur porte. Ainsi de James Gorter, consultant chez Holcim France, dont je vous cite le mail : « Adopté au Sénat mais rejeté à l’Assemblée nationale, ce texte est une condition indispensable à la réalisation de projets industriels de captage de CO2 et de son stockage géologique. » Attention, nous avions mal voté ! Holcim – nouveau nom de Lafarge après sa fusion avec ce groupe, consécutive à la collaboration du premier avec Daech – se croit toujours en position de donner des leçons aux parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et le Rassemblement national obéit, bien entendu ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.) L’extrême droite entend toujours la voix de son maître, comme Jordan Bardella à quelques jours des dernières élections législatives (Les exclamations redoublent), qui balançait par-dessus bord les quelques dispositions sociales de son programme. Messieurs et mesdames les députés d’extrême droite, Lafarge vous remercie !
Vous êtes perdus, et vous ne vous rendez même plus compte de ce que vous mettez en œuvre ou en paroles. À Nice toujours, le ministre clamait encore, des vibratos dans la voix : « Face à l’immensité de l’océan, nous sommes tous égaux, tous responsables, tous concernés, tous dans le même bateau. » Allez donc dire cela aux Palestiniens qui meurent sous les bombes, aux enfants estropiés qui meurent de faim ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Allez donc leur parler de ce bateau commun, vous qui ne faites rien pour que cesse le génocide.
M. Philippe Lottiaux
Votre bateau à vous, c’est le Radeau de la Méduse !
M. Pierre-Yves Cadalen
Pire : vous avez décidé, sans consulter aucun parlementaire, de changer la doctrine internationale de la France en acceptant le principe de la légitime défense préventive, porte ouverte à la guerre généralisée : si un pays se sent menacé, il a le droit d’attaquer, la France le défendra.
M. Michel Herbillon
Quel est le lien avec le texte ?
M. Pierre-Yves Cadalen
Prenez-vous la mesure de la boîte de Pandore que vous ouvrez ? Pour l’océan comme pour la planète, la guerre est la pire des catastrophes. Les mots prononcés à Nice sonnent terriblement creux au regard de vos prises de position irresponsables et déraisonnables. Votre obstination à vouloir nous faire ratifier ce texte relève de la même dissociation entre la politique que vous menez et la réalité. Vous êtes aussi insensibles aux souffrances des Palestiniens qu’aveugles à la destruction massive de l’environnement, en mer comme sur terre.
M. Éric Woerth
Et le terrorisme, vous en pensez quoi ?
M. Pierre-Yves Cadalen
C’est pourquoi vous ne pouvez comprendre le lien intime qui a conduit Greta Thunberg, aux côtés de notre camarade Rima Hassan (Exclamations sur les bancs des groupes RN et EPR), de la lutte contre le changement climatique au combat contre le génocide en cours à Gaza, sur cette flottille de la liberté qui a rendu les humanistes de tous pays très fiers.
M. Éric Woerth
Vous êtes ridicule !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vous auriez pu écouter Ta’Kaiya Blaney, l’une des invitées du sommet SOS Océan, conclu par Emmanuel Macron. Venue porter la voix…
M. Éric Woerth
Du terrorisme !
M. Pierre-Yves Cadalen
…des peuples autochtones, elle a expliqué le lien entre génocide et écocide, cette destruction généralisée que la défense des modes de production capitalistes reproduit sans cesse.
Puisque vous êtes perdus, puissiez-vous entendre les mots prononcés par elle afin de retrouver la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) J’invite cette Assemblée à refuser ce texte aujourd’hui, en conscience, en entendant le sens de ces paroles tirées d’une histoire longue que nous aurions tort d’ignorer : « Je parle depuis l’expérience de ma lignée lorsque je dis que le génocide indigène est toujours une condition de l’écocide : ils ne font qu’un. […] Ce qui a été décrit comme une transition résulte du même agenda destructeur, avec un nouveau label. […] Le colonialisme est le carburant du changement climatique, et non la solution. La plus urgente des solutions pour le changement climatique est d’en finir avec les conditions du génocide indigène et les conditions de l’occupation. […] J’honore les femmes indigènes et les défenseurs de l’eau de par le monde, qui se battent pour leur futur. Je dédie mon chant aux femmes indigènes et à la jeunesse partout sur les lignes de front du génocide et de l’écocide. […] Je dédie mon chant aux femmes de Palestine et à la Terre nourricière. » (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Puisque ni le ministre ni le rapporteur ne souhaitent intervenir, nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Hervé Berville, qui s’exprime en sa qualité de représentant du groupe EPR.
M. Hervé Berville (EPR)
Je ne sais, cher collègue breton, si nous sommes perdus. Je ne le crois pas, au vu du cap que nous suivons depuis huit ans. En revanche, à écouter votre conclusion, vous semblez pour votre part à la recherche d’une anthologie de la poésie. Je me ferai un plaisir de vous l’offrir !
M. Pierre-Yves Cadalen
Quel mépris pour les lettres !
M. Hervé Berville
Il semble que vous pensiez avoir la science infuse, quand nous serions dans le flou et le faux depuis le début. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Où étiez-vous ces dernières années, quand nous avons fait adopter un texte majeur sur la protection de la haute mer ? Où étiez-vous quand nous avons lancé la bataille contre l’exploitation minière des fonds marins ? Ce n’est pas votre groupe qui était à l’initiative à ce sujet, c’est le nôtre, il y a plus de trois ans ! La France a porté ce combat contre ce qui entraînerait un écocide, une catastrophe pour les écosystèmes marins. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Où étiez-vous, lorsque la France a pris la tête d’une coalition pour lutter contre la pêche illégale, protéger les populations du Sud, du golfe de Guinée, du Sud-Est asiatique ? Vous n’étiez pas là !
M. Pierre-Yves Cadalen
Je n’étais pas encore élu !
Mme Mathilde Panot
Répondez sur le fond !
M. Hervé Berville
Vous pouvez toujours déclamer de la poésie,…
M. Pierre-Yves Cadalen
Quel mépris !
M. Hervé Berville
…nous agissons quant à nous concrètement en faveur de la biodiversité marine, afin de doter nos industries des armes et des outils destinés à décarboner, afin d’allier souveraineté économique et protection de la biodiversité et de l’environnement.
M. Jean-François Coulomme
Ça ne marche pas !
M. Hervé Berville
Le groupe EPR est lucide, responsable, conscient des réalités. Sa position est très claire : nous sommes opposés à la motion de rejet parce que nous avons besoin d’amender ce protocole. Nous avons besoin que les industriels soient à même de décarboner et de lutter contre le changement climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Roussel.
M. Fabrice Roussel (SOC)
La France est en retard en matière de transition écologique et énergétique, comme nous l’avons constaté il y a quelques instants, avec l’adoption du projet de loi de simplification, et comme nous l’avons vu avec la proposition de loi dite Gremillet, en cours de navette, ou encore avec la suspension de MaPrimeRénov’.
Les reculs du gouvernement se font sentir : la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre connaît un sérieux coup de frein. Depuis de nombreuses années, rien n’a été pensé pour réduire nos émissions de carbone. La France manque cruellement d’ambition et d’anticipation, elle ne dispose pas de stratégie énergétique. L’augmentation de la taxe carbone oblige les industriels à trouver des solutions rapides afin de maintenir leur activité.
Monsieur le ministre, nous vous avons interpellé au sujet des largesses accordées à ceux qui utilisent les technologies de captage et stockage du carbone. Sans réponse claire du gouvernement, le groupe socialiste a fait le choix de s’abstenir sur ce texte. Nous voterons contre la motion de rejet.
M. Louis Boyard
Une abstention de combat, en somme !
Mme la présidente
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon (DR)
Nous avons longuement débattu de ce texte en commission mixte paritaire. Certains des arguments ont d’ailleurs été repris aujourd’hui. Les conséquences économiques, sociales, environnementales et diplomatiques d’une non-adoption de celui-ci sont parfaitement connues. Tout cela me paraît autrement plus important que la mise en scène déclamatoire de notre collègue porte-parole de la France insoumise. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sophia Chikirou
Votre mise en scène est quant à elle incantatoire, masturbatoire !
M. Michel Herbillon
Les légitimes inquiétudes qui peuvent évidemment se faire jour méritent bien mieux que les excès que nous venons d’entendre, assortis d’arguments qui n’ont de surcroît rien à voir avec le texte qui nous est soumis.
M. Pierre-Yves Cadalen
Vous m’avez mal écouté !
M. Michel Herbillon
Dans ces conditions, le groupe Droite républicaine votera contre la motion de rejet. Nous vous invitons tous à passer à l’examen et au vote du texte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR.)
M. Vincent Descoeur
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)
Il n’y avait guère de suspense : nous voterons pour la motion de rejet préalable de nos collègues de la France insoumise,…
M. Hervé Berville
Quelle irresponsabilité !
Mme Sabrina Sebaihi
…car ce texte n’est pas seulement une mauvaise idée pour le climat, il est un nouvel exemple d’une énième contorsion des règles de notre assemblée qui, petit à petit, abîme durablement notre démocratie. Depuis le début de l’examen du texte, le gouvernement joue la carte de la discrétion et de la précipitation : procédure accélérée, vote en catimini au Sénat, commission mixte paritaire convoquée dans l’urgence. Tout cela pour offrir aux géants industriels un passeport pour continuer à polluer, pour transformer la mer en décharge à ciel ouvert – ou plutôt à ciel fermé ! Le 10 avril, l’Assemblée a eu le courage de dire non : nous avons majoritairement refusé que nos océans deviennent les poubelles chimiques des cimenteries et des aciéries. Nous nous sommes opposés à ce permis de polluer, camouflé sous des promesses technologiques.
Pendant qu’Emmanuel Macron, à Nice, faisait des beaux discours sur la préservation des océans, le bloc central planifiait ici leur asphyxie à coups de millions de tonnes de CO2.
Mme Danielle Brulebois
Vous voulez décarboner mais vous ne voulez rien faire !
Mme Sabrina Sebaihi
Qu’on se le dise : on sacrifie les écosystèmes marins, on met en péril les populations, on exporte notre pollution chez nos voisins et, pendant ce temps, les profits continuent de couler à flots. Or la mer n’est pas un vide-ordures, mais le poumon bleu de notre planète. Elle mérite mieux que nos mensonges climatiques et nos rustines industrielles. Elle mérite qu’on cesse de remettre à demain la transition écologique, en empilant les excuses pour pouvoir continuer à polluer.
Mes chers collègues, quand on veut, on peut ! Je remercie mon collègue Nicolas Thierry qui a fait voter, le 17 janvier 2023, une proposition de résolution invitant le gouvernement à défendre un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins.
M. Hervé Berville, rapporteur
C’était avant !
Mme Sabrina Sebaihi
Pour toutes ces raisons, je vous appelle à voter en faveur de cette motion de rejet préalable. Dire non à ce texte, c’est refuser que la mer devienne la décharge de nos renoncements.
M. Hervé Berville, rapporteur
Mais c’est pas vrai !
Mme Sabrina Sebaihi
C’est dire oui à une écologie courageuse et à une politique climatique honnête, à la hauteur des engagements pris sur la scène internationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit (Dem)
Alors que nos efforts de réduction des émissions dues à l’industrie doivent absolument se poursuivre d’ici à 2030, le groupe La France insoumise veut à nouveau y couper court et bloquer le débat (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), à l’occasion d’un projet de loi qui a pourtant fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive le 14 mai.
Un député du groupe LFI-NFP
ChatGPT !
Mme Maud Petit
Au risque de nous répéter, le rejet du texte serait préjudiciable car il impliquerait, premièrement, l’impossibilité d’atteindre les objectifs climatiques de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) à l’horizon 2030.
M. Hervé Berville, rapporteur
Eh oui !
Mme Maud Petit
Deuxièmement, il mettrait en péril la pérennité de certains sites industriels, qui ne disposeront pas sur notre sol d’autres technologies pour se décarboner. Troisièmement, les projets français les plus matures perdraient le bénéfice de subventions européennes.
Votre technique du rejet systématique du dialogue est dangereuse car elle instrumentalise, à des fins uniquement politiques, des combats d’intérêt général.
M. Hervé Berville, rapporteur
Eh oui !
Mme Maud Petit
Je citerai un amendement déposé le 28 mai par les députés LFI à l’article 4 de la proposition de loi Gremillet, qui vise à compléter le code de l’énergie en ajoutant aux objectifs de politique énergétique nationale celui « d’atteindre un recours annuel aux technologies de captage, d’utilisation et de stockage du dioxyde de carbone d’au moins 4 mégatonnes à l’horizon 2030 ». (M. Frédéric Petit applaudit.) Cela vaut reconnaissance de l’existence d’émissions incompressibles et de la nécessité de disposer de solutions de stockage opérationnelles, afin de répondre à l’urgence écologique et climatique ! (Mme Marina Ferrari applaudit.)
Je suggère en conséquence – je pense que de nombreux collègues en seront d’accord – aux députés LFI de donner les moyens au gouvernement, mais surtout aux industriels, d’atteindre les objectifs fixés par leur amendement, en autorisant l’exportation de fûts de carbone capturé vers les seuls sites de stockage disponibles à l’horizon 2030.
Mme Sophia Chikirou
Votre but n’est pas de diminuer la pollution ! C’est de la magouille !
Mme Maud Petit
Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cette course contre la montre. Nous voterons donc contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Lacombe.
M. Xavier Lacombe (HOR)
Cette motion montre, une nouvelle fois, que les collègues écologistes et Insoumis ne veulent pas réduire les émissions de gaz à effet de serre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Gabriel Amard
Il n’y a que toi pour y croire !
M. Xavier Lacombe
Nous l’avons bien vu, hier, lors du débat sur la proposition de loi portant programmation dans le secteur de l’énergie ; nous le voyons encore aujourd’hui. Le présent texte encourage le captage et le stockage d’émissions incompressibles de gaz à effet de serre issues de la chimie, de la sidérurgie ou du ciment. Il fait en sorte que l’usage, par notre industrie, de ces technologies de captage et de stockage et les échanges qui en découlent soient encadrés par le droit international.
Nous avons l’occasion unique de prouver que nous pouvons à la fois réindustrialiser notre pays, comme l’a dit monsieur le ministre, tout en respectant nos engagements en faveur du climat. Mais par idéologie, certains voudraient priver nos industries de solutions vertueuses : ne venez pas vous plaindre, ensuite, de ce qu’on ne produit plus en France, parce que nos industries ne pourront pas exporter leurs captations de carbone et se conformer à nos exigences en matière de transition écologique !
Nous pensons, au contraire, que la neutralité carbone doit être atteinte par tous les moyens.
M. Laurent Croizier
Eh oui !
M. Xavier Lacombe
L’heure n’est pas aux demi-mesures.
M. Paul Vannier
C’est un macroniste qui parle !
M. Xavier Lacombe
Face à l’urgence climatique, tous les leviers doivent être actionnés. La séquestration du carbone dans les fonds marins en fait aussi partie. Le groupe Horizons & indépendants,…
Mme Dominique Voynet
Pas indépendants des industriels !
M. Xavier Lacombe
…en toute lucidité et responsabilité, votera évidemment contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani (LIOT)
Nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable. Nous considérons que l’Assemblée nationale n’a rien à gagner à refuser d’examiner des textes, de les améliorer, de les amender, puis de les accepter ou de les rejeter. C’est le fondement même du fonctionnement démocratique.
S’agissant du présent texte, nous pensons que la priorité doit être à la préservation et à la protection du milieu marin. Nous comprenons la nécessité de gérer des émissions incompressibles de CO2 mais, sur le fond, nous préférerions une politique de maîtrise et de réduction de la production de ce dioxyde de carbone. C’est ce que nous dirons lors de la discussion générale, si cette dernière a lieu.
Mme la présidente
La parole est à Mme Alexandra Masson.
Mme Alexandra Masson (RN)
Le groupe La France insoumise, toujours dans la demi-mesure comme nous venons de le constater, avec ses mots doux, ses mots d’amour et de gentillesse à l’égard de certains groupes politiques – en particulier le nôtre –, a déposé cette motion de rejet.
Mme Sophia Chikirou
Nous sommes l’amour, vous êtes la haine !
Mme Alexandra Masson
Nous voterons évidemment contre. D’autant qu’elle a été présentée en faisant référence à des thèmes totalement hors sujet, qui n’avaient aucun rapport avec le texte.
Mme Mathilde Panot
Vous n’avez pas compris !
Mme Alexandra Masson
Ne vous en déplaise, au-delà de vos postures idéologiques et dogmatiques, ce texte répond à une nécessité industrielle stratégique : permettre à la France, pour une période de transition – j’insiste sur ce terme – d’accéder à des solutions de stockage du CO2, même si elles sont situées hors de son territoire, dans un cadre juridique multilatéral.
Refuser cette ratification, comme le propose la motion de rejet, reviendrait à priver nos industriels d’un outil transitoire essentiel pour leur décarbonation. Cela reviendrait aussi à créer un désavantage compétitif majeur pour les grands pôles industriels français, tels que Le Havre et Dunkerque, au profit de leurs homologues néerlandais, déjà engagés dans les grands projets transfrontaliers comme Porthos ou Aramis.
Cette motion nie la réalité. La France ne dispose pas encore de ses propres capacités de stockage. Faut-il pour autant condamner nos industries à l’immobilisme, à la perte de compétitivité, voire à la relocalisation ? Non, évidemment.
Adopter cette motion de rejet, ce serait se retrancher derrière une écologie d’interdictions et de slogans, au lieu de bâtir une stratégie d’action crédible, quoiqu’imparfaite. Nous avons besoin d’une écologie de responsabilité, qui prépare l’avenir sans sacrifier notre tissu industriel et productif. C’est pourquoi nous rejetterons cette motion de rejet, sans haine ni violence ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Hervé Berville, rapporteur
Encore ? Oh non !
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP)
Collègues, je tiens à vous dire que je ne suis pas personnellement responsable de l’ennui que semblent provoquer certains discours et que, par comparaison, l’on me reproche de rompre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. le rapporteur fait un geste évoquant une tête qui enfle.)
Du rapporteur, je n’ai aucune leçon de lettres à recevoir. En revanche, celui-ci aurait mieux fait de s’en tenir au fond car, sur le fond, il est manifeste que vous êtes des hypocrites à un degré élevé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous prétendez incarner les grands défenseurs de la réindustrialisation et de la souveraineté industrielle de la France ? Mais allez voir Michelin et tous ceux qui ont perdu leur emploi à cause de la politique de Marc Ferracci, ici présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Michel Herbillon
Qu’est-ce que c’est que cette mise en scène ? On n’est pas au théâtre !
Mme Mathilde Panot
Vous êtes jaloux !
M. Pierre-Yves Cadalen
Par ailleurs, de tous les groupes qui s’opposent, pour le moment, à notre motion de rejet, aucun n’a répondu à l’argument que nous avons tranquillement exposé : n’importe quelle technique s’inscrit dans un contexte économique donné. En régime capitaliste, une technique comme la capture et le stockage du carbone ne permettra en rien de répondre aux enjeux écologiques contemporains ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Elle sera dévoyée, comme elle l’a déjà été ; de plus, elle est inefficace.
Prenez la récupération assistée du pétrole, qui consiste à injecter du dioxyde de carbone dans des puits de pétrole : 80 % du dioxyde de carbone capturé est utilisé à cette fin. Vous trouvez qu’il s’agit d’une bonne solution de décarbonation ? Voyons, réfléchissez un instant ! (Mêmes mouvements.)
Au contraire, s’agissant de la bifurcation écologique et de la protection générale des écosystèmes, il faut penser une transformation générale des modes de production. J’entendais l’un de mes collègues dire tout à l’heure, à juste titre : l’un des avenirs du secteur de la construction, le BTP de l’avenir, c’est le « bois, terre, paille », plus durable et moins émetteur de gaz à effet de serre. (Mêmes mouvements.)
Si nous ne perdions pas de temps avec votre dogmatisme et votre sectarisme, nous pourrions discuter des véritables solutions pour faire face au plus grand enjeu de notre temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 236
Nombre de suffrages exprimés 234
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 59
Contre 175
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Berville, rapporteur
Cher collègue Cadalen, en matière d’hypocrisie, nous n’avons aucune leçon à recevoir de vous !
M. Ian Boucard
Il a raison !
M. Hervé Berville, rapporteur
Je crois que, sur ce sujet, vous êtes un tartuffe. Désolé de vous le dire : l’hypocrisie et la tartufferie sont chez vous, puisque matin, midi et soir, vous nous dites qu’il faut écouter les scientifiques et la science…
M. Ian Boucard
Ils écoutent les scientifiques d’extrême gauche !
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Venez-en au fond !
M. Hervé Berville, rapporteur
…et, alors que des scientifiques et la science recommandent d’utiliser cette technologie, vous la refusez par dogmatisme. Voilà la tartufferie !
Une tartufferie qu’a bien exposée Maud Petit : vous inscrivez vous-même, dans un amendement, la nécessité de recourir à cette technologie mais, par dogmatisme, vous refusez de voter un texte qui permettrait de la concrétiser !
Enfin, puisque j’ai eu la chance de suivre ces travaux pendant au moins deux ans et demi,…
Mme Sophia Chikirou
Tu n’as pas appris grand-chose !
M. Hervé Berville, rapporteur
…pour ce qui concerne l’océan, vous êtes toujours en retard ! Vous avez été en retard sur le traité de la haute mer, sur la lutte contre l’exploitation minière des fonds marins,…
M. Sylvain Maillard
Ils ne savent pas nager !
M. Hervé Berville, rapporteur
…sur la lutte contre la pollution en mer et contre la pêche illégale. Vous serez en retard, encore une fois, sur la décarbonation et l’utilisation de la séquestration. Ce n’est pas grave, nous sommes habitués ; nous, nous maintiendrons notre cap ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Oziol.
Mme Nathalie Oziol
Enfouir le CO2 produit par les sites industriels au fond de l’océan : voilà la nouvelle idée des capitalistes pour faire disparaître leurs émissions et leurs problèmes. Les amendements au protocole de Londres constituent une nouvelle tentative de fuite en avant technologique pour éviter de s’attaquer à la racine du problème des émissions de gaz à effet de serre et du dérèglement climatique.
Le premier amendement vise à autoriser la séquestration géologique sous-marine de CO2, technique consistant à capturer le CO2, principalement issu de sites industriels, pour l’injecter dans des formations géologiques dites étanches et, en théorie, éviter qu’il soit relâché dans l’atmosphère où il contribuerait au réchauffement climatique. De tels projets ont principalement vu le jour en mer du Nord ; d’autres sont programmés pour 2026.
Le second amendement, sur lequel porte le texte que nous examinons, vise à permettre le transport du CO2 capturé en France vers les pays capables, en théorie, de le stocker dans les sous-sols marins. Ce projet est une illustration de l’hybris des hommes qui croient pouvoir contraindre la nature selon leurs envies. (M. Pierre-Yves Cadalen applaudit.) En réalité, il n’est rien de plus qu’une nouvelle fuite en avant technologique pour éviter de s’attaquer à la source de la catastrophe climatique et préserver les intérêts des grands industriels français.
Voilà la situation dans laquelle nous sommes : l’océan s’acidifie et se réchauffe dans des proportions considérables. Les perturbations qu’il connaît affectent profondément son fonctionnement ainsi que la vie des espèces qui y vivent. Le changement climatique s’accélère, au point que certains scénarios du Giec prévoient une hausse de la température moyenne de la planète pouvant aller jusqu’à 5 degrés Celsius d’ici à 2100. Les conditions mêmes de la vie sur Terre sont désormais menacées.
Alors que Trump et l’internationale réactionnaire reviennent sur tous leurs engagements en faveur du climat, pour plonger dans un productivisme forcené, l’urgence requiert de changer totalement et radicalement nos modes de production et de consommation d’énergie, afin d’enclencher la bifurcation écologique et d’aller vers la sobriété. L’urgence est de recentrer notre économie autour des besoins, afin d’abaisser drastiquement nos émissions de CO2.
Cela impliquerait cependant de porter un coup fatal au productivisme dont le capital a bien besoin : la Macronie nous propose donc une nouvelle solution illusoire qu’elle prétend être à même de nous permettre d’atteindre nos objectifs climatiques, tout en laissant les industriels poursuivre leur business as usual…
M. Hervé Berville, rapporteur
Ça parle anglais !
Mme Nathalie Oziol
…et continuer à polluer. Car cette technique de séquestration géologique du carbone, pour exister, n’en reste pas moins balbutiante. Selon l’Agence internationale de l’énergie, il existait dans le monde, en 2021, environ trente-cinq installations commerciales employant cette technologie, la plupart aux États-Unis, pour une capacité totale de capture de 44 millions de tonnes de CO2, une goutte d’eau en comparaison du total annuel des émissions mondiales de gaz à effet de serre, qui s’élève à 53 milliards de tonnes de CO2.
La technique elle-même est au demeurant tout sauf sûre. Une étude de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis…
M. Hervé Berville, rapporteur
Oh là là !
Mme Nathalie Oziol
Vous parliez d’agences scientifiques, en voici une ! Cette étude, donc, a démontré que le stockage sous-marin de CO2 comportait de nombreux risques.
M. Hervé Berville, rapporteur
Sans blague !
Mme Nathalie Oziol
Sans blague, justement ! Dans les sites de stockage norvégiens, le gaz a déjà failli être rejeté à la surface. L’océan ne retiendra pas éternellement le carbone, qui finira par s’échapper : exit les objectifs écologiques.
Venons-en à l’amendement relatif au transport du gaz, il faut relever que ce transport n’est lui-même pas plus sûr. Le transport transfrontalier de dioxyde de carbone nécessitera la création d’infrastructures : canalisations, terminaux d’import-export de dioxyde de carbone, etc. Or, selon l’étude d’impact du projet de loi, les exploitants de ces canalisations devront mener, au préalable, de nouvelles études techniques destinées à vérifier leur fiabilité. Nous nous apprêtons donc à voter un texte s’appuyant sur la prétendue nécessité de construire des infrastructures de transport alors que les études qui devront être réalisées ne l’ont pas encore été et qu’elles seront, vraisemblablement, confiées aux entreprises exploitantes – dont l’intérêt à ce que ce stockage de CO2 soit possible est évident. Les risques de fuites lors du transport par canalisation sont réels, et leurs conséquences potentiellement tout aussi dangereuses que celles des fuites de dioxyde de carbone déjà stocké. L’étude d’impact, qui ne fait pourtant que survoler le sujet, pointe des risques de dysfonctionnement.
La croyance aveugle dans le progrès technique sans remise en cause du mode de production à l’échelle mondiale est un chemin irrationnel et dangereux. Le meilleur moyen d’atteindre nos objectifs climatiques n’est pas de séquestrer le carbone, mais de ne plus en produire. Le groupe La France insoumise votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Roussel.
M. Fabrice Roussel
Nous examinons ce texte quelques jours après la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, qui s’est tenue en France. Les annonces faites à l’issue de cette rencontre sont insuffisantes au regard de l’urgence climatique et de la nécessaire protection des océans. En témoignent vos reculs politiques en matière de transition écologique qui ont abouti, cette année, à un important coup de frein dans la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. Vous ne semblez pas entendre que le réchauffement planétaire ne permet plus d’attendre. Dans cette perspective, les députés socialistes ont porté la semaine dernière, à Nice, quatre-vingts propositions pour assurer la pérennité de nos fonds marins et pour préserver les ressources halieutiques ainsi que la biodiversité.
C’est dans ce contexte que vous nous demandez d’approuver le déploiement d’une technique risquant de concourir à l’acidification des océans et à la destruction de notre écosystème marin. Il n’est en effet pas toujours possible d’affirmer, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, que le stockage souterrain ne détériore pas les coraux ou n’a pas d’effet néfaste sur les mollusques ou les planctons. Diverses études sont toujours en cours – sur la définition des seuils de toxicité, sur la modélisation de la dispersion du gaz en cas de fuite ou encore sur le comportement métallurgique de l’ouvrage dans ce type de situation.
Faute d’une véritable stratégie française en matière énergétique, nous sommes de retour dans cette assemblée pour débattre d’un texte appliqué de manière provisoire depuis 2019 et que seulement douze pays ont ratifié – pour débattre d’un amendement qui ne parle ni de décarbonation ni de sobriété énergétique et qui aborde une technologie très coûteuse, consommatrice d’énergie et nécessitant, dans ses différentes phases, une quantité significative d’électricité et de chaleur. Alors qu’aucun permis de recherche de stockage de CO2 n’a été accordé à ce jour en France et qu’aucun stockage français – sur terre ou en mer – ne saurait être opérationnel avant l’horizon 2030, il est temps que nous nous posions les bonnes questions.
Comment est-il possible que nous n’ayons toujours pas fait progresser nos connaissances sur le traitement du stockage du CO2 et sur les risques associés à son transport ? Comment expliquer le manque d’ambition de notre gouvernement en matière de transition énergétique – nous qui n’avons ni programmation pluriannuelle de l’énergie, ni stratégie de décarbonation ?
Alors que nous devons accélérer la dépollution de nos industries, comment est-il possible que des filières économiques se retrouvent sans alternatives décarbonées ? Comment avez-vous pu choisir de laisser notre pays prendre un retard technologique qui nous contraint à travailler avec d’autres, à l’heure où nous ne pouvons plus nous permettre de dépendre d’eux ?
C’est pour ces raisons aussi que l’amendement de l’article 6 du Protocole de Londres de 1996 est important : pour certaines de nos entreprises, il n’y a pas d’alternative. À certains endroits, comme sur l’estuaire de la Loire ou à Dunkerque, territoire qui représente 20 % des émissions industrielles françaises, la décarbonation est indispensable pour la viabilité des entreprises. C’est malheureusement la seule solution que vous proposiez, alors que les sites qui ne seront pas décarbonés ne seront plus rentables, à terme, du fait de l’augmentation du coût des quotas carbone, ce dont l’économie et l’emploi, surtout, souffriraient.
Nous sommes pour autant obligés de souligner les largesses que vous concédez car ce procédé, dans son état actuel, permettra aux industriels de contourner demain l’objectif de réduction des émissions. La capture de CO2 pour stockage ou valorisation ne saurait se substituer à l’effort de décarbonation auquel nous devons consentir, ce procédé ne pouvant représenter qu’entre 8 et 13 % de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2050.
Comme le Haut Conseil pour le climat le soulignait en rendant son avis de novembre 2023, cette technique doit être réservée « aux usages visant à la réduction des émissions résiduelles qui ne peuvent être supprimées à la source, en complément des actions de sobriété et d’efficacité énergétique ». Cet avis, vous ne le reprenez pas : c’est la raison pour laquelle nous vous demandons de vous saisir réellement de cette question, pour nous donner des réponses et, surtout, pour garantir que ce dispositif ne sera utilisé que par celles et ceux qui n’ont pas d’autre solution.
En l’absence de garanties, le groupe Socialistes et apparentés maintiendra son abstention sur ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon
Nous sommes réunis cet après-midi pour adopter les conclusions de la CMP sur le projet de loi autorisant la ratification de la résolution portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972.
Il est rare que l’adoption d’une convention fasse l’objet d’une commission mixte paritaire : cela démontre la complexité du sujet. L’adoption de la Convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets a marqué une étape importante dans la protection des océans. Ce texte interdit en effet l’immersion de certaines matières dangereuses et subordonne l’immersion d’autres matières à la délivrance préalable d’un permis.
L’amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996, qui date déjà de 2009 et qu’il nous est proposé de ratifier aujourd’hui, a pour objet d’autoriser le transfert transfrontalier de CO2 à des fins de séquestration dans les formations géologiques des sous-sols marins, à la condition qu’un accord ou un arrangement ait été conclu entre les pays intéressés.
Sa ratification doit rendre possible le transport de CO2 vers les pays disposant de capacités de séquestration géologique sous-marine du dioxyde de carbone : elle est, à ce titre, une des clés qui pourra permettre à la France d’atteindre ses objectifs climatiques à l’horizon 2030-2050.
Il est important de rappeler que la France, à ce jour, ne dispose pas de zone de stockage opérationnelle. L’adoption de cet amendement permettrait à la France d’exporter son CO2 résiduel vers des zones de stockage chez ses voisins européens, étant entendu que l’enjeu demeure, à terme, la construction d’une véritable souveraineté industrielle française en matière de capture et de stockage du carbone – cela implique d’identifier, sur notre territoire, des zones de séquestration terrestre et maritime de CO2.
À les présenter ainsi, les choses ne vont pas de soi, et on peut comprendre les inquiétudes manifestées par certains de nos collègues lors de l’examen du texte en séance. Il pourrait en effet paraître surprenant de voter un amendement à une convention de prévention de la pollution des mers qui permette – d’une certaine manière – d’y déroger. Il convient néanmoins de rappeler qu’une telle dérogation ne peut se faire qu’à titre exceptionnel, de manière très contrôlée et réglementée.
L’adoption de l’amendement de 2009 à l’article 6 est ainsi utile à notre pays. Il permettra à la France d’abord de respecter ses engagements climatiques. Cette ratification étant immédiatement applicable, elle pourrait contribuer à ce que nous atteignons la neutralité carbone d’ici à 2050, en équilibrant les émissions résiduelles de gaz à effet de serre avec les absorptions de carbone. Rappelons que la stratégie nationale bas-carbone – le plan national pour lutter contre le changement climatique – prévoit le recours aux technologies de capture et de stockage du carbone, afin de stocker les émissions incompressibles de l’industrie et de générer des absorptions technologiques de carbone.
Il est ensuite nécessaire que nous puissions exporter du CO2 capturé en France vers des sites de stockage en Europe, notamment en mer du Nord, si nous voulons atteindre les objectifs à court terme de réduction des émissions – d’ici 2030 notamment.
Cette adoption permettra, par ailleurs, de soutenir le développement de technologies de décarbonation, puisque plusieurs industriels français envisagent de déployer, dès 2028, de telles technologies de capture de dioxyde de carbone.
Elle contribuera également à l’élaboration d’une véritable souveraineté industrielle française en matière de capture et de stockage du carbone ce qui implique l’identification, dans notre territoire, de zones de séquestration terrestre et maritime du CO2. Une étude, conduite en février 2025, a recensé des potentialités de stockage représentant 1,1 milliard de tonnes de CO2, soit presque le triple du volume des émissions actuelles en France.
De plus, la coopération internationale se trouvera également renforcée. Un tel partenariat est essentiel pour démarrer la capture du CO2 sur les sites industriels français qui ne disposent pas encore d’alternatives technologiques leur permettant de se décarboner avant 2030.
Le protocole de 1996 est à ce jour ratifié par cinquante-six états. Douze pays ont ratifié l’amendement de 2009, pays que la France souhaite rejoindre pour renforcer sa position dans la lutte contre le réchauffement climatique : c’est pourquoi le groupe Droite républicaine votera pour ce projet de loi. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Si nous sommes encore ici en cette fin de journée, c’est parce qu’un gouvernement obstiné veut nous forcer la main sur un texte que cette assemblée a rejeté à juste titre. Permettez-moi, au nom du groupe Écologiste et social, de redire avec fermeté que nous voterons contre ce texte.
La semaine dernière, Emmanuel Macron accueillait le monde, à Nice, pour la grande conférence des Nations unies pour l’océan. Il y a promis une révolution bleue, des mers préservées et un élan planétaire pour la biodiversité marine. Dans le même temps, on nous sert pourtant ici une ratification allant exactement dans le sens inverse : elle transforme nos océans en poubelles invisibles pour le CO2 industriel.
Tout le cynisme de la Macronie est là : sanctuariser l’océan au micro, et le sacrifier sous les tuyaux. D’un côté, s’afficher en champion du climat, de l’autre, signer un chèque en blanc aux gros pollueurs pour qu’ils continuent à cracher du carbone tout en promettant de le cacher au fond de l’eau. Derrière votre rhétorique de la neutralité carbone se cache une véritable imposture, car cette neutralité ne vaut qui si l’on diminue en priorité les émissions à la source, avant de songer à les compenser ou à les enfouir.
Ce projet de ratification, pourtant, autorise les gros pollueurs à poursuivre leurs rejets de CO2 industriel dans l’atmosphère en se retranchant derrière le prétendu miracle technique du captage et du stockage – au moyen d’un procédé coûteux et énergivore, comme le Giec, notamment, l’a signalé.
Avec ces technologies, croyez-moi, on ne fait que reculer l’échéance. On sacrifie la réduction réelle des émissions industrielles, tandis que l’argent public est détourné des solutions efficaces, locales et pérennes : sobriété, rénovation, transport vert.
Ce recours au captage n’est pas une avancée ; c’est une carte blanche aux pollueurs, une fuite en avant, la dernière roue d’un capitalisme fossile en pleine déroute climatique. Sous prétexte de capturer du carbone, vous libérez l’impunité.
Ce texte est un permis de polluer grandeur nature. On nous promet un outil transitoire. En vérité, c’est un alibi pour éviter la seule solution efficace – réduire les émissions à la source. Pendant qu’on nous vend le captage et le stockage du carbone comme un miracle technique, on oublie de dire la vérité : ce CO2 liquéfié, comprimé, puis injecté sous la mer, peut fuir et détruire des écosystèmes entiers. Les scientifiques nous alertent : on ne maîtrise ni l’étanchéité à long terme ni les risques pour la biodiversité.
Dans le Mississippi, en 2020, un pipeline de CO2 a explosé. Des habitants ont été asphyxiés, d’autres ont subi de multiples blessures neurologiques. En 2024, en Louisiane, une fuite majeure a entraîné une alerte de confinement dans plusieurs quartiers, révélant les défaillances des dispositifs de surveillance. Et, demain, nous voudrions répliquer cela en Méditerranée, en mer du Nord, sous nos côtes atlantiques ? La mer n’est pas un trou noir pour nos lâchetés industrielles.
Parlons concrètement de ce que ce texte prépare derrière la vitrine : le projet Callisto. C’est ce que nous refusons : un mégaréseau pour capter le CO2 des plus gros sites industriels de la vallée du Rhône, le liquéfier, l’acheminer par pipeline puis par bateau jusqu’en Italie pour l’enfouir dans d’anciens gisements gaziers sous la mer Adriatique, dans une zone connue pour ses risques sismiques et ses inondations violentes. Tout le monde tire la sonnette d’alarme – ONG, écologistes, scientifiques. Voilà ce qu’on appelle une solution ; voilà ce que certains ici osent présenter comme une vitrine de la transition. Le projet Callisto, c’est surtout la vitrine de l’irresponsabilité climatique, celle d’un modèle industriel qui se débarrasse de ses déchets en les balançant chez les voisins, pour éviter de changer en profondeur. (Mme Mathilde Feld applaudit.)
Pire encore : pendant que cette technologie avale des milliards d’euros d’argent public – dont 1 milliard pour le carboduc de la vallée du Rhône –, nos véritables priorités piétinent. Combien de bâtiments sont mal isolés ? Combien de territoires attendent des transports propres ? Combien d’entreprises vertueuses attendent des aides pour réinventer leur production ? On préfère creuser des puits à CO2 pour rassurer Total et Lafarge.
Et pendant qu’ici on vote pour enfouir du carbone, ailleurs on détricote les règles vertes. Depuis des mois, le gouvernement renie ses engagements : abandon des zones à faibles émissions, suspension du dispositif MaPrimeRénov’, dérogations pour les pesticides, pressions européennes pour alléger le pacte vert. Vous parlez d’une pause réglementaire ; moi, j’estime qu’il s’agit d’une capitulation face au capitalisme, signée de la main du gouvernement. Mes chers collègues, ce projet de loi n’a rien d’une transition ; c’est un renoncement en béton armé, l’enterrement de nos promesses sous les océans.
Le groupe Écologiste et social croit en une écologie qui réduit les déchets à la source, qui répare avant de dissimuler, qui préserve avant de contaminer. Dire non à ce texte, c’est dire oui à une mer vivante, à une démocratie respectée et à une planète qu’on ne trahit pas pour des dividendes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit
Alors que la troisième conférence des Nations unies sur l’océan s’est achevée vendredi dernier à Nice, on nous demande d’autoriser la ratification de l’amendement à l’article 6 du protocole de Londres à la convention sur la prévention de la pollution des océans. La convention de 1972 fut l’une des premières à s’intéresser à ce sujet. Avec le protocole de Londres de 1996 qui allait suivre, elle constitue un cadre juridique international pour prévenir la pollution marine et océanique afin de protéger la santé humaine, les ressources biologiques et l’environnement marin.
Ces deux textes définissent des règles strictes encadrant l’enfouissement des déchets dans les zones sous-marines, précisent les modalités de stockage et les catégories de déchets pouvant être séquestrés. Contrairement à la convention de 1972, qui dresse une liste de déchets interdits d’enfouissement, le protocole de 1996 interdit par principe toute immersion de déchets, n’autorisant que quelques exceptions mentionnées dans son annexe.
Avant 2006, l’immersion de dioxyde de carbone n’était pas autorisée. En 2009, l’article 6 du protocole de Londres fut amendé pour autoriser l’exportation transfrontalière de CO2 dans le cadre d’une séquestration sous-marine, à condition qu’un accord soit conclu entre les pays concernés. Quinze ans plus tard, il nous revient d’approuver le texte issu de la commission mixte paritaire, visant à ratifier cette résolution portant amendement de l’article 6 du protocole. Ce projet de loi, adopté au Sénat le 12 février, a été rejeté le 10 avril à l’Assemblée nationale. La CMP, qui s’est tenue en mai, fut conclusive. Le groupe Les Démocrates se réjouit que députés et sénateurs soient parvenus à un accord.
Nous souhaitons l’adoption de ce projet de loi et voterons en ce sens. Son rejet aurait de lourdes conséquences sur la stratégie nationale bas-carbone. Or la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030, par rapport à 1990, et à atteindre la neutralité carbone en 2050. Ces objectifs, ambitieux mais atteignables, exigent la poursuite de nos efforts pour réduire nos émissions grâce aux technologies existantes, notamment celles permettant le captage et la séquestration du CO2.
Si la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas ou l’Italie disposent de sites de stockage, la France n’en aura aucun avant 2028, voire 2030. Cela compromet notre capacité à respecter nos engagements climatiques. Nous devons donc exporter le CO2 capté vers des pays disposant d’installations adaptées. En ratifiant cette résolution, nous autoriserons une telle exportation. Cela facilitera la conclusion d’un partenariat avec la Norvège pour un stockage en mer du Nord, tout en préservant un accès aux capacités de stockage dans les pays disposant des sites adaptés pour nos entreprises.
Je ne vous cacherai pas qu’initialement, je me suis interrogée sur la logique et l’éthique d’un tel processus ; j’ai même été tentée de voter contre ce projet de loi. Mais j’ai ensuite analysé les conséquences d’un refus de ratification. Elles sont nombreuses, et loin d’être anodines.
D’abord, sur le plan climatique : sans capacité nationale de stockage, sans possibilité d’exportation, nous serions dans l’impossibilité d’atteindre nos objectifs pour 2030 et 2050. (M. Benoît Biteau s’exclame.)
Ensuite, sur le plan économique : les entreprises qui prévoient d’exporter leur CO2 recevront des fonds européens uniquement si le projet de loi est adopté – sans ratification, l’aide ne sera pas fournie.
Enfin, refuser d’adopter ce projet de loi porterait un coup d’arrêt majeur au développement de la filière française de captage et stockage du carbone. Des secteurs entiers – chimie, ciment, chaux, aluminium – seraient fragilisés ; sans alternative technologique, ils seraient incapables de se décarboner. Pour toutes ces raisons, je le répète, le groupe Les Démocrates votera pour ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Lacombe.
M. Xavier Lacombe
Nous avons déjà examiné ce texte à plusieurs reprises, ici comme en commission. La version sur laquelle nous devons voter est identique à celle débattue en première lecture le 10 avril dernier. Il s’agit donc d’adopter définitivement ce texte, dans le prolongement des conclusions de la commission mixte paritaire.
Même si le rapporteur l’a déjà très bien fait, je souhaite rappeler brièvement le contexte dans lequel s’inscrit ce texte : le protocole de Londres de 1996, conclu sous l’égide de l’Organisation maritime internationale, interdit par principe le rejet de déchets en mer, sauf exceptions strictement encadrées. Une première évolution est intervenue en 2006, avec l’autorisation du stockage sous-marin de CO2. En 2009, la résolution LP.3(4), objet du présent projet de loi, a autorisé le transfert transfrontalier de CO2 capté pour séquestration géologique.
Ratifier cette résolution est devenu indispensable. La lutte contre le changement climatique se heurte à des émissions dites incompressibles – notamment dans la sidérurgie, la fabrication de ciment ou de chaux et la chimie lourde – pour lesquelles il n’existe pas encore d’alternative technologique à grande échelle.
Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, nous devons activer tous les leviers : la sobriété, l’électrification, la préservation des puits naturels sont essentielles, mais ne suffisent pas à traiter les émissions résiduelles. C’est là que le procédé de captage et de stockage du carbone prend tout son sens. Cette technologie, désormais éprouvée, permet de capter le CO2 à la sortie des installations industrielles, de le transporter puis de l’injecter dans des formations géologiques profondes, où il est durablement piégé. Le projet Sleipner en Norvège en est un exemple : plus de 20 millions de tonnes y ont été stockées depuis 1996, sous contrôle indépendant.
Le projet de loi que nous examinons lève un verrou juridique. Il permettra aux entreprises françaises de transporter leur CO2 vers des sites de stockage étrangers, comme ceux de Norvège ou du Danemark, avec lesquels des accords ont été signés en 2024. Ce n’est pas un blanc-seing mais un cadre sécurisé fondé sur des coopérations internationales, des garanties de traçabilité et une répartition claire des responsabilités.
C’est d’autant plus urgent que la France ne disposera pas de site de stockage opérationnel avant 2030, dans le meilleur des cas, alors que plusieurs projets industriels sont prêts – comme celui d’Eqiom, de Lhoist, ou le projet D’Artagnan – soutenus par des financements européens. Ce texte est donc un véritable outil de souveraineté industrielle.
Je comprends que cette technologie suscite encore des interrogations quant à son coût, son efficacité, son acceptabilité. En tant que rapporteur du texte en première lecture, je les ai entendues. Mais les faits sont là : dans notre stratégie nationale bas-carbone comme au niveau européen, le CSC est reconnu comme un levier sûr et incontournable, qui pourrait représenter jusqu’à 13 % de l’effort de décarbonation.
Ce texte n’impose rien : il ouvre une possibilité dans un cadre rigoureux. Il vient compléter les autres leviers d’une stratégie globale pour une industrie verte, une compétitivité durable et une transition maîtrisée. En somme, c’est un texte de méthode et de cohérence ; il place la France aux avant-postes de l’innovation climatique, et offre de la visibilité à nos industriels.
C’est pourquoi, en toute responsabilité et en toute lucidité, le groupe Horizons & indépendants appelle à son adoption. (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur le projet de loi tel qu’il résulte de la CMP.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Nous devons à nouveau nous prononcer sur un texte que nous avons déjà eu l’occasion d’examiner il y a deux mois. On comprendra donc que les arguments développés à l’époque n’ont pas eu le temps de vieillir et demeurent d’actualité.
La convention de Londres de 1972 et le protocole de 1996 constituent le cadre international de prévention de la pollution marine causée par l’immersion des déchets. Cette réglementation, pilotée par l’Organisation maritime internationale, a évolué progressivement pour interdire l’immersion de certaines substances dangereuses et encadrer strictement le rejet en mer d’autres matières résiduelles.
Le projet de loi vise, à rebours de cette logique, à autoriser la ratification de la résolution adoptée en 2009, portant amendement à l’article 6 du protocole, afin de permettre l’exportation transfrontalière de flux de dioxyde de carbone en vue de leur séquestration géologique sous-marine. Cette modification a pour but officiel d’offrir une solution supplémentaire à la réduction des émissions de CO2 tout en garantissant, en principe, l’absence d’impact négatif sur les écosystèmes marins.
De nombreux pays européens, à l’instar de la Norvège et des Pays-Bas, ont déjà développé des infrastructures permettant ce type de stockage sous-marin.
Nous connaissons les arguments des uns et des autres. Certains mettent en avant la nécessité de recourir à cette technique. La France, ne disposant pas de capacités suffisantes de stockage sur le territoire national, pourrait ainsi avoir recours à l’exportation temporaire de CO2 pour répondre à ses engagements climatiques. En effet, l’activité de tout un pan de l’industrie aboutit à des émissions incompressibles de CO2. En somme, l’enfouissement sous-marin est donc une technique qui permet à la France d’atteindre ses objectifs de décarbonation à l’horizon 2030 et 2050 et, in fine, vue sans doute optimiste, de lutter contre le dérèglement climatique.
Pour garantir un cadre strict et sécurisé, l’amendement impose plusieurs conditions essentielles, comme le fait qu’un accord ou un arrangement doive être conclu entre les pays concernés, ou encore que les conditions de stockage respectent les mêmes exigences environnementales que celles imposées par le protocole de Londres. C’est heureux.
Cependant, il est nécessaire d’établir des points d’alerte. Tout d’abord, le captage et le stockage du carbone ne doivent pas être un prétexte pour maintenir un modèle industriel polluant. En d’autres termes, cette ratification ne doit pas empêcher de continuer à mettre en œuvre des alternatives plus durables. Il est essentiel que cette approche s’inscrive dans une stratégie plus large, combinant réduction des émissions, innovation industrielle et construction d’infrastructures de stockage sur le territoire national. Il est surtout légitime de se poser la question de savoir si les énormes moyens engagés dans l’enfouissement ne seraient pas plus efficaces s’ils étaient investis dans l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables.
En toute hypothèse, des garanties solides doivent être apportées sur les conditions de stockage. Il est prévu que l’exportation ne pourra se faire qu’entre États appliquant les normes du protocole de Londres, mais des mécanismes de suivi et de contrôle rigoureux devront être mis en place pour éviter les risques de fuite ou de pollution. Nous ne pouvons que répéter ce que nous avons déjà dit en première lecture, et à plusieurs reprises, car nous avons déjà eu à débattre de la sauvegarde des fragiles fonds sous-marins : les implications de cette ratification doivent être examinées sous l’angle de la protection des écosystèmes. Des scientifiques de haut niveau ont souligné l’impact fortement négatif que ne manqueront pas d’avoir ces stockages sur les équilibres physico-chimiques et biologiques. Les milieux océaniques et marins, déjà confrontés aux effets du changement climatique, nécessitent une vigilance permanente et j’ai sous les yeux l’évolution contemporaine, peu réjouissante, de la Méditerranée. Nous devons tenter d’éviter les impacts négatifs, déjà multiples, sur cet environnement si fragile.
Il faut savoir regarder l’évolution des choses. Nous savons très bien que la logique profonde et ultime de la croissance se heurtera inéluctablement aux limites physiques de notre milieu de vie. On ne peut croître indéfiniment dans un univers clos, c’est aussi simple et aussi redoutable que cela. Face aux signes avant-coureurs et dévastateurs que nous percevons, nous avons à inventer un mode de régulation dont beaucoup d’entre nous refusent les contraintes et même quelquefois la nécessité, mais qui s’imposera plus vite qu’on ne pense.
À l’évocation de toutes ces restrictions, vous comprendrez que ce qui nous est proposé ici ne suscite pas un enthousiasme particulier au sein du groupe LIOT. La majorité de ses membres votera contre ce texte.
M. Hervé Berville, rapporteur
Contre ? Castellani ! La sagesse corse a disparu ! Et en plus il quitte l’hémicycle !
Mme la présidente
La parole est à M. Édouard Bénard.
M. Édouard Bénard
Nous sommes invités à nous prononcer sur un texte adopté par le Sénat en février et rejeté par l’Assemblée en avril. Il autorise la ratification d’une résolution portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres, dont l’objet est d’autoriser l’exportation ou l’importation de dioxyde de carbone à des fins de séquestration géologique, y compris sous-marine. Il s’inscrit à cet égard dans la continuité de deux accords bilatéraux signés en 2024 avec la Norvège puis avec le Danemark.
Si l’accord avec la Norvège concerne essentiellement une coopération commerciale visant à faciliter la mise en relation des entreprises spécialisées dans le stockage de dioxyde de carbone, l’accord franco-danois prévoit explicitement le transport transfrontalier de CO2 à des fins de stockage géologique permanent. D’autres projets d’accord sont en cours avec l’Italie et avec la Grèce.
Le sujet qui nous occupe soulève des interrogations. Nous n’avons pas, pour ce qui nous concerne, d’opposition de principe au développement des technologies de stockage de carbone, que le Giec lui-même considère comme une option crédible pour contribuer à la réduction des émissions provenant de grands systèmes industriels ou énergétiques. L’Agence de la transition écologique a mis en évidence que, compte tenu des effets néfastes du transport de CO2 au-delà de 200 kilomètres, les sites de stockage devraient être les plus proches possible des sources d’émissions. Or vous nous proposez d’exporter du CO2 pour qu’il soit stocké en mer du Nord. Une fois de plus, le milieu marin va servir d’exutoire pour les déchets résultant des activités humaines. Une fois de plus, la France va se décharger de ses responsabilités et du poids de son inaction sur des pays tiers. Notre pays n’aura pas à assumer la responsabilité de garantir que de telles activités ne nuisent pas aux écosystèmes marins. Il s’en remettra au dispositif de surveillance mis en place par d’autres États, au risque de diluer sa responsabilité environnementale car le stockage souterrain comme sous-marin n’est pas sans risques pour l’environnement : risque de fuite, sismicité induite, pollution des nappes et j’en passe.
Nous ne pouvons souscrire à cette approche qui sert d’alibi aux industriels pour continuer à émettre massivement du CO2 plutôt que d’investir dans la décarbonation de leur outil de production. Les solutions de captage et de stockage de carbone ne sont pas à proscrire mais elles ne doivent servir que de solution palliative, ne concerner en somme que les émissions résiduelles inévitables. Elles n’ont pas vocation à servir de subterfuge.
Or c’est exactement ce qui nous est proposé. L’objectif est limpide : ouvrir à nos entreprises industrielles les plus émettrices l’accès au marché du stockage international, afin de leur offrir une alternative compétitive face à l’augmentation des quotas de carbone en Europe.
Nous avons devant nous d’immenses défis à relever en matière de lutte contre le réchauffement climatique et d’adaptation aux conséquences de ce changement. Nous devons donc investir massivement dans la sortie des hydrocarbures et l’électrification des usages, dans l’efficacité et la sobriété énergétique – une sobriété choisie et non subie –, dans l’accompagnement des entreprises, des agriculteurs, des salariés, pour gagner le pari d’une transition socialement et économiquement juste.
Je vois bien que, pour vous, l’enjeu est ailleurs : il est de promouvoir une réponse à courte vue qui exonère notre pays des efforts nécessaires, en particulier financiers, en matière de réduction effective de ses émissions, y compris des émissions importées qui représentent plus de la moitié de notre empreinte carbone.
En première lecture, nous avions voté contre ce projet de ratification. Comme nous restons convaincus que cacher la poussière sous le tapis, ou le carbone sous les océans, n’est pas à la hauteur des enjeux, nous maintiendrons bien entendu notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Alexandra Masson.
Mme Alexandra Masson
Le projet de loi visant à ratifier l’amendement à l’article 6 du protocole de Londres de 1996 a été présenté comme un pas en avant pour la protection du climat. Au cours de nos débats en commission des affaires étrangères, comme en CMP, il est pourtant apparu évident qu’il ne fallait pas se laisser tromper par des discours simplistes. Derrière cette proposition de ratification se cache en effet une réalité : la banalisation de l’immersion de déchets au fond des mers.
Cet amendement du protocole de Londres autorise l’exportation du CO2 liquéfié vers des pays capables de le stocker dans les fonds marins. En d’autres termes, faute d’avoir développé ses propres capacités de stockage, la France s’apprête à envoyer ses émissions de CO2 sous les océans en dehors de son espace maritime. Ce qui est présenté comme une solution propre est, en réalité, une manière déguisée de repousser le problème hors de nos frontières, dans les profondeurs de la mer.
Tout cela relève aussi d’un manque criant de stratégie nationale : le pays aurait dû depuis longtemps investir dans des plateformes offshore sur ses propres espaces. Les océans ne doivent pas devenir des zones où l’on enfouit ce que l’on ne sait plus gérer sur terre. Les fonds marins abritent en effet une biodiversité précieuse, fragile, souvent encore méconnue et essentielle à l’équilibre de la planète.
Au lendemain de la conférence des Nations unies sur l’océan, qui s’est déroulée à Nice et à laquelle j’ai participé comme représentante du groupe Rassemblement national, je suis convaincue que la France doit délivrer un message clair : il faut protéger la mer et les océans plutôt que valider une pratique qui institutionnalise l’enfouissement sous-marin de nos déchets atmosphériques.
Au Rassemblement national, nous avons toujours défendu dans le même temps développement économique et gestion des ressources. C’est également pourquoi nous nous sommes opposés, au Parlement européen, au pacte vert pour l’Europe – il y a tout juste un mois, notre collègue Guillaume Bigot a déposé une proposition de résolution européenne relative à sa suspension temporaire. Il nous faut tous penser écologie soutenable, laquelle doit accompagner les industries au lieu de les sanctionner. Il nous faut également afficher clairement la volonté de produire en France et en Europe.
L’Union européenne crée un gouffre de compétitivité qui se creuse avec la Chine et les États-Unis. Si la France continue dans cette voie, c’est l’avenir de nos industries qui sera définitivement en péril. Comment reprocher aux industriels de pratiquer la capture et le stockage du carbone alors que, dans le même temps, l’Europe leur impose des contraintes normatives toujours plus fortes en favorisant un plan qui prône la décroissance, condamne l’industrie et la politique énergétique de la France ? Négocié main dans la main entre le bloc central et la gauche, au Parlement européen, le pacte vert est probablement l’un des plus grands plans de décroissance qu’ait connus notre continent durant ces cinquante dernières années. En consacrant l’idéologie verte au mépris de la raison et de notre souveraineté, il enferme l’Europe dans une économie de consommation et nous relègue à la marge du monde. (Bruit croissant de conversations jusqu’à la fin de l’intervention.)
Cependant, s’il est impossible aux industriels français de stocker leur CO2 dans les sites de stockage européens disponibles, la compétitivité française sera fragilisée. Les bassins industriels avec de fortes concentrations d’émetteurs, comme les zones portuaires de Dunkerque et du Havre, risquent de perdre en compétitivité et en attractivité au profit de la zone portuaire de Rotterdam où, je l’ai indiqué tout à l’heure, se situeront les terminaux et compresseurs des projets Porthos et Aramis, dont le démarrage est prévu en 2027 pour le premier et 2030 pour le second.
En clair, sans la ratification de l’amendement de l’article 6 du protocole de Londres, la France risque de voir ses industries se relocaliser ailleurs en Europe, faute d’avoir les moyens de se décarboner en France. Au-delà de la perte de compétitivité par rapport à ses voisins européens, la France creuserait encore davantage son écart d’attractivité avec les États-Unis, où le coût de l’énergie est trois fois inférieur.
Nous voterons donc évidemment en faveur de ce projet de loi, mais nous espérons que les choses n’en resteront pas là et que d’autres solutions très différentes de celles proposées aujourd’hui seront développées à l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 408
Nombre de suffrages exprimés 368
Majorité absolue 185
Pour l’adoption 261
Contre 107
(L’ensemble du projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
5. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 (nos 463, 1522).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 658 portant article additionnel après l’article 1er.
Après l’article 1er (suite)
Mme la présidente
Nous continuons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 1er. L’amendement no 658 n’étant pas défendu, la parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir l’amendement no 193.
M. Maxime Laisney
Nous reprenons le travail sur la proposition de loi Gremillet, en espérant qu’il permette d’amender la troisième édition de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3).
Par le présent amendement, nous proposons de construire un pôle public de l’énergie, mais je voudrais en profiter pour revenir sur la discussion d’hier concernant les prix de l’électricité.
Nous avons acté, dans les articles précédents, le fait que les tarifs de l’électricité doivent refléter les coûts de production et non plus les fluctuations du marché. Il me semble important que, d’ici à la fin de l’année, le gouvernement dédie un projet de loi à cette question. En effet, dans le cadre de la mission d’information sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État, lancée en commission des affaires économiques, nous avons constaté que, mis à part le Medef, personne ne soutient le mécanisme post-Arenh – accès régulé à l’électricité nucléaire historique – imposé par 49.3 par le gouvernement. Tous les acteurs que nous avons auditionnés disent que ce mécanisme, également appelé VNU – versement nucléaire universel –, est un parapluie percé et trop haut, qui entraîne une perte totale de visibilité sur les tarifs.
D’abord, il expose presque intégralement l’ensemble des consommateurs au mécanisme de marché. Ensuite, les seuils de taxation prévus sur les surprofits nucléaires d’EDF sont inconnus, et le produit de cette taxe est impossible à déterminer à l’avance, si bien que l’on ne sait pas quelle enveloppe il sera possible de ventiler. Enfin, cette ventilation, sous forme de ristourne appliquée aux montants payés par les consommateurs, n’est pas non plus connue à l’avance.
Dans l’accord de novembre 2023 entre l’État et EDF, préparé par Bruno Le Maire – il tient sur une page et demie, et n’est même pas signé –, le gouvernement prévoit que la taxation des surprofits nucléaires d’EDF tienne compte de deux éléments.
D’abord, les seuils s’ajusteraient au coût du nucléaire existant, compris entre 60 euros par mégawattheure suivant la dernière estimation de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui doit rendre une nouvelle copie en juillet, et 75 euros suivant la volonté d’EDF. Nous avons appris aujourd’hui que le gouvernement allait proposer une méthodologie pour mettre la CRE et EDF d’accord.
Ensuite, il faut également prendre en considération la dette d’EDF, qui s’élève à 55 milliards d’euros et dont on ne connaît pas le rythme d’apurement, l’investissement dans la prolongation des réacteurs existants – 4 à 5 milliards par an jusqu’en 2028, mais on ne sait pas ce qu’il en sera après – et l’investissement dans le nouveau nucléaire, que la Cour des comptes estime à au moins 80 milliards d’euros.
Ainsi, un premier seuil de taxation se situerait autour de 90 euros par mégawattheure, au lieu des 42 euros de l’Arenh. Nous ne sommes pas des partisans de l’Arenh, mais ces 42 euros tiraient les factures vers le bas, tandis que le seuil de 90 euros fera exploser les factures et perdre toute visibilité sur les prix aux consommateurs, qui devront régulariser des sommes énormes à l’issue d’une année de consommation.
Je demande donc au gouvernement si, avant que votre fichu mécanisme n’entre en vigueur en janvier prochain avec l’extinction de l’Arenh, il pourra nous présenter un projet de loi consacré au prix de l’électricité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques
Avis défavorable, pour les raisons que l’on a évoquées hier. Sur le fond, je suis totalement opposé à votre orientation.
M. Matthias Tavel
Ça tombe bien, c’est réciproque !
M. Antoine Armand, rapporteur
Sur la forme, inscrire dans la loi l’idée d’un pôle public de l’énergie sans spécifier ce que signifie ce terme, ni quelle énergie est comprise, n’est pas opérationnel.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Même avis.
(L’amendement no 193 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 66, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement.
M. Maxime Amblard
Chers collègues, je vous dois des excuses : hier soir, la fatigue aidant, j’avais défendu le mauvais amendement. Rassurez-vous, l’occasion m’est donnée de rectifier cet écart, tandis que vous pouvez vous rattraper sur votre vote. Une fois n’est pas coutume, vous avez une seconde chance de sortir de l’hypocrisie et de faire enfin un choix pragmatique et adulte pour financer notre décarbonation et réduire notre dépendance aux importations, en autorisant la France à explorer et à exploiter ses propres ressources en hydrocarbures, dans le respect de nos normes.
Je ne reprendrai pas le long argumentaire que j’ai présenté hier, dans l’espoir que cela nous épargnera également d’être traités de carbofascistes par des écolos bobos hypocrites qui ne manquent pas d’imagination pour s’enfoncer toujours plus dans le ridicule. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Très défavorable, comme en commission. Le but est de sortir des énergies fossiles le plus vite possible. Par ailleurs, consentir des investissements de cette nature, au vu des délais, n’aurait aucun sens économique.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Cet amendement est très important car il vise à revenir sur la loi Hulot de 2017, qui avait interdit l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures en France, dans le sous-sol comme en mer, en métropole comme en outre-mer. L’enjeu principal est notre zone économique exclusive (ZEE) en outre-mer qui, vaste de 11 millions de kilomètres carrés, représente le deuxième espace maritime mondial.
La loi Hulot a interrompu l’exploration des hydrocarbures au large de la Guyane en 2019, de même que les prospections dans le canal du Mozambique, au large des îles Éparses. Cette dernière zone est très prometteuse pour la découverte de gaz en eaux ultraprofondes, suivant les données sismiques 3D et les forages qui y ont été réalisés. D’autres zones n’ont pas encore été explorées, ou très peu, notamment celles qui se trouvent au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. Pierre Cordier
On pourrait y ajouter une prison aussi !
M. Matthias Renault
Je saisis l’occasion de dire que, suivant l’annonce faite par Emmanuel Macron en 2022, la France s’apprête, plus généralement, à renoncer à l’exploitation minière des grands fonds marins, en particulier à celle des très stratégiques nodules polymétalliques : cobalt, nickel, cuivre, manganèse et terres rares. Ces matériaux permettent la production de batteries, contribuent à l’industrie électronique et à celle de la défense. Pendant ce temps, la Chine, dont l’espace maritime est beaucoup plus réduit que celui de la France – 4 millions de kilomètres carrés de ZEE contre 11 –, sécurise ses contrats d’exploration de nodules.
M. Matthias Tavel
Vous n’avez qu’à aller en Chine !
M. Matthias Renault
Parenthèse fermée, l’amendement vise bien l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures. Dans ce domaine aussi, on s’est tiré une balle dans le pied en les interdisant en 2017. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 66.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 135
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 56
Contre 79
(L’amendement no 66 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 71 et 39, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 582, par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 71.
M. Maxime Amblard
Il vise à préciser ce que l’on entend par « filières industrielles de la croissance verte », une expression obscure et floue, en indiquant que ces filières appartiennent aux « secteurs du nucléaire, de l’hydroélectricité, de la géothermie, de la valorisation de la biomasse, des pompes à chaleur, de l’hydrogène et de la rénovation thermique des bâtiments ». Dans cette liste se trouve l’essentiel des filières dont la structuration permettra de décarboner efficacement notre mix énergétique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je suis d’accord que cette mention de la « croissance verte » est pour le moins obscure. Je pense néanmoins qu’on ne peut pas entrer dans le détail des secteurs concernés, énergie par énergie, comme je l’ai indiqué en commission. Je demande donc le retrait de l’amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Pierre Cordier
Le roi du pétrole !
M. Jean-Philippe Tanguy
Je voudrais revenir sur ce qui vient de se passer s’agissant des hydrocarbures – il en est allé de même hier soir.
Ni le rapporteur ni le ministre ne peuvent évacuer l’enjeu du pétrole et du gaz, qui représentent 40 % de notre approvisionnement énergétique et dont nous avons encore besoin, non pas à cause de nous, mais à cause de votre politique qui, depuis le choc pétrolier de 1973, nous a rendus dépendants de ces énergies fossiles. Vous n’avez pas de politique ! Nous examinons une proposition de loi de programmation de la stratégie énergétique de la France et la réponse du gouvernement est : « Pas de commentaire. » J’en déduis que vous n’avez pas de stratégie relative au pétrole et au gaz pour la France. Est-ce là la position du gouvernement ? Nous sommes de plus en plus dépendants des importations, non seulement de pétrole, mais de produits pétroliers, puisque vous n’avez pas de stratégie pour les raffineries françaises.
D’ailleurs, dans quel état est la raffinerie de Donges, fermée tant elle avait pris de retard en matière de normalisation et de sécurité ? Où en est-elle ? Votre cabinet, monsieur le ministre, comme celui de votre prédécesseure, ne veut pas répondre à ce sujet.
Quelle est donc votre politique ? Faire tourner le moulin à prières en psalmodiant « Il faut sortir des fossiles ! Il faut sortir des fossiles ! » ne constitue pas une politique. Quelle est votre politique énergétique ? Votre politique à l’égard de Total, qui annonce régulièrement vouloir quitter la France ? De ceux qui exploitent du pétrole en France ? Des fonds guyanais ? Du projet mahorais – l’avez-vous laissé aux concurrents de la France en Afrique ?
Quelle est votre politique ? Cela fait deux fois que vous dites : « Pas d’avis. »
M. Marc Ferracci, ministre
J’ai dit : « Même avis » !
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est très inquiétant, monsieur le ministre. On peut bien vouloir faire croire aux Français que l’on peut se passer des fossiles, mais c’est faux. À ceux d’en face, qui passent leur vie à affirmer qu’ils s’opposent aux énergies fossiles, je demande : comment vous déplacez-vous ?
Mme Julie Laernoes
À pied, à vélo, en métro et en train !
M. Jean-Philippe Tanguy
Quand Rima Hamas va en Israël, de quelle énergie se sert-elle ? (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) S’y rend-elle en avion solaire ? Je ne crois pas, non : elle se sert des fossiles comme tout le monde ! Si l’on examinait la composition de vos habits, je pense qu’on constaterait que quelques-uns sont en acrylique, donc fabriqués avec du pétrole, et je ne parle même pas de ce qui doit se trouver chez vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Je reviens à l’amendement no 71 pour soutenir le rapporteur. Dans la liste que vous avez établie, monsieur Amblard, vous avez oublié deux énergies, l’éolien et le solaire – on sait que vous n’en êtes guère friands. Si l’on dresse une liste, autant qu’elle soit complète !
Monsieur Tanguy, l’amendement no 66 visait à mobiliser temporairement les ressources fossiles. Mais vous conviendrez, comme vous l’a dit le rapporteur, que lorsqu’on se lance dans de tels investissements, ce n’est pas pour agir de manière temporaire !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 71.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l’adoption 61
Contre 82
(L’amendement no 71 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Maxime Amblard
Le 6o de l’article L. 100-2 du code de l’énergie tend à « assurer l’information de tous et la transparence, notamment sur les coûts […] des énergies », mais ne précise pas la nature de ces coûts. Je propose donc, pour disposer d’une vision complète et en cohérence avec ce qui a été voté hier au sujet de l’article L. 100-1, de préciser qu’il s’agit des « coûts systèmes des énergies », qui en couvrent la production, le transport, la distribution et le stockage, et de prendre en considération les impacts non seulement sanitaires, sociaux et environnementaux mais aussi économiques de ces investissements. Ces impacts peuvent toucher toute notre économie, car toutes les énergies ne se valent pas, et celles dont le développement coûte trop cher peuvent enfumer notre économie et la faire piétiner, faisant pâtir tous les Français.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
L’amendement est satisfait par la nouvelle rédaction de l’article L. 100-1, dans laquelle figure exactement la décomposition des coûts en question. Je demande donc le retrait de l’amendement, sans quoi je m’y opposerai.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 39.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 143
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l’adoption 62
Contre 79
(L’amendement no 39 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Maxime Amblard
Me revoilà pour bousculer quelques-unes de vos certitudes ! Non, la meilleure énergie n’est pas celle que nous ne consommons pas, mais celle que nous consommons, et la plus vertueuse est celle que nous ne gaspillons pas. Pourquoi ? Parce que l’énergie est ce qui nous permet de vivre, de produire, de créer, de nous déplacer, de nous chauffer, de nous éclairer. En somme, elle est la condition matérielle de la satisfaction de nos besoins.
Cela se vérifie assez facilement : il existe dans le monde un rapport de proportion direct entre la consommation d’énergie primaire et la production de valeur ajoutée : plus un pays consomme d’énergie, plus il crée de richesse ; plus il crée de richesse, plus le confort de sa population augmente ; plus ce confort augmente, plus l’avenir est prospère. Alors oui, nous assumons d’affirmer que l’énergie consommée n’est pas le problème !
Mme Julie Laernoes
Ça s’appelle nier le réchauffement climatique !
M. Maxime Amblard
Ce qui pose problème est l’énergie gaspillée, celle que l’on produit, transporte et paie et qu’on laisse s’échapper sans qu’elle ait jamais servi à quoi que ce soit.
C’est pourquoi le présent amendement tend à remplacer une formule vague et idéologisée – « économies d’énergie » – par une expression plus précise et concrète : « lutte contre le gaspillage énergétique ». Derrière les mots, en effet, il y a une philosophie. Parler d’économies d’énergie sans nuance, c’est soit, pour certains, véhiculer une vision décroissante du progrès humain, soit, pour d’autres, tenter de camoufler une incompétence qui nous mène dans le mur. In fine, c’est présenter la consommation comme une faute. Or la faute est de gaspiller, non de se chauffer, de se déplacer ou de se divertir.
M. Matthias Tavel
Nous divertir, vous le faites très bien !
M. Maxime Amblard
Suivant cette logique, nous défendons l’efficacité, non l’austérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
De deux choses l’une.
On peut s’accorder sur l’idée qu’il faut produire davantage d’énergie décarbonée pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050 et donc, si l’on examine les ordres de grandeur, qu’il faut réduire nos consommations. Quelles que soient nos positions respectives, les ordres de grandeur commandent d’admettre qu’il faut à la fois réduire nos consommations et augmenter la production d’énergies décarbonées. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les scénarios établis par l’ensemble des instituts, même les plus favorables à la production d’énergies décarbonées.
On peut aussi s’opposer à cette idée. Si c’est votre cas, alors cet amendement tend à affirmer qu’il faut cesser toute économie d’énergie et toute réduction de la consommation d’énergie – je vous laisserai préciser votre pensée à ce sujet, cher collègue. Sinon, l’amendement vise simplement à remplacer le mot « sobriété » par l’expression « lutte contre le gaspillage ». Le premier terme dispose d’une définition très claire, partagée par de nombreux instituts, l’ensemble des experts, notamment des économies d’énergie, et les énergéticiens. En revanche, le terme de gaspillage – nous avons déjà abordé le sujet en commission – n’entretient aucun lien avec les grandeurs physiques, même si sa connotation morale, que j’entends, n’est pas inintéressante.
Je demande donc le retrait de l’amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Amblard.
M. Maxime Amblard
Il y a peut-être une subtilité supplémentaire dans ma démarche par rapport aux discussions qui ont eu lieu en commission : j’avais en effet déposé deux fois le même amendement, une première version ciblant le terme de sobriété, l’autre, l’expression « économies d’énergie ». En l’occurrence, le présent amendement concerne cette dernière expression.
Justement, je suis d’accord avec vous : nous allons diminuer notre consommation d’énergie, d’abord grâce à l’efficacité énergétique, notamment par l’électrification des usages, ensuite, peut-être, grâce à un peu de sobriété. Mais, en soi, faire des économies pour faire des économies ne veut rien dire ! Comme j’ai cherché à le montrer précédemment, il est plus intéressant d’évoquer la lutte contre le gaspillage, qui renvoie à la complémentarité de l’efficacité et de la sobriété, plutôt que de seulement parler d’économies d’énergie, une expression un peu vaseuse qui mériterait d’être modifiée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Olga Givernet.
Mme Olga Givernet
Le modèle du Rassemblement national est complètement éculé. On peut faire de la croissance en décarbonant et en consommant moins d’énergie, comme nous l’avons montré ces dernières années par nos plans de sobriété. Il faut certes continuer à lutter contre le gaspillage, mais il est tout aussi important de créer de systèmes plus vertueux, qui favorisent tant la sobriété que l’efficacité. (M. Jean-François Rousset applaudit.)
(L’amendement no 35 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim, pour soutenir l’amendement no 582.
M. Karim Benbrahim
La guerre en Ukraine a mis en évidence certaines de nos vulnérabilités. Je pense en particulier à celle dont pâtit notre approvisionnement énergétique, qui ne doit pas porter atteinte à la capacité de la République de défendre ses valeurs et intérêts fondamentaux. Notre politique énergétique ne devrait pas non plus nous conduire à financer des États qui nous sont hostiles ; or nous savons que nos importations énergétiques sont fortement liées à des pays qui mènent des combats contraires à nos intérêts et à nos valeurs.
L’amendement vise donc à inscrire dans l’article L. 100-2 du code de l’énergie l’objectif d’une « réduction de nos importations et de nos dépendances énergétiques avec des pays dont la politique internationale porte atteinte aux valeurs et intérêts fondamentaux de la République française. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme Sandrine Runel
Bravo !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
À première vue, mon avis ne peut être que favorable. C’est beau comme l’antique ! Oui, chacun peut adhérer à l’idée que les pays dont la politique internationale porte atteinte aux « valeurs et intérêts fondamentaux » de la France doivent être écartés de nos échanges énergétiques.
Je vous passe la référence à la Constitution, qui dispose qu’il revient au président de la République de conduire la politique internationale de la France – on peut discuter de l’application de ce principe aux échanges d’énergie.
Avant de donner un avis, je vous renvoie la question. Premièrement, pouvez-vous faire la liste des « valeurs et intérêts fondamentaux de la République française » ? Deuxièmement, une fois que vous l’aurez dressée, pouvez-vous établir celle des pays qui leur portent atteinte par leur politique internationale ? Par exemple, les États-Unis et la Chine en font-ils partie ? Je pourrais encore évoquer bien d’autres pays, dont l’ajout à cette liste, si votre amendement était voté, aurait des conséquences tout à fait gigantesques, non seulement sur notre diplomatie mais encore sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique de nos compatriotes.
Soit la portée de cet amendement est nulle, soit elle est au contraire considérable et devrait être spécifiée. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Je vous invite à relire l’amendement. Il ne tend pas à en finir avec toute importation d’énergie depuis ces pays mais uniquement à réduire de telles importations. Il faut bien, en effet, prendre en compte la réalité économique et énergétique dans la conduite de notre politique.
Vous m’interrogez sur les valeurs de la République. Elles sont simples : il s’agit de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Vous me demandez quels pays portent atteinte à nos intérêts fondamentaux. Ne voyez-vous pas que la guerre menée par la Russie de Vladimir Poutine en Ukraine est contraire aux intérêts des démocraties européennes ? Je crois que les réponses aux questions que vous posez sont assez évidentes. La loi n’a pas vocation à établir une liste exhaustive des pays et valeurs concernés. C’est l’action du gouvernement qui devra être menée conformément aux principes fixés dans cet article du code de l’énergie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Nous avions déposé plusieurs amendements allant dans le même sens que celui de M. Benbrahim et le rapporteur s’était engagé à revenir vers nous. Il y a tout de même un paradoxe énorme à dire, la main sur le cœur, que nous soutenons l’Ukraine, tout en continuant à soutenir la Russie à travers des contrats massifs : en 2024, on a versé 2,68 milliards d’euros pour le GNL – le gaz naturel liquéfié – russe, un tiers de notre uranium enrichi provient toujours de la Russie et nos principaux fournisseurs d’uranium naturel sont, eux-mêmes, sous influence stratégique de ce pays. Il est temps de mettre en accord nos valeurs, nos déclarations et nos actes. Il est donc essentiel de voter cet amendement qui, comme l’a dit mon collègue, ne vise pas à une interdiction pure et simple – comme je l’ai proposé par ailleurs dans une proposition de résolution –, mais propose d’y tendre. Il me semble que c’est la moindre des choses quand on prétend joindre les paroles aux actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
À nos collègues qui disent que la parole doit déterminer nos actes, je rappelle que quand nous avons voté afin de permettre d’installer en urgence un nouveau terminal gazier pour pallier notre dépendance au gaz russe – ce n’est pas si vieux, ce terminal est entré en fonction l’année dernière –, ils ont voté contre, les associations écologistes notamment étant montées au créneau. Ce terminal est aujourd’hui en service et nous permet de réduire notre dépendance de 10 %. Soyez donc un peu cohérents, chers collègues, et quand vous parlez de réduire notre dépendance, commencez par le faire aussi !
Mme Julie Laernoes
Vous oubliez le gaz de schiste américain !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 582.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 150
Nombre de suffrages exprimés 149
Majorité absolue 75
Pour l’adoption 52
Contre 97
(L’amendement no 582 n’est pas adopté.)
Article 1er bis
Mme la présidente
L’article 1er bis a été supprimé par la commission. Je suis saisie de trois amendements, nos 100, 692 et 586, tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Pierre Taite, pour soutenir l’amendement no 100 qui fait l’objet d’un sous-amendement.
M. Jean-Pierre Taite
Cet amendement vise, afin de redonner au monde rural et aux territoires ruraux la place qu’ils n’auraient jamais dû quitter, à rétablir cet article introduit par le Sénat dans la rédaction suivante : « Garantir aux foyers, notamment ruraux, ne disposant pas d’une solution de raccordement adaptée à un réseau de chaleur, de gaz ou d’électricité, l’accès à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources […] ».
Les zones rurales représentent environ un tiers des logements en France, soit 12 millions dont près de 93 % de maisons individuelles, là où les difficultés de raccordement sont nombreuses. Il est nécessaire de reconnaître la spécificité de nos territoires ruraux pour ne pas créer une fracture énergétique territoriale. Nos circonscriptions sont riches en territoires ruraux : il faut leur redonner dans ce texte la place qui leur revient.
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 100, par les groupes Rassemblement national et Droite républicaine ; sur le sous-amendement no 713 et les amendements nos 692 et 586, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons au sous-amendement no 713 de M. Maxime Amblard.
M. Maxime Amblard
Je le retire, madame la présidente.
(Le sous-amendement no 713 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 692.
M. Maxime Amblard
Je le retire également.
(L’amendement no 692 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 586.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Il vise à rétablir cet article, mais avec une modification par rapport à la formulation qu’avaient choisie les sénateurs, qui proposaient d’exonérer les communes non rattachées au gaz ou à un réseau de chaleur de l’interdiction des chaudières au fioul. En effet, il ne faut pas perdre de vue les enjeux réels auxquels sont confrontés ces territoires. Pour tenir compte de leur accès réduit aux alternatives, dont les plus performantes sont aussi les plus chères, ils doivent bénéficier d’un soutien public renforcé. Nous proposons donc de « garantir à chaque foyer, sur l’ensemble du territoire national, un soutien public à la conversion des modes de chauffage vers des solutions faiblement émettrices tendant à la réduction du reste à charge, voire à son effacement pour les foyers les plus modestes ». Cette mesure combine lutte contre la précarité énergétique, soutien au pouvoir d’achat et protection de notre environnement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Demande de retrait pour l’amendement no 100, déjà satisfait. En effet, le 5o de l’article L. 100-1 du code de l’énergie mentionne l’objectif de garantir la cohésion sociale « en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources », objectif que réitère le 9o de l’article L. 100-2 du même code.
Demande de retrait ou avis défavorable sur l’amendement no 586, pour deux raisons. D’abord, c’est une très mauvaise idée de garantir un droit « à chaque foyer », donc sans distinction de ressources, alors que tous les dispositifs qui ont été mis en place visent à flécher les moyens en priorité vers les ménages les plus modestes. Vous qui avez quelques envies fiscales à l’égard de nos compatriotes les plus aisés, je ne suis pas sûr que vous souhaitiez leur attribuer dorénavant une partie des financements de MaPrimeRénov’.
M. Matthias Tavel
Ça existe encore ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Ensuite, un amendement identique a déjà été adopté hier. C’était déjà une très mauvaise idée, mais je ne doute pas que la répétition puisse forcer un jour la conviction du rapporteur et du gouvernement… D’ici là, je vous propose de retirer l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Demande de retrait.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je vais me faire l’écho des débats que nous avons eus en commission, où le débat a été vif et le vote, serré. Il s’agit du droit effectif de chacun à un accès à l’énergie, à des prix abordables. J’entends, monsieur le rapporteur, que les dispositions proposées étaient trop vagues ou redondantes avec d’autres articles du code de l’énergie, et c’est ce qui a primé dans le vote. Je tiens tout de même à rappeler, après beaucoup de collègues, que la mise en œuvre de l’impératif d’égalité territoriale et sociale en matière d’accès à l’énergie n’est pour l’heure ni effective ni garantie. Près de 5 millions de foyers sont en situation de précarité énergétique et une commune sur quatre n’a toujours pas accès au réseau de gaz. Si on reconnaît l’existence de ces problèmes, comment ne pas reconnaître l’utilité de l’article proposé au rétablissement ? Les prix de l’électricité et du gaz ont énormément augmenté en quatre ans et restent à des niveaux très élevés. La situation est aggravée par les coupes budgétaires, par exemple en matière de rénovation thermique des logements. D’un côté, il y a des hausses très fortes des tarifs et, de l’autre, on ne donne pas aux ménages les moyens de diminuer leur consommation d’énergie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 477 rectifié et 500 rectifié, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Je maintiens mon amendement. Si vous le lisez bien, monsieur le rapporteur, vous verrez qu’il propose de tendre vers « la réduction du reste à charge » pour les ménages, voire vers « son effacement pour les foyers les plus modestes ». Il est donc évident que cette réduction ne s’appliquerait pas aux ménages très aisés, et un reste à charge nul moins encore.
Par ailleurs, sauf erreur de ma part, l’amendement concerne un des articles programmatiques – et non normatifs – du code, ce qui supposerait donc un décret d’application, lequel en chiffrerait les conséquences.
Enfin, j’aimerais bien vous croire quand vous dites que l’amendement est satisfait, mais celui de notre collègue Alfandari a réécrit l’article L. 100-1, en faisant disparaître tout objectif de cohésion sociale ou d’aménagement pour les ménages. Pour moi, l’amendement n’est donc pas satisfait à ce stade.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
L’amendement du collègue Taite rappelle la nécessité d’adopter, dans les territoires ruraux, une approche spécifique en matière d’énergie. En effet, dans de nombreux endroits, il n’y a pas de réseau de gaz et les habitants ont du mal à accéder à des réseaux électriques suffisamment puissants pour alimenter une pompe à chaleur. Il ne faut pas stigmatiser les différentes solutions aujourd’hui possibles en milieu rural, parmi lesquelles le chauffage au fioul sous diverses formes – je pense au biofioul. L’amendement fait un focus sur les territoires ruraux, qui ne doivent pas être mis sur le même plan que les territoires urbains. C’est pourquoi nous le voterons volontiers.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
Madame Battistel, tout d’abord, votre amendement prévoit bien de « garantir [ce soutien public] à chaque foyer », donc l’obligation vaudrait pour chacun d’entre eux, quel que soit son niveau de ressources et de patrimoine. Et puis, si l’article L. 100-1 du code de l’énergie a bien fait l’objet de la modification que vous évoquez, à l’occasion de la réécriture de l’article 1er A de la proposition de loi, introduit au Sénat, l’article L. 100-2 a, pour sa part, été enrichi de l’alinéa suivant : « Garantir à chaque foyer, sur l’ensemble du territoire national, un soutien public permettant la rénovation thermique performante des logements dont ils sont propriétaires ». Les dispositions que vous pensiez disparues resteront donc toujours en vigueur.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 100.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 141
Nombre de suffrages exprimés 138
Majorité absolue 70
Pour l’adoption 57
Contre 81
(L’amendement no 100 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 586.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 129
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 46
Contre 83
(L’amendement no 586 n’est pas adopté, en conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.)
Article 2
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 477 rectifié et 500 rectifié, tendant à rétablir l’article 2 supprimé par la commission.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 477 rectifié.
M. Jean-Luc Fugit
L’amendement invite le gouvernement à lancer une réflexion sur les pistes de réforme de la fiscalité carbone afin de la rendre plus juste. La trajectoire de hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique avait été inscrite dans la loi en 2015, avant d’être gelée en 2018, après les importantes manifestations dont nous nous souvenons tous. Lors des débats au Sénat sur la présente proposition de loi, cette trajectoire a été abrogée mais, en commission des affaires économiques, nous sommes revenus sur cette abrogation. Il nous paraît toutefois nécessaire d’adopter une nouvelle approche sur la fiscalité carbone, permettant de conjuguer préservation du pouvoir d’achat de nos concitoyens et urgence climatique ou, comme le disent certains, de concilier la fin du monde et la fin du mois. C’est le sens de cet amendement qui propose une voie de sortie responsable en invitant le gouvernement à repenser la fiscalité carbone pour la rendre plus équitable, plus juste et plus soutenable socialement.
Mme la présidente
L’amendement no 500 rectifié de M. le rapporteur est défendu.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Je partage tout à fait l’esprit de ces deux amendements qui invitent à réfléchir sur une fiscalité qui inciterait davantage à la décarbonation de nos usages, et sur l’accompagnement que nous devons aux ménages les plus modestes. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait qu’ils n’auraient qu’une très faible portée normative puisque ces mécanismes sont définis en loi de finances. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra