Les Français mangeront-ils des insectes à leur insu ?
Question de :
Mme Christine Loir
Eure (1re circonscription) - Rassemblement National
Mme Christine Loir appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la transparence et la sécurité alimentaire concernant l'incorporation de farines d'insectes dans les produits de consommation courante. Depuis l'autorisation, au niveau européen, de l'utilisation de poudre de larves tel le tenebrio molitor dans l'alimentation humaine, de nombreux consommateurs s'inquiètent de l'absence de garantie claire leur permettant de choisir en toute connaissance de cause les aliments qu'ils consomment. Cette préoccupation légitime concerne tant la transparence de l'étiquetage que les risques potentiels pour la santé. En effet, le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) de 2015 a mis en évidence la capacité de certaines espèces d'insectes à bioaccumuler des substances indésirables telles que les pesticides, les polluants organiques persistants et les métaux lourds, y compris du cadmium, du plomb et de l'arsenic. Par ailleurs, des résidus de médicaments vétérinaires, comme le chloramphénicol interdit en production animale, pourraient également être retrouvés dans ces produits. De telles contaminations pourraient avoir des effets néfastes sur la santé des consommateurs, notamment en cas d'exposition répétée. Outre les risques sanitaires, cette évolution interroge également quant à son impact sur le modèle agricole et gastronomique français. L'introduction progressive d'insectes dans l'alimentation sous couvert d'innovation nutritionnelle ne risque-t-elle pas de fragiliser les filières d'élevage traditionnel, qui assurent à la fois la sécurité alimentaire et la préservation d'un patrimoine culinaire reconnu mondialement ? Les agriculteurs, qui garantissent une alimentation de qualité respectant des normes sanitaires strictes, pourraient voir leur activité menacée au profit de modèles de production alimentaire standardisés et déconnectés des exigences du terroir français. Mme la députée demande donc à Mme la ministre quelles garanties elle entend apporter aux consommateurs afin qu'ils puissent faire un choix éclairé sur les produits qu'ils achètent. Elle souhaite savoir si des mesures plus strictes en matière d'étiquetage seront mises en place afin d'éviter que des ingrédients à base d'insectes ne soient incorporés dans l'alimentation à leur insu. Elle l'interroge également sur les contrôles sanitaires qui seront effectués afin de prévenir tout risque lié à la bioaccumulation de substances toxiques dans ces nouveaux produits alimentaires. Enfin, elle aimerait connaître les actions qu'elle compte entreprendre pour soutenir les éleveurs face à ces évolutions qui pourraient fragiliser leur activité et remettre en question la souveraineté alimentaire française.
Réponse publiée le 16 septembre 2025
Concernant la sécurité sanitaire des aliments élaborés à base de larves de Tenebrio molitor, l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces larves a été délivrée par la Commission européenne, conformément au règlement (UE) n° 2015/2283 relatif aux nouveaux aliments. Ce règlement vise à encadrer la mise sur le marché des denrées alimentaires ne bénéficiant pas d'historique de consommation significative au sein de l'Union européenne (UE) avant le 15 mai 1997. Il poursuit l'objectif premier de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et des intérêts des consommateurs. Ainsi, conformément à l'article 7 du règlement susvisé, les AMM des nouveaux aliments ne sont délivrées que si ces derniers ne présentent aucun risque sanitaire et que leur utilisation n'induit pas le consommateur en erreur. Pour ce faire, les dossiers de demande d'autorisation déposés par les professionnels auprès de la Commission européenne doivent inclure, entre autres, les éléments suivants : - le nom et la description du nouvel aliment ; - la description du ou des procédés de fabrication ; - la composition détaillée du nouvel aliment ; - les preuves scientifiques démontrant que le nouvel aliment ne présente pas de risque en matière de sécurité pour la santé humaine ; - s'il y a lieu, la ou les méthodes d'analyse ainsi qu'une proposition en ce qui concerne les conditions d'utilisation prévue et les exigences spécifiques en matière d'étiquetage. Dans le cadre de la procédure de demande d'autorisation, et notamment dans le cas particulier de l'AMM des larves de Tenebrio molitor, l'Efsa (autorité européenne de sécurité des aliments) a été saisie par la Commission européenne afin de démontrer leur innocuité, dans les conditions d'utilisation spécifiées par les demandeurs. Les avis rendus par l'Efsa dans le cadre des autorisations déjà délivrées portent sur : - l'innocuité des formes congelées et séchées de vers de farine entier (larve de Tenebriomolitor) en tant que nouvel aliment, conformément au règlement (UE) 2015/2283 ; - l'innocuité du ver de farine séché (larve de Tenebrio molitor) en tant que nouvel aliment, conformément au règlement (UE) 2015/2283. Concernant l'étiquetage des produits, conformément au règlement (UE) 2017/2470 établissant la liste des nouveaux aliments autorisés, les professionnels incorporant les larves de Tenebrio molitor dans leurs produits doivent respecter les exigences prévues dans le cadre de l'autorisation. Les denrées contenant ces larves doivent mentionner leur présence, ainsi que la forme sous laquelle elles sont incorporées. Enfin, la mention explicite de risque allergène potentiel lié à la consommation d'insectes, pour les personnes allergiques aux crustacés, doit également être indiquée. En outre et de manière plus générale, le règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 encadre les modalités d'étiquetage des denrées alimentaires, concernant notamment leur composition (énumération des ingrédients dans l'ordre décroissant de leur importance pondérale ou encore obligation d'indiquer le pourcentage d'un ingrédient dans certains cas de figure), afin de renforcer l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires mises sur le marché. Concernant les contrôles sanitaires, la stratégie de surveillance et de contrôle de la chaîne alimentaire définie par la direction générale de l'alimentation (DGAL) tient compte des risques identifiés par les autorités compétentes, conformément aux dispositions de l'article 9 du règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2017, concernant les contrôles officiels […] servant à assurer le respect de la législation alimentaire. Considérant le niveau de consommation encore marginal des denrées alimentaires intégrant des farines d'insectes et le caractère émergent des risques associés à cette consommation, la DGAL souhaite disposer de connaissances scientifiques actualisées et d'outils de hiérarchisation des dangers biologiques et chimiques présents dans ces denrées afin d'optimiser la stratégie de contrôle afférente. En l'occurrence, plusieurs études scientifiques sont actuellement menées par les agences d'évaluation des risques, telles que la saisine en cours de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) portant sur la mise en place d'un outil de priorisation des risques biologiques et chimiques liés aux aliments, dont le produit de l'expertise est attendu pour 2026. Les modalités de programmation des contrôles sanitaires opérés par la DGAL seront réévaluées à l'aune des publications scientifiques attendues et des différents signaux et données contribuant à l'alimentation de la veille scientifique. Depuis 2020, des contrôles officiels dans le cadre du dispositif des plans de surveillance et de contrôle (PSPC) portant sur les protéines animales transformées d'insectes destinées à l'alimentation animale sont réalisés chaque année pour recherche de divers contaminants : salmonelles, pesticides et constituants d'origine animale notamment, en lien avec une autorisation plus historique de l'utilisation de ces produits, notamment pour l'alimentation animale dans le secteur de l'aquaculture.
Auteur : Mme Christine Loir
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agroalimentaire
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 16 septembre 2025