Gestion du stationnement des gens du voyage
Question de :
Mme Louise Morel
Bas-Rhin (6e circonscription) - Les Démocrates
Mme Louise Morel attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la gestion du stationnement des gens du voyage. Depuis la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite loi « Besson », tous les départements doivent établir des schémas départementaux prévoyant « les conditions d'accueil spécifiques des gens du voyage ». Selon cette même loi, les communes de plus de 5 000 habitants sont également tenues de réserver des terrains aménagés aux gens du voyage. Alors que cette loi a permis de clarifier les obligations des collectivités territoriales envers la gestion du stationnement des gens du voyage, elle n'a pas empêché les territoires d'être régulièrement confrontés à des campements illicites. Démunis, les élus locaux en sont réduits à demander à la préfecture de faire intervenir la force publique pour démanteler ces campements ou à voter des motions en conseil municipal, comme c'est le cas dans le département du Bas-Rhin. Par ailleurs, en plus d'être illicites, ces campements font souvent l'objet de dommages et de dégradations. Faute d'une législation permettant que ces dommages et dégradations soient entièrement imputables et récupérables de manière certaine auprès de leurs auteurs, le coût de ces actes est supporté par le contribuable. Ainsi, cette situation alimente également le sentiment d'injustice que ressentent nombre des concitoyens. Aussi, elle lui demande s'il est favorable à ce que les dommages et dégradations causés par ces campements illicites soient entièrement imputables et récupérables de manière certaine auprès de leurs auteurs, de sorte que le contribuable n'en supporte pas les frais. Elle lui demande également son avis sur une éventuelle modification de la législation pour que les collectivités territoriales puissent désormais imposer un niveau tarifaire imputable aux usagers permettant la couverture des frais de fonctionnement des aires d'accueil des gens du voyage dont elles sont gestionnaires.
Réponse publiée le 10 juin 2025
Le régime applicable en matière d'accueil, d'habitat et de stationnement des gens du voyage est actuellement prévu par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée. L'objectif est le juste équilibre entre garantir la liberté d'aller et venir, et éviter des installations illicites pouvant porter atteinte au droit de propriété et occasionner des troubles à l'ordre public. Pour ce faire, les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage formalisent l'obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de créer, d'aménager et d'entretenir des aires d'accueil réservées aux gens du voyage. Au 31 décembre 2023, 80,1% des aires permanentes d'accueil, 62,2% des aires de grand passage et 21,3% des terrains familiaux locatifs prescrits par les schémas départementaux avaient été réalisés. Lorsque la commune ou l'EPCI se sont dotés d'aires et terrains conformes à ce schéma, le maire ou le président de cet EPCI peuvent interdire par arrêté le stationnement des gens du voyage en dehors des aires ou terrains aménagés et en cas de violation de cette interdiction, peuvent demander au préfet de département de mettre en demeure les gens du voyage de quitter les lieux. Lorsque cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effets, l'évacuation forcée des résidences mobiles peut alors intervenir dans un délai de 24 heures sous réserve de l'absence de recours devant le juge administratif. La mise en demeure reste par ailleurs applicable pendant un délai de sept jours et peut donc servir de fondement juridique à une nouvelle mesure d'évacuation forcée lorsque la résidence mobile se retrouve à nouveau en situation de stationnement illicite. Les stationnements illicites peuvent également être sanctionnés pénalement, l'article 322-4-1 du code pénal réprimant le délit d'installation illicite en réunion sur un terrain communal ou privé et la loi du 7 novembre 2018 ayant augmenté les sanctions correspondantes, qui sont désormais d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. En outre, ces dispositions pénales peuvent servir de cadre à la répression des actes de destruction, dégradation ou détérioration des biens appartenant à autrui commis par les gens du voyage, leur réparation pouvant être recherchée par la constitution de partie civile du propriétaire du terrain dans le cadre de cette procédure. Une action civile en responsabilité du fait personnel peut également être introduite indépendamment de toute procédure pénale, en application de l'article 1240 du code civil, en vue de l'obtention d'une indemnité compensatrice de la dégradation. En ce qui concerne les frais de fonctionnement des aires d'accueil, le décret du 26 décembre 2019 relatif aux aires permanentes d'accueil et aux terrains familiaux locatifs destinés aux gens du voyage prévoit que le droit d'usage acquitté par les personnes occupant ces aires comprend le droit d'emplacement et la consommation de l'eau et de l'électricité, variable selon les collectivités et les prestations offertes, mais qui s'établit généralement à 25 euros/semaine. Les personnes s'installant sur ces aires s'acquittent également à leur arrivée d'un dépôt de garantie d'un montant maximum équivalent à un mois de droit d'emplacement qui est restitué au moment du départ de l'aire. En cas de dégradation constatée lors de l'état des lieux de sortie, le gestionnaire conserve tout ou partie du dépôt de garantie selon la gravité des dégâts constatés. Outre le droit d'usage et le dépôt de garantie, les collectivités disposant d'une aire permanente d'accueil perçoivent une aide forfaitaire au titre de l'allocation logement temporaire (ALT2), qui représente un budget de 15 millions d'euros annuel pour l'Etat. Le cumul du droit d'usage et des aides perçues par les collectivités permettent donc de couvrir en grande partie les frais de fonctionnement et d'entretien des aires d'accueil. Par ailleurs, la réglementation permet également de faire supporter le coût des dégradations par les auteurs de ces dernières, le Gouvernement. Sensible aux difficultés d'application rencontrées sur le terrain, le ministre d'État, ministre de l'intérieur a annoncé la mise en place d'un groupe de travail associant le ministère de l'intérieur, les associations d'élus locaux et des parlementaires. Ce groupe de travail devra conduire à l'élaboration d'une nouvelle doctrine d'intervention pour les forces de l'ordre devant permettre de mettre en œuvre efficacement l'ensemble des outils déjà prévus par la loi. Ce groupe de travail pourra également proposer des dispositions législatives nouvelles afin que l'ordre public soit respecté, que des enquêtes patrimoniales puissent être déclenchées, et que les dommages causés soient davantage réparés.
Auteur : Mme Louise Morel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Gens du voyage
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025