Interdiction du tractage d'opinion sur les marchés
Question de :
Mme Edwige Diaz
Gironde (11e circonscription) - Rassemblement National
Mme Edwige Diaz attire l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur les mesures d'interdiction prises par les maires relatives au tractage d'opinion sur les marchés (distributions de bilans de mandats, d'annonces de réunions publiques politiques, tracts politiques, etc.) Au sein comme en dehors des périodes électorales, les militants des partis politiques se heurtent régulièrement, parfois chaque semaine dans la même commune, à des interdictions, émises par les équipes municipales, de distribution de documents politiques sur des marchés. Cependant et comme indiqué le 30 novembre 2022 au Journal officiel du Sénat à la suite d'une question écrite du sénateur Jean-Louis Masson, cette interdiction, « qui ne peut être générale et absolue, doit être limitée dans le temps et dans l'espace sous peine d'illégalité », en cohérence avec les décisions numéros 17413 et 17520 rendues par le Conseil d'État le 19 mai 1933. Mme la députée alerte ainsi Mme la ministre quant à de potentiels abus de pouvoirs constatés dans certaines communes, prenant des arrêtés municipaux empêchant, de manière quasi systématique, la distribution de tracts politiques sur les marchés, attentant ainsi à la libre expression des opinions. Elle lui demande également des précisions quant aux obligations relatives à la publicité et à l'accès aux arrêtés municipaux (apposition aux abords du marché, affichage sur le site internet, détention par les policiers municipaux ou les placiers...). Enfin, elle souhaiterait connaître les recours possibles pour les militants qui se verraient régulièrement interdire par les municipalités de distribuer des tracts sur les marchés.
Réponse publiée le 17 juin 2025
La loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, qui a modifié la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dispose que la distribution de tracts sur la voie publique est libre, y compris pour les tracts de nature politique. Cette distribution peut toutefois être soumise à certaines restrictions en droit. A titre d'exemple, s'il est avéré que la distribution a pour effet d'engendrer des troubles à l'ordre public, le maire peut exercer son pouvoir de police générale et prendre un arrêté d'interdiction, y compris en période de campagne électorale (CE, 17 avril 2012, n° 358495). L'éventuelle interdiction, qui ne peut être générale et absolue, doit être limitée dans le temps et dans l'espace sous peine d'illégalité (CE, 19 mai 1933, Benjamin, n° 17413 et 17520). Un maire ne peut donc pas prendre de manière systématique un arrêté d'interdiction de distribution de tracts sans que celui-ci ne soit justifié par les risques de trouble à l'ordre public engendrés par la distribution, motifs au regard desquels le juge contrôle la proportionnalité de la mesure de police prise par l'autorité municipale (CE, Assemblée, 26 décembre 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l'image et autres ; CE, 4 mai 1984, n° 49153, Préfet de police c/Guez). Cet arrêté municipal ne pourra pas non plus imposer une déclaration ou une autorisation pour la distribution de tracts dans sa commune. En effet, le pouvoir de police générale du maire ne lui permet pas de subordonner une activité relevant de la liberté du commerce, de l'industrie ou de la presse, à un régime d'autorisation ou de déclaration préalable, sans qu'une loi ne l'y autorise (CE, Ass., 22 juin 1951, Daudignac, n° 00590 et 02551). Par ailleurs, ce principe de liberté de distribution de tracts politiques sur la voie publique devient une interdiction à partir de la veille d'un scrutin politique. En effet, aux termes de l'article L. 49 du code électoral : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : 1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. » Concernant les règles de publicité applicables aux arrêtés municipaux interdisant la distribution de tracts sur la voie publique, ceux-ci constituent des actes réglementaires qui, en application des articles L. 2131 1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), sont exécutoires dès qu'ils ont été publiés et transmis à la préfecture au titre du contrôle de légalité. La publication s'effectue par voie électronique ou, par dérogation dans les communes de moins de 3 500 habitants, selon le mode de publicité choisi par le conseil municipal (soit par affichage, soit par publication sur papier, soit par publication sous forme électronique). En fonction de ce mode de publicité, les arrêtés devront être mis à disposition du public de manière permanente et gratuite sur le site internet de la commune ou, le cas échéant, en mairie sous format papier (articles L. 2131-1 et R. 2131-1 du CGCT). En tout état de cause, toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des arrêtés municipaux en application de l'article L. 2121-26 du CGCT. Enfin, plusieurs voies de recours existent pour contester la légalité d'un arrêté municipal. En premier lieu, il est possible de former un recours gracieux en adressant à l'autorité municipale une lettre en recommandé avec accusé de réception afin de demander l'annulation ou la modification de l'arrêté dans le délai de deux mois à compter du jour où l'acte devient exécutoire (article L. 2131-3 du CGCT), soit dès leur publication ou affichage (article L. 2131-1 du même code). Il est également possible de solliciter un déféré préfectoral auprès du représentant de l'Etat dans le département (article L. 2131-8 du même code) dans les conditions prévues à l'article L. 2131-6 du CGCT. Enfin, comme pour tout acte émanant d'une autorité communale, un administré peut saisir le juge administratif, s'il s'estime « personnellement lésé » par celui-ci (article L. 2131-9 du CGCT).
Auteur : Mme Edwige Diaz
Type de question : Question écrite
Rubrique : Partis et mouvements politiques
Ministère interrogé : Partenariat territoires et décentralisation
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 17 décembre 2024
Réponse publiée le 17 juin 2025