Question écrite n° 2512 :
Retrait de la réforme Blanquer qui accroît les disparités filles/garçons

17e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social

M. Alexis Corbière alerte Mme la ministre de l'éducation nationale sur les effets négatifs de la réforme Blanquer qui a accru les disparités entre les filles et les garçons dans les matières scientifiques. Alors que le président Emmanuel Macron avait déclaré « grande cause du quinquennat » 2017/2022 l'égalité femmes/hommes, un rapport de la Cour des comptes, publié en septembre 2023, étrille la politique des gouvernements successifs dans ce domaine. Ainsi, le sous-titre de ce rapport pointe « des avancées limitées par rapport aux objectifs fixés ». Malheureusement cette inaction des ministres successifs dans ce domaine se ressent aussi dans l'école publique, qui accroît les disparités entre les filles et les garçons dans les matières scientifiques. En effet, au-delà du schéma de société patriarcal qui fait que les filles ont moins confiance en elles dans les matières dites scientifiques, ces mêmes matières sont plus considérées comme étant « masculines » et les lettres, plus « féminines ». Pourtant, depuis les années 2000, il n'existe plus d'écart significatif de performance moyenne entre filles et garçons en mathématiques. Mais, ce qui depuis 2018 a considérablement accru les inégalités, c'est la réforme Parcoursup. Celle-ci, mise en place par Jean-Michel Blanquer, a accentué cette disparité hommes/femmes dès le lycée, en sciences et en mathématiques. Parmi les nombreuses réformes du lycée, celle de 2019 est unique par son impact massif sur l'affaiblissement des filières scientifiques et la parité. Après la réforme, en 2022, un garçon a 2,3 fois plus de chances qu'une fille d'avoir un bac « sciences », c'est l'inégalité la plus forte observée au cours de toute la Ve République. La France compte 56 % de lycéennes en terminale générale actuellement mais seules 40 % des filles sont en spé maths. Ce taux de féminisation n'avait pas été aussi bas depuis 1994-1995. Ainsi, la réforme de 2018 a provoqué un recul de 25 ans de la place des lycéennes en maths : en 2021, 45 % des filles n'étudient plus les maths en 1ère, ce qui n'était le cas que de 17 % des lycéennes en 2019. Comparativement parlant, pour les garçons, ces chiffres s'élèvent à 25 % puis 6 %. D'après la DEPP, la baisse du nombre de filles étudiant les sciences au lycée général est particulièrement visible en mathématiques. En 2021-2022, 55 000 jeunes femmes de terminale faisaient six heures ou plus de maths par semaine, via l'EDS. C'est 42 % de moins que deux ans plus tôt, via la terminale S. Pour le Collectif maths-sciences, cela « risque d'affecter leurs études supérieures en raison de leur désaffection massive et accrue pour les sciences et les maths ». Cette réforme marque une réduction inédite de la formation scientifique au lycée alors qu'une ancienne ministre de l'enseignement affirmait « l'importance vitale de la science pour notre pays » mais défendait une réforme qui en réduisait drastiquement l'accès, notamment pour les filles. Or cela aura des conséquences néfastes ces prochaines années, dans l'enseignement supérieur en sciences et en mathématiques pour ces jeunes femmes. Un meilleur équilibre dans les orientations vers les débouchés professionnels les mieux rémunérés, dont celles vers les très masculines sciences et techniques, représente donc un enjeu de justice sociale. Le retour en arrière consécutif à la réforme de 2019 sur les progrès réalisés en ce sens au lycée général durant la Ve République place le pays dans une situation sans précédent. M. le député demande donc à Mme la ministre les mesures qu'elle compte mettre en œuvre pour que le lycée n'aboutisse finalement pas à préserver une élite masculine dominante dans les parcours scientifiques au détriment de son accès à tous, dont les femmes. Si la question du rapport des femmes aux sciences ne saurait se réduire à celle du bac, cette réforme, fondée sur un choix de « spécialités » sans garantir de socle de connaissances solides en mathématiques et en sciences, contraint leur orientation et devenir professionnel, diminuant fortement les chances d'une promotion sociale et économique. Enfin, il la questionne pour savoir si, comme le demandent les syndicats et les professeurs depuis des années, la réforme Blanquer va finalement être retirée.

Réponse publiée le 10 juin 2025

La mixité filles/garçons dans l'ensemble des séries de la voie technologique et dans les enseignements de la voie générale est suivie attentivement par le ministère chargé de l'éducation nationale et ce plus particulièrement en ce qui concerne les disciplines scientifiques. Depuis la rentrée scolaire 2023 et l'introduction de l'enseignement de mathématiques dans le tronc commun, tous les lycéens de la voie générale bénéficient d'un enseignement de mathématiques jusqu'en classe de première, et d'un enseignement scientifique jusqu'en classe de terminale, ce qui n'était pas le cas avant la réforme de 2019. Les lycéens qui ne poursuivent pas l'enseignement de spécialité (EDS) en terminale mais souhaitent conserver un enseignement de mathématiques, ont la possibilité de prendre l'option « mathématiques complémentaires ». Ceux qui poursuivent l'enseignement de spécialité peuvent par ailleurs le compléter en choisissant l'option « mathématiques expertes ». Ils bénéficient alors de 6 heures d'enseignement de spécialité auxquelles s'ajoutent trois heures d'enseignement optionnel. Chaque élève peut ainsi adapter son cursus à son projet de poursuite d'études. Cette nouvelle structure du lycée général rend peu opérantes les comparaisons avec les anciennes séries S, ES et L. Depuis la mise en place en 2019 d'une scolarité construite autour du choix de spécialités, en classe de première générale, l'enseignement de spécialité « mathématiques » est la spécialité la plus choisie par les filles (en 2023, 56 % des filles choisissent l'EDS « mathématiques »). En termes de mixité au sein de la spécialité, 48 % des élèves inscrits en enseignement de spécialité « mathématiques » en première sont des filles (près de 120 000 filles sur 250 000 élèves inscrits dans cette spécialité). Puis, en classe de terminale générale, l'enseignement de spécialité « mathématiques » est la deuxième spécialité la plus choisie par les filles après les sciences économiques et sociales (en 2023, 33 % des filles choisissent l'enseignement de spécialité « mathématiques »). En termes de mixité au sein de l'enseignement, 42 % des élèves inscrits en enseignement de spécialité « mathématiques » en terminale sont des filles (près de 70 000 filles sur 167 000 élèves), suivant une trajectoire dynamique et positive (41 % en 2022 et 39 % en 2021). De plus, l'enseignement optionnel « mathématiques complémentaires », proposé en terminale aux élèves ne suivant pas enseignement de spécialité « mathématiques », accueille à 63 % de filles (soit 36 000 filles). Par ailleurs, les enseignements scientifiques regroupent aussi bien les mathématiques (en EDS ou en option) que la physique-chimie, les sciences de la vie et de la Terre, les sciences de l'ingénieur et les sciences informatiques. 65 % des filles de terminale générale suivent un enseignement scientifique en 2023. Enfin, si l'on s'attache à l'orientation post-baccalauréat, la part des filles a augmenté entre 2020 (dernière année de l'ancien bac) et 2023 : en licence de mathématiques de 25,3 % à 27 %, en licence d'informatique de 13,1 % à 15,5 % et en maths sup (CPGE MPSI-PCSI-PTSI-MP2I) de 26,1 % à 26,8 %. Le rapport conjoint IGF/IGESR remis en février 2025 établit le constat suivant : la réforme du lycée général et technologique intervenue à partir de 2019 n'a pas eu d'effet significatif sur ce phénomène ancien. La proportion de filles étudiant au moins six heures de mathématiques a, certes, décru (alors que 33 % des filles suivaient la filière S, elles ne sont plus que 22 % à suivre l'enseignement de spécialité « mathématiques » en terminale), mais le nombre de femmes s'engageant dans des études STEM après le baccalauréat (CPGE, écoles d'ingénieurs post-baccalauréat, licences à l'université, BTS et DUT) est resté stable autour de 25 000 par an.  Mais il reste une importante marge de progrès. Il manque 20 000 ingénieurs par an et le pays a besoin de 60 000 techniciennes et techniciens pour relever le défi des transitions industrielle, écologique et numérique. Par ailleurs, encourager les jeunes filles à s'orienter vers les filières menant aux métiers de l'ingénierie et du numérique est aussi une manière de lutter contre les inégalités salariales. Nous devons donc attirer davantage d'élèves, et en particulier davantage de filles, dans les filières technologiques et scientifiques. C'est tout l'objet du plan "Filles et maths" annoncé en mai 2025. Le plan prévoit que l'ensemble des professeurs des premier et second degrés sera sensibilisé dès la rentrée 2025 aux biais de genre qui conduisent les filles à se sentir moins légitimes en mathématiques. De plus, les lycéennes seront encouragées à choisir plus massivement les enseignements de spécialité de mathématiques, sciences informatiques et sciences de l'ingénieur. L'objectif est une augmentation de 5000 filles par an dans ces enseignements d'ici 2030. Enfin, parce qu'il faut s'identifier pour se projeter, des rencontres avec des rôles modèles seront rendues systématiques de la 3ème à la terminale.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement secondaire

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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