Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social

M. Alexis Corbière alerte Mme la ministre de la culture sur la mobilisation historique qui a lieu dans le monde du jeu vidéo et plus précisément au sein de l'entreprise Ubisoft France. Le monde du jeu vidéo occupe une grande place dans le pays. En France, on compte 39,1 millions de joueurs selon le baromètre annuel du jeu vidéo, soit sept Français sur dix. Il existe effectivement une réelle culture du jeu vidéo, en témoignent les chiffres du syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, qui indiquent par exemple que 95 % des 10-17 ans jouent aux jeux vidéo. La France accueille 1 000 entreprises liées au jeu vidéo sur son territoire dont 577 sont des studios de développement. Ubisoft, entreprise majeure, connaît, cette année, une forte mobilisation de ses travailleurs. Après un premier mouvement de grève historique en février 2024 pour protester contre l'échec des négociations annuelles obligatoires et une augmentation des salaires jugée insuffisante, les différents syndicats du jeu vidéo ont appelé à une nouvelle grève en octobre. Ce nouveau mouvement de grève s'est tenu dès le 15 octobre 2024 suite à la décision unilatérale de la direction d'Ubisoft d'imposer un retour en présentiel trois jours par semaine. Cette fois-ci, plus de 1 000 salariés ont déclaré se mettre en grève. Là encore, les salariés ne comprennent pas qu'une décision si lourde de conséquences puisse être prise sans consultation des principaux intéressés. Pourtant, le télétravail est très apprécié chez les salariés du jeu vidéo. Dans son baromètre annuel du jeu vidéo, le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), syndicat patronal créé en 2008, indique que 33 % des entreprises ont adopté un rythme de télétravail à temps plein. Dans 72 % des entreprises qui proposent le télétravail, les jours de présence sont laissés à l'appréciation des employés. Il est aussi intéressant de se pencher sur les bénéfices liés au télétravail. Ainsi, le SNJV déclare que les principaux bénéfices sont l'amélioration de la satisfaction des salariés (34,2 %), l'attraction de talents (25 %) ou encore l'amélioration de la productivité des salariés (18,7 %). Enfin, revenir sur ce fonctionnement pousserait un grand nombre de salariés à démissionner suite à la dégradation de leurs conditions de travail. La question du retour en présentiel n'est pas l'unique raison de cette grève. En effet, le Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeux vidéo (STJV) réclame notamment une augmentation des salaires pour tous les travailleurs d'Ubisoft afin de pallier l'inflation. Dans son baromètre 2022, le syndicat des travailleurs met en lumière la question du bien-être au travail et de la pression que les salariés peuvent ressentir notamment lors des périodes de « crunch » qui se définit comme étant une période de travail intense qui a lieu avant le rendu d'une étape importante d'un jeu. Cette période suppose des heures supplémentaires ainsi qu'une réelle pression. Enfin, celle-ci peut durer plusieurs mois. Ainsi, 22,5 % des salariés du jeu vidéo en France disent avoir vécu une période de crunch sur l'année. 37,5 % d'entre eux ont travaillé deux heures de plus par jour et 9,6 % ont vu leurs journées être rallongées de plus de trois heures. 30 % des salariés concernés n'ont reçu aucune compensation après une période de crunch. Cette mobilisation historique dans le monde du jeu vidéo témoigne d'une volonté de la part des salariés d'être reconnus pour le travail qu'ils effectuent. Cette reconnaissance passe notamment par un dialogue social avec la direction et une écoute quant à leurs revendications, que ce soit sur la question du télétravail ou sur les salaires. Les demandes des salariés doivent être entendues. Il lui demande donc comment le Gouvernement compte agir afin de répondre à la détresse des salariés.

Réponse publiée le 10 décembre 2024

L'industrie du jeu vidéo a connu un développement très important ces dix dernières années et compte désormais 14 000 ETP (équivalents temps plein) employés au sein de 1 000 entreprises actives qui réalisent 4 milliards d'euros de chiffres d'affaires. La croissance naturelle du marché combinée à l'action des pouvoirs publics, à travers notamment l'efficacité vérifiée du crédit d'impôt jeu vidéo et les aides du Centre national du cinéma et de l'image animée, ont accompagné le processus de développement de cette filière culturelle et numérique. Le secteur traverse actuellement des difficultés économiques imputables à la dégradation temporaire de la demande internationale, qui font apparaître des tensions sociales de plus en plus fortes, exprimant la nécessité de définir plus clairement les termes du dialogue social entre les employeurs et les salariés. Par ailleurs, la filière est confrontée à de nombreux défis structurels : parité, inclusion, transition écologique, développement de l'intelligence artificielle, qui pourraient impacter l'organisation du travail. De façon générale, les équipes gagnent en ancienneté et en expérience et confirment le besoin de mettre en place des plans de formation ambitieux qui tiennent compte des spécificités des métiers du jeu vidéo. Or, le secteur a la particularité de ne pas être reconnu comme branche professionnelle et de ne pas être doté d'une convention collective adaptée à ses besoins. La jeunesse de cette filière explique certainement cette situation. La maturité désormais acquise implique d'engager une démarche de structuration sociale, attendue tant par les salariés que par les employeurs représentés notamment par le Syndicat national du jeu vidéo. C'est pourquoi le ministère de la culture a proposé aux représentants de la filière de les accompagner dans ce travail de structuration sociale, qui relève de la démarche combinée des employeurs et des salariés, mais qui peut bénéficier utilement de l'expertise d'un haut fonctionnaire qui pourrait être désigné conjointement avec le ministère chargé du travail. Cette mission d'expertise pourrait débuter dans les prochaines semaines.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 10 décembre 2024

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