Question écrite n° 10752 :
Déchets dangereux : qualification en SPIC à La Réunion

17e Législature

Question de : Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

Mme Karine Lebon attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature sur la question de la gestion des déchets dangereux, notamment amiantés, à La Réunion. Chaque année, l'île produit environ 8 000 tonnes de déchets dangereux, dont une part significative de déchets amiantés. Or l'insularité accentue les contraintes structurelles : saturation rapide des installations existantes, dépendance coûteuse à l'exportation (4 800 à 6 000 euros la tonne contre 500 à 800 euros en métropole), manque d'entreprises certifiées et insuffisance d'infrastructures locales de stockage. Faute de solution locale, la gestion légale devient plus onéreuse que l'illégalité, ce qui explique la multiplication des dépôts sauvages, recensés à plus de 1 200 en 2022 par l'ARS, avec des conséquences graves : risques sanitaires (exposition de la population à l'amiante, propagation de maladies vectorielles autour des dépôts), atteintes environnementales (pollution des sols et nappes phréatiques, perte de biodiversité) et rupture d'égalité entre métropole et outre-mer. Le droit rappelle que la salubrité publique constitue une mission de service public (CE, 1903, Terrier ; CE, 1910, Thérond). De plus, le Conseil d'État (CE, 2007, APREI) a reconnu qu'une activité confiée à des opérateurs privés peut être qualifiée de service public dès lors qu'elle poursuit une mission d'intérêt général et s'exerce sous le contrôle d'une autorité publique. Tel est bien le cas pour la filière des déchets dangereux à La Réunion : les opérateurs privés de collecte et de traitement interviennent sous autorisation préfectorale et dans le cadre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Cette activité doit donc être regardée comme un service public industriel et commercial (SPIC), ce qui implique de garantir son effectivité et son accessibilité pour tous. Or la situation spécifique de La Réunion justifie des mesures correctrices. La jurisprudence (CE, 1974, Denoyez et Chorques ; Cons. const., 1996, n° 96-385 DC) admet qu'une différence de situation objective, telle que l'insularité, peut justifier des traitements différenciés afin de préserver l'égalité entre usagers. Pourtant, dans les faits, les Réunionnais supportent des coûts dix fois supérieurs à ceux de la métropole pour l'élimination de leurs déchets amiantés. Cette rupture manifeste d'égalité devant les charges publiques s'ajoute à la non-conformité avec la directive européenne 2008/98/CE, qui impose aux États membres un réseau intégré et adéquat d'installations de traitement dans une logique de proximité et d'autosuffisance. La chambre régionale des comptes Réunion-Mayotte, dans une évaluation récente publiée le 26 août 2025, a souligné la nécessité de créer une installation locale de stockage de déchets dangereux (ISDD), solution structurelle estimée à 35,9 millions d'euros, permettant de réduire le coût de traitement à 900 euros la tonne et de créer une filière pérenne sur le territoire. Faute d'un tel investissement, la dépendance à l'exportation et le recours aux dépôts illégaux continueront de mettre en danger la population et l'environnement. En conséquence, Mme la députée demande à Mme la ministre, d'une part, si le Gouvernement reconnaît officiellement la gestion des déchets dangereux à La Réunion comme un service public industriel et commercial, relevant d'une mission de salubrité publique. D'autre part, elle souhaite savoir quelles mesures financières et réglementaires sont envisagées pour compenser les surcoûts liés à l'insularité, par exemple à travers un fonds national de continuité territoriale pour les déchets dangereux ou par un réaménagement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Enfin, elle lui demande si le Gouvernement entend lancer la création d'une installation locale de stockage de déchets dangereux, condition indispensable à la sécurisation sanitaire et environnementale du territoire réunionnais.

Données clés

Auteur : Mme Karine Lebon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité et négociations internationales

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité et négociations internationales

Date :
Question publiée le 4 novembre 2025

partager