Protection par la France des ressortissants soudanais
Question de :
Mme Gabrielle Cathala
Val-d'Oise (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Gabrielle Cathala alerte M. le ministre de l'intérieur sur la situation des ressortissants soudanais en France, qui continuent d'être placés en centre de rétention administrative (CRA) et parfois expulsés vers le Soudan malgré le conflit armé qui ravage ce pays depuis 2023. Ce conflit, opposant les Forces armées soudanaises (SAF) aux Forces de soutien rapide (RSF), a plongé la population soudanaise dans une situation catastrophique, marquée par des violences ciblées, des déplacements de masse et une crise humanitaire sans précédent. Amnesty international et Human Rights Watch évoquent de possibles crimes de guerre et signalent que des dizaines de milliers de civils, notamment au Darfour-Ouest, sont ciblés en raison de leur appartenance ethnique. Plus largement, ce conflit a d'ores et déjà forcé plus de treize millions de civils à fuir leur foyer et engendre un risque de famine pour la moitié de la population soudanaise. La France continue pourtant de placer en rétention administrative des ressortissants soudanais et d'organiser des expulsions. Seize ressortissants soudanais ont été placés au CRA du Mesnil-Amelot en 2024. Plusieurs d'entre eux sont sous le coup de mesures d'éloignement justifiées par des mentions telles que « l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ». Ces décisions ignorent la réalité du terrain. La CNDA a en effet jugé que la capitale Khartoum, ainsi que trois des cinq États de la région du Darfour, sont en proie à une « violence aveugle d'intensité exceptionnelle » justifiant l'octroi systématique de protections subsidiaires. Médecins sans frontières (MSF) alerte également sur la situation dramatique des réfugiés soudanais. Une de leurs études montre que dans les camps de réfugiés du Tchad, la mortalité des personnes provenant de cette région a été multipliée par vingt. La violence endémique, les restrictions sur l'approvisionnement en denrées alimentaires et en médicaments vitaux, les déplacements contraints aggravent encore cette tragédie. Mme la députée rappelle que la France a fermé son ambassade et évacué ses ressortissants dès le début du conflit, reconnaissant ainsi les dangers imminents. Pourtant, en décembre 2023, la France a procédé à l'expulsion d'un Soudanais vers son pays d'origine via l'Égypte, en dépit des risques évidents pour sa sécurité et sa vie. Ces pratiques soulèvent des inquiétudes majeures quant au respect des droits fondamentaux, notamment le droit à la vie et le droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants. Mme la députée s'interroge également sur l'application par la France de ses obligations en matière de droit d'asile. La CNDA a annulé plusieurs rejets de demande d'asile concernant des ressortissants soudanais, estimant que la situation dans leurs zones d'origine justifiait une protection subsidiaire immédiate. Pourtant, 41 % des demandes d'asile de ressortissants soudanais ont été rejetées par l'OFPRA en 2023, ce qui les expose à des risques certains en cas d'expulsion. Mme la députée demande à M. le ministre pourquoi, dans ces conditions qui concernent l'entièreté du pays, 41 % des demandeurs d'asile soudanais ne bénéficient d'aucune protection. Elle l'interroge également sur les mesures prévues pour garantir une application stricte des principes de non-refoulement et pour aligner les politiques migratoires sur les obligations internationales en matière de droits fondamentaux. Elle souhaite enfin savoir si le Gouvernement envisage de revoir les modalités d'instruction des demandes d'asile des ressortissants soudanais, afin de leur assurer une protection immédiate et systématique à la hauteur des exigences des droits humains.
Réponse publiée le 17 juin 2025
En 2023, l'Ofpra a reçu 2 965 demandes d'asile en provenance du Soudan et accordé une protection internationale dans 52 % des cas examinés. En 2024, 5 123 demandes d'asile de ressortissants soudanais ont été reçues à l'Office. Le taux de protection a été de 64 %, soit un taux très largement supérieur au taux moyen de protection de 39 %, toutes nationalités confondues. Le taux global de protection sur cette nationalité, qui inclut les protections octroyées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) saisie d'un recours en annulation de la décision de l'Office, avoisinait les 88 % en 2023 et les 83 % en 2024. Il convient de rappeler que dans le cadre de l'examen d'une demande d'asile, l'Office doit d'abord établir la nationalité alléguée du demandeur, puis examiner la crédibilité globale de son récit. Il doit en outre, s'agissant d'un pays en proie à un conflit armé, établir le lieu de provenance de l'intéressé où, en vertu de la jurisprudence européenne et nationale, celui-ci avait le centre de ses intérêts, pour apprécier in concreto le risque auquel il serait exposé en cas de retour au Soudan, dans la mesure où toutes les régions ne sont pas touchées par la violence avec la même intensité. L'absence d'établissement de ces différents éléments sont autant de raisons de refuser la protection internationale. D'autres motifs, plus résiduels, peuvent conduire au rejet de la demande d'asile des Soudanais, conformément au cadre juridique applicable : en 2024, une soixantaine de demandes ont été rejetées au motif que les intéressés disposaient déjà d'une protection effective au titre de l'asile dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Cinq demandes ont été rejetées car l'Ofpra avait des raisons sérieuses de considérer que les intéressés s'étaient rendus coupables de crimes graves au Soudan ou constituaient une menace grave à l'ordre public. A cet égard, si ces situations sont très minoritaires, elles mobilisent une forte vigilance de la part de l'Office, les situations de conflit mettant en scène, par définition, autant des civils victimes du conflit que des auteurs d'exactions auxquels l'accès à la procédure d'asile est également garanti.
Auteur : Mme Gabrielle Cathala
Type de question : Question écrite
Rubrique : Réfugiés et apatrides
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 10 décembre 2024
Réponse publiée le 17 juin 2025