Question de : Mme Katiana Levavasseur
Eure (2e circonscription) - Rassemblement National

Mme Katiana Levavasseur attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question de la responsabilité morale et politique du pays envers celles et ceux qui portent secours et assistance à la population : les sapeurs-pompiers. Ils sont en danger vital. Leurs missions opérationnelles les exposent à des risques connus, dont les conséquences destructrices sont évitables : fumées toxiques, particules, amiante, retardateurs de flamme, perturbateurs endocriniens et reprotoxiques, polychlorobiphényles (PCB), ainsi que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ces risques sont d'autant plus amplifiés par leur temps de travail, qui impose un allongement de la durée d'exposition aux substances cancérigènes. Le régime de travail en garde de 24 heures priverait ainsi leur organisme du repos nécessaire à sa reconstruction et la pluralité des missions qui leur sont ordonnées favorise une multitude d'agressions à leur santé psychique et physique. D'ailleurs, depuis le 3 octobre 2023, la résolution législative du Parlement européen, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante pendant le travail, les reconnaît enfin comme des travailleurs exposés à l'amiante, au point d'être qualifiés de personnels à protéger. Cette résolution est depuis devenue une directive. La Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés (FA SPP-PATS) souhaite que des protections contre tous les agents chimiques CMR, les HAP et autres polluants auxquels les sapeurs-pompiers sont exposés de manière régulière soient prises. De fait, les cancers professionnels liés à la lutte contre les incendies sont une réalité et, selon certaines études, plus de 85 % des décès liés au travail chez les pompiers sont causés par des cancers professionnels. Le Canada reconnaît jusqu'à 19 de ces cancers, alors que seuls deux cancers sont aujourd'hui présumés imputables à l'activité de sapeur-pompier en France. À leur écoute, Mme la députée demande à M. le ministre de bien vouloir entamer des réflexions pour que soit engagée la possibilité de mettre en œuvre, sur proposition de la FA SPP-PATS, un dispositif tel que celui voté au Canada (le Bill C-224). Celui-ci prônerait, tout comme celui des Canadiens, une législation nationale de protection selon les principes suivants : responsabilité de la Nation envers les pompiers et les personnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ; cohérence nationale ; complément substantiel du nombre de cancers professionnels reconnus ; séparation et professionnalisation des filières au sein des SDIS ; instauration du mois de l'information, de la prévention, de la sensibilisation du grand public et des familles des professionnels ; et lancement d'un plan d'équipement national des pompiers calqué sur le pacte capacitaire. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse publiée le 3 juin 2025

La prise en charge des risques liés à la toxicité des résidus d'incendie et à la pollution par les particules fines constitue une problématique majeure de protection de la santé des sapeurs-pompiers clairement identifiée par le Gouvernement. Depuis plusieurs années et notamment à la suite de la publication en 2017 d'un rapport de la CNRACL relative à la prévention des risques induits par les résidus des fumées d'incendie sur la santé des sapeurs-pompiers, les services du ministère de l'intérieur ont engagé un plan d'actions visant d'une part, à mieux connaître la réalité de l'exposition à certains risques et leurs conséquences pour les sapeurs-pompiers, et, d'autre part, à mieux les prévenir et les empêcher. Après avoir établi, en 2018, un guide de doctrine opérationnelle « prévention des risques liés à la toxicité des fumées » à destination des services d'incendie et de secours (SIS), l'amélioration de la protection individuelle des sapeurs-pompiers a été inscrite dans des travaux continus notamment au sein du plan global de santé, sécurité et qualité de vie en service porté par le ministère de l'intérieur et s'est traduite par l'évolution des équipements de protection individuelle (cagoule de protection filtrante, …). Dans le domaine de la connaissance des risques, les services du ministère de l'intérieur ont également initié plusieurs chantiers d'études relatifs à l'élaboration d'une matrice emploi/tâche/exposition visant à identifier les risques associés à chaque activité de sapeurs-pompiers et au soutien d'un travail de thèse sur les effets à moyen et long termes des activités de sapeur-pompier sur la santé. S'agissant des maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers, il peut être utile de rappeler qu'il est d'ores et déjà possible de bénéficier de leur reconnaissance lorsque l'affection résulte d'une maladie non inscrite au tableau des maladies professionnelles, conformément au dernier alinéa de l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique. Des travaux scientifiques nécessaires à conforter le faisceau d'arguments internationaux tendant à mettre en évidence le lien entre l'activité de sapeur-pompier et certains cancers sont en cours. Ils devraient permettre d'établir un consensus, sur les pathologies à soumettre à l'inscription au tableau des maladies professionnelles, notamment au sein de l'observatoire national sur la santé des agents des SIS, mis en place en 2024 et dans lequel les organisations représentatives des sapeurs-pompiers professionnels sont partie prenante. Une demande de révision du tableau des maladies professionnelles a par ailleurs été adressée à madame la ministre chargée du travail en décembre 2024. Ces études contribueront également à poser des éléments plus concrets du suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers aux risques inhérents aux différentes missions des services d'incendie et de secours, éléments qui pourront utilement éclairer le suivi médical des sapeurs-pompiers tout au long de la carrière ainsi que le suivi post-professionnel instauré dans la fonction publique territoriale par le décret n° 2015-1438 du 5 novembre 2015. En particulier, concernant le suivi tout au long de leur carrière, les sapeurs-pompiers bénéficient d'ores et déjà d'examens cliniques et de bilans sanguins réguliers permettant de dépister les cancers hématologiques tel le lymphome. Le dépistage du sang dans les urines permet aussi de détecter les cancers de l'arbre urinaire. S'il n'existe pas d'examens de dépistage systématique aujourd'hui recommandés en France en prévention de la toxicité des fumées, des cytologies urinaires pour les sapeurs-pompiers très exposés, comme certains formateurs utilisant régulièrement les dispositifs de feux réels, sont préconisés par un référentiel national, à paraître dans le cadre de la réforme des textes relatifs à l'aptitude des sapeurs-pompiers. Il est souligné que la réforme de l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est largement initiée suite à la parution du décret n° 2025-330 du 10 avril 2025 relatif à la médecine d'aptitude des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ainsi que de son arrêté d'application qui permettront, au 1er janvier 2026, de disposer d'un système rénové. De même, les actions menées avec les parlementaires sur les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services d'incendie et de secours seront aussi de nature à mieux tenir compte des risques de cancers. Dans un domaine particulièrement complexe, les travaux et les dispositifs que le Gouvernement déploient ont vocation à déterminer plus précisément les risques auxquels les sapeurs-pompiers sont exposés, y compris pour les fumées toxiques, à prévenir l'apparition de maladies et à mieux les protéger face à ces risques.

Données clés

Auteur : Mme Katiana Levavasseur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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