Soutien face à la crise de la viticulture française
Question de :
Mme Mathilde Feld
Gironde (12e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Mathilde Feld appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les difficultés rencontrées par les producteurs de vin en France et particulièrement en Gironde. Le secteur viticole est sous le coup d'une triple crise structurelle mondiale (climatique, économique, comportementale) dont les impacts régionaux et locaux sont à la fois dramatiques et inéluctables. Au cours des huit dernières années, le vignoble bordelais a connu trois épisodes de gels majeurs (en 2017, 2021, 2022), des épisodes de grêles localement dévastateurs (en 2018, 2023, 2024) et une pluviométrie excédentaire qui a occasionné des épidémies ravageuses de mildiou (en 2018, 2023 et 2024). Ces effets entraînent des rendements insuffisants, voire inexistants et des coûts de production explosifs. Cette situation se conjugue paradoxalement avec une crise de surproduction liée à la chute de la consommation : victimes d'un cours du vin qui ne fait que diminuer, les viticulteurs sont étranglés, le prix du tonneau flirtant avec les 500 euros alors que le coût de production serait de 1 400 euros. La détresse est massive : un vigneron sur deux a déposé un dossier pour toucher les fonds d'urgence alloués aux entreprises en difficultée et un sur quatre a fait une demande d'arrachage auprès de la préfecture. De cellules d'urgence en plans d'arrachage, aucune sortie de crise ne se dessine alors qu'il en va de la vie et de la survie de centaines de producteurs et de tout le tissu socio-économique des régions viticoles. Sans réelle mesure significative, la colère et le désespoir des agriculteurs provoquera une révolte d'une ampleur inédite qui pourrait coûter beaucoup plus cher à l'État que le statu quo actuel. Mme la députée demande à la Mme la ministre quelles sont les mesures immédiates envisagées. Dans un premier temps la création d'un fonds d'aide d'urgence aux viticulteurs semble être le minimum. Dans un second temps le ministère va-t-il répondre à la demande pressante des producteurs pour la création d'une organisation de producteurs de la filière viticole qui permettra d'assurer durablement des prix rémunérateurs pour les producteurs et envisager une sortie de crise ? Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
Réponse publiée le 18 mars 2025
Conscient des difficultés croissantes auxquelles fait face la filière viticole et notamment le vignoble bordelais, le Gouvernement tient à rappeler les mesures concrètes déjà déployées au niveau national mais également plus spécifiquement en Gironde, pour répondre aux besoins urgents des producteurs et pour envisager une sortie de crise durable. Le Gouvernement a notamment mis en place un plan de distillation de crise en 2023-2024, pour 200 millions d'euros (M€) de crédits, contribuant à réduire les stocks excédentaires en vue de rééquilibrer l'offre et la demande tout en soutenant financièrement les producteurs. Dans ce cadre, la Gironde est le département qui a été le plus aidé, avec près de 50 M€ versés à ses producteurs. Par ailleurs, pour les exploitants de la Gironde, particulièrement frappés par la flavescence dorée, une mesure d'arrachage sanitaire de 30 M€ a été deployée. Alors qu'une partie de la filière bordelaise connaît une situation économique difficile, dans un contexte d'accélération de la dé-consommation de vin rouge, le risque est grand qu'un nombre important de surfaces soient mal entretenues, devenant autant de réservoirs pour le phytoplasme, avec une situation phytosanitaire qui deviendrait incontrôlable. Les vignes mal entretenues constituent en outre des réservoirs pour d'autres maladies cryptogamiques comme le mildiou, ce qui peut altérer la protection des cultures et entraîner une plus grande consommation de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif apporte ainsi une réponse concrète à la menace sanitaire à laquelle la viticulture bordelaise fait face. Un fonds d'urgence spécifique pour la filière de 80 M€, à destination des entreprises viticoles des départements les plus affectés par les aléas de l'année 2023, a également été déployé dès février 2024. Ce sont 2 400 viticulteurs de la Gironde qui ont bénéficié de cette aide à la trésorerie, à hauteur de près de 14 M€. Les professionnels viticulteurs ou coopératives qui auraient souscrits des prêts garantis par l'État qu'ils n'auraient pas encore pu rembourser peuvent solliciter auprès de deux réseaux bancaires engagés un dispositif de prêt bonifié spécifique à la viticulture (taux bonifié de 2,5 % représentant une mobilisation budgétaire de l'État de près de 10 M€). Par ailleurs, en réponse aux répercussions de la guerre en Ukraine sur le marché et la demande mondiale, le Gouvernement a mis en œuvre une mesure de réduction du potentiel de production (arrachage définitif) doté d'une enveloppe de 120 M€ validé par la Commission européenne après une année de négociations, qui fait partie intégrante de la réponse gouvernementale pour adapter le marché au mieux face aux difficultés rencontrées par le secteur viticole notamment dans le bassin Aquitaine. Dans ce cadre, à la clôture du guichet le 13 novembre 2024, près de 700 viticulteurs de Gironde ont déposé une demande d'aide, représentant un montant total de près de 17 M€. Les aides seront versées après la réalisation des arrachages, en 2025. Enfin, à l'initiative de la ministre chargée de l'agriculture, le Gouvernement a fait droit de la demande des vignerons dont la trésorerie a été dégradée par la succession de désordres climatiques, de bénéficier de prêts bonifiés à court terme ou de prêts à plus long terme garantis par BPI France à 70 %, pour soutenir les trésoreries. En complément de ces mesures d'aide conjoncturelles et structurelles, le Gouvernement porte au niveau européen dans le cadre du groupe de haut niveau viticole organisé par la Commission européenne de nombreuses demandes d'adaptation des politiques publiques applicables à la filière. Notamment, dans un contexte budgétaire contraint, la recherche de simplifications dans les différents dispositifs existants est un axe de travail particulièrement investi. Ces mesures s'accompagnent d'une réflexion stratégique de long terme, visant à soutenir la transition de la filière viticole française vers des pratiques plus résilientes aux défis climatiques et économiques.
Auteur : Mme Mathilde Feld
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 18 mars 2025