Question écrite n° 4511 :
Lacunes de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement

17e Législature

Question de : Mme Marie-France Lorho
Vaucluse (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Marie-France Lorho interroge Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap, sur les lacunes de la stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement, dont l'autisme. La Haute Autorité de santé estime que le pays compte environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans atteints d'autisme. Depuis la condamnation de la France par la Cour européenne en 2005 pour non-respect des droits des personnes autistes, les plans se sont succédé : de 2005 à 2022, ce sont quatre plans qui ont été proposés par les Gouvernements successifs. Plus récemment, en novembre 2023, le Gouvernement publiait sa stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement, dont l'autisme. L'analyse qu'en a fait en octobre 2024 l'association d'utilité publique Autisme France est assez édifiante : elle pointe le manque de précision quant aux leviers employés, aux financements des mesures comme aux objectifs et aux moyens accordés pour les mettre en œuvre. En ce qui concerne la création de nouvelles solutions d'accompagnement, l'association notait que le plan ne prévoyait « aucune évaluation des besoins, aucun financement ». En matière d'information, l'intention du Gouvernement de « mieux informer les parents et les professionnels de santé des facteurs de haut risque de TND et [de] proposer un parcours de suivi structuré » a été vivement critiquée par l'association qui y voit, Mme la députée la cite, un « verbiage dangereux » soulevant la question d'un potentiel « eugénisme ». La priorisation de l'accueil des enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme dans les crèches apparaît à l'association « sans aucun sens », tant qu'il n'y est pas prévu d'accueil spécifique. Sur le volet du renforcement des professionnels formés pour : « repérer, poser des diagnostics et intervenir auprès des enfants », l'institution dresse un constat assez juste : le médecin étant le seul professionnel en capacité de poser un diagnostic, qui va donc être à l'origine de cette constatation ? Le ministère entend-t-il permettre à d'autres personnels, qui n'ont pourtant pas connaissance des multiples formes d'autisme du spectre, de poser un tel diagnostic ? Alors que la pénurie de soignants se fait particulièrement ressentir en France, alors que le manque d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) prive des milliers d'enfants atteints de ces maux de scolarisation, où Mme la ministre entend-elle donc trouver de tels professionnels ? Le plan annonçait aussi son intention de « créer les conditions d'une scolarité sans entrave et soutenante », dont l'une des mesures consistait à « mieux faire connaître les dispositions existantes pour prendre en compte la fatigabilité des élèves autistes [ ] et aménager leur parcours ». Sans revenir sur les termes employés, dont le sens reste à éclaircir, Mme la députée indique ne pas comprendre comment le Gouvernement entend proposer une scolarité dite sans entraves s'il n'existe même pas d'établissements en nombre suffisant pour accueillir les élèves atteints de troubles du spectre de l'autisme. Enfin, Mme la députée s'interroge sur la mesure du plan annonçant vouloir promouvoir les dispositifs de prévention du suicide : une mesure capitale, que le Gouvernement n'a pas précisée. Pourtant, une étude américaine révélait récemment que le taux d'idées suicidaires chez les autistes était neuf fois plus élevé que dans la population générale. Elle lui demande quelles mesures elle compte prendre pour réparer ces lacunes.

Réponse publiée le 5 août 2025

La stratégie nationale est le fruit d'une large concertation avec de nombreux acteurs dont le Conseil national troubles du spectre de l'autisme - troubles du neurodéveloppement (TSA-TND) qui réunit les associations et professionnels intervenant dans le champ des Troubles du neurodéveloppement (TND), des représentants des collectivités territoriales et les administrations concernées. Autisme France, qui est membre du Conseil national TSA-TND, a toujours montré un engagement sans faille et un niveau d'exigence sur la qualité de l'accompagnement des personnes autistes. Ces convictions fortes sont particulièrement précieuses pour améliorer en permanence l'action publique et lutter contre toute forme de discrimination et de désinformation contraire à la science. En outre, la stratégie nationale 2023-2027 comprend six grands engagements et 81 mesures pour prendre en compte tous les TND et renforcer l'exigence de qualité des réponses aux besoins des personnes concernées. En synthèse, ces engagements portent respectivement sur la recherche, la formation, les diagnostics, l'inclusion scolaire, l'accompagnement des personnes et la qualité de ces accompagnements, l'aide aux familles et la sensibilisation du public aux TND. L'importance des enjeux et des attentes ainsi que le caractère multidimensionnel des problématiques appellent de fait une mobilisation d'instruments et de dispositifs qui relèvent à la fois de la santé publique, du handicap, de la recherche et des politiques d'inclusion scolaire et sociale. Cela appelle également une mobilisation massive de moyens financiers à travers le plan « 50 000 solutions ». Pour porter les ambitions de la stratégie, dont l'enveloppe totale représente 680 M€, le plan « 50 000 solutions » mobilise 1,5 milliard de ressources nouvelles jusqu'en 2030, dont près de 300 M€ au bénéfice direct des personnes autistes ou concernées par un TND, avec une attention particulière à l'émergence de nouvelles solutions d'accompagnement et de soins, plus modulaires et individualisées, au plus près des lieux de vie des enfants et adultes concernés (école, travail, etc.). S'agissant de l'accueil des enfants, la stratégie nationale, en accord avec les recommandations issues de la condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme, privilégie l'accueil collectif en milieu ordinaire, dont l'impact est positif sur la trajectoire développementale des enfants. De plus, des mesures financières portées par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) depuis 2019 permettent de déployer des moyens supplémentaires pour les crèches et les centres de loisirs via un bonus inclusif en cas d'accueil d'enfant avec un handicap, quel que soit ce handicap. Ce bonus, inscrit successivement dans les conventions d'objectifs et de moyens de la CNAF 2018-2022 puis 2023-2027, s'intègre aujourd'hui dans l'un des axes forts du service public de la petite enfance. Ce dispositif financier vient soutenir les gestionnaires pour que tout enfant puisse être accueilli dans de bonnes conditions et que les crèches participent ainsi à la dynamique de repérage précoce, en bonne coordination avec les partenaires médico-sociaux. Le bonus « inclusion handicap » finance l'intervention de professionnels qualifiés dans les établissements d'accueil du jeune enfant, permettant un accompagnement personnalisé des enfants en situation de handicap. Ce soutien couvre divers aspects tels que les activités quotidiennes, les soins, les repas et les transports, assurant ainsi un environnement inclusif. En outre, la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement a déployé plusieurs actions visant à renforcer la qualité de l'accueil des enfants avec TND : - conception et diffusion en 2022 d'un guide d'observation partagée pour les professionnels de la petite enfance et parents en partenariat avec la CNAF ; - renforcement de la prise en compte de la connaissance actualisée et du repérage des TND dans les formations initiales des différentes catégories de professionnels œuvrant dans le secteur de la petite enfance grâce à un kit pédagogique comprenant des éléments réutilisables par les formateurs pour la compréhension de base des TND ; - développement de l'offre de formation continue avec la création du certificat national d'intervention en autisme (certificat national d'intervention en autisme, le module gratuit de formation aux TND disponible en ligne et diffusé via le site internet de l'Université numérique en santé et sport et la formation START, formation continue pluridisciplinaire financée par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, les agences régionales de santé et les opérateurs de compétences. La pose du diagnostic par d'autres professionnels est également au cœur des enjeux de transformation dans le champ de la santé et médico-social. Il pose la question du périmètre de compétences pour les professionnels non-médecins. Cela concerne notamment celui du psychologue qui est en cours d'examen et celui de l'Infirmier de pratique avancées (IPA) en santé mentale qui est désormais en activité dans ce secteur avec des pouvoirs élargis de prescription, un rôle accru dans la prévention et le dépistage en particulier au sein des communautés professionnelles territoriales de santé. Les IPA se voient progressivement confier de nouvelles missions inscrites sur une liste qui permet désormais de primo prescrire dans un cadre précis un certain nombre de médicaments et d'examens. Toutefois, cette liste ne concerne pas encore les bilans et interventions recommandés pour l'accompagnement des personnes avec TND. C'est pourquoi, afin d'éclairer l'enjeu du diagnostic dans le champ des troubles du neurodéveloppement, la délégation interministérielle à l'autisme a organisé un colloque scientifique en janvier 2025 visant à faire le point sur l'amélioration de l'accès au diagnostic. A l'heure où l'école inclusive est en débat au sein de la communauté éducative, il est nécessaire de réaffirmer son importance pour les enfants porteurs de TND. Tous les enfants ont leur place à l'école ordinaire. Les principales difficultés en milieu scolaire sont liées aux enfants autistes avec troubles du développement intellectuel et troubles du comportement qui peuvent connaitre une issue favorable dans 80 % des cas avec une prise en charge adaptée. La scolarité est la première brique de l'inclusion en milieu ordinaire. Au-delà des bénéfices certains pour les enfants avec TND accueillis, c'est un vecteur d'inclusion qui dépasse les personnes concernées, permettant le maintien dans l'emploi des parents, l'accompagnement adapté des fratries. S'agissant du volet scolarité, 136 000 Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) accompagnent des élèves à l'école. 3 000 AESH ont été recrutés à la rentrée 2024. Plus de 490 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire. La stratégie nationale TND 2023-2027 prévoit le doublement des dispositifs TND (Unités d'enseignement maternelle autisme (UEMA), Unités d'enseignement élémentaire autisme (UEEA) et autorégulation) d'ici 2027 : - à ce jour il existe 333 UEMA, 166 UEEA et 78 écoles, 35 établissements du second degré qui bénéficient de l'autorégulation (soit 612 dispositifs au total) ; - à chaque rentrée scolaire en 2025, 2026 et 2027 sont prévus la création de 30 UEMA, 15 dispositifs en école (UEEA ou autorégulation) et le déploiement de l'autorégulation dans 25 collèges ou lycées, soit 70 dispositifs supplémentaires par an et 210 au total. Les 812 dispositifs au total représenteront à terme une solution de scolarisation pour plus de 5 730 élèves avec TND dont l'autisme. Par ailleurs, 101 nouveaux postes de professeurs ressource TND sont créés durant la stratégie nationale, s'ajoutant aux 101 postes déjà existants (soit 2 au total par département d'ici 2027). Ils contribuent à aider les enseignants et les AESH à adapter l'environnement pédagogique et scolaire, complétant ainsi l'accompagnement réalisé par les personnels des pôles ressources de circonscription, les équipes mobiles d'appui à la scolarisation, les personnels du secteur médico-social exerçant une fonction ressource auprès de la communauté éducative (dans le cadre des UEMA, UEEA, unités d'enseignement externalisées, service d'éducation spéciale et de soins à domicile, scolarisations partagées, etc.) ou par les 500 pôles d'appui à la scolarité qui se déploient progressivement. La question de la prise en compte de la fatigabilité des élèves a été inscrite dans les nouveaux cahiers des charges de l'autorégulation à l'école, au collège et au lycée. Des espaces de calme-retrait et d'apaisement en référence aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la haute autorité de santé sont installés dans certains lieux, de l'école maternelle à l'université. Si les TND sont ainsi des troubles bien particuliers, tant sur le plan de l'étiologie que sur celui des tableaux cliniques caractéristiques, ils n'en demeurent pas moins fréquemment associés à des troubles comportementaux et psychiatriques. Les problèmes de santé mentale sont notamment plus fréquents chez les personnes autistes que dans l'ensemble de la population. Une méta-analyse publiée en 2019 et portant sur 96 études scientifiques met ainsi en avant les chiffres suivants : - 20 % de troubles anxieux chez les personnes TSA, contre 15 % en population générale ; - 9 % de troubles obsessionnels compulsifs chez les personnes TSA, contre 4 % en population générale ; - 5 % de troubles bipolaires chez les personnes TSA, contre 3 % en population générale ; - 4 % de troubles schizophréniques chez les personnes TSA, contre 2 % en population générale ;  - 13 % de troubles du sommeil chez les personnes TSA, contre 11 % en population générale. De la même façon, différentes études tendent à montrer qu'il existerait une proportion plus élevée de personnes avec un trouble des conduites alimentaires chez les personnes autistes. Le centre iMIND (centre d'excellence autisme et troubles du neurodéveloppement rattaché au centre hospitalier Le Vinatier) estime ainsi que vivre avec un TSA multiplie par cinq le risque d'anorexie mentale, par rapport à l'ensemble de la population. On retrouve également une intrication forte entre Trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et problématiques de santé mentale. La Déclaration de consensus international de la Fédération mondiale pour le TDAH publiée en 2021, précise ainsi en son point n° 18 que « de nombreuses études épidémiologiques et cliniques à grande échelle montrent que le TDAH coexiste souvent avec d'autres troubles psychiques, comportementaux ou du neurodéveloppement. » La note de cadrage sur le TDAH publiée en 2021 par la haute autorité de santé pointe également que les symptômes du TDAH peuvent « s'exprimer par une nervosité mentale et physique, des troubles du sommeil, une instabilité émotionnelle ou être compensés par l'utilisation de drogues ou d'alcool. » Plusieurs mesures de la stratégie nationale font ainsi directement référence à la santé mentale ; cela concerne en premier lieu toutes les mesures relatives à la formation et à la sensibilisation des professionnels de santé, du médico-social et de l'éducation nationale. Par ailleurs, un groupe de travail spécifique sur la santé mentale des jeunes 16-25 ans concernés par un TND a été créé pour les écouter et identifier leurs besoins. Les travaux se poursuivent pour concevoir un protocole national de prévention des ruptures de parcours lors du passage à l'âge adulte. En outre, la mise en place progressive d'une filière TDAH dans tous les territoires s'accompagnera de la mise en place d'un protocole national de soins qui comprendra un volet santé mentale. Enfin, la délégation interministérielle collabore avec la délégation ministérielle à la santé mentale dont la feuille de route en santé mentale mise en œuvre depuis 2018 a notamment renforcé les moyens dédiés à la prévention du suicide et développé un dispositif facilitant l'accès à un soutien psychologique (Monsoutienpsy). Ce plan de santé publique en 30 mesures représente 1,9 milliards d'euros à horizon 2026.

Données clés

Auteur : Mme Marie-France Lorho

Type de question : Question écrite

Rubrique : Maladies

Ministère interrogé : Autonomie et handicap

Ministère répondant : Autonomie et handicap

Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 5 août 2025

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