Question écrite n° 1995 :
Pour une meilleure lutte et reconnaissance du cancer chez les sapeurs-pompiers

17e Législature

Question de : M. Éric Pauget
Alpes-Maritimes (7e circonscription) - Droite Républicaine

M. Éric Pauget appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'impérieuse nécessité de mieux prévenir et d'élargir la reconnaissance de certains cancers comme maladies professionnelles des sapeurs-pompiers. Il rappelle que le lien entre sapeurs-pompiers et cancers n'est malheureusement plus à faire depuis que le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé l'activité de sapeur-pompier comme cancérogène. D'ailleurs les études internationales ont unanimement permis d'établir un lien clair entre l'exposition des pompiers aux fumées toxiques et leurs cancers. En effet, la surexposition des sapeurs-pompiers aux substances toxiques et aux particules fines contenues notamment dans les retardateurs de flammes, les objets ignifugés du quotidien, les fumées d'amiante, ou les suies qui libèrent de dangereux perturbateurs endocriniens conduit à ce qu'elles puissent être ingérées par voie respiratoire ou par contact cutané par les soldats du feu. Pourtant, malgré ces risques préoccupants et l'alerte lancée en 2019 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) rappelant l'urgence d'engager une surveillance accrue de la santé des sapeurs-pompiers, la France n'offre toujours pas le même suivi biologique à ses sapeurs-pompiers que dans d'autres pays. Pire encore, alors que le cancer a causé 66 % des décès des sapeurs-pompiers professionnels américains et canadiens entre 2002 et 2019 selon les études internationales menées par des pays en avance sur ce sujet, la France ne dispose toujours d'aucune donnée officielle précises sur le nombre de sapeurs-pompiers professionnels atteints de cancers. De plus, l'absence de résultats sur l'enquête épidémiologique sur les risques du métier, lancée en mai 2023 par M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, empêche tout élargissement de la liste des cancers reconnus comme des maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers. De fait, seul le cancer du nasopharynx est aujourd'hui reconnu comme maladie professionnelle des sapeurs-pompiers par la France, quand le Canada et les États-Unis d'Amérique en reconnaissent respectivement 19 et 30. Face à ce manque de reconnaissance de l'exposition professionnelle des sapeurs-pompiers français au cancer et devant le retard des recherches qui tue, M. le député demande à M. le ministre quand il entend élargir la liste des cancers reconnus comme maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers. Par ailleurs, soucieux d'instaurer un véritable suivi médical et épidémiologique des sapeurs-pompiers, il demande à M. le ministre de lui préciser s'il envisage d'intégrer les dépistages du cancer au sein des dispositions règlementaires définissant le contrôle de l'aptitude des sapeurs-pompiers et assurant le suivi post-professionnel des mesures de prévention collective et individuelle les concernant. Enfin, l'État devant être en première ligne de la politique publique nationale de lutte contre le cancer chez les sapeurs-pompiers, il lui demande comment le ministère de l'intérieur envisage de soutenir les sapeurs-pompiers et d'accompagner financièrement ces dispositifs en soutenant notamment les services départementaux d'incendie et de secours ainsi que les organismes de santé et de sécurité sociale.

Réponse publiée le 3 juin 2025

La prise en charge des risques liés à la toxicité des résidus d'incendie et à la pollution par les particules fines constitue une problématique majeure de protection de la santé des sapeurs-pompiers clairement identifiée par le Gouvernement. Depuis plusieurs années et notamment à la suite de la publication en 2017 d'un rapport de la CNRACL relative à la prévention des risques induits par les résidus des fumées d'incendie sur la santé des sapeurs-pompiers, les services du ministère de l'intérieur ont engagé un plan d'actions visant d'une part, à mieux connaître la réalité de l'exposition à certains risques et leurs conséquences pour les sapeurs-pompiers, et, d'autre part, à mieux les prévenir et les empêcher. Après avoir établi, en 2018, un guide de doctrine opérationnelle « prévention des risques liés à la toxicité des fumées » à destination des services d'incendie et de secours (SIS), l'amélioration de la protection individuelle des sapeurs-pompiers a été inscrite dans des travaux continus notamment au sein du plan global de santé, sécurité et qualité de vie en service porté par le ministère de l'intérieur et s'est traduite par l'évolution des équipements de protection individuelle (cagoule de protection filtrante, …). Dans le domaine de la connaissance des risques, les services du ministère de l'intérieur ont également initié plusieurs chantiers d'études relatifs à l'élaboration d'une matrice emploi/tâche/exposition visant à identifier les risques associés à chaque activité de sapeurs-pompiers et au soutien d'un travail de thèse sur les effets à moyen et long termes des activités de sapeur-pompier sur la santé. S'agissant des maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers, il peut être utile de rappeler qu'il est d'ores et déjà possible de bénéficier de leur reconnaissance lorsque l'affection résulte d'une maladie non inscrite au tableau des maladies professionnelles, conformément au dernier alinéa de l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique. Des travaux scientifiques nécessaires à conforter le faisceau d'arguments internationaux tendant à mettre en évidence le lien entre l'activité de sapeur-pompier et certains cancers sont en cours. Ils devraient permettre d'établir un consensus, sur les pathologies à soumettre à l'inscription au tableau des maladies professionnelles, notamment au sein de l'observatoire national sur la santé des agents des SIS, mis en place en 2024 et dans lequel les organisations représentatives des sapeurs-pompiers professionnels sont partie prenante. Une demande de révision du tableau des maladies professionnelles a par ailleurs été adressée à madame la ministre chargée du travail en décembre 2024. Ces études contribueront également à poser des éléments plus concrets du suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers aux risques inhérents aux différentes missions des services d'incendie et de secours, éléments qui pourront utilement éclairer le suivi médical des sapeurs-pompiers tout au long de la carrière ainsi que le suivi post-professionnel instauré dans la fonction publique territoriale par le décret n° 2015-1438 du 5 novembre 2015. En particulier, concernant le suivi tout au long de leur carrière, les sapeurs-pompiers bénéficient d'ores et déjà d'examens cliniques et de bilans sanguins réguliers permettant de dépister les cancers hématologiques tel le lymphome. Le dépistage du sang dans les urines permet aussi de détecter les cancers de l'arbre urinaire. S'il n'existe pas d'examens de dépistage systématique aujourd'hui recommandés en France en prévention de la toxicité des fumées, des cytologies urinaires pour les sapeurs-pompiers très exposés, comme certains formateurs utilisant régulièrement les dispositifs de feux réels, sont préconisés par un référentiel national, à paraître dans le cadre de la réforme des textes relatifs à l'aptitude des sapeurs-pompiers. Il est souligné que la réforme de l'arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires est largement initiée suite à la parution du décret n° 2025-330 du 10 avril 2025 relatif à la médecine d'aptitude des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ainsi que de son arrêté d'application qui permettront, au 1er janvier 2026, de disposer d'un système rénové. De même, les actions menées avec les parlementaires sur les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services d'incendie et de secours seront aussi de nature à mieux tenir compte des risques de cancers. Dans un domaine particulièrement complexe, les travaux et les dispositifs que le Gouvernement déploient ont vocation à déterminer plus précisément les risques auxquels les sapeurs-pompiers sont exposés, y compris pour les fumées toxiques, à prévenir l'apparition de maladies et à mieux les protéger face à ces risques.

Données clés

Auteur : M. Éric Pauget

Type de question : Question écrite

Rubrique : Accidents du travail et maladies professionnelles

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 19 novembre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

partager