La crise existentielle du cognac
Question de :
M. Pascal Markowsky
Charente-Maritime (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Pascal Markowsky alerte Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur la crise existentielle que traverse le secteur du cognac. Le 5 janvier 2024, le ministère chinois du commerce, premier marché en valeur de la filière cognac, a annoncé le lancement d'une enquête antidumping ciblant les eaux-de-vie de vin produites en Europe, notamment le cognac, l'armagnac et la grappa. Début février, le Bureau national interprofessionnel du Cognac, préoccupé par cette enquête, a sollicité la représentation nationale pour encourager une démarche proactive des autorités françaises auprès de leurs homologues chinois. Le 29 août, la Chine, via le ministère du commerce de la République populaire de Chine (MOFCOM), a rendu une décision préliminaire imposant des droits antidumping allant de 30,6 % à 39 % sur les eaux-de-vie européennes, touchant directement la filière cognac. Une décision définitive pourrait être prise d'ici janvier ou juillet 2025, menaçant une partie importante des exportations françaises vers la Chine et aggravant la pression sur les producteurs. Le 17 septembre 2024, cette situation a conduit à une mobilisation générale des acteurs du cognac, la première en 28 ans, face à une crise qui met en péril 77 000 emplois dans les départements de la Charente et de la Charente-Maritime. Si les interprofessions ont bien été reçues par les différents ministères, producteurs et négociants restent dans l'incertitude, sous la pression croissante des autorités chinoises. Ils craignent que l'impact sur les filières et les territoires ne soit pas pleinement pris en compte par les autorités françaises et européennes, laissant penser que d'autres priorités aient éclipsé les conséquences économiques et humaines de ce dossier. L'imposition de droits antidumping aurait des conséquences immédiates sur la présence des produits français sur le marché chinois, affectant durement les achats de vins et d'eaux-de-vie en Asie et déstabilisant tout l'écosystème économique de la filière, incluant le négoce, la viticulture, la distillation, les prestataires de services et les transporteurs. Le secteur des vins et spiritueux pourrait ne pas se relever, après avoir déjà subi l'impact des droits de douane imposés aux États-Unis en 2021 dans le cadre du conflit Boeing/Airbus. Perdre 25 % de l'activité liée au marché chinois accentuerait encore davantage cette crise, pouvant avoir des conséquences irréversibles et irrémédiables pour cette filière d'excellence et de tradition. Ainsi, il lui demande quelles mesures d'urgence le Gouvernement compte prendre pour protéger immédiatement le secteur du Cognac face à cette crise. Il souhaite également connaître les actions pérennes envisagées afin de rendre la filière moins vulnérable aux aléas de la diplomatie européenne.
Réponse publiée le 18 mars 2025
L'application, par les autorités chinoises, de droits additionnels de 30 % à 39 % sur les eaux-de-vie de vin (« brandy ») importées en provenance de l'Union européenne (UE), est susceptible d'affecter profondément le marché du cognac de Charente et Charente-Maritime, dont la production est exportée à 97 %, et dont la Chine est la première zone d'export, ainsi que le marché de l'armagnac. Un retrait du marché chinois entraînerait en outre un déversement des excédents destinés à la distillation du cognac vers le marché du vin blanc bordelais et de leur impact sur les marchés européens et les producteurs. Dans ce contexte, lors du conseil des ministres de l'agriculture de l'UE, le 22 octobre 2024, la ministre chargée de l'agriculture, Mme Annie Genevard, a fait part à ses homologues de sa vive préoccupation au sujet des conséquences des enquêtes ouvertes par la Chine à l'encontre des entreprises des secteurs du cognac et de l'armagnac, mais aussi du porc et des produits laitiers. La ministre a par ailleurs réitéré ce point de très forte attention à chaque rencontre qu'elle a eue avec les autorités européennes, notamment avec le commissaire à l'agriculture et à l'alimentation, M. Christophe Hansen. Ce sont en outre l'ensemble des autorités françaises compétentes, jusqu'au plus haut niveau de l'État, qui sont mobilisées sur ce dossier. Par ailleurs, il importe que l'UE montre sa détermination à protéger l'outil industriel français contre les pratiques commerciales déloyales. Aussi, il s'agit de continuer à montrer un front européen uni, et de défendre la position européenne à partir de l'organisation mondiale du commerce, qui régissent le commerce international. Ce front a jusque-là pleinement tenu. En effet, la Commission européenne poursuit ses échanges avec la Chine afin de faire comprendre aux autorités chinoises que l'imposition de droits rétorsifs sur les produits européens constituerait une escalade inacceptable. La ministre alors chargée du commerce extérieur, Mme Sophie Primas, a ainsi rencontré son homologue chinois lors de son déplacement en République Populaire de Chine, du 3 au 6 novembre 2024, et lui a tenu ce discours. Son successeur, M. Laurent Saint-Martin, poursuit ce travail avec détermination. La ministre chargée de l'agriculture a par ailleurs rencontré le bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC) afin d'étudier ensemble les mesures susceptibles d'être mises en place si les autorités chinoises concrétisaient leurs mesures de rétorsion. Cette réflexion est également conduite avec l'ensemble des filières concernées. Les autorités chinoises ont annoncé prolonger, jusqu'au 5 avril, la période d'enquête anti-dumping qui devait normalement se clore en janvier. Cette annonce témoigne de leur volonté de poursuivre le dialogue, à plus forte raison dans un contexte commercial difficile avec les États-Unis. Il est toutefois clair que le problème persiste et que les solutions n'y ont pas encore été apportées, tant la détermination des autorités chinoises est grande de se servir de ces sanctions comme levier dans la procédure antisubventions ouverte par la Commission européenne sur les véhicules électriques. Le Gouvernement demeure pleinement attentif aux évolutions de ce dossier et veillera à ce qu'aucun producteur ne soit laissé sans solution.
Auteur : M. Pascal Markowsky
Type de question : Question écrite
Rubrique : Alcools et boissons alcoolisées
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 18 mars 2025