Dysfonctionnements du Pass Culture et nécessité d'une refonte structurelle
Question de :
Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National
Mme Sophie Blanc appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur les dysfonctionnements persistants du dispositif du pass Culture, initialement conçu pour favoriser l'accès à la culture pour les jeunes de 18 ans, mais qui aujourd'hui soulève de vives critiques. Si l'intention de ce projet est louable, son exécution et sa gestion posent de nombreux problèmes, tant en matière d'inégalités dans l'accès à la culture, de détournement du pass pour des évènements politiques, que de gestion opaque et parfois choquante des fonds publics alloués à ce programme. Le pass Culture, initié en 2019, était censé offrir à chaque jeune Français un montant de 300 euros pour découvrir des activités culturelles, qu'il s'agisse de visites de musées, de concerts, de livres, ou encore de films. Pourtant, à l'aune de plusieurs bilans récents, il apparaît que l'objectif initial d'élargir l'horizon culturel des jeunes est loin d'être atteint. Selon plusieurs études, une part importante des bénéficiaires utilise principalement le Pass pour des biens de consommation très limités en matière de diversité culturelle, tels que les mangas et les jeux vidéo. Ce constat pose une question centrale : pourquoi un programme si bien financé ne parvient-il pas à inciter les jeunes à découvrir des formes d'art plus variées ? Le pass Culture, instauré pour encourager l'accès à la culture chez les jeunes de 18 ans, présente des lacunes significatives qui nécessitent une refonte urgente. Un des principaux problèmes du pass Culture est son inadaptation aux réalités des jeunes vivant dans les zones rurales et moins desservies culturellement. De nombreux articles soulignent que, bien que le pass Culture ait été conçu pour ouvrir des portes vers une variété d'activités culturelles, son efficacité est souvent compromise par un manque d'infrastructures et d'offres adaptées dans ces territoires. Les évènements et activités financés par le pass Culture sont principalement localisés dans des grandes villes, laissant les jeunes des zones rurales face à une offre culturelle limitée. Cela contribue à creuser les inégalités entre les territoires, où les jeunes n'ont souvent pas accès aux mêmes opportunités que leurs homologues vivant dans les grandes métropoles ce qui crée une inégalité. Il est nécessaire de faire une répartition plus équitable des fonds alloués au pass Culture pour permettre aux jeunes des milieux ruraux de bénéficier d'une gamme d'activités, qu'il s'agisse de spectacles, d'ateliers artistiques ou d'autres formes d'expression culturelle. Cela pourrait inclure des initiatives spécifiques visant à encourager la création artistique locale ou à soutenir les petites structures culturelles qui œuvrent dans ces régions. Un autre aspect fondamental qui appelle une révision concerne les critères de sélection des évènements et activités financés par le pass Culture. L'absence de normes claires et transparentes ouvre la voie à des dérives, notamment la possibilité que certains évènements soient choisis en fonction de critères idéologiques plutôt que de leur valeur culturelle intrinsèque. La question de la sélection des évènements est cruciale pour garantir que le pass Culture ne soit pas utilisé comme un outil de propagande politique. Des évènements tels que la Fête de l'Humanité, par exemple, soulèvent des inquiétudes quant à leur éligibilité, ce qui pourrait nuire à la perception publique du pass Culture comme un programme équitable. Pour remédier à cette situation, il est impératif de définir des critères d'éligibilité clairs, basés sur des critères artistiques et culturels objectifs. Cela permettrait non seulement d'éviter les dérives idéologiques, mais également d'assurer que les fonds publics soient utilisés de manière à enrichir véritablement l'offre culturelle pour tous les jeunes. La refonte du pass Culture n'est pas seulement nécessaire, mais aussi urgente, afin de garantir un accès équitable à la culture pour tous les jeunes, indépendamment de leur lieu de résidence. Une proposition notable pour réformer ce dispositif serait de moduler le montant du pass en fonction des ressources des jeunes bénéficiaires. Mme la ministre vient de proposer cette modulation afin de corriger des inégalités de destin qui persistent dans l'accès à la culture. Une telle mesure permettrait d'allouer une aide plus conséquente aux jeunes issus des milieux les plus modestes, qui rencontrent plus de difficultés pour accéder à des pratiques culturelles. En parallèle, une meilleure structuration de l'offre proposée, avec un encadrement plus précis des activités éligibles, permettrait d'encourager les jeunes à découvrir une culture diversifiée et non seulement des produits à succès commercial. Outre les problèmes d'accessibilité et d'inégalité, un autre aspect inquiétant du pass Culture est son utilisation pour financer des évènements à caractère politique. Des cas récents ont révélé que le dispositif a été utilisé pour subventionner la participation de jeunes à des rassemblements comme la Fête de l'Humanité, un évènement ouvertement politique, ce qui pose de sérieuses questions sur la neutralité de ce programme. Le financement d'évènements idéologiques par un dispositif financé par l'impôt des citoyens pose problème, d'autant plus qu'il n'est pas certain que tous les jeunes, quel que soit leur bord politique, soient informés de ces utilisations. Cette dérive soulève un problème fondamental : l'objectif du pass Culture est de promouvoir l'accès à une culture apolitique et universelle et non de subventionner des évènements politiques qui divisent. L'utilisation des fonds publics pour des manifestations d'opinion est en contradiction avec les valeurs de neutralité et d'égalité d'accès que doit porter ce programme. Il est donc indispensable de revoir les critères d'éligibilité des évènements et de s'assurer que seuls des évènements purement culturels, sans lien avec des orientations politiques, puissent bénéficier de ce soutien financier. Il serait opportun de mettre en place une régulation plus stricte pour éviter ces dérives et garantir une utilisation exclusive du pass pour des évènements véritablement culturels. Le pass Culture doit rester un outil d'éveil artistique, non un instrument de promotion idéologique. Un autre problème majeur du pass Culture concerne la gestion financière de ce dispositif. En dépit de la mission d'intérêt général qui lui est confiée, la gestion des fonds publics alloués au pass soulève de graves interrogations. Plusieurs enquêtes ont mis en lumière des rémunérations astronomiques des dirigeants du programme, atteignant plusieurs centaines de milliers d'euros pour certains cadres. Ces montants sont choquants dans un contexte où de nombreuses initiatives culturelles peinent à trouver des financements et où l'argent public est supposé être utilisé avec rigueur et parcimonie. La révélation de ces rémunérations excessives témoigne d'une mauvaise gestion des ressources et d'une déconnexion totale entre les objectifs du pass et les réalités financières des familles modestes que ce dispositif est censé aider. Il est incompréhensible qu'un programme public, conçu pour promouvoir la culture auprès de la jeunesse, soit entaché de telles pratiques. La confiance des citoyens dans ce dispositif est à juste titre ébranlée. Il est urgent que des audits soient effectués pour clarifier la gestion des fonds et que des plafonds de rémunération soient mis en place pour les dirigeants de ces institutions publiques. En outre, la transparence doit être renforcée concernant l'utilisation des subventions attribuées aux différents acteurs partenaires du pass Culture. Les montants alloués à certaines organisations culturelles doivent faire l'objet d'un contrôle rigoureux, afin d'éviter tout abus et de garantir une distribution équitable des fonds. Le pass Culture est à l'origine une initiative ambitieuse, visant à démocratiser l'accès à la culture pour les jeunes générations. Cependant, force est de constater que ce dispositif, tel qu'il est actuellement géré, présente de nombreux dysfonctionnements : une offre culturelle mal structurée qui n'encourage pas suffisamment la découverte artistique, des inégalités sociales et géographiques qui pénalisent les jeunes des milieux les plus modestes, des dérives idéologiques qui dénaturent l'objectif même du Pass et enfin une gestion financière opaque marquée par des abus inacceptables. Mme la députée interroge Mme la ministre sur les changements concrets qu'elle prévoit de mettre en place pour diversifier l'offre culturelle accessible via le pass et garantir un accès égal pour tous les jeunes, notamment ceux issus des milieux ruraux ou modestes. Elle lui demande également quelles mesures seront prises pour interdire l'utilisation du pass Culture pour des évènements politiques, afin de préserver la neutralité du dispositif. Elle souhaite savoir si elle envisage de mettre en place des audits indépendants pour contrôler la gestion des fonds publics alloués au pass Culture et de plafonner les rémunérations des dirigeants afin d'éviter les abus ; le rapport accablant de la Cour des comptes publié mi-décembre 2024 ne laisse aucun doute sur la nécessité de refonte du pass Culture.
Réponse publiée le 10 juin 2025
Le pass Culture, dès sa création et surtout lors de sa généralisation en mai 2021, visait un double objectif : aller chercher les jeunes les plus éloignés de l'offre culturelle et leur proposer de diversifier leurs pratiques culturelles en allant, grâce à l'application, vers des offres qu'ils ne connaissaient probablement pas. Il s'agit donc de répondre à une double ambition de démocratisation de l'accès à la culture et de diversification des pratiques des jeunes. Le taux de couverture de la part individuelle est de 84 % de la population à 18 ans, et parmi eux, la part d'utilisateurs résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) est de 8 %, et 30 % en zone rurale. Comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes, il s'agit de proportions cohérentes avec les populations de jeunes résidant dans ces zones. Le taux d'utilisation des crédits par les utilisateurs en QPV est même supérieur à la moyenne nationale (87 % contre 82 %). Ces résultats vont dans le sens d'un accès équitable à la Culture pour les jeunes, en particulier ceux issus de milieux éloignés des pratiques culturelles. Pour aller plus loin, dans le cadre de la réforme du pass, le ministère de la culture a mis en place une possible dotation supplémentaire, le « Coup de Pouce Culture ». Ce crédit serait uniquement adressé aux jeunes issus des milieux les plus défavorisés, déscolarisés ou en situation de handicap. L'objectif est également que les jeunes mobilisent leurs crédits de manière diversifiée Pour cela il a été décidé de renforcer l'éditorialisation de l'offre et d'intensifier les actions de médiation dans le cadre du pass Culture. La médiation tient un rôle fondamental pour faire venir les jeunes et les intéresser à l'offre culturelle. Les premiers effets de la feuille de route demandée pour le pass Culture en mai 2024 se font déjà sentir. Des acteurs de secteurs culturels fragilisés, comme les librairies indépendantes ou les cinémas d'art et d'essai ont observé une évolution de leur fréquentation par les jeunes, et le Pass représente une part significative de leur chiffre d'affaires. Une enquête montre que 66 % de bénéficiaires de la dernière cohorte de « sortants » ont découvert un nouveau lieu culturel et 54 % ont réservé une activité jamais faite auparavant. Le spectacle vivant a connu une augmentation de sa fréquentation, dans le cadre du pass Culture, de 25 % au dernier trimestre 2024 par rapport à 2023. À titre d'exemple, la fréquentation de la Comédie Française par le pass Culture (part individuelle) a doublé d'une année sur l'autre. Concernant les critères de sélection des événements et activités financés par le pass Culture, la liste des domaines éligibles au pass Culture (part individuelle) est définie par l'annexe de l'arrêté du 20 mai 2021 portant application du décret no 2021-628 du 20 mai 2021. Ce texte définit la catégorie « spectacle vivant » par les articles L. 7122-1 et suivants, et R. 7122-1 et suivants du code du travail. C'est dans ce cadre réglementairement défini que les équipes de la société Pass Culture vérifient l'éligibilité des professionnels souhaitant s'inscrire et des offres proposées. C'est parce qu'ils présentent les caractéristiques du spectacle vivant définis par la loi que les concerts du festival « La fête de l'Huma » ont été déclarés éligibles à un financement par la part individuelle du pass, à l'exclusion de toutes propositions relevant d'une communication politique ou prosélyte. En 2024, 210 millions d'euros ont été consacrés à la part individuelle du Pass culture, et donc directement reversés aux offreurs culturels dans le cadre des actions réservées par les utilisateurs du pass. Si l'on rajoute la part collective, financée par le ministère de l'éducation nationale et qui concerne tous les élèves de la 6e à la terminale, la part des coûts revenant directement aux bénéficiaires s'élève à plus de 90 % du total des crédits mobilisés par cette action. Les frais de fonctionnement de la SAS pass Culture sont donc très largement inférieurs, en proportion, à tous les dispositifs équivalents. La masse salariale représente moins de 6 % du budget total alloué par le ministère de la culture à ce dispositif. Le ministère de la culture souhaite enfin rappeler que la SAS fait l'objet d'un suivi par un comité stratégique dans lequel siègent deux représentants de l'État, quatre fois par an. Ce suivi permanent est doublé d'un dialogue de gestion hebdomadaire, maintenu par le ministère de la culture depuis la création de la SAS. Aucune décision de dépense ne peut donc être prise sans concertation avec le ministère de la culture.
Auteur : Mme Sophie Blanc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Culture
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 24 décembre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025