Règlementation applicable au port du couteau traditionnel de poche
Question de :
M. Stéphane Mazars
Aveyron (1re circonscription) - Ensemble pour la République
M. Stéphane Mazars appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les incertitudes juridiques qui entoure le port des couteaux traditionnels de poche, tels que l'emblématique « couteau de Laguiole » fabriqué dans le nord Aveyron et protégé depuis octobre 2024 par une « indication géographique ». En l'état actuel de la règlementation, le couteau de poche traditionnel est assimilé à une arme blanche de catégorie D, au même titre que les haches, les machettes, les poignards de combat, les matraques télescopiques, les bombes lacrymogènes ou encore les poings américains et l'article R. 315-1 du code de la sécurité intérieure en interdit le port et le transport sans « motif légitime ». En cas de litige, l'appréciation du « motif légitime » issue de la jurisprudence des tribunaux bénéficiait jusqu'alors au caractère culturel et utilitaire que représente le port quotidien d'un couteau de poche dans les campagnes. Affaire de bon sens s'il en est. Mais, depuis avril 2024, l'expérimentation d'une procédure simplifiée dans les zones dépendant des parquets de Bobigny, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Pontoise, Rennes, Saint-Étienne, Toulouse puis celles sous tutelle du tribunal judiciaire de Paris, est source de vives inquiétudes, dès lors qu'elle rend le port ou le transport d'une arme de catégorie D « sans motif légitime » passible d'une amende forfaitaire de cinquième classe dont le paiement entraîne automatiquement une inscription au casier judiciaire. Et ce d'autant, qu'en l'espèce, le choix de constater ou non l'infraction repose sur la seule appréciation de l'agent verbalisateur. En France et particulièrement en milieu rural, le port du couteau de poche est une tradition bien ancrée, issue de la culture du pays. Comme en témoigne le « couteau de Laguiole » ou le couteau des vignerons « Le Liadou » sur la circonscription de M. le député, il est le reflet d'un territoire et d'une identité. Au-delà de l'aspect pratique et utilitaire, car toujours à portée de main, le couteau de poche est un objet symbolique, fruit du savoir-faire des artisans couteliers, qui se transmet de génération en génération. Par conséquent, il l'interroge sur les mesures qu'il compte prendre pour rendre compatible le contrôle et la poursuite des délits liés au port d'armes avec l'usage quotidien fait par nombre des concitoyens d'un couteau traditionnel de poche, comme le « couteau de Laguiole ».
Réponse publiée le 24 juin 2025
Le Gouvernement est attaché à la préservation des traditions culturelles françaises, tout en assurant la sécurité de nos concitoyens. En effet, le port d'un couteau de poche traditionnel, tel que le Laguiole, représente dans de nombreux territoires ruraux un élément identitaire fort et relève d'un usage quotidien légitime, notamment dans un contexte rural. Les couteaux de poche, comme tout autre couteau, sont effectivement classés en catégorie D au titre des articles 132-75 du code pénal et R.311-1 du code de la sécurité intérieure. Leur port n'est pas interdit en tant que tel mais est soumis à la condition d'un "motif légitime", conformément à l'article R.315-1 du même code. Cette notion de "motif légitime" a précisément été conçue pour tenir compte des réalités diverses de notre territoire et des usages justifiés de la vie quotidienne. L'expérimentation de la procédure d'amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour le port d'armes, instaurée dans plusieurs juridictions depuis avril 2024, vise avant tout à lutter contre les violences armées et ne remet pas en cause l'appréciation contextualisée du "motif légitime". Une éventuelle généralisation du dispositif sur l'ensemble du territoire national pourrait effectivement intervenir dans une échéance prochaine. Il convient de préciser que la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice a produit une doctrine le 12 avril 2024 afin d'encadrer la constatation des infractions de port et transport d'armes de catégorie D par AFD. Cette doctrine établit clairement la distinction entre le port d'arme, qui réside dans le « fait d'avoir une arme sur soi utilisable immédiatement », et le transport, qui consiste à « déplacer une arme en l'ayant auprès de soi et inutilisable immédiatement » (article R. 311-1 III. 10° et 13° du code de la sécurité intérieure). Elle précise également que l'appréciation du motif légitime se déduit des circonstances de temps, de lieu et du contexte, et s'apprécie au cas par cas. Il importe enfin de préciser que la verbalisation par amende forfaitaire délictuelle reste soumise à l'accord du mis en cause. En cas de non reconnaissance des faits par l'intéressé ou de volonté de sa part de faire étudier sa situation par le parquet local, une procédure judiciaire classique est de droit, permettant ainsi un examen plus approfondi de la légitimité du port du couteau traditionnel que l'intéressé peut notamment expliciter dans son audition. Par ailleurs, il convient de souligner que, parallèlement à la doctrine de la DACG, des directives précises sont communiquées par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) aux unités de terrain pour encadrer le dispositif, afin d'assurer une application harmonieuse et proportionnée de l'AFD. Enfin, le contrôle hiérarchique assuré par un encadrement de proximité veille au nécessaire discernement à appliquer en cas de verbalisation. En outre, si la verbalisation par AFD ne nécessite pas de contact préalable avec le parquet, la police judiciaire s'exerce toujours sous la direction du procureur de la République territorialement compétent. Ce magistrat peut ainsi adresser des directives complémentaires au cadre posé par la DACG pour encadrer l'usage des AFD relatives aux armes sur le ressort de son tribunal judiciaire, en tenant compte des spécificités et des usages locaux. Le Gouvernement entend ainsi garantir que la lutte nécessaire contre les violences et menaces armées se concilie avec les circonstances de l'usage traditionnel et légitime des couteaux de poche, lesquels font partie intégrante du patrimoine culturel français.
Auteur : M. Stéphane Mazars
Type de question : Question écrite
Rubrique : Armes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 14 janvier 2025
Réponse publiée le 24 juin 2025