Lutte contre les mutilations sexuelles féminines
Publication de la réponse au Journal Officiel du 27 mai 2025, page 3912
Question de :
M. Hadrien Clouet
Haute-Garonne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Hadrien Clouet appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, sur les coupes budgétaires infligées aux organisations engagées contre les violences faites aux femmes et plus particulièrement contre les mutilations sexuelles féminines (MSF). Erigée en « grande cause du quinquennat » par Emmanuel Macron, la lutte contre ces violences souffre d'un manque criant de financements publics. Les actes n'ont pas suivi les mots du Président de la République. En effet, alors que le rapport de septembre 2023 publié par la Fondation des femmes estimait entre 2,6 à 5,6 milliards d'euros la somme nécessaire pour répondre aux besoins grandissants dans la lutte contre les violences faites aux femmes, le budget annuel alloué par l'État à cette cause ne dépasse pas 184,4 millions d'euros. Pire encore, en dépit de ce manque de moyens, le Gouvernement a adopté le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédit, prévoyant de nouvelles coupes budgétaires de l'ordre de 7 millions d'euros dans le programme budgétaire 137 consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce programme dédié à l'aide et l'accompagnement des victimes de violence, au financement des actions en faveur de l'égalité professionnelle entre les sexes et à la lutte contre la prostitution, prévoyait également le renforcement du soutien au tissu associatif national et local dans la lutte contre les MSF. À ce jour, près de 125 000 femmes victimes d'excision vivent en France et 11 % des leurs filles ont également subi des mutilations sexuelles. Face à ce fléau, le secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations avait oeuvré en 2019 à un plan national d'action visant à éradiquer les MSF. Pourtant, cinq ans plus tard, force est de constater que les moyens déployés ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Les restrictions budgétaires annoncées sont une menace de plus sur les droits des femmes et sur leur sécurité. Par cette décision politique, le Gouvernement mène à la faillite des dizaines d'associations et de structures engagées contre les violences faites aux femmes. La maison des femmes d'Orléans a été contrainte en novembre dernier de lancer un appel aux dons pour financer l'accompagnement et le soin des victimes d'excision. En février 2024, l'ONG « Les Orchidées rouges » tirait la sonnette d'alarme quant à l'avenir de ses activités. L'organisation qui lutte contre les MSF et le mariage forcé depuis 2017 risque de fermer ses deux instituts médico-psycho-sociaux de Lyon et de Bordeaux, les premiers et seuls en France, par manque de subventions publiques. Pourtant, l'association joue un rôle crucial dans la lutte contre les MSF en France et dans le monde. Elle bénéficie même du statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations unies, est membre du comité de suivi du plan national d'actions visant à éradiquer les MSF porté par le secrétariat d'État et appartient au réseau européen End FGM et de la COD MGF, acteur majeur de la lutte contre l'excision en Afrique et en Europe. Depuis la fondation de son premier institut à Bordeaux en 2020, plus de 900 femmes et filles victimes d'excision ont bénéficié gratuitement d'un accompagnement psychologique, médical, sexologique, social et juridique. Plus de 16 000 personnels de santé, travailleurs sociaux, salariés et bénévoles d'associations, membres de l'éducation nationale et personnes issues de la société civile ont été sensibilisés à ces questions. Aussi, M. le député demande-t-il à Mme la ministre quelles mesures elle compte prendre afin d'atteindre l'objectif d'éradication des MSF prévu par le plan national d'action initié en 2019 par le secrétariat d'État dont elle a la charge. Envisage-t-elle une augmentation des subventions publiques accordées aux associations et organisations non gouvernementales engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes et plus particulièrement contre les MSF ? Compte-t-elle mettre en place de nouveaux financements afin de garantir aux femmes victimes d'excision l'accès gratuit aux actes de chirurgie réparatrice en cas de suppression de l'aide médicale d'État ?
Réponse publiée le 27 mai 2025
Le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité de son action. Le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes « Toutes et tous égaux » 2023-2027 constitue sa feuille de route. Les moyens retracés dans le document de politique transversale relatif à la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes, annexé au projet de loi de finances pour 2024, s'élèvent à 5,28 milliards d'euros. Les crédits du programme 137 dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes ont été multipliés par deux et demi en cinq ans, passant de 30,2 millions d'euros en Loi de finances initiale (LFI) en 2020 à 77,4 millions d'euros pour 2024. Les crédits de l'action 25 ouverts en LFI 2024, qui s'élèvent à 38,1 M€ (en AE=CP), financent les dispositifs et actions de lutte contre les violences faites aux femmes, déclinés à l'échelle nationale ou locale. Les Mutilations sexuelles féminines (MSF), atteintes inadmissibles à l'intégrité et aux droits fondamentaux des femmes et des petites filles qui en sont victimes, sont dénoncées et condamnées à l'international comme en France, premier pays européen à pénaliser cette pratique. Ainsi, le Gouvernement poursuit une action volontariste de prévention et de lutte contre les MSF. Dans l'objectif d'améliorer la connaissance du phénomène et de mieux orienter la politique publique en la matière, le secrétariat d'Etat chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes a financé à hauteur de 80 000 euros l'étude MSF PREVAL, publiée en octobre 2022. Il s'agissait d'expérimenter un nouvel outil de collecte de la prévalence directe des MSF dans 3 départements (Seine-Saint-Denis, Rhône, Alpes-Maritimes). Cette méthodologie, unique en Europe, a révélé une diminution du risque d'excision pour la 3ème génération (de 40 à 10 %) et une prévalence de l'excision parmi les femmes de 18 à 44 ans résidant en Seine-Saint-Denis estimée à 7,2 % (22 500 femmes). A la suite de ces constats, des travaux ont démarré en vue d'élaborer un plan francilien sur les MSF et une nouvelle étude MSF-MAP a été lancée, afin notamment d'affiner la connaissance de ce phénomène très localisé sur les 8 départements franciliens. Quant au cadre d'intervention, il se décline dans un plan national d'action dédié aux MSF, lancé en juin 2019, prévoyant plusieurs mesures axées sur l'amélioration de la santé des femmes victimes de MSF ; la meilleure sensibilisation et la formation des professionnels pour mieux prévenir ; l'éradication des MSF au plus près des territoires ; le développement des outils de prévention adéquats ; l'enrichissement de l'état des connaissances. Il a récemment été prolongé par deux autres actions du plan « Toutes et tous égaux » : une campagne de sensibilisation avant les vacances estivales et le déploiement d'un réseau d'ambassadrices auprès des jeunes. Le secrétariat d'Etat chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes soutient les associations spécialisées œuvrant en faveur de l'information et de la prévention de ce fléau, en partie via des conventions pluriannuelles d'objectifs permettant de sécuriser le financement de leurs actions. Ainsi, le groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants, partenaire historique, bénéficie d'une subvention dans le cadre d'une Convention pluriannuelle d'objectifs (CPO) (2023-25) afin notamment d'améliorer la prise en charge des femmes victimes de MSF, de former et sensibiliser les professionnels, la société civile et le grand public ; excision parlons-en ! est soutenue également via une CPO (2023-25) pour mettre en œuvre la campagne annuelle « Alerte excision » et sensibiliser les jeunes au fléau des MSF. De même, en application des instructions N° DGOS/R3/2020/201 du 18 novembre 2020 et N° DGOS/P3/2024/103 du 5 juillet 2024, et conformément au plan « Toutes et tous égaux », des structures médico-sociales de prise en charge globale des femmes victimes de tous types de violences, adossées à un centre hospitalier, sont déployées sur le territoire national. Parmi leurs missions, figure l'accompagnement des femmes ayant subi une MSF et souhaitant avoir accès à une chirurgie réparatrice. En novembre 2024, on compte 99 structures de ce type dans 80 départements, financées à hauteur de 13,4 millions d'euros. Chaque département devrait être doté d'une "maison des femmes / santé" d'ici 2027. En outre, les structures chargées de l'animation des professionnels de la périnatalité en région ont également été missionnées par l'instruction N° DGOS/R3/DGS/SP1/2023/122 du 3 août 2023 relative à l'actualisation des missions des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité, pour assurer un meilleur repérage des MSF auprès des équipes des maternités. Par ailleurs, dans le cadre d'une expérimentation article 51, accompagnée par l'agence régionale de santé d'Île-de-France, le centre hospitalier intercommunal André Grégoire de Montreuil a été autorisé le 29 octobre 2024 à mener un projet d'envergure dans le département de la Seine-Saint-Denis, visant à structurer un parcours de soin personnalisé et multidisciplinaire pour les femmes majeures victimes MSF. Enfin, la France s'engage à être moteur de l'éradication des MSF dans le monde, par sa diplomatie féministe et les multiples actions menées par l'agence Française de développement.
Auteur : M. Hadrien Clouet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Égalité entre les femmes et les hommes
Ministère répondant : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 9 décembre 2024
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 27 mai 2025