Difficultés de recrutements des intérimaires hôpitaux depuis la « loi Rist »
Question de :
M. Vincent Descoeur
Cantal (1re circonscription) - Droite Républicaine
M. Vincent Descoeur appelle l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur les conséquences de la mise en œuvre de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, plus communément appelée « loi Rist », entrée en vigueur le 3 avril 2023, sur le fonctionnement des hôpitaux. Du fait de l'encadrement des rémunérations de l'intérim médical, les hôpitaux se trouvent en effet confrontés à des difficultés de recrutement qui mettent à mal le fonctionnement de leurs services. Si l'encadrement des rémunérations de l'intérim médical peut être considéré comme une mesure de bon sens, faute d'anticipation et de mesures d'accompagnement, il a en réalité pour effet de priver les établissements de santé situés dans les territoires ruraux de la seule marge de manœuvre dont ils disposaient pour compenser l'insuffisance des effectifs de praticiens titulaires. Par ailleurs, le texte n'apporte pas de réponse aux problématiques qui conduisent à avoir recours à l'intérim médical, à savoir le manque d'attractivité de l'exercice hospitalier et l'inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire. Aussi, il conviendrait de prévoir une mise en œuvre progressive de la loi, en instaurant des dérogations pour les hôpitaux qui, comme celui d'Aurillac dans la circonscription de M. le député, ont massivement recours à des intérimaires recrutés quasi exclusivement en dehors de la région. L'encadrement des rémunérations incite ces soignants intérimaires à faire le choix d'établissements situés à proximité de leur domicile, créant ainsi une rupture de l'offre de soins dans un certain nombre d'établissements éloignés des centres universitaires. Par ailleurs, cette loi favorise le recrutement via des agences d'intérim plutôt qu'en gré à gré. En effet, si les établissements ont la possibilité de proposer des contrats dits « de motif 2 » - définis par un décret de février 2022 -, en cas de difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre de soins sur le territoire, ceux-ci présentent néanmoins plusieurs limites. En effet, leur nombre doit être limité sans cohérence avec le manque de praticiens. De plus, les frais de déplacement ne pouvant être pris en charge, les remplaçants préfèrent s'orienter vers des établissements situés à proximité de chez eux. Enfin, ce type de contrat entraîne des tensions dans les services entre titulaires et remplaçants contractuels en raison d'un écart de rémunération d'un facteur 2. Il conviendrait de réguler ces contrats de type 2 en les orientant prioritairement vers des établissements en besoin d'effectifs médicaux. Il souhaiterait connaître son avis sur ce sujet et lui demande plus largement quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour que les hôpitaux puissent être en mesure de continuer à recruter sur l'ensemble du territoire des médecins remplaçants qui permettent d'assurer leur fonctionnement au quotidien et le maintien de leurs services essentiels.
Réponse publiée le 1er juillet 2025
Outre son impact financier majeur sur les budgets des établissements de santé, un recours dérégulé à l'intérim médical, hors du cadre réglementaire, engendre une déstabilisation des services hospitaliers et des équipes médicales et soignantes susceptible de nuire à la qualité des soins. La fragilité de la démographie médicale dans certains territoires génère ainsi une tension sur le marché de l'emploi médical et une forte concurrence entre établissements pour l'accès aux ressources humaines médicales rares, favorisant ces pratiques dérégulées. Si l'intérim pèse lourdement sur les budgets des établissements sur le plan financier, il pèse également sur la stabilité et la cohésion des équipes et par là même sur la qualité des soins. Les dispositions de l'article 33 de la loi dite "Rist 1" du 26 avril 2021 visant à lutter contre les dérives de l'intérim médical sont entrées en vigueur depuis le 3 avril 2023. Elles permettent, d'une part, aux comptables publics de bloquer les rémunérations des contrats d'intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation et, d'autre part, aux Agences régionales de santé (ARS) de déférer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers dont les montants excèdent les plafonds réglementaires, conclus avec des entreprises de travail temporaire ou directement conclus entre praticiens et établissements publics de santé. La mise en œuvre de ces contrôles comptables a donc vocation à remettre de l'équité dans les équipes et les conditions de rémunération des praticiens, à stopper les dérives constatées, compte tenu de la concurrence pouvant exister localement entre établissements pour recruter dans certaines spécialités en tension. Il s'agit également de remettre de la transparence et de l'équilibre dans la gestion des ressources humaines médicales. Des travaux préparatoires à la mise en œuvre de ces contrôles ont été conduits depuis l'automne 2021, au niveau national et régional, en vue d'établir des diagnostics territoriaux par spécialités en lien avec les différents acteurs des territoires. Ces diagnostics territoriaux, réalisés par les ARS en lien avec les établissements de santé, ont fait l'objet de plusieurs actualisations depuis le mois de mars 2023. Ils ont permis de rechercher des solutions adaptées à chaque territoire pour assurer le maintien de la continuité des soins. Des difficultés ponctuelles et localisées existent néanmoins, mais elles préexistent la plupart du temps à la mise en œuvre des contrôles de l'intérim médical. Ces mesures de contrôle s'accompagnent également de mesures d'attractivité vis-à-vis des praticiens. Ainsi, en décembre 2021, une Prime de solidarité territoriale (PST) visant à encourager les remplacements de praticiens entre établissements publics de santé au-delà de leurs obligations de service par la mutualisation des ressources humaines médicales à l'échelle d'un territoire a été créée. Elle permet à titre d'exemple de rémunérer environ 1 700 € brut un praticien qui réaliserait 24h de travail un dimanche dans un autre établissement. Ce dispositif a été revalorisé et assoupli pour faciliter son accès. Désormais, le directeur général de l'ARS peut majorer ces montants dans la limite de 30 %. En outre, les majorations exceptionnelles des indemnités de garde à hauteur de 50 % ont été pérennisées depuis le 1er janvier 2024 et le plafond de l'intérim médical pour les praticiens salariés d'une entreprise de travail temporaire et mis à disposition d'un établissement public de santé a été revalorisé à 1 410,69 € bruts pour 24h. Dans la continuité du rapport IGAS (inspection générale des affaires sociales), des réflexions sont également engagées autour des enjeux de permanence des soins, dont la charge, pesant majoritairement sur les établissements publics de santé, participe à leur déficit d'attractivité. Conformément aux annonces de la Première ministre à l'été 2023, la revalorisation des astreintes à domicile des personnels médicaux sera en place dans son format définitif au 1 novembre 2025. Une période intermédiaire est prévue entre le 1er juillet et le 31 octobre 2025/ Toutes ces mesures visent donc à accompagner les établissements dans une période de tension sur l'offre de soins et à soutenir les professionnels des établissements publics de santé. Enfin, les contrats dits de « motif 2 » offrent aux praticiens des modalités de rémunération dérogatoires particulièrement attractives dans des situations de forte tension sur la ressource humaine médicale, en contrepartie de l'engagement du praticien sur des objectifs corrélés à la part variable de rémunération et soumis à évaluation. Ils constituent un levier à la main des ARS et des établissements pour faire face aux difficultés de recrutement sur le territoire. Le recours à ces contrats a permis dans de nombreux cas de fidéliser les praticiens intérimaires et remplaçants réguliers en leur proposant un exercice salarié stabilisé. Néanmoins, le recours accru à ce type de contrat depuis la mise en œuvre de la loi Rist a pu générer des difficultés au niveau local. C'est pourquoi des évolutions réglementaires ont été apportées par le décret n° 2024-1133 du 4 décembre 2024 pour encadrer davantage le recours à ces contrats, afin d'en réserver l'usage à l'objet initial prévu par les textes, c'est-à-dire dans des situations particulières de difficultés de recrutement sur un territoire ou dans une spécialité.
Auteur : M. Vincent Descoeur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 19 novembre 2024
Réponse publiée le 1er juillet 2025