Problématiques statutaire et financière des cabinets libéraux de radiothérapie
Question de :
M. Thibault Bazin
Meurthe-et-Moselle (4e circonscription) - Droite Républicaine
M. Thibault Bazin attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur les problématiques statutaire et financière des cabinets libéraux de radiothérapie. Il y a aujourd'hui en France 86 structures de radiothérapie libérale prenant en charge 105 500 patients. Depuis plusieurs années et à la demande des acteurs du secteur de la radiothérapie, le gouvernement a engagé l'expérimentation d'un nouveau modèle de financement de l'activité de traitement du cancer par radiothérapie, afin de confirmer l'évolution d'un financement fondé sur la facturation à la séance et sur un volume d'actes vers un financement forfaitaire. Ceci jusqu'au vote d'un amendement à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 qui a introduit ce principe et précisé ses modalités d'application. Cependant, cette forfaitisation ne s'applique aujourd'hui qu'aux établissements de santé tels que définis à l'article L. 162-22 du code la santé publique, classification qui exclut de fait une grande majorité de centres de radiothérapie en tant que cabinets libéraux, ceux-ci ne pouvant visiblement obtenir une modification de leur statut juridique et ainsi bénéficier de la nouvelle nomenclature. Or cette réforme avait notamment pour objectif de favoriser l'innovation et l'investissement au bénéfice des patients, ce sur quoi les cabinets libéraux ne semblent pas en reste. En outre, à cette situation s'ajoute un autre facteur d'inquiétude qu'est la financiarisation, soit la possibilité pour des investisseurs d'obtenir des autorisations de radiothérapie. Ainsi, d'après des chiffres publiés par le syndicat nationale des radiothérapeutes oncologues, dans 40 % des services de radiothérapie libérale, l'autorisation de traiter n'est plus détenue par des radiothérapeutes. Ainsi, il lui demande sous quelles modalités il serait envisageable d'étendre le modèle de forfaitisation à tous les établissements de radiothérapie, ainsi que ce qu'il entend mettre en place pour garantir la stabilité des coûts et la qualité des traitements de radiothérapie en cabinet libéral face aux dangers de la financiarisation.
Réponse publiée le 1er juillet 2025
L Les dépenses de radiothérapie (2,1 Md€ de dépenses tous secteurs en 2023) sont en forte hausse depuis plusieurs années. Cette évolution est difficilement maitrisable et va au-delà de l'augmentation stricte du nombre de patients. Elle s'explique principalement par de règles de tarification et une nomenclature obsolète qui sont questionnées tant au regard de la pertinence des actes, qu'à l'efficience du système de santé. Ces règles de financement créent des avantages économiques marqués par statuts d'opérateurs (publics ou privés) : Le secteur ex-DG (établissements publics et privés non lucratifs) facture son activité à la séance de préparation et/ou d'irradiation, selon des tarifs associés à des groupes homogènes de séjours. Le secteur libéral facture à l'acte selon une nomenclature obsolète inchangée depuis 2004 qui correspond à une activité de cobalthérapie déterminée en fonction du niveau de dose. La valorisation directe de chaque séance ou acte ne favorise pas la maîtrise médicalisée des dépenses. Le poids de la radiothérapie est en constante progression au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Par ailleurs, la tarification à la séance ou à l'acte n'incite pas les radiothérapeutes aux évolutions de prise en charge permettant de réduire le nombre de séances par patient, comme cela est possible grâce à l'hypofractionnement ou celles qui tendent à minimiser la dose et le champ d'irradiation. Il en découle un frein à l'innovation et à la diffusion de bonnes pratiques. La forfaitisation de la prise en charge par traitements de radiothérapie a fait l'objet de travaux depuis 2014 avec l'ensemble des acteurs du secteur mais qui ont été interrompus avec la crise sanitaire. Depuis l'automne 2022, le haut conseil des nomenclatures a entrepris une révision de la nomenclature des actes. L'objectif conjoint des professionnels de santé et des autorités sanitaires est de réviser la nomenclature de radiothérapie et de curiethérapie afin d'identifier de façon pertinente et efficiente les différentes techniques et permettre ainsi la diffusion de l'innovation au bénéfice du patient. La nature des prestations qui sont proposées sera désormais des « forfaits », plutôt que de simples actes, décrivant une séquence de traitement complète. La valorisation ne serait plus incitative à la multiplication des séances. Dans le même temps, l'article L. 162-22-3 du code de la sécurité sociale a été modifié par les lois de financement de la sécurité sociale 2024 et 2025 pour permettre la prise en charge des prestations d'hospitalisation par des forfaits déterminés en fonction de la nature de la prise en charge, des techniques utilisées et des caractéristiques des patients. Cette prise en charge forfaitaire s'appliquera aux activités de traitement des cancers par radiothérapie avec une date d'effet au 1er octobre 2025. Si cette échéance est, aux termes de la loi, seulement opposable aux établissements de santé, le ministère chargé de la santé et l'Assurance maladie travaillent de concert, depuis le début des concertations, à une réforme de financement de la radiothérapie commune aux établissements et aux cabinets libéraux, dans l'esprit de l'amendement adopté au Parlement. La démarche conjointe et concertée avec l'ensemble des acteurs de la filière témoigne d'une volonté d'aboutir à un modèle de financement commun au secteur libéral et aux établissements de santé. Les services du ministère chargé e la santé et de l'Assurance maladie mettent tout en œuvre pour que ces travaux puissent aboutir dans un calendrier convergent dans les deux secteurs, même si les modalités de définition des nomenclatures et des tarifs relèvent de processus distincts (par voie réglementaire d'un côté et par voie conventionnelle de l'autre). Concernant le sujet de la financiarisation de la santé, elle a pendant longtemps principalement concerné le secteur des établissements de santé et médico-sociaux privés et s'étend désormais aux secteurs de la biologie médicale mais aussi plus récemment de la radiologie, de la radiothérapie, des centres de santé ou de l'officine de pharmacie. Si elle peut s'accompagner d'effets positifs en favorisant l'arrivée de capital alors que les besoins d'investissement sont très forts, ce phénomène n'est pas exempt de risques et suscite des craintes parmi les professionnels de santé, notamment liées à une perte d'indépendance pour les professionnels exerçants. Une mission relative à cette thématique a récemment été confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l'Inspection générale des finances (IGF). Les conclusions de cette mission viendront alimenter les travaux actuellement menés par les directions du ministère de la chargé de la santé, en cohérence avec les recommandations du rapport publié en septembre 2024 dans le cadre de la mission d'information du Sénat sur la financiarisation de la santé. La détention des autorisations d'activité de soins ou d'équipements matériels lourds pour la radiothérapie par des acteurs financiers fait l'objet d'une attention toute particulière de la mission IGF-IGAS. Ces travaux auront pour objectif d'évaluer l'adéquation du cadre juridique en vigueur et, le cas échéant, de formuler des propositions de régulation. Les propositions pourront notamment porter sur les mécanismes visant à garantir la qualité des soins et à préserver le maillage territorial, au sein des secteurs concernés par la prise de participation d'acteurs financiers au sein de structures concourant à l'offre de soins.
Auteur : M. Thibault Bazin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 25 mars 2025
Réponse publiée le 1er juillet 2025