La REP PMCB menace la filière bois
Question de :
M. René Lioret
Côte-d'Or (5e circonscription) - Rassemblement National
M. René Lioret appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche au sujet des difficultés auxquelles fait face la filière bois française depuis l'instauration de la responsabilité élargie des producteurs pour les produits et matériaux de construction du bâtiment (REP PMCB). Mise en place en mars 2023 avec la loi AGEC, cette REP était censée encourager le recyclage et la valorisation des matériaux, or le dispositif aboutit paradoxalement à un alourdissement financier pour la filière bois au profit de matériaux moins écologiques. En effet, les éco-contributions sur le bois - parfois quinze fois supérieures à celles du béton - pénalisent son utilisation, en dépit de ses propriétés essentielles pour la captation du carbone. Pour une production de sciage valorisée à 200 euros/m3, l'éco-taxe représentera bientôt 4 % du chiffre d'affaires (en 2025) et pourrait encore doubler d'ici 2027, générant un impôt de production de plus de 220 millions d'euros en 2025, alors même que la moitié des entreprises du secteur sont déjà déficitaires. Cette situation crée une véritable distorsion de concurrence au détriment des entreprises locales spécialisées dans les produits bois, tout en favorisant les importations étrangères, souvent moins vertueuses sur le plan environnemental. Elle conduit également de nombreux acteurs à se retirer du dispositif, comme en témoigne le retrait préventif de 70 % d'entre eux des éco-organismes. De plus, les prévisions sont catastrophiques : une étude menée par l'organisme coordonnateur des trois éco-organismes agréées (OCAB) révèle que le coût global des éco-contributions pour la filière bois s'élèveront à 262 millions d'euros en 2027, soit 62 euros d'éco-contribution par tonne de bois vendue, un chiffre bien supérieur aux 13 euros d'éco-contribution par tonne de béton vendue et aux 10 euros d'éco-contribution par tonne d'acier vendue. Au regard de ces éléments, il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour rétablir l'équité et soutenir la compétitivité de la filière bois. Il lui demande en particulier si une révision des contributions ou une réforme en profondeur de la REP PMCB sont envisagées afin de sauver la filière bois.
Réponse publiée le 17 juin 2025
La filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) de produits et matériaux de construction du bâtiment, créée par la loi anti-gaspillage de février 2020, comporte de très nombreux acteurs. Le cahier des charges de la filière et l'agrément des 4 éco-organismes, qui à la fois collectent les contributions financières des entreprises metteurs en marché des produits et matériaux de construction, organisent la collecte et soutiennent les collectivités locales participant à la gestion de ces déchets pour les particuliers ou les professionnels, a été pleinement effective au début de l'année 2023. Les éco-organismes ont défini dès septembre 2022 le montant des contributions qu'ils appellent en tenant compte de la trajectoire de montée en puissance des soutiens à accorder aux nouvelles installations de collecte et de tri à mettre en œuvre. Les points de collecte à développer et les actions à mener en 2024 et en 2025 nécessitent ainsi des moyens supplémentaires, et les éco-organismes n'ont d'autre choix que d'augmenter le montant de la contribution. Toutefois, le précédent Gouvernement a fait évoluer le cadre réglementaire relatif à ces contributions afin notamment de rétablir l'équité entre les produits de construction en bois issus de scieries qui sont principalement fabriqués en France et les produits de construction en bois préfabriqués qui sont souvent importés. Un premier arrêté a effectivement été publié le 20 février 2024 afin de mettre sur un pied d'égalité les bois français et les bois d'importation grâce à l'introduction d'un taux d'abattement de 20 % applicable aux bois frais de sciage. Il permet également une réduction des coûts supportés par la filière par un report de certaines mesures ; les éco-organismes estimaient la réduction du montant des contributions financières perçues de l'ordre de 100 millions d'euros pour l'année 2024. Un second arrêté a été publié pour compléter ce dispositif le 3 juillet 2024. Il prévoit un nouvel abattement de contribution pour les produits générant des déchets qui sont mieux collectés et valorisés que ceux issus d'autres produits (par exemple les produits en bois versus ceux en plastique) ; le gain pour la filière bois est estimé à près de 45 M€. De plus, un décret permettant de mutualiser les obligations de reprise sans frais des distributeurs de produits et de matériaux de construction entre sites proches, qui permettra un gain pour l'ensemble de la filière REP d'au moins 180 M€, a été publié au Journal Officiel le 21 novembre 2024. Par ailleurs, par un avis publié au Journal Officiel le 5 décembre 2024, le point de prélèvement de la contribution financière a été déplacé plus en aval sur la chaîne de valeur ce qui libérera les entreprises de première transformation du bois du paiement de la contribution financière à compter du 1er janvier 2026. Les services du ministère chargé de l'environnement ont également pris en compte les effets de la conjoncture économique pour diminuer de 40 % le gisement de déchets à prendre en charge par la filière en 2024, ce qui permettra une diminution des obligations budgétaires en conséquence. Ils ont également rappelé aux éco-organismes agréés leurs obligations en matière d'information et de sensibilisation des metteurs en marché pour lutter contre les non-contributeurs et les distorsions de concurrence qui en résultent. Enfin, pour répondre aux préoccupations exprimées par les acteurs de cette filière, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a annoncé un moratoire sur les mesures qui devaient entrer en vigueur en 2025 et lancé une grande consultation de l'ensemble des acteurs de la filière. La question du recyclage et de la valorisation de la reprise des déchets de bois est une question particulièrement prégnante. Des entretiens ont eu lieu au mois de mai pour discuter des propositions exprimées par les différents acteurs. La ministre annoncera le périmètre exact du moratoire et les orientations ayant vocation à structurer la refonte du cahier des charges d'ici cet été. L'objectif est de mettre en place le nouveau cahier des charges avant la fin de l'année.
Auteur : M. René Lioret
Type de question : Question écrite
Rubrique : Bâtiment et travaux publics
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 17 juin 2025