Maltraitances et abus dans les foyers d'enfants
Question de :
Mme Gisèle Lelouis
Bouches-du-Rhône (3e circonscription) - Rassemblement National
Mme Gisèle Lelouis alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, sur les maltraitances et abus dans les foyers d'enfants, notamment dans la ville de Marseille. En effet, Antoine de Saint-Exupéry écrivait dans son ouvrage Le Petit Prince : « Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants, mais peu d'entre elles s'en souviennent ». Désastreusement, il arrive que des traumatismes d'enfance puissent marquer la mémoire d'un être, pourtant sous la responsabilité de l'État : c'est le cas d'un bon nombre d'enfants placés dans les foyers pourtant garants de leur protection. Alors que, selon un rapport de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale publié en 2021, 306 800 mineurs dépendaient de la protection de l'enfance en 2018, beaucoup d'entre eux témoignent d'abus et leurs histoires échappent aux statistiques. Dans son pamphlet « Chroniques du mépris ordinaire » dont la presse s'est fait l'écho, l'avocat marseillais Michel Amas révèle plusieurs histoires sordides : agressions sexuelles, viols, prostitution, trafic de stupéfiants, violences physiques et psychologiques, négligence, suicides... Certains sombrent, par ailleurs, dans la maladie psychique, la violence, l'errance et la délinquance. Un rapport récent de l'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, mettait en exergue que Marseille est la ville la plus touchée en France par la prostitution des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE). Certains foyers finissent même par devenir des lieux de recrutement pour jeunes proxénètes, comme le montre un récent reportage de Sept à huit, où plusieurs rabatteuses recrutent des jeunes filles placées, faisant que la moitié des adolescentes qui se lancent dans la prostitution seraient sous la protection de l'ASE, selon un rapport ministériel. Toujours à Marseille, le pédopsychiatre Jokthan Guivarch intervient, depuis deux ans, auprès d'enfants placés dans le cadre de son unité psychiatrique mobile rattachée aux hôpitaux de la cité phocéenne et alerte : « Un enfant sur deux confiés à l'ASE soufre de trouble mental, soit quatre fois plus que pour le reste de la population ». Tout cela a des conséquences sur la santé mentale des enfants, induisant des traumatismes complexes. Au-delà de ces réalités alarmantes, la pénurie d'éducateurs formés et la saturation des foyers d'urgence sont préoccupantes et affectent gravement la vie des enfants : ballottés de famille d'accueil en foyer, ils subissent souvent des mauvais traitements. Plusieurs syndicats des Bouches-du-Rhône ont ainsi porté plainte contre le conseil départemental pour « non-assistance à enfants en danger ». Au tribunal correctionnel d'Avesnes-sur-Helpe en novembre 2023, plusieurs éducateurs non diplômés et stagiaires, alors soupçonnés de maltraitance, ont témoigné sur la charge de travail et la polyvalence nécessaires, menant parfois à des abus ou ingérences. Mme la députée regrette donc le manque d'éducateurs formés ainsi que l'inefficacité des actions gouvernementales pour mieux protéger les pupilles de l'État, malgré le plan de lutte contre les violences faites aux enfants de 2023, qui ne cible pas spécifiquement les violences commises dans les maisons d'enfance. La mise en place, dans chaque département, d'un réseau de soins psychiatriques pour les enfants pris en charge par l'ASE, afin de leur fournir les soins psychiatriques et le soutien psychologique nécessaires, est crucial. L'unité psychiatrique mobile de Marseille en est une preuve. De plus, les foyers offrent rarement l'affection, la sérénité et des conditions d'études adéquates, ce qui fait que 70 % des enfants placés n'obtiennent aucun diplôme. Il est donc urgent de rendre la fonction de famille d'accueil plus attractive et de favoriser le placement chez des membres de la famille élargie. Cela passe par l'évaluation systématique des avantages et inconvénients afin d'éviter tous types de placements abusifs. Elle lui demande donc quelles sont les mesures envisagées afin de lutter contre les abus en foyers sociaux, pouvant engendrer délinquance et violences, alors-même que les placements dans ces derniers sont présentés comme une mesure efficace.
Réponse publiée le 17 juin 2025
Dans un contexte de situation préoccupante du système de protection de l'enfance et des enfants en situation de danger en attente d'un accueil et d'un accompagnement, le Gouvernement sait la nécessité d'une attention renforcée à la protection de l'enfance par les départements et les services de l'État. La refondation de la politique nationale de la protection de l'enfance constitue une des priorités du ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles qui porte aujourd'hui un plan ambitieux de refondation de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), fondé sur les besoins réels des enfants et élaboré en concertation avec les professionnels du secteur et les acteurs du terrain. Ce plan s'appuie pleinement sur les recommandations formulées par la commission d'enquête parlementaire sur les manquements de la politique publique de protection de l'enfance, et s'articule autour de sept priorités : - prévenir et éviter le placement chaque fois que possible, en renforçant la prévention dès la périnatalité grâce à des dispositifs de détection et d'accompagnement précoces, en suivant un plan de soutien à la parentalité ciblé sur les situations de vulnérabilité sociale et familiale et en poursuivant la contractualisation à la prévention entre l'Etat et les départements ; - permettre de grandir dans un cadre familial et stable, en facilitant l'adoption des enfants sans possibilité de maintien de liens familiaux, en faisant évoluer le cadre des pouponnières et en y limitant la durée de placement, en renforçant les capacités d'accueil à caractère familial, notamment d'assistants familiaux, et en ayant recours plus largement aux tiers de confiance et à l'accueil durable et bénévole. L'amélioration des conditions de prise en charge passe en effet par une transition du modèle ; vers un accueil plus familialisé - garantir la santé des enfants, en généralisant des parcours de soins coordonnés des enfants protégés pour un accompagnement global de la santé et en soutenant la création de centres d'appui à l'enfance, ainsi que de 25 nouvelles unités d'accueil pédiatriques enfants en danger en 2025 ; - permettre aux enfants en double vulnérabilité de grandir dans un endroit adapté à leurs besoins en mobilisant le plan « 50 000 solutions » et en développant l'accueil familial thérapeutique - ouvrir le champ des possibles par l'éducation, et en mobilisant les entreprises pour mener à bien des actions concrètes : stages, mentorat, présentations de métiers, accès à la culture… ; - préparer à l'âge adulte pour réussir son insertion et ses projets, en facilitant l'accès aux études supérieures, à la formation et à l'emploi, en accompagnant l'accès au logement et à l'autonomie, en redéfinissant les conditions d'allocation du pécule et en travaillant avec les départements à une meilleure prise en charge des mineurs non accompagnés ; - refonder la gouvernance de la protection de l'enfance en installant les instances nécessaires et en renforçant la présence de l'Etat au niveau local, afin de garantir l'égalité et la qualité de prise en charge sur tout le territoire. Pour mettre en œuvre ce plan de refondation sur le terrain, en collaboration étroite avec les conseils départementaux, les services de l'État s'appuieront notamment sur le cadre renouvelé de la contractualisation avec les départements, axé sur la prévention et la protection de l'enfance. Ce cadre pluriannuel permettra de structurer des actions dans la durée, en mobilisant plusieurs leviers financiers : - des crédits du fonds d'intervention régional pour renforcer la prévention dès la périnatalité, notamment durant les mille premiers jours de l'enfant ; - 50 millions d'euros de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie médico-social pour développer, en lien avec les agences régionales de santé, des solutions adaptées aux enfants à double vulnérabilité et soutenir les professionnels de l'ASE ; - 117 M€ de crédits du programme 304 pour encourager les interventions à domicile et les formes d'accueil à dimension familiale, au cœur de la contractualisation 2025-2027. Par ailleurs, la prévention des abus dans les établissements d'accueil d'enfants pris en charge par l'ASE est évidemment une priorité. La généralisation de l'attestation d'honorabilité pour les professionnels et intervenants constitue une autre mesure essentielle : elle vise à garantir la moralité des personnes en contact avec les enfants, à prévenir les risques de maltraitance et à renforcer la confiance des familles et des partenaires dans les dispositifs d'accueil et d'accompagnement. Ce dispositif se déploie progressivement depuis le 1er septembre 2024. Aujourd'hui, 29 départements sont couverts, ce qui a permis fin avril 2025 de contrôler 160 000 personnes. La généralisation à l'ensemble du territoire interviendra au 1er octobre 2025. Afin de garantir un accompagnement de qualité sur l'ensemble du territoire, L'Etat entend par ailleurs pleinement assumer ses responsabilités en matière d'inspection et de contrôle, conformément à l'instruction du 10 juillet 2024. Ainsi, dans le respect des compétences du Président du conseil départemental (PCD) en charge de l'autorisation, de la tarification et du contrôle des établissements de protection de l'enfance, les préfets ont pour mission de : - s'assurer que chaque département met en place une stratégie de prévention des risques de maltraitance et un plan de contrôle des structures de protection de l'enfance ; - veiller à la mise en place de procédures de signalement des incidents graves et suivre les réponses apportées par les départements ; - appuyer les contrôles engagés par le PCD, en particulier dans les foyers de l'enfance et les structures non autorisées accueillant des mineurs protégés et des jeunes majeurs de moins de 21 ans ; - se substituer au département pour la réalisation de contrôle, en cas de carence manifeste de ce dernier. Cette mobilisation s'inscrit en complémentarité et cohérence des compétences en la matière dévolues à l'autorité judiciaire, telles que rappelées par le garde des sceaux dans sa circulaire du 28 avril 2025. Par ailleurs, l'Etat porte de manière interministérielle, depuis 2024, la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel et l'exploitation sexuelle, dont l'axe 4 vise à poursuivre la lutte contre l'exploitation sexuelle des mineurs, dans la continuité du plan de lutte contre la prostitution des mineurs lancé en 2021. Dans le cadre de cette stratégie, la direction générale de la cohésion sociale déploie et soutient différentes actions sur le territoire pour la protection des mineurs victimes d'exploitation sexuelle. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir à chaque enfant confié à la protection de l'enfance un environnement sécurisé, bienveillant et émancipateur. Cela passe par une action coordonnée de tous les acteurs, une transparence accrue et une réponse rapide à toute défaillance constatée.
Auteur : Mme Gisèle Lelouis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Institutions sociales et médico sociales
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 17 juin 2025