Question écrite n° 2558 :
Situation de la sidérurgie française face à la concurrence internationale

17e Législature

Question de : M. Julien Gokel
Nord (13e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Julien Gokel alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, sur la situation préoccupante de la sidérurgie française face à la concurrence internationale. En effet, l'industrie française et européenne de l'acier traverse une crise sans précédent en raison de la concurrence chinoise, qui domine le marché mondial en vendant sa production à des prix extrêmement bas. Le soutien massif des pouvoirs publics en Chine, les faibles coûts de l'énergie et des réglementations environnementales moins strictes confèrent aux producteurs chinois un avantage compétitif auquel les entreprises françaises peinent à répondre. Malgré les mesures anti-dumping prises au niveau européen, le déficit de compétitivité du pays persiste. Ce contexte met en péril le Dunkerquois, territoire emblématique du savoir-faire industriel français, où l'industrie sidérurgique joue un rôle moteur pour toute l'économie locale. L'aciériste ArcelorMittal a récemment suspendu son projet de décarbonation des sites de Dunkerque et de Mardyck, en dépit de la promesse de soutien de l'État à hauteur de 850 millions d'euros, dont 125 millions d'euros déjà engagés. Cette décision compromet l'avenir du site, où plusieurs milliers de salariés sont actuellement en chômage partiel. Face à cette situation critique, l'intervention de l'État est indispensable. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour garantir la compétitivité de l'industrie sidérurgique française. Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de renforcement des mesures de sauvegarde contre les importations extra-européennes ? Peut-il agir pour accélérer la mise en place du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) au niveau européen ? Comment l'État peut-il favoriser la signature des contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN) avantageux entre les entreprises électro-intensives et EDF, afin de garantir un accès à une électricité à bas coût, autour de 55 euros par MWh ? Quelle est la position du Gouvernement sur la suspension du projet de décarbonation des sites dunkerquois d'ArcelorMittal ? Entend-il maintenir une pression ferme pour que l'entreprise honore ses engagements en matière de transition, étape indispensable pour sécuriser l'avenir du site ? L'État doit s'assurer du bon usage de l'argent public qui a été engagé. La sidérurgie est un pilier de la souveraineté industrielle de la France. Elle nécessite des mesures ambitieuses et immédiates. Il en va de l'avenir économique et social du Dunkerquois, ainsi que de nombreux autres territoires industriels en France et en Europe. Il souhaite avoir son avis à ce sujet.

Réponse publiée le 3 juin 2025

Le Gouvernement partage pleinement le constat d'une situation très préoccupante pour la sidérurgie européenne face aux défis majeurs menaçant sa pérennité. Les surcapacités mondiales de production, accentuées par la fermeture de plusieurs marchés régionaux stratégiques, à l'image du marché américain, conduisent à une redirection massive des flux vers l'Union européenne, exposant celle-ci à une pression commerciale sans cesse plus intense. Par conséquent, cette situation appelle la France à s'engager au niveau européen afin de porter la cause d'une sidérurgie compétitive et souveraine, dans le respect des principes d'une concurrence loyale. Il est impératif d'agir, tout en dessinant des perspectives solides au-delà de l'horizon 2026. Il en va non seulement de la souveraineté européenne en matière de production d'acier, maillon essentiel de nombreuses chaînes de valeur, mais aussi de la capacité de notre sidérurgie à se décarboner, en assurant à la fois sa viabilité économique et la réalisation de nos objectifs climatiques. Toutes les grandes puissances industrielles sont également des puissances sidérurgiques, et la France défend la nécessité d'une production primaire et secondaire sur le sol européen, et ce pour assurer notre indépendance. Sur la situation spécifique d'ArcelorMittal à Dunkerque, la convention signée en janvier 2024 entre ArcelorMittal France et l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) reste valable et en vigueur. Elle prévoit une subvention de 850 millions d'euros, conditionnée à la commande des actifs stratégiques, tels que les fours à arc électrique et le réacteur DRP, ainsi qu'à la performance environnementale du projet, notamment l'utilisation d'hydrogène. Le Gouvernement tient également à souligner qu'aucun versement partiel n'a encore été effectué. Par ailleurs, l'action résolue du Gouvernement, déployée à plusieurs niveaux en faveur de la sidérurgie européenne, doit permettre à ArcelorMittal d'engager son projet avec des perspectives économiques claires et porteuses. À court terme, le Gouvernement a alerté la Commission européenne et obtenu l'annonce d'un plan d'urgence pour l'acier européen en mars 2025. Ce plan doit, qui vise une amélioration significative des instruments de défense commerciale, doit désormais être mis en oeuvre. En parallèle, l'État incite les acteurs de la filière à utiliser les instruments existants autant que possible, notamment par le dépôt de demandes d'enquête auprès de la Commission dès que nécessaire. Pour permettre aux industriels électro-intensifs d'accéder à une électricité compétitive, Électricité de France (EDF), dans le cadre de l'accord conclu avec l'État en novembre 2023, développe une nouvelle politique commerciale basée sur des contrats de long terme d'environ 10 ans, négociés bilatéralement avec les industriels dans une logique de partage de risque. Cet outil est essentiel pour garantir la décarbonation et la réindustrialisation du pays. Par ailleurs, le Gouvernement demeure attentif à ce que les outils développés par EDF permettent de dégager les moyens nécessaires au financement des investissements dans le parc de production nucléaire tout en assurant durablement la compétitivité de l'industrie. En parallèle, la réforme du marché de l'électricité engagée en France, et la signature avec EDF d'une lettre d'intention relative à la conclusion d'un contrat d'allocation de la production, devrait aussi permettre à ArcelorMittal de sécuriser ses approvisionnements futurs en électricité en France. En outre, la France plaide pour un cadre global permettant de répondre aux défis conjoints des surcapacités mondiales et de la décarbonation. Concernant la problématique de concurrence déloyale liée aux surcapacités, il est essentiel de mettre en place un outil pérenne de politique commerciale européenne, succédant à la mesure de sauvegarde actuelle qui prendra fin en 2026. Sur le plan de la décarbonation, la mise en œuvre du Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) devra garantir que les aciers importés fassent l'objet d'une tarification carbone alignée sur celle que paient déjà les sidérurgistes européens dans le cadre de l'EU-ETS. La France appelle donc à une mise en œuvre pragmatique et équilibrée de ce mécanisme, qui, combiné au cadre de l'EU-ETS, doit soutenir ces objectifs climatiques sans compromettre la compétitivité des aciers européens ni leur capacité à engager les investissements nécessaires à leur transition écologique. La France porte ces propositions avec détermination auprès de la nouvelle Commission européenne, forte du soutien de nombreux États membres, en particulier des grandes puissances industrielles du continent, réunies au sein de l'alliance de l'industrie lourde à l'initiative de la France.

Données clés

Auteur : M. Julien Gokel

Type de question : Question écrite

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Industrie

Ministère répondant : Industrie et énergie

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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